🚩 La psychologie de Julian Assange, partie 4 : pourquoi même certains gauchistes veulent le voir pendu 🎗⏳
Donnez-moi le contrôle des médias, des récits à travers lesquels les individus comprennent le monde... plus besoin de police ni d'armée. Vous emprisonnerez les gens dans leur propre esprit.
Vous êtes persuadés que Julian Assange a permis à Trump de remporter l'élection ? Persuadés qu'il a violé deux femmes en Suède ? Vous voulez le voir pourrir en prison ? Le quatrième volet d'une série de cinq articles rédigés par le Dr Lissa Johnson, psychologue clinicienne, explique les fondements scientifiques de la diffamation et de la propagande, et explique comment et pourquoi ils fonctionnent.
✒️ Par Lissa Johnson, le 15 mars 2019, New Mathilda
📌 Les dimanches 3 et 10 mars, des centaines de personnes ont participé aux rassemblements organisés par le Socialist Equality Party australien à Sydney et Melbourne, pour exhorter le gouvernement australien à garantir la liberté de Julian Assange.
Le légendaire journaliste et réalisateur John Pilger a pris la parole lors du rassemblement de Sydney, aux côtés du fondateur de la Sydney Peace Foundation, le professeur Stuart Rees AM, et du rédacteur en chef du site d'information américain Consortium News, Joe Lauria.
Les rassemblements ont appelé le gouvernement australien à intervenir pour protéger son citoyen, Julian Assange, qui est confiné à l'ambassade d'Équateur depuis 2012. Julian Assange est victime d'une détention arbitraire au regard de deux décisions de l'ONU. S'il quitte l'ambassade, il risque d'être extradé vers les États-Unis et poursuivi pour ses activités de publication, très probablement pour avoir révélé en 2010 des informations sur les crimes de guerre perpétrés par les États-Unis en Irak et en Afghanistan.
Selon le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire (GTDA), Julian Assange sera exposé à des risques "fondés" de "persécution politique et de traitement cruel, inhumain et dégradant" et à des "atteintes à son intégrité physique" aux États-Unis. Le groupe de travail a également statué que Julian Assange avait droit à une indemnisation et au recouvrement de sa liberté.
Peu avant le rassemblement de Melbourne, le gouvernement américain a intensifié ses poursuites à l'encontre du fondateur de Wikileaks en annonçant que Chelsea Manning avait été emprisonné pour avoir refusé de témoigner devant un grand jury contre Assange. Wikileaks a tweeté : "Les lanceurs d'alerte sont désormais contraints de témoigner contre des journalistes. C'est un nouvel angle d'attaque contre la liberté des médias".
Evrim Yazgin, président de l'organisation International Youth and Students for Social Equality, a déclaré lors du rassemblement de Melbourne : "Nous sommes à l'avant-garde des tentatives des gouvernements et de l'élite des entreprises d'abolir la liberté d'expression, de censurer l'internet et d'étouffer le sentiment anti-guerre des masses".
L'organisateur du rassemblement, James Cogan, a ajouté que "l'administration Trump s'apprête à déposer les premières accusations criminelles contre un éditeur de presse, Wikileaks, en utilisant les pouvoirs de la loi sur l'espionnage de 1917".
John Pilger - Rally to Free Julian Assange : sous titres disponibles
Prenant la parole la parole lors du rassemblement de Sydney, le rédacteur en chef de Consortium News, Joe Lauria, a demandé : "Du point de vue des États-Unis, il est facile de comprendre pourquoi ils veulent écraser Assange. Mais quelle est l'excuse de l'Australie ? Pourquoi mène-t-elle les mêmes campagnes que l'Amérique ? Pourquoi les grands médias australiens se sont-ils également retournés contre Assange après une élection disputée aux États-Unis, et non ici ? Qu'est-il arrivé à la souveraineté de l'Australie ?"
Au sujet de la souveraineté, Stuart Rees, professeur émérite de politique sociale, a fait remarquer que la culture australienne des relations avec les États-Unis et le Royaume-Uni "est dominée par la lâcheté : l'Australie a peur de remettre en question ce qui se passe au Pentagone, à la Maison Blanche, ou même à Westminster".
Malgré leur importance et leur actualité, les rassemblements de Sydney et de Melbourne, comme celui de Sydney en juin de l'année dernière, ont fait l'objet d'un black-out presque total de la part des médias mainstream.
La suppression des informations mettant en lumière la véritable histoire de la persécution de Julian Assange, comme les rassemblements australiens, s'inscrit dans la campagne de diffamation menée depuis dix ans contre Julian Assange et Wikileaks, comme nous l'avons expliqué dans la deuxième partie de cette série. Lors du rassemblement de l'année dernière, John Pilger a retracé cette campagne de diffamation en évoquant un document publié en 2008 par le service de contre-espionnage cybernétique du ministère américain de la défense (DoD), lequel décrivait un plan visant à anéantir la "confiance" au "centre de gravité" de Wikileaks.
Comme nous l'avons vu dans la troisième partie, plus de dix ans après que le DoD a élaboré son plan pour attaquer la confiance portée à Wikileaks, l'offensive a pris la forme du Russiagate, les partisans du Russiagate défilant au pas de charge derrière l'administration Trump qui mène sa répression autoritaire contre la liberté d'expression par l'intermédiaire de Julian Assange et de Wikileaks.
Pour justifier cette poursuite, les guerriers de la #Resistance™ placent leur foi dans les agences de renseignement américaines, avec leur longue histoire de mensonges, plutôt que dans Wikileaks et son dossier d'exactitude irréprochable.
