🚩 Julian Assange : Actualités semaine #40 - Octobre 2023 🎗⏳
Voilà 17 ans, le 4 octobre 2006, J. Assange lançait Wikileaks, une bibliothèque géante des documents et d'archives. Pour ce travail colossal dédié au public, il lutte contre son extradition aux USA.
SOMMAIRE :
1 - Dans la chasse à WikiLeaks, quelle était l'étendue du filet de l'État de sécurité nationale ? - Par Chip Gibbons
2 - Stella Assange : "Si la source est coupable, on peut faire des journalistes des traîtres" - Par Jan Kreller
3 - La Fédération internationale des journalistes soutient fermement Julian Assange : "Il doit être libéré" - Par Benjamin Huizen
4 - Citoyenneté d'honneur pour Julian Assange, Rome peut attendre - Par Vincenzo Vita
5 - C'est le journalisme en soi qui est enfermé à Belmarsh - Par Caitlin Johnstone
6 - Il est plus que temps de mettre fin à la persécution de Julian Assange - Par Eve Ottenberg
7 - Belmarsh Live à Strasbourg du 10 au 12 octobre - Par Assange Network & Manja McCade
8 - Lancement des États généraux de l’information - 2 articles : Par la rédaction de Témoignage & de Fonds Pour Une Presse Libre
9 - Le complot de la CIA visant à kidnapper ou à tuer Julian Assange à Londres est une histoire passée sous silence à grand tort (2021) - Par Patrick Cockburn
10 - Les dessous de l'affaire WikiLeaks (2022) - Par Jacques Dion
11 - Le cas de Julian Assange - Critique dévastatrice de la Suède (2021) - Par la rédaction de Global Politics
12 - "L'affaire Assange a mis fin à ma carrière à l’ONU" - Par Rebecca Wyss
13 - La psychologie de Julian Assange, partie 4 : pourquoi même certains gauchistes veulent le voir pendu (2019 - Article également publié en solo cette semaine) - Par le Dr Lissa Johnson
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1- ♟ Dans la chasse à WikiLeaks, quelle était l'étendue du filet de l'État de sécurité nationale ?
Dans leur guerre contre WikiLeaks, tout porte à croire que les agences à trois lettres ne se sont pas arrêtées au fondateur de l'organisation. La question est de savoir jusqu'où elles sont allées au-delà d'Assange.
✒️ Par Chip Gibbons, le 3 octobre 2023, The Dissenter
📌 Depuis que WikiLeaks a commencé à révéler ses crimes, l'État américain chargé de la sécurité nationale poursuit une vendetta impitoyable à son encontre.
Le ministère de la justice cherche actuellement à faire extrader Julian Assange vers les États-Unis pour qu'il y soit jugé en vertu de la loi sur l'espionnage. La source des révélations, Chelsea Manning, a déjà été condamnée par un tribunal militaire en vertu de cette même loi. Elle a également été torturée lors de sa détention provisoire. Outre cet abus de la procédure judiciaire visant à détruire WikiLeaks, la communauté du renseignement a mené une guerre extralégale. La Central Intelligence Agency (CIA), le Federal Bureau of Investigation (FBI) et la National Security Agency (NSA) ont tous participé à cette guerre extralégale. Parmi les allégations les plus notoires, on peut citer celles selon lesquelles la CIA, en collaboration avec l'entreprise de sécurité espagnole UC Global, a espionné les réunions juridiques d'Assange, a sérieusement envisagé de kidnapper le journaliste et a discuté de son assassinat.
En ce qui concerne leur guerre contre WikiLeaks, tout porte à croire que les agences à trois lettres ne se sont pas arrêtées à son fondateur. La question est de savoir jusqu'où elles sont allées au-delà d'Assange.
Une enquête publiée en février 2023 par Der Spiegel pose la question suivante : "La CIA traque-t-elle les partisans de Wikileaks ?" Il passe en revue la série d'étranges cambriolages, de surveillances inexpliquées et même de poursuites judiciaires auxquelles les partisans de WikiLeaks ont été confrontés à l'échelle mondiale. L'article se penche sur les cas d'Andy Müller-Maguhn, ami d'Assange et vice-président de la fondation Wau Holland, qui traite les dons pour WikiLeaks, d'Aitor Martínez, l'un des avocats espagnols d'Assange, et d'Ola Bini, programmeur suédois et ami d'Assange.
En tant que visiteur régulier d'Assange lorsqu'il était étroitement surveillé dans l'ambassade d'Équateur, Müller-Maguhn a rapporté un certain nombre de rencontres avec une surveillance évidente. Il était régulièrement interrogé à l'aéroport de Londres, des voitures le suivaient à l'aller et au retour de l'ambassade. Mais il a également commencé à faire l'expérience d'un certain nombre de formes de surveillance plus intrusives. Il a été photographié par un inconnu avec un objectif téléphonique à Milan, son domicile berlinois a fait l'objet d'une tentative d'effraction et il a découvert un dispositif de surveillance implanté dans son appartement en Asie du Sud-Est.
Aitor Martínez et l'équipe espagnole d'Assange ont connu des expériences similaires. La résidence personnelle de Martínez à Madrid a été cambriolée. Le 17 décembre 2017, trois hommes masqués se sont introduits dans le bureau de l'équipe juridique. Les images des caméras de sécurité les montrent indifférents aux objets de valeur et à l'argent liquide, mais fouillant dans les tiroirs et les classeurs, manifestement à la recherche de quelque chose. Ils sont finalement partis en volant un jambon de Noël.
Le cas d'Ola Bini est peut-être le plus bouleversant. Il vit en Équateur depuis 2013. Bien qu'il ait été ami avec Assange et qu'il lui ait rendu visite plus de 15 fois à l'ambassade de Londres, Bini maintient qu'il n'a jamais travaillé pour WikiLeaks ou Assange. Quelques heures après l'arrestation d'Assange, Bini a été arrêté en Équateur. Il a été accusé d'avoir tenté de déstabiliser le gouvernement et d'avoir attaqué ses systèmes informatiques. Les procureurs ont explicitement allégué qu'il avait conspiré avec Ricardo Patiño, l'ancien ministre des affaires étrangères de l'Équateur qui avait accordé l'asile à Assange. L'arrestation a été condamnée au niveau international et considérée comme motivée par des considérations politiques. Les critiques soutiennent que non seulement Bini a été ciblé pour sa relation avec Assange, mais que ses poursuites visaient à diaboliser les partisans de l'ancien gouvernement de gauche de Rafael Correa. Bini a finalement été acquitté, mais son calvaire continue.
Comme l'indique clairement l'article de Der Spiegel, il n'existe aucune preuve irréfutable permettant de relier les expériences de Müller-Maguhn, Martínez et Bini à une quelconque agence de renseignement américaine. Pourtant, les partisans d'Assange n'ont rien de paranoïaque lorsqu'ils se posent la question de savoir si les étranges cambriolages, la surveillance et la lutte ouverte contre la criminalité ne trouvent pas leur origine dans l'État de sécurité nationale des États-Unis.
Der Spiegel n'est pas la première publication à documenter les événements étranges auxquels les partisans et les visiteurs d'Assange ont été confrontés. En 2020, le journaliste Charlies Glass a écrit un article pour The Intercept intitulé The Unprecedented and Illegal Campaign to Eliminate Julian Assange (La campagne sans précédent et illégale pour éliminer Julian Assange). Il y décrit ses propres rencontres étranges. Deux jours après avoir rendu visite à Julian Assange à l'ambassade d'Équateur, le bureau qu'il partageait à Londres a été cambriolé. Son ordinateur a été volé, tandis que ceux de ses collègues sont restés intacts. Glass a écrit : "Il est impossible de prouver qui est responsable, mais il n'est pas impossible de le deviner".
La journaliste italienne Stefania Maurizi a également eu une curieuse aventure. Elle a rendu visite à Assange à de nombreuses reprises et a été partenaire médiatique de toutes les grandes publications de WikiLeaks, ainsi que de la publication en Italie de l'affaire Snowden. Alors que Mme Maurizi travaillait sur des dossiers de WikiLeaks concernant la surveillance des dirigeants mondiaux par la NSA, quelqu'un lui a volé son sac à dos dans une gare. Après avoir signalé l'incident à la police, celle-ci l'a qualifié de "vol atypique".