Comment ? Pourquoi ?
Dans la première partie, j'ai proposé que, conformément au modus operandi du contre-espionnage qui, selon le site Web de la CIA, cherche à "tirer parti des connaissances" sur les "vulnérabilités" de l'adversaire, chaque vulnérabilité majeure du système humain de traitement de la réalité a été mise à profit et exploitée afin de saper la confiance en Wikileaks depuis que le DoD a lancé sa mission contre son éditeur en 2008.
La finalité psychologique de cette mission a été de mobiliser les populations pour une guerre contre le journalisme à travers Julian Assange, et d'obtenir le consentement du public pour traiter le journalisme d'intérêt public comme l'ennemi public numéro un.

Dans ce cas, l'"adversaire" dans le collimateur des États-Unis n'est pas uniquement Julian Assange et Wikileaks, les populations mondiales que Wikileaks cherche à informer le sont tout autant. Ce sont nos propres vulnérabilités - celles des systèmes de traitement de l'information de tous les êtres humains - qui ont été mises à profit et exploitées dans le cadre de la campagne de contre-espionnage déployée à l'encontre de Wikileaks.
Je ne dis pas cela uniquement à cause du plan de 2008 du ministère de la défense visant à anéantir Wikileaks. Je dis cela parce que mon doctorat en psychologie portait sur les processus psychologiques par lesquels une personne influence les croyances d'une autre sur la réalité. Par conséquent, je connais l'abondante littérature psychologique concernant le système humain d'attribution de la réalité, ses vulnérabilités et la manière dont ces faiblesses peuvent être exploitées et manipulées. Et je vois les empreintes de tactiques psychologiques partout dans la campagne de diffamation contre Julian Assange.
En outre, l'essence même des opérations psychologiques, telles que la guerre contre la confiance menée par le ministère de la défense, consiste à exploiter les faiblesses du traitement de l'information par l'être humain. Un document militaire sur les PSYOPS publié par l'état-major interarmées en 2003, par exemple, définit les opérations psychologiques comme "des opérations planifiées... pour influer sur les émotions, les motivations, le raisonnement objectif et, en définitive, le comportement" des publics cibles.
Mais comment, concrètement, les faiseurs d'opinion influencent-ils les émotions, les motivations et le raisonnement objectif des publics cibles ?
Par la propagande. La propagande, membre de la famille à part entière des opérations psychologiques, implique "la manipulation organisée, systématique et intentionnelle de l'information de manière à déformer la perception de la réalité par les individus ou à les pousser à adopter un comportement qu'ils n'auraient pas adopté sans cela", écrit le professeur Piers Robinson, titulaire de la chaire de politique, de société et de journalisme politique à l'université de Sheffield et directeur de l'Organisation for Propaganda Studies (Organisation pour les études sur la propagande).
La propagande et les relations publiques représentent d'ailleurs plus de 80 % du contenu des médias grand public contemporains, selon une étude récente de l'université d'État de Sonoma. La mise hors service de Wikileaks et de Julian Assange fait partie du maintien de cet état de fait.
Comme le souligne le professeur de communication Sut Jhally, producteur exécutif de The Occupation of the American Mind, "donnez-moi le contrôle des médias, donnez-moi le contrôle des récits à travers lesquels les individus comprennent le monde... et vous n'aurez plus besoin de police ni d'armée dans les rues. Vous pouvez emprisonner les individus dans leur propre esprit. Vous pouvez les emprisonner dans leur propre esprit, dans leur propre imagination".
Sut Jhally - Occuper le cerveau des Américains : la campagne de relations publiques d'Israël aux États-Unis - Sous titres non disponibles
Mais quels sont les processus psychologiques par lesquels la perception de la réalité peut être manipulée ? Quelles vulnérabilités peuvent être exploitées à cette fin ? Comment la guerre contre la confiance et le journalisme est-elle menée ?
Manipulation de la réalité chez l'homme
Les vulnérabilités dans le traitement de la réalité humaine peuvent être conceptualisées à deux niveaux.
Le premier est un niveau central, motivationnel, qui implique des processus orientés vers les sens. Ce niveau détermine les versions de la réalité qu'une personne est psychologiquement susceptible d'accepter. Il détermine quelles graines de propagande sont susceptibles de prendre racine, et à quel moment. La plupart d'entre nous, la plupart du temps, par exemple, sont plus enclins à accepter des réalités flatteuses que des réalités peu flatteuses à notre sujet.
Le deuxième niveau est plus technique, plus superficiel, et c'est à ce niveau que certaines versions de la réalité, une fois semées, sont consolidées et enracinées. Les processus de propagande à ce niveau fonctionnent un peu comme l'arrosage d'une graine de propagande après l'avoir plantée. Les vulnérabilités techniques sont liées à des mécanismes de traitement de l'information axés sur l'efficacité, qui privilégient la rapidité à la précision. La répétition, par exemple, favorise la fluidité du traitement, que le cerveau considère comme un indicateur rapide et concret de la réalité ou de la vérité.
Les vulnérabilités à ces deux niveaux découlent du fait, largement sous-estimé, que la perception humaine de la réalité sert une série d'objectifs autres que l'exactitude. La perception humaine de la réalité est guidée par divers objectifs tacites et inconscients, notamment des objectifs sociaux tels que les besoins d'appartenance et de connexion, ou des objectifs personnels tels que l'estime de soi. Ou encore des objectifs liés à la survie, tels que la défense contre des réalités qui pourraient nous faire péter les plombs.