Mme Maurizi a également été surveillée lorsqu'elle rendait visite à Assange à l'ambassade. Des agents de sécurité d'UC Global lui ont pris ses appareils électroniques lors de ses visites. Ils ont retiré les cartes SIM des appareils et les ont photographiés. D'autres visiteurs de l'ambassade ont été espionnés de la même manière. Cette surveillance a donné lieu à une action en justice contre la CIA de la part de quatre citoyens américains, dont Glass, qui est toujours en cours. La CIA et d'autres acteurs tentent de faire annuler l'affaire.
Les révélations de Snowden ont également jeté une lumière inquiétante sur l'ampleur potentielle de la guerre menée par l'État américain chargé de la sécurité nationale contre WikiLeaks. Le Government Communications Headquarters - l'équivalent britannique de la NSA - s'est connecté à l'épine dorsale de l'internet pour recueillir les adresses IP des internautes ayant visité le site web de WikiLeaks.
En outre, au sein de la NSA, des fonctionnaires ont discuté de la possibilité de déclarer WikiLeaks "acteur étranger malveillant". Les désignations juridiques de ce type ont joué un rôle clé dans la guerre que les agences à trois lettres ont menée contre l'organisation. La CIA et le FBI ont tenté de faire désigner WikiLeaks comme "courtier en information" afin de contourner les règles relatives au ciblage des journalistes. La CIA a déclaré WikiLeaks "agence de renseignement non étatique hostile", une manœuvre lui ayant permis de s'engager dans un "contre-espionnage offensif" à l'encontre de l'organisation, ce qui n'était jusqu'à présent autorisé que pour cibler les services de renseignement étatiques. Mais la désignation de la NSA serait particulièrement pernicieuse. En qualifiant WikiLeaks d'acteur étranger malveillant à des fins de ciblage, la NSA serait en mesure de cibler électroniquement WikiLeaks à des fins de surveillance, sans exclure les informations concernant des personnes américaines.
En 2011, l'Electronic Privacy Information Center (EPIC) a déposé une demande au titre de la loi sur la liberté de l'information (Freedom of Information Act, FOIA) auprès du ministère de la justice et du FBI pour obtenir des dossiers concernant une enquête sur WikiLeaks, notamment "tous les documents relatifs aux listes de noms de personnes ayant manifesté leur soutien ou leur intérêt pour WikiLeaks". Le FBI a refusé de communiquer les documents, arguant qu'une enquête était en cours, ce qu'un tribunal de district a confirmé.
Historiquement, le FBI a ciblé des groupes qu'il qualifiait de subversifs, tels que le Parti communiste et le Parti socialiste ouvrier. L'un des objectifs explicites de ce ciblage était la crainte que le peuple américain ne considère ces organisations comme des partis politiques légitimes. L'espionnage du FBI ne s'est pas arrêté là. Il prétendait que le pouvoir de traquer les subversifs signifiait également qu'il pouvait espionner et détruire ceux qui pouvaient être influencés ou infiltrés par des subversifs. Le FBI a tristement lancé des enquêtes sur l'"infiltration communiste" au sein de la NAACP, de la Southern Christian Leadership Conference et de Martin Luther King. Le procureur général Robert F. Kennedy a signé la demande de J. Edgar Hoover de mettre Martin Luther King sur écoute afin de savoir si l'icône des droits civiques s'entretenait au téléphone avec des communistes.
Dans les années 1980, des militants opposés à la politique de Ronald Reagan en Amérique centrale ont été victimes d'effractions et de menaces de mort qui ne sont pas sans rappeler celles dont ont été victimes les partisans de WikiLeaks. Cela a incité les groupes de défense des libertés civiles à déposer des demandes d'accès à l'information. Bien que les cambriolages n'aient pas été élucidés, la demande de FOIA subséquente a révélé que le FBI, invoquant ses pouvoirs de contre-espionnage à l'étranger, avait enquêté sur le Comité de solidarité avec le peuple salvadorien et sur d'autres groupes de solidarité d'Amérique centrale.
Personne n'a encore pu établir un lien définitif entre les cambriolages, les vols atypiques et la surveillance intrusive de WikiLeaks et l'une ou l'autre des agences de renseignement américaines. Peut-être ne s'agit-il que d'une série de coïncidences troublantes. Mais il n'est pas nécessaire d'être paranoïaque pour soupçonner la main de l'État de sécurité nationale américain. Compte tenu de l'historique de sa surveillance abusive et de sa vendetta obsessionnelle contre WikiLeaks, il est impensable de ne pas soupçonner l'implication d'une ou de plusieurs agences de renseignement américaines. Le fait de cibler WikiLeaks, en fonction de l'étendue des filets des agences de renseignement, ouvre la voie à la surveillance d'un vaste éventail d'activistes et de journalistes.
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2- ♟ Stella Assange : "Si la source est coupable, on peut faire des journalistes des traîtres"
Stella Assange se bat pour la liberté de son mari, le fondateur de WikiLeaks Julian Assange. Mais ce dernier est sur le point d'être extradé vers les États-Unis. Retour sur son entrevue avec le Luxemburger Wort.

✒️ Par Jan Kreller, le 3 octobre 2023, Virgule (Luxembourg)
📌 Ce lundi 25 septembre lors de sa venue au Luxembourg, Stella Assange a déclaré que "Julian est un prisonnier politique". Une visite de l'épouse du fondateur australien de la plateforme de divulgation WikiLeaks motivée par la formation d'un groupe de soutien interparlementaire de huit personnes au sein de la Chambre.
Pour rappel, Julian Assange avait publié plusieurs milliers de documents secrets du gouvernement américain il y a environ 13 ans et en avait payé le prix fort. Aux États-Unis, il risque d'être accusé d'espionnage et d'être condamné à 175 ans de prison. En 2012, il a échappé à la surveillance des autorités américaines en se réfugiant dans l'ambassade équatorienne, à Londres.
Il y a obtenu l'asile politique ainsi que la citoyenneté du pays sud-américain. En 2019, le nouveau président équatorien, Lenin Moreno, a levé l'asile politique d'Assange. Cela a eu des conséquences: Julian Assange a été arrêté par la police londonienne alors qu'il se trouvait encore à l'ambassade équatorienne et transféré dans la prison de haute sécurité de Belmarsh.
En raison de possibles conditions de détention inhumaines aux États-Unis, les tribunaux britanniques ont d'abord décidé une interdiction d'extradition, qui a finalement elle aussi été levée par décision judiciaire en décembre 2021. Avec la condamnation de Julian Assange, l'attaque contre la liberté internationale de la presse et d'expression serait consommée et le travail journalistique serait au bord de l'illégalité…
🎙 Quand avez-vous vu votre mari pour la dernière fois et comment va-t-il ?
Je l'ai vu pour la dernière fois mercredi de la semaine dernière. Son état de santé se dégrade de jour en jour, surtout son état psychologique, qui dépend beaucoup des événements actuels. D'un autre côté, une délégation de parlementaires australiens vient de se rendre à Washington. C'est très important pour lui de voir qu'il a du soutien dans son pays d'origine. Les sondages montrent qu'entre 80 et 90 % des Australiens veulent que Julian soit libéré et que les poursuites contre lui soient abandonnées. Et le gouvernement australien a dit que trop c'est trop, qu'il est temps pour lui de rentrer chez lui.
🎙 Quelle est la probabilité que le président américain Joe Biden abandonne la demande d'extradition, notamment en raison de l'initiative australienne ?
Les Australiens sont le principal partenaire stratégique des Etats-Unis dans le Pacifique, à cause de la Chine. Ils viennent de conclure un accord de sécurité très complet sur 30 ans, qui ne concerne pas seulement les sous-marins nucléaires, mais aussi de nombreux autres aspects. La particularité de cette délégation parlementaire est qu'elle est composée de membres de tous les partis. Un ancien vice-Premier ministre en fait également partie. Le message est que les Australiens veulent la libération de Julian et que c'est un sujet politique en Australie. Et bien sûr, c'est un signal important que cette affaire visant un citoyen australien a un impact diplomatique et politique sur la politique australienne et donc sur leurs relations bilatérales.