Ces objectifs déterminent inconsciemment les informations que nous acceptons ou rejetons, et ce que nous considérons subjectivement comme "logique", "rationnel" ou vrai, ce qui a un impact sur notre perception du monde. Les psychologues appellent cela la cognition motivée.
Par exemple, le désir de connexion et d'appartenance rend les êtres humains enclins à aligner leur perception du monde sur celle de leur entourage. Cela confère à la perception de la réalité des tendances involontairement conformistes, aisément exploitées dans les offensives de propagande et les campagnes de diffamation.
Dans l'ensemble, une grande partie du traitement de l'information humaine est non seulement influencée par ces motifs inconscients, mais aussi fondamentalement déterminée par ceux-ci, quel que soit le degré de logique ou de rationalité que nous nous attribuons. En fait, les influences souterraines sur la pensée consciente sont si puissantes que, dans le domaine de la cognition politique, la raison a été décrite comme un "flingue de location" au service de l'émotion.
"Les humains excellent à croire ce qu'ils veulent croire", écrivent les psychologues politiques John Jost et ses confrères. C'est d'autant mieux pour faire de la propagande.
Cette vision de la cognition humaine s'appuie sur "trois décennies de recherche en sciences cognitives, soutenues par des centaines d'études comportementales bien conçues en psychologie sociale et, désormais, par des preuves issues des neurosciences", notent les professeurs de sciences politiques Milton Lodge et Charles S. Taber. La recherche neuroscientifique qui examine la cognition à la milliseconde, par exemple, montre que l'émotion entre dans le flux de la décision bien avant la pensée consciente. En définitive, Lodge et Taber décrivent le raisonnement politique comme "un bouchon de liège flottant sur les courants des processus inconscients".
"Pas moi", me direz-vous, "je suis rationnel".
Peut-être. Certains états d'esprit et certaines circonstances favorisent une perception orientée vers l'exactitude, rendant certaines personnes et certaines situations plus résistantes à la propagande. Si vous êtes tenté de lire la suite pour savoir qui et pourquoi, alors vous en faites peut-être partie.
Entre-temps, quelles vulnérabilités motivationnelles fondamentales, axées sur le sens, ont été exploitées dans la campagne de diffamation contre Wikileaks et Julian Assange ? Comment les faiseurs d'opinion ont-ils renversé la réalité aux yeux de certains, en faisant de la censure un bastion de la démocratie et de la liberté d'expression une menace à écarter ?
Pour parvenir à une telle inversion, les propagandistes se sont heurtés au fait que les artistes de la diffamation ont eux-mêmes un long passé de violence et de corruption à couper le souffle, comme l'a révélé Wikileaks, entre autres. Les institutions et établissements américains, par exemple, ont été surpris en train de piller et d'occuper des populations paupérisées et ravagées par des catastrophes, de torturer illégalement des détenus, de truquer des élections fédérales ou encore de couvrir pour leurs propres massacres de civils et crimes de guerre à grande échelle.
Pour que les institutions à l'origine de ces actes s'approprient la confiance de Wikileaks et de Julian Assange, nous, les citoyens, devons être incités à minimiser, à ignorer et à passer sous silence leur corruption étatique et corporatiste, ainsi que la fonction de service public assurée par Wikileaks en l'exposant. Blâmer Julian Assange pour l'élection de Donald Trump, par exemple, nécessite de négliger le fait que ce sont les démocrates qui ont soutenu Trump.
Comment les propagandistes parviennent-ils à un tel tour de passe-passe ? Ils s'appuient sur la pulsion humaine pour justifier le système.
Justification du système
Tout comme les individus sont généralement motivés pour se voir sous un jour favorable, nombreux sont ceux qui sont motivés pour voir leurs systèmes sociaux, politiques et économiques sous un jour favorable eux aussi. Cette tendance a été baptisée "justification du système".
Les impulsions de justification du système rendent les membres d'une société très sensibles aux messages minimisant les problèmes de leur société, occultant les failles systémiques et glorifiant le statu quo.
Un solide programme de recherche psychologique démontre que les motivations de justification du système obligent de nombreuses personnes à percevoir les systèmes dont elles dépendent comme étant justes, bons, légitime et équitables, même face à de puissantes raisons de ne pas le faire, et même lorsqu'elles souffrent aux mains du système.
Le pionnier de la théorie de la justification des systèmes, le psychologue politique John Jost de l'université de New York, affirme que "des centaines d'études ont désormais confirmé les prédictions dérivées de la théorie de la justification des systèmes, illustrant de manière frappante la façon dont les individus soutiennent le statu quo et minimisent ou ignorent ses défauts, le percevant ainsi comme plus légitime qu'il ne l'est en réalité".
Une conclusion contre-intuitive de cette recherche, particulièrement pertinente pour Wikileaks, est que les failles d'un système exacerbent généralement les tendances à la justification du système plutôt qu'elles ne les atténuent. Les failles inhérentes au système, telles que la corruption ou l'injustice, qualifiées de menace pour le système, mettent en péril le sentiment psychologique de sécurité, de bien-être et de sens qu'apporte un système qui fonctionne.
Plutôt que de critiquer le système à la lumière de ses défaillances, de nombreuses personnes sont enclines à renforcer la légitimité du système afin de rétablir leur sentiment de sécurité et de bien-être.
Par exemple, à la suite d'une révélation de Wikileaks.