Cela me brise le cœur que nos enfants ne puissent passer qu'une heure et quart d'affilée, une fois par semaine, avec leur père.
🎙 Belmarsh est une prison de haute sécurité. Quelles sont les conditions de détention et quel est le quotidien de Julian ?
Son quotidien consiste à passer au moins 21 heures par jour, normalement 22, dans une cellule individuelle où il doit également prendre ses repas. La prison manque de personnel. Les gardiens de prison ne veulent pas risquer de conflits entre les détenus et les gardent donc simplement dans leurs cellules.
La salle où nous pouvons nous réunir est un grand hall. Une quarantaine de détenus peuvent y recevoir leurs proches en même temps. Julian ne peut pas se déplacer, il doit rester assis. Cela me brise le cœur que nos enfants ne puissent passer du temps avec leur père qu'une heure et quart à la fois, une fois par semaine. Notre fils de six ans a récemment commencé un calendrier de cases. Chaque jour, il coche une case. Mais ce n'est pas un compte à rebours jusqu'à la sortie de Julian... Quand il me demande: "Quand est-ce que papa rentre à la maison ? Combien de temps y sera-t-il ?", je dois lui répondre que je ne sais pas.
Le Luxembourg est le cœur de l'Europe et joue un rôle important, notamment dans la prise de décision au sein de l'Union européenne.
🎙 Votre mari n'a plus de possibilités juridiques. N'y a-t-il vraiment aucun levier juridique qui puisse encore être utilisé ?
Julian va épuiser toutes les voies de recours à sa disposition et j'ai le sentiment que les tribunaux européens jugeront cette affaire différemment des tribunaux britanniques. Lorsque Julian a demandé l'asile politique à l'ambassade équatorienne, la justice britannique s'est montrée sceptique. Lorsque l'affaire a été portée devant la Cour suprême britannique en 2012, deux des juges ont statué en sa faveur; mais la majorité s'est prononcée contre lui, et je pense que l'establishment britannique dans son ensemble a vu sa réputation entachée. Le dernier recours de Julian serait de faire appel à la Cour européenne des droits de l'homme. Celle-ci serait en mesure d'examiner objectivement la situation et de rendre un jugement objectif.
🎙 Vous avez mentionné l'UE. Avez-vous également des attentes vis-à-vis du gouvernement luxembourgeois ?
Le Luxembourg est le cœur de l'Europe et joue un rôle important, notamment dans la prise de décision au sein de l'Union européenne. L'UE a reçu un mandat du Parlement pour se pencher sur le cas de Julian. Une partie du problème est que l'on a omis de reconnaître l'injustice de ce cas en soi, car on craint la réaction des États-Unis. Mais il ne s'agit pas des États-Unis, mais de Julian, de ses droits et des aspects humanitaires. L'aspect de la liberté de la presse n'est pas une attaque géopolitique contre qui que ce soit. Il s'agit de savoir si les conventions internationales ont un quelconque effet ou s'il ne s'agit que d'un morceau de papier caduc. Le cas de Julian touche au cœur des mesures de protection nécessaires dans une société ouverte et libre. L'affaire est si monstrueuse à bien des égards qu'elle devrait être dépolitisée sur le plan géopolitique afin d’aller sur le terrain des droits fondamentaux, qui sont violés.
🎙 Les États-Unis ont promis aux tribunaux britanniques des conditions de détention humaines. Avez-vous confiance en ces promesses ?
C'est une grande farce. Le système judiciaire et carcéral des États-Unis est un système terrible. En moyenne, 80.000 personnes se trouvent chaque jour dans une forme d'isolement. Dans le cas de Julian, la décision initiale était qu'il ne pouvait pas être extradé parce qu'il risquait de perdre la vie dans les dures conditions de l'isolement.
Les États-Unis ont donné ces soi-disant assurances diplomatiques, mais n'ont pas publié le texte. Et je vais vous dire pourquoi ils n'ont pas publié ce texte. Le document lui-même dit que si Julian fait quelque chose qui justifie l'isolement, il sera placé à l'isolement. L'astuce consiste donc à dire : "Eh bien, il ne le fera pas, à moins qu'il ne fasse quelque chose qui le justifie à une date ultérieure".
Je pense donc que les assurances données par les États-Unis sont une manière bureaucratique de satisfaire les tribunaux britanniques. Mais cela n'empêche pas les États-Unis de ne pas durcir les conditions de détention de Julian.
Les États doivent protéger leurs secrets. Mais ce n'est pas le rôle des journalistes.
🎙 C'est de Chelsea Manning que Julian Assange a reçu les informations confidentielles. Elle est aujourd'hui une femme libre. Pourquoi le sort de votre mari serait-il différent ?
Eh bien, c'est Obama qui a commué la peine de Chelsea Manning, et si Biden, qui faisait partie de l'administration d'Obama, était aussi enclin à le faire, ce serait la même approche. C'est un véritable pas en arrière et une déception que l'administration Biden ait poursuivi l'héritage le plus dangereux de l'administration Trump, à savoir le lancement d'une procédure de l'Espionage Act contre la presse.
Sous Obama, les poursuites pénales contre les sources journalistiques ont été renforcées sur la base de la loi sur l'espionnage. C'était un premier pas vers l'application de l'Espionage Act aux sources également. Puis Trump l'a étendu en disant que si la source est coupable, alors on peut faire des journalistes des traîtres, et ils sont tout aussi coupables. C'est là où nous en sommes. Nous sommes arrivés à un précédent où l'on peut accuser ceux qui révèlent des affaires d'être des traîtres.
🎙 Mais n'est-il pas également compréhensible que les Etats puissent poursuivre juridiquement la trahison de secrets ?
Les États doivent protéger leurs secrets. Mais ce n'est pas le rôle des journalistes. Les initiés qui travaillent pour l'État ont certes une obligation, mais s'ils sont témoins de corruption ou d'autres agissements illégaux, ils ne doivent pas faire partie de la dissimulation. Ce n'est certainement pas comme si un journaliste devait protéger les secrets d'un pays étranger. C'est tout simplement absurde. Chacun a son propre rôle dans la société, et les journalistes et la presse ont un rôle de chien de garde et de révélateur. S'ils ne peuvent pas jouer ce rôle, alors on crée effectivement une collusion pour dissimuler la corruption et les crimes. L'équilibre est rompu.
Je pense que les publications de WikiLeaks représentent le point culminant de la responsabilité publique de notre époque, un moment de triomphe pour le journalisme.
🎙 Si Julian Assange est extradé et condamné, quelles seraient les conséquences pour la liberté de la presse et la liberté d'expression ?
Je pense que les conséquences sont immédiates et peuvent déjà être observées. En France, une reporter a été arrêtée pour avoir rapporté que les services secrets français avaient fourni des informations aux autorités égyptiennes. Ces informations ont ensuite été utilisées pour s'attaquer à des opposants politiques. C'est un reflet du cas de Julian, car celui-ci a établi un nouveau standard, une nouvelle réalité dans laquelle on peut agir contre les journalistes. Et c'est ce que les Français ont vu
En Australie, juste après l'arrestation de Julian, des raids ont été effectués sur la chaîne nationale ABC dans le cadre de son enquête sur les atrocités commises par l'armée australienne en Afghanistan. La liberté de la presse est totalement annihilée par ce qui est fait à Julian. Et cela donne aux États autoritaires la possibilité de justifier l'emprisonnement même de journalistes.
🎙 En regardant en arrière sur les 13 dernières années, la publication des documents secrets du gouvernement américain en valait-elle la peine ?
Je pense que les publications de WikiLeaks représentent le point culminant de la responsabilité publique de notre époque, un moment de triomphe pour le journalisme, dont beaucoup de gens ont profité, pas seulement le public, parce qu'ils ont eu accès à la vérité. Dans un sens très réel, des personnes ont pu utiliser ces documents et ensuite aller devant la Cour européenne des droits de l'homme, comme Khalid El-Masri (citoyen allemand enlevé par la CIA, ndlr), et gagner leurs procès en utilisant ces documents comme preuves.