Dans d'innombrables études, lorsque les gens lisent des passages ou des articles soulignant les problèmes de leurs systèmes politiques, économiques ou sociaux, comme un article sur le déclin de la société américaine, ils adoptent une attitude défensive, en rationalisant davantage les systèmes décrits et en leur accordant une plus grande foi et une plus grande confiance.
Étant donné que la justification du système agit de cette manière pour protéger les individus des dures réalités, John Jost la décrit comme une forme d'auto-illusion, alimentant "l'illusion fondamentale" sur le monde social et politique. Son influence sur le traitement de l'information politique est, selon lui, "profonde".
Compte tenu de son influence considérable sur le raisonnement politique, à la lumière des failles dévastatrices de la démocratie américaine révélées par Wikileaks en 2016 (truquage des élections, positions "publiques" contre positions "privées" et connivence entre l'État et les entreprises), on aurait pu s'attendre à ce que la pulsion de justification du système se mette en branle. Afin de se défendre contre les dures réalités révélées par Wikileaks (par exemple, l'imposture de la démocratie), les illusions justifiant le système (par exemple, tout est de la faute de la Russie) étaient prêtes à s'installer, légitimant ainsi un système considéré comme bancal.
Le Russiagate s'est attaqué férocement à ces vulnérabilités psychologiques, en alimentant l'autodérision collective avec des matériaux délirants à foison, dans lesquels la légitimité des élites truqueuses d'élections a été renforcée et Wikileaks a été présenté comme la bête fautive à l'origine de l'affaire.
Dans une panique justifiant le système, une obsession persécutrice s'est emparée des tropes de "malfaiteurs étrangers" sans preuve, s'éloignant des réalités acceptées en matière d'ingérence électorale interne, et le Russiagate a doublé le caractère sacré de ce qui avait précisément été révélé comme faisant défaut, à savoir la "démocratie américaine".
Capitalisant sur la défense fallacieuse du statu quo brisé, le Russiagate a étayé la démocratie américaine par une pensée magique, dans laquelle des posts puérils sur les réseaux sociaux, pour la plupart invisibles ou non vus et hors de propos - tels que Bernie Sanders en caleçon Boxer - ont détourné le cerveau des électeurs, semé la division raciale et de classe dans un pays d'harmonie sociale, et souillé la démocratie.
Complété par un fantasme illusoire selon lequel les agences de renseignement américaines seraient des sauveurs progressistes, le Russiagate est en effet un "délire fondamental". Il s'est avéré aussi éloigné de la logique et des preuves que n'importe quel système de croyance délirant, et aussi imperméable à l'épreuve de la réalité.
Dans cette vision persécutrice du monde, toute critique systémique de l'État-entreprise est un complot russe. Un retraité britannique qui aime lire et tweeter ? Russe. Un commentateur syrien vivant à Perth et possédant une chaîne YouTube ? Russe encore. Des militants écologistes ? Oui. Russes. Jill Stein ? Russe aussi. Black Lives Matter ? Les Russes ont attisé ce mouvement. Les Afro-Américains ? Ils ne peuvent pas penser par eux-mêmes, ces Afro-Américains, selon le Russiagate. La Russie contrôle leurs esprits. Donc, oui, des Russes. Wikileaks et Julian Assange ? Russe. C'est évident. Russe, russe, russe.
Si les russophiles souffraient d'hallucinations auditives et entendaient les voix de Joseph McCarthy lui-même, ils pourraient difficilement imiter la psychose collective avec plus de succès.
Comme à l'époque de McCarthy, le spectre au centre de cette idéation [ndr : formation et enchaînement des idées] paranoïaque est un spectre familier : le croquemitaine étranger. Comme le croquemitaine immigré de l'autre côté de l'allée, il remplit la même fonction psychologique que les croquemitaines étrangers ont toujours remplie : protection contre les horribles vérités du pays, refuge contre les dures réalités et repli dans la familiarité du statu quo. Au détriment de Julian Assange. Et de la critique systémique de l'État-entreprise.
Pour les élites dont il sert l'agenda, l'ensemble du processus de justification du système permet de maintenir le pouvoir, d'étouffer la dissidence et de rationaliser la guerre.
Dans le cas de la guerre de l'information contre les "rébellions de l'information" sur le "champ de bataille" de l'internet, comme l'a entendu une que commission judiciaire du Sénat, les victimes de cette guerre sont les journalistes et les éditeurs, dont Julian Assange, et les populations qu'ils cherchent à informer. Ce sont des êtres humains qui partagent des informations, déshumanisés et éliminés, comme le sont toujours les victimes d'une guerre, derrière le croque-mitaine - en l'occurrence le Russe - sur lequel les populations occidentales qui justifient le système sont incitées à projeter leur rage et leur peur.
C'est ainsi que la réalité est inversée. Ceux qui sont exposés comme corrompus sont considérés comme vertueux de par leur corruption. Et ceux qui les dénoncent sont corrompus du fait de leur révélation. La liberté d'expression est une menace à combattre.
De manière plus générale, le rôle même de Wikileaks, consistant à révéler les machinations du pouvoir, le rend vulnérable aux réactions justifiant le système à chaque instant. Les moments où Wikileaks expose la corruption et les abus systémiques sont les moments mêmes où des artistes de la diffamation rusés passent à l'attaque. Le Russiagate ne fait pas exception.
Lorsque Wikileaks a révélé les crimes de guerre perpétrés par les États-Unis en 2010, les populations étaient psychologiquement préparées et réceptives à une défense de l'État de sécurité nationale justifiée par le système. C'est précisément ce qui s'est passé.
Vidéo : Collateral Murder - Wikileaks - Irak
Assange et Wikileaks ont été présentés comme de dangereux terroristes ayant du sang sur les mains, ciblant gratuitement la pauvre machine de guerre américaine sans défense. En réalité, le vice-président Joe Biden a admis que les publications de 2010 n'avaient causé "aucun dommage substantiel", si ce n'est qu'elles étaient "embarrassantes".
Lorsque Wikileaks a révélé que la CIA nous espionnait à travers nos iPhones et nos téléviseurs intelligents, la CIA s'est présentée comme une victime de l'espionnage de Wikileaks.
Aujourd'hui, en 2019, alors que les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie défient le droit international contraignant, emprisonnant Assange pour journalisme en violation de deux décisions de l'ONU, faisant fi des principales organisations mondiales de défense des droits de l'homme et de la Cour interaméricaine des droits de l’homme (CIDH), c'est Julian Assange qui est jugé : par les médias et l'État américain chargé de la sécurité nationale.
Dans cette équation, la réalité objective est qu'Assange et Wikileaks sont ceux qui ont la légitimité institutionnelle et le droit de leur côté - le droit international, le droit des traités relatifs aux droits de l'homme et les règles d'asile. Si Julian Assange est extradé, c'est l'État de droit lui-même qui est en jeu, affirme Alfred De Zayas, professeur de droit international et ancien expert des Nations unies chargé de la promotion de l'ordre international.
En outre, en repoussant l'État national de sécurité américain, Wikileaks bénéficie du soutien des principales institutions démocratiques et de défense des droits de l'homme du monde, notamment les Nations unies, la CIDH, Amnesty International, le Comité pour la protection des journalistes, l'Union américaine Union pour les libertés civiles et Human Rights Watch.
C'est la poursuite de Julian Assange et de Wikileaks qui menace l'ordre existant et le statu quo fondé sur des règles. Rendre justice au système, c'est prendre la défense de Wikileaks.
Les spécialistes de la diffamation ne vous le diront jamais.
Apologiste Shmologiste
Il va sans dire que tout le monde n'est pas également enclin à défendre le statu quo. Selon Jost et ses collègues, les personnes les plus aptes à justifier le système sont celles qui ont un grand besoin d'ordre, de structure, de certitude et de contrôle.
Qu'en est-il des autres ? Comment une campagne de diffamation peut-elle cibler ceux qui sont plus à même de tolérer les défauts de leur société ? Sur quelles vulnérabilités les diffamateurs peuvent-ils s'appuyer ?
Outre la justification du système, une vulnérabilité psychologique sous-jacente aux campagnes de diffamation est ce que les psychologues appellent la dérogation des défenseurs de la morale. Selon la recherche psychologique, ceux qui attirent l'attention sur les défauts de leur société ont tendance à être perçus négativement par les groupes mêmes qu'ils cherchent à éclairer et à aider.
Pour le plus grand bonheur des diffamateurs, ce processus est doublement efficace. Il s'applique non seulement aux éditeurs proposant une critique systémique, tels que Julian Assange et Wikileaks, mais aussi à toute personne s'érigeant en défenseur de Wikileaks et de Julian Assange.
Dans une thèse de doctorat sur le sujet, Nadia Bashir, de l'université de Toronto, écrit : "Les individus sont généralement d'accord pour dire que les comportements douteux, nuisibles et illégaux sont mauvais et contraires à l'éthique. Il peut donc sembler contre-intuitif que les individus vilipendent souvent ceux qui cherchent à exposer et donc à éliminer ces comportements. Un nombre croissant d'études démontre cependant que les personnes qui prennent position contre les comportements immoraux (c'est-à-dire les défenseurs de la morale) peuvent susciter le mépris plutôt que l'admiration".
Toute personne qui défie publiquement la campagne de diffamation contre Julian Assange, ou qui s'oppose à la guerre et à la propagande en général, est susceptible de faire l'objet d'un tel mépris : apologiste, bot russe, troll du Kremlin ou vassal. C'est pourquoi, après le rassemblement de Sydney pour la libération d'Assange, James Cogan, organisateur du rassemblement, a averti : "Plus le soutien à Assange s'exprimera, plus les calomnies et les diffamations seront dirigées contre sa personne et ses défenseurs".
Selon les recherches de Bashir, les défenseurs de la morale qui s'élèvent contre l'injustice, comme celle dont est victime Julian Assange, sont perçus comme plus agaçants, offensants, arrogants, égoïstes, égocentriques, odieux, cupides, insultants et traîtres que les autres personnes. Il est donc plus facile de les salir.
En bref, les personnes les moins vulnérables aux processus de justification du système et les plus enclines à défendre Wikileaks sont en même temps les plus vulnérables à la honte. D'être détestées. Considérées comme agaçantes, offensantes, arrogantes ou odieuses. Apologistes. Larbins.
Ces perspectives contribuent sans aucun doute à ce que John Pilger a appelé le "silence inquiétant" qui entoure Julian Assange.
Mais pourquoi les défenseurs de la morale suscitent-ils des réactions négatives ? Qui est le plus susceptible de percevoir les avocats de la morale de cette manière ?
S'agit-il des personnes les plus concernées par la moralité et les plus perturbées par les failles morales de leur société ? S'agit-il, paradoxalement, de ceux qui sont eux-mêmes les plus attachés à une conduite morale ?