L'impact de WikiLeaks va au-delà du journalisme. De nombreuses innovations introduites par WikiLeaks avec le cryptage et les partenariats sont devenues la norme. Ce fut un triomphe, mais il y a aussi eu une énorme réaction en retour. Et nous ne sommes plus au moment du triomphe. Nous sommes dans la phase de la contre-réaction, ce qui signifie qu'il faut corriger le tir, sinon l'espace pour la liberté de la presse se réduit de plus en plus.
Cet article a initialement été publié sur le site du Luxemburger Wort.
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3- ♟ La Fédération internationale des journalistes soutient fermement Julian Assange : "Il doit être libéré"
Dans un monde où la vérité est de plus en plus bafouée, la Fédération internationale des journalistes (FIJ) prend la défense d'un homme qui a refusé de se taire : Julian Assange. Et elle a tout à fait raison : "Si vous condamnez un crime et que vous êtes ensuite traité de criminel par le gouvernement, c'est le gouvernement qui est en réalité un criminel".
✒️ Par Benjamin Huizen, le 3 octobre 2023, De Dagelijkse Standaard
Crimes de guerre
La FIJ, à l'instar de voix venues des quatre coins du monde, exige la libération d'Assange, l'homme qui a révélé les sombres secrets de ceux qui détiennent le pouvoir. Sadiq Ibrahim, président de la Fédération des journalistes africains (FAJ), l'a bien formulé : "Punir Assange pour avoir révélé des crimes de guerre est une menace pour tous les journalistes du monde".
Et il ne s'agit pas seulement d'une attaque contre les journalistes, mais d'une attaque contre chacun d'entre nous. Zuliana Lainez, une éminente journaliste sud-américaine, souligne que "les journalistes ne sont pas les seuls à devoir s'indigner, la population mondiale tout entière devrait l'être, car cela porte atteinte au droit de N'IMPORTE QUI de savoir ce qui se passe [dans le monde]".
Le symbole
Il est temps de se lever, de ne pas laisser la vérité être étouffée dans les donjons des puissants. Assange est plus qu'un journaliste ; il est devenu le symbole de notre exigence collective de transparence, de vérité et de justice dans un monde trop souvent régi par les secrets et les mensonges.
Le silence des médias
Il y a d'ailleurs quelque chose de complètement délirant dans cette affaire. Car, oui, plusieurs organisations journalistiques prennent aujourd'hui la défense d'Assange mais les grands médias restent extrêmement silencieux. Aucun grand organe de presse, aucune grande chaîne, aucun site d'information traditionnel ne défend Assange sans réserve et ne fait réellement campagne en sa faveur.
Pourquoi ? Il est évident que le cartel des médias et le cartel des partis sont si étroitement liés que les journalistes des grands médias n'osent même plus prendre la défense d'un confrère. Le cartel des partis veut persécuter Assange pour avoir révélé les crimes de guerre de l'Amérique et les "journalistes" du cartel des médias n'y voient rien à redire.
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4- ♟ Citoyenneté d'honneur pour Julian Assange, Rome peut attendre
✒️ Par Vincenzo Vita, le 4 octobre 2023, Il Manifesto
📌 Une fois de plus, l'assemblée du Capitole a reporté le vote sur la motion demandant au maire de conférer la citoyenneté d'honneur à Julian Assange. L'affaire traîne depuis mai dernier, sans même trouver une conclusion officielle digne : oui ou non. Si le texte ne passait pas, on connaîtrait au moins les vertus et les péchés de ceux qui composent le conseil de la capitale. Et oui, parce qu'autour de l'histoire du fondateur de WikiLeaks se joue un match qui est en lui-même historique : savoir si le droit d'informer a de la marge en cette saison où les soi-disant démocraties l'emportent. La Pologne, la Hongrie et la Slovaquie sont proches.
Les États-Unis ont de nouveaux alliés en Europe, dans l'espace démocratique qui se réduit, et leurs contre-pouvoirs, qui rejoignent la Grande-Bretagne servile, dans les tribunaux de laquelle on célèbre les derniers actes de la procédure d'extradition vers l'étranger du journaliste australien.
S'il était envoyé sans retour dans une prison nord-américaine de haute sécurité, au terme d'un procès de complaisance déjà écrit dans le cadre d'un Espionage Act de 1917, un homme courageux perdrait définitivement sa liberté, et avec lui nous nous perdrions tous.
Un droit fondamental deviendrait facultatif, avec le message suivant : on ne met pas son nez dans des sanctuaires innommables, et le prix à payer sera même celui de votre propre peau.
C'est pourquoi le report continu de la décision romaine constitue un épisode peu glorieux, chargé de valeurs très élevées en raison précisément de la concomitance des choix du tribunal spécial londonien de Belmarsh.
On ne comprend pas, à moins d'écouter les rumeurs malveillantes sur une prétendue subalternité à l'égard de l'ambassade américaine, la raison d'une telle hésitation. Par ailleurs, si la première ville à avoir accordé une telle reconnaissance a été Lucera en juin 2022, récemment Reggio Emilia et Naples - pour ne citer que les plus grandes villes - ont reconnu ceux qui ont révélé les crimes des guerres en Irak et en Afghanistan, donnant ainsi de la valeur et de l'autorité à la profession de journaliste.
Rome veut-elle être en reste ? Le lieu des percées historiques, des dialogues entre les différentes régions du monde, de la confrontation plurielle des opinions, de la glorieuse Résistance antifasciste risque de prendre l'allure d'une expression géographique de la ligue du Nord.
Les mouvements FreeAssange se sont mobilisés en Italie pour obtenir des municipalités un signal assurément utile pour relancer le climat d'opinion susceptible d'aider à sauver Assange, avec les personnalités adhérant au premier appel lancé par le prix Nobel de la paix Pérez Esquivel, ainsi que les syndicats de journalistes européens et l'ordre professionnel italien. Ce n'est pas une coïncidence si le président brésilien Lula s'est passionnément engagé pour une cause aussi pertinente, et avec lui son homologue du Honduras, Castro. Ce n'est pas non plus un hasard si de nombreux parlementaires australiens se sont rendus à Washington pour défendre la cause de leur compatriote persécuté, sans même un débat de fond.
Le pape François lui-même n'a pas hésité à recevoir en audience privée l'épouse d'Assange, l'avocate Stella Moris, et leurs enfants. Et les audiences du Vatican parlent d'elles-mêmes avec leur langage sans équivoque.
Comment se fait-il alors que Rome soit le veston noir de l'entourage libertaire ? Hier encore, avec la participation de Laura Morante, des dizaines d'activistes coordonnés par FreeAssange, ainsi que les associations Articolo21 et ReteNoBavaglio, ont manifesté devant le Campidoglio. Si l'affaire s'éternise, il est prévisible que la protestation prendra des allures bien plus importantes, portant un nouveau coup à la crédibilité d'une junte qui avait suscité des attentes aujourd'hui déçues. Il faut espérer que les nuages se dissiperont et que nous pourrons, dans les prochains jours, remercier l'administration.
P.S : La commission parlementaire de surveillance de la RAI a rendu son avis sur le contrat de service avec une étrange majorité (droite et Mouvement 5 étoiles). Un frisson. Il s'agit d'un bien commun, non d'un meeting électoral.
📰 https://ilmanifesto.it/cittadinanza-onoraria-a-julian-assange-roma-puo-attendere
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5- ♟ C'est le journalisme en soi qui est enfermé à Belmarsh
Voulons-nous aller vers la lumière ou vers l'obscurité ? Votre position à l'égard d'Assange traduit votre réponse à ces questions et indique la voie que vous souhaitez nous voir emprunter.
✒️ Par Caitlin Johnstone, le 5 octobre 2023, Substack
📌 À l'occasion du 17ème anniversaire de la création de WikiLeaks, il est nécessaire de prendre un moment pour réfléchir à Julian Assange et à ce que sa persécution signifie pour nous ainsi que pour la société dans laquelle nous vivons.
En effet, il ne s'agit pas seulement d'un homme enfermé derrière les murs du pénitencier de Belmarsh pour avoir commis le crime de faire du bon journalisme, mais du journalisme lui-même. C'est l'idée que n'importe qui devrait être autorisé à exposer la criminalité des plus puissants et des plus tyranniques de ce monde. C'est l'idée que le public devrait être en droit de savoir quels abus l'empire américain commet dans le monde entier.
Julian Assange est le plus grand journaliste du monde. En révolutionnant la protection des sources à l'ère numérique avec la création de WikiLeaks voilà 17 ans, puis en révélant certaines des plus grandes histoires du 21ème siècle, Assange s'est placé au-dessus de n'importe quel autre journaliste vivant, où que ce soit sur la planète. Et en montrant au monde entier qu'ils peuvent enfermer le plus grand journaliste international pour avoir révélé des vérités qui dérangent, ils prouvent au reste de la planète qu'ils peuvent enfermer n'importe qui.
C'est ce dont il a toujours été question dans cette affaire. Il ne s'agit pas de savoir si Assange a franchi une ligne de procédure arbitraire lorsqu'il a travaillé avec Chelsea Manning pour dénoncer les crimes de guerre américains. Il ne s'agit pas pour les États-Unis de protéger leur sécurité nationale. Il ne s'agit pas non plus de l'une ou l'autre des justifications avancées par ceux qui soutiennent avec flagornerie la persécution d'un journaliste parce qu'il exerce son métier de journaliste. Il s'agit de créer un précédent juridique qui permettra à l'empire américain d'extrader toute personne, où qu'elle se trouve dans le monde, qui révèle des faits gênants à son sujet. Il s'agit de montrer à tous les journalistes du monde entier que s'ils peuvent le faire au plus grand d'entre eux, ils peuvent le faire à n'importe lequel d'entre eux. Et, comme bien d'autres choses dans le monde d'aujourd'hui, il s'agit de contrôler le récit.
Accepter la persécution de Julian Assange, c'est accepter l'idée que tous les médias, où qu'ils soient, doivent fonctionner comme des organes de propagande du gouvernement américain. C'est considérer comme acquis que tout journaliste, où qu'il soit dans le monde, décidant de faire du vrai journalisme et d'exposer des faits embarrassants sur les puissants dans l'intérêt du public, doit être emprisonné jusqu'à ce qu'il puisse être extradé vers les États-Unis pour un procès exemplaire, puis laissé à pourrir dans l'un des systèmes pénitentiaires les plus draconiens de la planète. C'est accepter que nous ne vivrons jamais dans une société fondée sur la vérité, guidée par les faits et l'information, et que nous devons nous résigner à jamais à vivre dans une société dominée par les caprices des puissants.
Votre position sur l'affaire Assange est donc votre position sur le type de société dans laquelle nous devrions espérer vivre, et sur le type d'avenir que nous devrions espérer avoir. D'une manière très concrète, c'est votre position sur l'humanité elle-même.
L'humanité doit-elle essayer de créer un monde meilleur ou doit-elle continuer à s'enfoncer dans la dystopie jusqu'à ce que des dirigeants qu'il nous est interdit de remettre en question nous poussent à la guerre nucléaire ou à la catastrophe écologique ? Voulons-nous aller vers la lumière ou vers l'obscurité ? Votre position à l'égard d'Assange traduit votre réponse à ces questions et indique la voie que vous souhaitez nous voir emprunter.
Mon travail est entièrement financé par les lecteurs, donc si vous avez aimé cet article, e voici quelques options où vous pouvez glisser un peu d'argent dans mon pot à pourboires si vous le souhaitez. Cliquez ici pour pour acheter des éditions de poche de mes écrits au fil des mois. Tout mon travail est libre d'être piraté et utilisé de quelque manière que ce soit ; republié, traduit, utilisé sur des produits dérivés ; tout ce que vous voulez. Le meilleur moyen d'être sûr de voir les choses que je publie est de s'inscrire à la liste de diffusion sur Substack, ce qui vous permettra d'être averti par courriel de tout ce que je publie. Toutes les œuvres sont coécrites avec mon mari Tim Foley.
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6- ♟ Il est plus que temps de mettre fin à la persécution de Julian Assange
✒️ Par Eve Ottenberg, le 6 octobre 2023, CounterPunch
📌 Il est grand temps que les États-Unis et le Royaume-Uni libèrent Julian Assange. Son incarcération, d'une injustice criante, est un scandale mondial, et le monde entier en est profondément bouleversé. En effet, le 19 septembre, aux Nations unies, des chefs d'État ont dénoncé ces poursuites bidon pour la fraude et le subterfuge qu'elles constituent - une attaque contre une presse libre et une attaque personnelle contre Assange, pour avoir pratiqué le journalisme. Depuis plus de quatre ans, cet éditeur croupit dans un cachot de la tristement célèbre prison britannique de haute sécurité, Belmarsh. Pour quelle raison ? Eh bien, peut-être ne l'admettent-ils pas, mais les dirigeants américains veulent qu'il soit réduit à néant pour les avoir mis dans l'embarras en révélant la criminalité meurtrière de l'armée américaine en Irak et ailleurs.
Périodiquement, un dirigeant mondial lâche un geschrei (cri en néerlandais) de protestation. "Il est essentiel de préserver la liberté de la presse. Un journaliste de la trempe de Julian Assange ne peut être puni pour avoir informé la société de manière transparente et légitime", a déclaré le président brésilien Luis Inacio Lula da Silva devant les diplomates de l'ONU réunis en assemblée. La présidente du Honduras, Xiomara Castro, a également dénoncé les mauvais traitements infligés à Julian Assange par les autorités. Le 20 septembre, une délégation d'hommes politiques australiens a adressé une lettre aux autorités de Washington, exigeant que les États-Unis renoncent aux poursuites grotesques dont Assange fait l'objet.
Ce n'est pas la première fois que des chefs d'État ou d'autres personnalités politiques exhortent le président américain Joe Biden à mettre fin au calvaire de Julian Assange. Le président mexicain Andres Manuel Lopez Obrador a écrit deux fois à son homologue américain, l'implorant de libérer Assange et fulminant à juste titre pour les dommages causés à la liberté de la presse par son incarcération. Fin 2022, les dirigeants nicaraguayens et vénézuéliens ont appelé à la libération de l'éditeur. Le président colombien Gustavo Petro s'est engagé sur les réseaux sociaux à "demander au président Biden [...] de ne pas inculper un journaliste pour avoir simplement dit la vérité". Le premier ministre australien, Anthony Albanese, a également adressé une pétition aux États-Unis au nom d'Assange, son électeur à Canberra. Jusqu'à présent, Joe Biden semble indifférent.
Mais il est peut-être déraisonnable d'attendre d'un politicien comme Biden, qui a ses racines dans le régime Obama, qu'il soit tout sauf enragé lorsqu'il s'agit de traquer les diseurs de vérité. Avec une aversion pour la lumière du soleil comparable à celle des vampires, Obama a battu tous les records de poursuites contre les lanceurs d'alerte, plus que tous les précédents présidents réunis, et la façon dont son gouvernement s'est attaqué au pirate informatique de la NSA Edward Snowden était démente. Forcer l'avion d'un président étranger - le Bolivien Evo Morales - à atterrir à Vienne pour qu'il puisse être fouillé à la recherche de Snowden, supposément caché sous un siège ? L'entourage d'Obama a fait une crise d'hystérie concernant les fuites et il ne fait aucun doute que Assange faisait partie des causes de cette crise de vapeurs. Cette histoire a dû affecter Biden. Il n'est donc en rien surprenant qu'il se montre imperméable au jugement du reste du monde, car ses idées sur la question ont sans doute été formées dans un environnement que l'on ne peut que qualifier des plus étranges.