Ce n'est pas le cas selon les recherches de Bashir. Dans ses études, celle-ci a constaté que ceux qui diabolisent les défenseurs de la morale le font parce qu'ils accordent plus d'importance à l'image sociale qu'aux considérations morales. Ce qui dérange les détracteurs des défenseurs de la morale, dit-elle, c'est "l'image que les défenseurs ont donnée de leur groupe aux yeux des autres". Pour restaurer l'image sociale ternie du groupe, "les membres du groupe semblent adopter une approche consistant à tirer sur le messager".
Joseph McCarthy, pour sa part, semble avoir apprécié ce fait. En 1950, il a déclaré à un journaliste : "J'ai une chaussette pleine de merde et je sais comment l'utiliser". Et McCarthy s'en est servi. Il a brandi sa chaussette pleine de merde contre tous ceux qui s'écartaient de la version officielle, à tel point que "le fléau des libéraux dans les années cinquante était la menace d'une erreur d'identité", écrit l'historien Bruce Cumings. Erreur d'identité en tant que stalinien à l'époque, et en tant que Poutine-nazi-trumpien-fasciste aujourd'hui.
Tout est une question d'image, aux yeux des autres.
Cumings ajoute que c'était "une période sombre en effet, une maximisation du potentiel de conformité absolutiste" dans laquelle les dissidents ont subi "des pressions psychologiques considérables et des admonestations pour changer leurs pensées ou être exclus du spectre de l'acceptabilité politique".
En conséquence, ceux qui sont prêts à défier le mépris, à s'opposer à l'acceptabilité politique et à défendre Julian Assange et Wikileaks peuvent avoir la certitude qu'ils font passer la moralité - et la réalité - avant les préoccupations liées à l'image sociale. Le fait de recevoir une chaussette remplie de merde pour leurs efforts est la marque d'un plaidoyer moral rondement mené.
Partage de la réalité
Une fois qu'un récit justifiant le système a été déployé et imposé par le biais d'une dérogation, la perception que toutes les personnes "bien pensantes" sont d'accord doit être imposée. Cette tactique exploite la vulnérabilité humaine au partage de la réalité.
En tant qu'espèce sociale, les êtres humains sont programmés de manière à s'inspirer des personnes qui les entourent pour déterminer ce qui est réel. Les fondateurs de la théorie de la réalité partagée notent que "l'individu crée et maintient l'expérience de la réalité... en la partageant avec d'autres". Jost et ses confrères ajoutent que "les perceptions de la réalité socialement construites et apparemment partagées par d'autres personnes autour de nous sont tout simplement 'considérées comme allant de soi' et, en ce sens, acquièrent une sorte de légitimité présumée".
Pour parvenir à une réalité partagée, les êtres humains s'engagent dans un "accord social", qui est un processus d'alignement inconscient de leur vision du monde sur celle des personnes qui les entourent, en particulier celles dont ils dépendent ou dont ils recherchent l'affiliation.
Par conséquent, dans le cadre d'une offensive de dénigrement telle que celle lancée contre Julian Assange, il est essentiel d'encourager la perception que la majorité des autres personnes souhaitables ont des opinions désobligeantes, tout en supprimant la couverture des attitudes et des soutiens favorables. La suppression de la couverture des rassemblements en faveur de la libération d'Assange, avec le soutien international de personnalités respectées, en est un exemple.
Il en va de même pour le fait de ne pas mentionner les résultats de sondages indiquant un soutien populaire à Wikileaks et à Julian Assange. Même parmi les téléspectateurs des médias grand public, où Julian Assange est régulièrement tourné en dérision, plus de 80 % des participants à un récent sondage réalisé par 60-Minutes Australia auprès de 10 000 personnes ont voté pour que le Premier ministre australien ramène Julian Assange sain et sauf en Australie.
Empêcher que de telles réalités soient partagées est essentiel pour les campagnes de diffamation, de peur que la réalité ne soit orientée dans des directions non officielles et que les populations ne déterminent la réalité entre elles. Au contraire, les dissidents des récits officiels doivent se sentir isolés et très seuls.
En plus de s'accorder aux perceptions de la réalité d'autrui, la réalité partagée éloigne les individus des visions du monde de ceux dont ils souhaitent se dissocier. Associer de manière spécieuse les partisans de Wikileaks à des personnes indésirables est donc une autre tactique de la campagne de diffamation.
Associer les partisans de Wikileaks à la droite pour un public de gauche, ou aux anti-Américains pour un public patriote, ou à la misogynie pour un public égalitaire, ou aux "truthers" [ndr : Étaient initialement appelés truthers, les partisan du mouvement pour la vérité sur le 11-septembre, remettant en question la version couramment admise sur les attentats du 11 septembre 2001] pour tout autre public, fonctionne en accordant la perception de la réalité aux partisans de Wikileaks, dans une variété de directions.
La réalité occultée ici est que les récits salissant Julian Assange et Wikileaks ne sont ni de gauche ni de droite, ni pro- ou anti-américains. Ce sont des récits d'élite. Ce sont les récits des individus et des institutions susceptibles d'être exposés si Wikileaks continue à publier.
Qui est donc le plus vulnérable au partage de la réalité avec les élites, et donc le plus susceptible d'adhérer à la campagne de diffamation ?
Étant donné la volonté d'orienter la perception de la réalité dans la direction souhaitée, ce sont ceux qui aspirent à appartenir à l'élite et à être acceptés. Le fait de nourrir le désir d'appartenir à des cercles élitistes, tels que les médias élitistes, les cercles politiques ou universitaires, pourrait favoriser le partage de la réalité avec les élites, en vertu de ces aspirations élitistes.