Les États-Unis sont donc une exception dans l'univers de l'opinion publique. C'est à cause du traitement réservé à Assange sur l'ordre de minables [ndr : pour rester polie et ne pas traduire par saletés] américains de la trempe d'Hillary Clinton "Ne peut-on pas tout simplement tuer Assange par un drone ?", de Mike Pompeo "Nous avons menti, nous avons triché, nous avons volé", de Donald Trump "Pas de grâce pour Assange" ou encore de Joe Biden "Je préfère faire un somme plutôt que de le gracier". Biden a été si cruel et abusif que, selon le rapporteur spécial des Nations unies, Nils Melzer, ces souffrances progressivement sévères infligées à Assange ne sont rien de moins que de la torture. Pour l'amour du ciel, la CIA a même esquissé des plans pour l'enlever et l'assassiner, alors qu'il se cachait, pendant près de sept ans jusqu'en 2019, dans l'ambassade d'Équateur à Londres. Plus tard, ils ont essayé de lui fracasser l'esprit à Belmarsh, en le dopant avec des psychotropes, tout en espérant sans doute qu'il contracte le Covid-19 et qu'il meure. Mais ce ne fut pas le cas. Assange a été mis à rude épreuve, mais miraculeusement, il est toujours parmi nous. Pour cela, les ingrats des médias ne lui témoignent aucune reconnaissance pourtant méritée. La ténacité d'Assange peut encore nous permettre de reconquérir les libertés de la presse que sa disparition - condamnation à de multiples peines d'emprisonnement à vie ou à la mort en prison - anéantirait.
Comment la résilience et l'endurance d'Assange pourraient-elles permettre d'atteindre cet objectif ? Des signes timides indiquent déjà que les ennemis jurés d'une presse libre, l'élite de Washington, aimeraient que cette tache sur leur réputation collective se dissolve. L'ambassadrice de la bande à Biden en Australie, Caroline Kennedy, a fait allusion le 14 août à une issue à ce qu'ils considèrent sans doute comme leur horrible dilemme : si seulement Assange plaidait coupable d'une accusation moins grave (pourquoi diable devrait-il plaider coupable de quoi que ce soit ? demanderez-vous logiquement), alors tout ce gâchis pourrait être résolu illico presto. Cet aveu surprenant de la part d'un diplomate signifie que nos dirigeants impériaux en ont peut-être assez de cette persécution qui a tourné au fiasco en matière de relations publiques. Bien sûr, une solution beaucoup plus simple existe : ils pourraient libérer Assange avant que les deux juges britanniques chargés de décider de son sort ne se réunissent.
"Ce n'est pas vraiment une question diplomatique, mais je pense qu'il pourrait absolument y avoir une résolution", a déclaré Caroline Kennedy. Cela s'ajoute aux 17 chefs d'accusation de la loi sur l'espionnage, au chef d'accusation de complot en vue de commettre un piratage informatique et aux 175 ans de prison possibles qui pèsent sur Assange comme une épée de Damoclès, s'il est extradé vers les États-Unis. Blinken, considèrent qu'Assange est accusé de "conduite criminelle très grave". Qui sait donc si Mme Kennedy a parlé pour elle-même ou s'il s'agissait d'un ballon d'essai lancé par des têtes plus sensées au sein de la cohorte de valets de Biden ? Mais on pourrait penser que tout homme politique doté d'une once d'instinct de conservation s'empresserait de se dissocier de l'ignominie de ces poursuites scandaleusement injustes et révoltantes sur le plan politique.
En effet, le 11 avril dernier, sept membres démocrates libéraux du Congrès ont écrit au procureur général Merrick Garland pour lui demander d'abandonner la procédure. "La poursuite engagée contre Mr Assange, écrivent-ils, marque la première fois dans l'histoire des États-Unis qu'un rédacteur d'informations authentiques est inculpé en vertu de la loi sur l'espionnage".
Le fait qu'il l'ait été devrait convaincre tout partisan d'une presse libre que cette loi devrait être abrogée. Aujourd'hui, avec Assange tout comme par le passé, son principal objectif a été d'étouffer la liberté d'expression. Promulguée à l'instigation de l'un des présidents américains les plus médiocres (pour ne pas le dire plus crûment), Woodrow Wilson, qui l'a utilisée pour promouvoir un bain de sang inutile, à savoir la Première Guerre mondiale (qui n'est pas sans rappeler la Troisième Guerre mondiale avec laquelle Biden flirte), la loi sur l'espionnage a été promptement utilisée pour arrêter le socialiste Eugene Debs qui protestait contre la guerre. Plus tard, lors de la chasse aux sorcières anticommunistes de McCarthy, cette loi a mis au pilori les Rosenberg et plus tard encore, pendant les années de la guerre du Viêt Nam, Daniel Ellsberg, pour sa divulgation des Pentagon Papers.
La loi sur l'espionnage est une source d'embarras et de honte pour un peuple libre. Il en va de même pour les accusations portées contre Julian Assange. La loi et les poursuites doivent être abandonnées.
Eve Ottenberg est romancière et journaliste. Son dernier livre s'intitule Lizard People (Le peuple du lézard). Elle est joignable sur son site Web.
📰 https://www.counterpunch.org/2023/10/06/past-time-to-end-the-persecution-of-julian-assange/
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7- ♟ Le Belmarsh Live arrive à Strasbourg - du 10 au 12 octobre
Le Belmarsh Live est un projet artistique réalisé par Assange Network & Manja McCade
Préparez-vous, car le Belmarsh Live arrive à Strasbourg du 10 au 12 octobre !
Des mois de préparation acharnée ont été nécessaires pour faire de cet événement une réalité, et nous ne pouvons exprimer à quel point nous sommes reconnaissants à l'incroyable équipe qui a travaillé sans relâche dans les coulisses.
Notre mission à Strasbourg n'est rien de moins qu'essentielle : nous sommes ici pour lancer un cri d'alarme, pour que les membres du Parlement, les représentants du Conseil de l'Europe et la Cour européenne des droits de l'homme soient pleinement conscients de la situation dramatique à laquelle Julian est confronté. Les enjeux ne pourraient être plus élevés, et nous croyons fermement qu'en unissant nos voix, nous pouvons générer des vagues de changement.
Nous ne sommes pas seulement enthousiastes ; nous sommes animés d'une détermination ardente à provoquer le changement. Rejoignez-nous à Strasbourg pour mener notre combat inflexible en faveur de la liberté de Julian et des principes fondamentaux de vérité et de justice. Gardez un œil sur nos mises à jour pendant cet événement décisif !
Ensemble, la force que nous représentons est inarrêtable. Strasbourg, nous voilà !
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8- ♟ Lancement des États généraux de l’information
Les États généraux présidentiels de l’information laissent craindre le pire : les journalistes, leurs syndicats, leurs collectifs, leurs sociétés de rédacteurs en sont absents.
2 articles
➤ Lancement des États généraux de l’information - Pas sans les syndicats !
Les États généraux de l’information ont été lancé le 3 octobre, pour tenter de fixer des "règles du jeu" dans un univers médiatique en plein bouleversement. "Le but, c’est d’aboutir à un plan d’action" pour "garantir le droit à l’information à l’heure numérique", a expliqué Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières.
✒️ Par la rédaction de Témoignage, le 4 octobre 2023
📌 Fausses infos, mainmise des milliardaires, révolutions technologiques, défiance envers les journalistes, les médias font face à de nombreux coups durs, tant la presse est jugée à la botte de certains groupes d’influence.
Pour le gouvernement français, les États généraux de l’information visent à fixer des "règles du jeu" dans un univers médiatique en plein bouleversement. L’organisation de ce vaste chantier sera précisée par le comité de pilotage indépendant des États généraux.
Pour l’heure, ces États généraux sont une promesse de campagne du président Emmanuel Macron en 2022, qui a mit un certain temps à se mettre en place. Ce dernier avait d’ailleurs à plusieurs reprises déclaré que les médias devaient relayer les informations du gouvernement et pas autre chose.
Le président français est d’ailleurs proches de certains milliardaires qui n’hésitent plus à s’ingérer dans la ligne éditorial des journaux qu’ils ont acheté, allant de la propagande à la diffusion de contenu répréhensible (C8/Cnews ont construit et soutiennent Eric Zemmour et les thèses d’extrême droite, sans compte la Grèce au Journal du Dimanche, avec la venue d’un directeur d’extrême droite ...)