Il est important de noter que cette vulnérabilité va au-delà de la simple conformité consciente. Elle implique un processus subconscient par lequel les récits officiels et les calomnies, tels que ceux sur le Russiagate, Wikileaks et Assange, semblent subjectivement plus réels et plus vrais pour le cerveau. Dans le langage du bouchon de liège et des marées, le désir d'accéder à un statut d'élite est la marée émotionnelle sur laquelle oscille le bouchon de l'opinion politique.
Comme l'observe l'humoriste et commentateur Jimmy Dore, qui a ouvert une chaîne Youtube pour démystifier les récits de l'élite, "toutes les personnes que j'ai voulues impressionner dans ma vie, je les ai déjà impressionnées... Je n'ai aucun respect pour ces gens du journalisme. Je ne veux pas impressionner David Corn ou Rachel Maddow ou un quelconque trou du cul du Washington Post. Je vais les dénoncer pour les propagandistes qu'ils sont".
Vidéo : Jimmy Dore Show : Un journaliste de la BBC dénonce le "F***isme paresseux" du NY Times - Sous titres disponibles
La tyrannie du groupe
L'une des tendances psychologiques les plus vigoureuses des êtres humains est de s'organiser et d'organiser leur perception du monde en groupes sociaux ; plus précisément, leurs propres groupes sociaux et culturels, ou ingroups (nous), et les autres groupes sociaux et culturels, ou outgroups (eux) [ndr : outgroup, groupe social auquel une personne ne s'identifie pas, sur la base de facteurs similaires à ceux qui amèneraient cette personne à s'identifier à un ingroup].
De nombreuses recherches menées au fil des décennies montrent que les gens sont susceptibles d'adopter toutes sortes de motivations et d'attitudes destructrices à l'égard des membres des groupes extérieurs, en particulier dans des conditions d'insécurité et de menace.
Il n'est donc pas surprenant que la psychologie intergroupe ait été largement exploitée tout au long de la guerre psychologique contre Julian Assange et Wikileaks, et peut-être plus particulièrement depuis 2016.
Qu'elle soit mesurée psychologiquement, physiologiquement ou neurologiquement, par exemple, l'empathie humaine est plus faible envers les membres de groupes d'outgroups qu'envers les membres d'ingroups. Les gens sont plus enclins à torturer les membres des groupes marginaux et ont tendance à considérer ces derniers comme moins humains, de sorte que les membres d'autres groupes sociaux sont considérés comme moins capables de vivre des émotions humaines telles que la douleur, le chagrin d'amour et la souffrance.
À la lumière de ces éléments, tout a été mis en œuvre pour cultiver l'identification à un groupe vis-à-vis de Wikileaks sous différents angles, que ce soit en termes de gauche contre droite, de démocrates contre républicains, d'États-Unis contre le monde, de femmes contre des hommes ou de Clinton contre Trump.
Depuis l'élection américaine de 2016, toute personne un tant soit peu à gauche, au centre gauche, à la pseudo-gauche, à la gauche latino, à la gauche corporatiste ou à la #Resistance™ libérale a été incitée, vigoureusement, à considérer Julian Assange comme étant à droite. La droite alternative. La droite poutinienne. La droite trumpienne. La droite misogyne. Ou la droite anarchiste. Et tout ce qui a été évoqué précédemment.
Non seulement cela risque de rendre beaucoup de ceux qui s'identifient à la gauche plus insensibles à Julian Assange et moins émus par sa détention arbitraire, sa persécution et sa torture, mais cela a aussi des implications pour la perception de la réalité. La perception négative des membres d'un groupe extérieur est une caractéristique de la psychologie intergroupe.
Même lorsque des étrangers sont répartis en groupes sur la base d'un simple tirage au sort ou de la couleur de leur tee-shirt, les membres du groupe sont enclins à considérer les autres membres du groupe comme moins sympathiques, moins honnêtes, moins dignes de confiance et plus irresponsables. Pour commencer.
Par bonheur pour les propagandistes, l'antipathie à l'égard des membres d'un groupe peut monter en flèche, passant du mépris à la rage meurtrière, dans des conditions de peur et de menace. L'immense peur et la menace ressenties par de nombreuses personnes après l'élection de Donald Trump en sont un bon exemple. Dans de telles conditions, l'élan vers "l'autre" peut se traduire par une lutte à mort.

C'est sans doute la raison pour laquelle la campagne de Clinton s'est empressée de mettre sa défaite électorale sur le compte de la Russie et de Julian Assange dans les 24 heures qui ont suivi la victoire de Trump et qui ont été marquées par une forte intensité émotionnelle, alors que les émotions de groupe étaient à leur paroxysme.
L'exploitation de l'animosité intergroupe de cette manière est au cœur de toute la propagande en faveur de la guerre, jouant un rôle central dans la mobilisation des populations pour des guerres de toutes sortes, en mobilisant la haine.
Les psychologues sociaux Kevin Durrheim et ses collègues écrivent que "le discours d'appel aux armes (...) justifie la violence en opposant un 'nous' vertueux à un 'autre' sauvage", notamment "en concevant de nouvelles cibles, en regroupant divers ennemis, en les caractérisant de manière puissante et inédite, et en promouvant de nouvelles normes d'action à leur encontre".