"Le but, c’est d’aboutir à un plan d’action" pour "garantir le droit à l’information à l’heure numérique", a expliqué à l’AFP Christophe Deloire, délégué général de ce comité présidé par Bruno Lasserre (de la Cada, Commission d’accès aux documents administratifs).
Cela pourra passer par des mesures "législatives, fiscales, budgétaires", avec peut-être une modification de la loi de 1986 qui régit l’audiovisuel. Mais les Etats généraux devraient aussi aboutir à des "recommandations" au secteur des médias, d’après ce denrier, également secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF).
Organisés par groupes de travail
Les États généraux débuteront par "une phase de diagnostic jusqu’à la fin de l’année", avant "les propositions". Ils s’achèveront "en mai-juin" 2024. "Le périmètre est très large : de la qualité de l’information au financement du journalisme jusqu’aux réseaux sociaux et à l’intelligence artificielle, en passant par beaucoup d’autres choses", a indiqué Christophe Deloire.
Selon lui, l’ampleur de ce périmètre "peut être un facteur de complexité mais aussi un immense avantage", car "les bouleversements de l’espace informationnel sont tels qu’on ne les réglera pas petit bout par petit bout".
"Les Etats généraux sont lancés pour avoir une vue globale" et "pour fixer des règles du jeu communes, parce que cet espace informationnel est un bien commun", a-t-il souligné sans évoqué une seule fois la présence des syndicats de journalistes.
Parmi les thèmes abordés, la qualité de l’information tiendra une place centrale, à l’heure où les réseaux sociaux sont très prisés chez les jeunes. Selon le baromètre Kantar-La Croix publié en janvier 2023, ces plateformes sont la deuxième source d’information des Français de 18 à 24 ans, derrière les journaux télévisés. Avec d’importants res risques de désinformation.
La concentration de nombreux médias français entre les mains de grands groupes privés et de quelques milliardaires (Vincent Bolloré, Daniel Kretinsky, Xavier Niel, Rodolphe Saadé...) sera également évoqué, car le sujet a fait l’objet d’une commission d’enquête sénatoriale en 2022, qui a remis 32 propositions qui ont suscité la division des sénateurs.
Indépendance des médias, vaste question
Au-delà des implications économiques, la concentration des médias pose la question de l’indépendance : comment garantir que les propriétaires de médias n’influencent pas sur leur ligne éditoriale ?
Une question d’actualité après la grève menée au JDD (Journal du dimanche), dont la rédaction s’est opposée en vain à l’arrivée comme directeur du journaliste Geoffroy Lejeune, marqué à l’extrême droite.
Beaucoup y ont vu l’intervention non cachée du milliardaire ultra-conservateur Vincent Bolloré, dont le groupe Vivendi va racheter Lagardère, propriétaire du JDD. De son côté, Lagardère s’en est défendu. Pourtant, Vincent Bolloré "a gagné, au sens où il a fait partir ceux qui lui résistaient" de la rédaction du JDD, avait estimé Jean-Pierre Mignard, l’avocat mandaté par la Société des journalistes du JDD, sur franceinfo le 1er août.
Ce dernier avait expliqué que "les journalistes vont se constituer en association. Ils vont être extrêmement actifs et très dynamiques lors des états généraux de l’information. Il faut qu’en France, on prenne acte de ce que l’argent public, via les aides qui sont distribuées aux journaux, ne peut pas être distribué inconsidérément sans constater qu’il y a un consensus".
De son côté, Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières, a assuré que "ce serait une erreur de penser que les États généraux sont une réponse à Bolloré, c’est beaucoup plus large". Après la crise au JDD, des parlementaires ont proposé de conditionner les aides publiques des médias à des mécanismes d’indépendance éditoriale.
Autre sujet, la protection des sources des journalistes. Ce thème est aussi d’actualité avec la récente garde à vue de la journaliste Ariane Lavrilleux, après une enquête sur une mission de l’armée française en Égypte.
L’une des difficultés des Etats généraux est d’éviter d’en faire un événement corporatiste, qui n’intéresserait que les journalistes ou les patrons de presse qui veulent faire pression sur le gouvernement pour plus de largesses. "On veut partir des citoyens, en allant leur parler là où ils sont", espère Christophe Deloire. Une tâche ardue, d’autant que la perte de confiance dans les médias est une tendance de fond de ces dernières années.
Pas sans les syndicats de journalistes
Jamais dans notre pays le droit à une information libre et indépendante n’a été aussi menacé, a écrit le Syndicat National des Journalistes dans un communiqué, publié le 3 octobre.
Le syndicat a expliqué que "la scandaleuse atteinte au secret des sources dont est victime notre consœur Ariane Lavrilleux en est une nouvelle illustration, comme, la même semaine, la convocation par la PJ de trois journalistes de Libération".
Cet été, la longue grève des journalistes du JDD "est venue rappeler les conséquences dramatiques pour la liberté de l’information et la démocratie de la mainmise grandissante des actionnaires milliardaires sur la presse".
"Pour que ces États généraux soient utiles, il faudrait déjà urgemment changer de méthode et associer les quatre organisations syndicales représentatives des journalistes (SNJ, SNJ-CGT, CFDT Journalistes et SGJ-FO). Nous attendons toujours d’être avisés officiellement des objectifs et du déroulement de cette initiative".
Pour que ces États généraux soient utiles, "il faudrait déjà urgemment changer de méthode et associer les quatre organisations syndicales représentatives des journalistes (SNJ, SNJ-CGT, CFDT Journalistes et SGJ-FO)".
Le SNJ note que "pour l’instant, nous sommes loin du compte alors que ce sont elles qui, en entreprise, au quotidien, sont en première ligne des combats pour l’information".
"Nous attendons toujours d’être avisés officiellement des objectifs et du déroulement de cette initiative. Cette opacité et la mise à l’écart des interlocuteurs sociaux de la profession nous font craindre que ces États généraux ne se résument qu’à une nouvelle opération de communication".
"Nos syndicats SNJ, SNJ-CGT, CFDT Journalistes et SGJ-FO sont déterminés à faire entendre leurs voix et à rappeler les revendications qu’ils ont portées, dans l’unité, au cours des derniers mois pour le droit d’informer et d’être informé", a noté le communiqué de presse.
Pour eux, ces États généraux doivent viser quatre objectifs principaux :
Garantir l’indépendance des journalistes face aux actionnaires, au marché publicitaire et aux plateformes numériques. Pour cela, il est nécessaire de mettre un terme à la concentration actuelle, favorisée par un laisser-faire législatif et financier dont les premiers bénéficiaires, via les aides à la presse notamment, sont les industriels milliardaires dont l’information n’est pas le métier.
Modifier en profondeur les textes de lois sur l’indépendance et le secret des sources des journalistes (Dati, Bloche…) qui permettent notamment les procédures-bâillons et ont sapé des pans entiers de la loi de 1881 sur la liberté de la presse. Ces lois, qui devaient sécuriser les journalistes, sont devenues le prétexte d’atteintes répétées au secret des sources, aux procédures visant à imposer une véritable censure préalable sur le travail des journalistes. Il faut en finir avec les entraves, les intimidations voire les violences dont les journalistes sont les victimes et adapter la loi pour permettre un contexte de travail plus sécurisant.
Garantir aux journalistes, et notamment aux plus précaires d’entre eux, de véritables droits sociaux et moraux contre les pressions économiques et éditoriales, en faisant respecter le statut des journalistes, la convention collective, le code du travail, les salaires, et en contrôlant les éditeurs qui multiplient les entorses à ces droits.
Refondre le système des aides à la presse afin qu’elles concourent au pluralisme des médias et en les conditionnant au respect de ces droits sociaux et moraux.
"Alors que la défiance envers les médias est profonde, nos organisations syndicales sont prêtes à s’engager dans des États généraux œuvrant pour un journalisme d’intérêt public, respectueux des faits et du droit des citoyens à une information de qualité. Cela ne pourra se faire qu’en entendant les représentants des journalistes", concluent les journalistes.