Le fait d'associer Wikileaks à Trump et à la Russie après l'élection de 2016 était une de ces caractérisations nouvelles, rassemblant divers ennemis d'une manière novatrice et puissante. Elle justifiait la guerre contre l'information et promouvait la nouvelle norme consistant à faire taire un éditeur pour une couverture électorale fidèle à la vérité.
Dans les efforts visant à exploiter la psychologie intergroupe à des fins de diffamation et de censure, Julian Assange a été paradoxalement vulnérable aux schémas basés sur le groupe en vertu du fait qu'il n'est "pas un groupiste", pour reprendre ses termes. Cela a permis de le définir comme un membre d'un groupe extérieur sous différents angles. Il en va de même pour le fait que Wikileaks est une organisation médiatique non partisane, sans lien avec un quelconque groupe, un État ou une politique, publiant des révélations au-delà des frontières sociales et des groupes, ce qui dérange les groupistes de tous bords.
Ce qui est occulté par de tels cadres, c'est le fait que, comme l'a fait remarquer Joe Lauria, soutenir Wikileaks "n'est pas du tout une question de gauche ou de droite. C'est une question d'avoir ou de ne pas avoir.... Il y a ceux qui ont et ceux qui n'ont pas en ce moment. C'est ainsi que le monde est de plus en plus divisé, et pas seulement par l'argent, la richesse et la propriété, mais également par l'information.... C'est là que Wikileaks intervient. Il aide les plus démunis à disposer d'informations".
Croyez-nous, c'est déroutant
Une dernière tactique utilisée par les élites pour susciter la confiance dans leurs récits consiste à rendre les choses confuses. Si les récits de propagande doivent être simples dans leur orientation (par exemple, "la Russie a piraté la démocratie américaine"), ils sont souvent complexes dans leurs détails.
Le Russiagate, par exemple, a donné lieu pendant deux ans à un barrage de "bombes", d'actes d'accusation, de points de données et de dossiers, y compris un flux de réunions et de courriels entre tel ou tel opérateur politique à telle ou telle date, avec telle ou telle signification suggérée, qui s'avère finalement insignifiante par rapport à la collusion avec la Russie. À chaque fois. Y compris le récent témoignage de Michael Cohen.
La preuve de la collusion, cependant, n'a rien à voir avec le sujet. Ce qui compte, c'est que, d'après les recherches en psychologie, le fait de se sentir dérouté par la complexité des questions sociopolitiques conduit à un sentiment accru de dépendance à l'égard du gouvernement. Il a été constaté que la confusion sur les détails de l'actualité favorise une plus grande confiance dans les autorités gouvernementales, l'évitement de l'information en question et la conviction que l'on peut compter sur le gouvernement pour régler les problèmes.
Semer la confusion de cette manière est une tactique couramment déployée pour vendre la guerre et les politiques économiques. Des questions simples telles que le pillage des nations et des économies par les élites à des fins lucratives sont formulées en termes sectaires et économiques compliqués, incitant le public à se déconnecter et à s'en remettre à ses dirigeants. Comme le fait remarquer Sut Jhally, professeur de communication, l'une des principales tactiques de la propagande et des relations publiques consiste à "prendre ce qui est clair et à le rendre confus et déroutant".
Sut Jhally - Occuper l'esprit des Américains : la campagne de relations publiques d'Israël aux États-Unis - Pas de sous titres disponibles
Dans le Russiagate, lorsque la bombe suivante explose, les consommateurs de médias ne se souviennent plus de ce qu'ils sont censés retenir et supposent que tout cela doit être important si les élites continuent d'en parler. Ce qui est inévitablement le cas.
Tout cela occulte le fait qu'il n'existe à ce jour aucune preuve de collusion entre Trump et la Russie, avec ou sans Julian Assange. Ni la réunion à la Trump Tower, ni les actes d'accusation du GRU, ni l'acte d'accusation de Roger Stone, ni le témoignage de Michael Cohen, ni les réunions fictives de Manafort avec Assange à l'ambassade d'Équateur.
Mais rien de tout cela n'a d'importance. Tout ce qui compte, c'est ceci : "Faites-nous confiance, c'est déroutant".
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Dans le dernier article de cette série, j'explorerai les vulnérabilités techniques du traitement de la réalité humaine exploitées dans la campagne de diffamation contre Julian Assange et Wikileaks. Ce faisant, je répondrai à la question de savoir qui est psychologiquement résistant à la propagande et pourquoi.
Les tactiques déployées pour exploiter les vulnérabilités techniques du traitement de la réalité sont les mêmes que celles utilisées dans toutes les grandes offensives de propagande. Une fois que vous les aurez reconnues, vous serez en mesure de repérer une campagne de propagande digne de ce nom, telle que le Russiagate, à un kilomètre à la ronde.
Pendant ce temps, si vous avez manqué les rassemblements à Sydney et Melbourne, le Socialist Equality Party (SEP) d'Australie continue à construire un mouvement pour libérer Julian Assange et Chelsea Manning. Le SEP a l'intention de faire de la protection de Julian Assange un enjeu électoral.
Si vous souhaitez suivre et soutenir ces efforts, vous pouvez le faire on Twitter, sur Facebook, et sur le World Socialist Website.
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La psychologie dans la capture d'Assange
Déjà traduites et publiées :
Partie 1 : La psychologie pour capturer Julian Assange : Qu'est-ce que la torture a à voir dans cette affaire ?
À venir la traduction :
Partie 5 : La psychologie de la capture de Julian Assange : propagande de guerre 101
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