📰 https://www.temoignages.re/medias/lancement-des-etats-generaux-de-l-information,108487
➤ Pour des États généraux de la presse indépendante
Les états généraux présidentiels de l’information ont été présentés ce 3 octobre. En l’absence des journalistes, de leurs syndicats, de leurs collectifs, de leurs sociétés de rédacteurs, cette machinerie construite à l’Élysée laisse craindre le pire. Le Fonds pour une presse libre appelle à hacker un tel dispositif en organisant des États généraux de la presse indépendante.
✒️ Par François Bonnet, président du FPL, le 3 octobre 2023, Fonds Pour Une Presse Libre
📌 Nos craintes ont été confirmées ce mardi 3 octobre, avec la présentation officielle des états généraux de l’information, voulus par Emmanuel Macron lors de sa campagne électorale de 2022 et repoussés à plusieurs reprises depuis. Le dispositif, construit dans le secret de l’Élysée et selon des procédures inconnues, est celui d’un vaste débat sur des thèmes aussi larges que flous et qui devrait déboucher dans neuf mois sur un rapport… Un de plus ?
L’urgence de réformes larges et profondes des secteurs de l’information est martelée depuis des années par les principaux acteurs, journalistes en tête. D’innombrables propositions de réformes ont été faites, sur les droits et devoirs des journalistes, sur la propriété des médias, l’indépendance des rédactions, les aides publiques à la presse, le partage de la richesse aujourd’hui accaparées par les grandes plateformes numériques, la régulation des réseaux sociaux, etc.
Tout cela est sur la table et bon nombre de mesures font consensus. Il reste aux politiques à trancher, décider et réformer. L’affaissement du débat public, la dégradation de la qualité de l’information, la crise d’indépendance et l’installation de l’extrême-droite dans des médias de masse démontrent l’urgence d’agir. Ce n’est pas ce chemin qui s’annonce, au vu de l’organisation de ce qu’il faut bien appeler des États généraux présidentiels de l’information.
Le Fonds pour une presse libre a toujours considéré que c’est au Parlement, dans la diversité de ses représentations politiques, qu’il revenait de se saisir de ce bien public qu’est l’information et des réformes à apporter à cette loi fondamentale qu’est la loi de 1881 sur la liberté de la presse.
Comme en 2008, avec les États généraux sur la presse voulus par Nicolas Sarkozy, le droit de savoir des citoyennes et des citoyens est à la merci d’un homme, le président de la République. Le pouvoir suprême promettant de réformer son contre-pouvoir… L’anomalie démocratique est flagrante.
Elle l’est encore plus quand cette initiative est pilotée par un comité dit indépendant, mais dont chacun des membres a été nommé par l’Élysée selon des critères obscurs. Le sujet n’est pas de disqualifier ces personnes et leurs compétences réelles ou supposées. Il est de dénoncer une méthode politique qui ne produit ni légitimité, ni confiance.
L’anomalie est plus grande encore si l’on veut bien observer que les membres du comité de pilotage et responsables des diverses commissions créées sont pour l’essentiel des hauts fonctionnaires (Conseil d’État, Inspection des finances) ou des figures du monde des affaires. Christophe Deloire, secrétaire général de l’ONG Reporters sans frontières - qui s’était opposée en 2008 aux États généraux de Nicolas Sarkozy -, fait figure d’incongru ou de caution dans un dispositif dont il est le délégué général, mais qui apparaît tout entier contrôlé par le techno-business.
Les syndicats de journalistes l’ont bien noté qui, dans un communiqué commun (SNJ, CGT, CFDT, FO) publié ce 3 octobre, notent que "pour que ces États généraux soient utiles, il faudrait déjà urgemment changer de méthode et associer les quatre organisations syndicales représentatives des journalistes". Les sociétés de journalistes, les collectifs et organisations diverses de défense des droits pourraient dire de même.
À regret, le Fonds pour une presse libre n’attend donc rien ou pas grand-chose de cette initiative qui pourrait n’être qu’un énième exercice de communication d’un pouvoir privé de majorité parlementaire, et donc de la capacité de réformes législatives ambitieuses.
Pour autant le FPL ne boycottera pas ces états généraux et a, d’ores et déjà, demandé à être auditionné. Notre mission est de défendre le pluralisme de la presse et l’indépendance du journalisme. Pour cela, le FPL se doit de parler à tous, de saisir toutes les tribunes disponibles, même dans des lieux peu recommandables, pour exposer nos propositions.
En revanche, nous pensons qu’il est peut-être possible de bousculer cette entreprise présidentielle, de la hacker en quelque sorte. D’abord pour faire savoir cette urgence d’agir et ne pas noyer les réformes prioritaires dans un océan de considérations générales ou de problèmes qui se posent au niveau mondial et échappent à une règlementation nationale (l’Union européenne a pris en la matière plusieurs mesures importantes).
Ensuite pour faire connaître les propositions de réforme de la presse indépendante, qui recoupent d’ailleurs largement celles de tous les journalistes. Protection du secret des sources des journalistes, levée du secret des affaires, lutte contre les procès-baillons, reconnaissance juridique des sociétés de journalistes, fin des violences policières sur les journalistes, propriété des médias, réforme de la loi de 1986 sur l’audiovisuel, création d’un délit de censure, droit d’agrément et de révocation des responsables de rédaction par les journalistes, lutte contre la concentration des médias, lutte contre l’extrême-droite, réformes des aides publiques en les conditionnant à l’indépendance des médias… et quelques autres.
Pour cela, le Fonds pour une presse libre vient de proposer à une centaine de médias indépendants d’organiser les États généraux de la presse indépendante. Au-delà de notre diversité, de nos désaccords, il nous faut nous rassembler pour dire aux citoyennes et citoyens que d’autres propositions éditoriales, que d’autres agendas informatifs existent.
Nous sommes chaque jour des millions de personnes à lire, regarder, écouter la presse indépendante. Ce sont ces voix qu’il faut faire entendre. Dans leur pluralisme et loin des commissions officielles.
📰 https://fondspresselibre.org/pour-des-etats-generaux-de-la-presse-independante
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9- ♟ Le complot de la CIA visant à kidnapper ou à tuer Julian Assange à Londres est une histoire passée à grand tort sous silence
Assange et Jamal Khashoggi ont été pris pour cible parce qu'ils remplissaient la mission première du journaliste, à savoir révéler au public ce que les gouvernements veulent garder secret.
✒️ Par Patrick Cockburn, le 1er octobre 2021, Independent
📌 Voilà trois ans, le 2 octobre 2018, une équipe de fonctionnaires saoudiens a assassiné le journaliste Jamal Khashoggi dans le consulat saoudien d'Istanbul. Le but de cette exécution était de réduire Khashoggi au silence et d'effrayer les détracteurs du régime saoudien en montrant qu'il les poursuivrait et les punirait comme s'il s'agissait d'agents d'une puissance étrangère.
Il a été révélé cette semaine qu'un an avant l'assassinat de Khashoggi en 2017, la CIA avait comploté pour enlever ou assassiner Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks, qui s'était réfugié cinq ans plus tôt dans l'ambassade de l'Équateur à Londres. Un haut responsable du contre-espionnage américain a déclaré que les plans pour la restitution forcée d'Assange aux États-Unis avaient été discutés "aux plus hauts niveaux" de l'administration Trump. L'informateur est l'un des plus de 30 responsables américains - dont huit ont confirmé les détails de la possibilité d'enlèvement - cités dans une enquête de 7 500 mots menée par Yahoo News sur la campagne de la CIA contre Julian Assange.
Le plan consistait à "s'introduire dans l'ambassade, faire sortir [Assange] et l'amener là où nous le voulions", a précisé un ancien responsable des services de renseignement. Un autre informateur a déclaré qu'il avait été informé d'une réunion au printemps 2017 au cours de laquelle le président Trump avait demandé si la CIA pouvait assassiner Assange et fournir des "options" sur la façon dont cela pourrait être fait. Trump a nié avoir agi de la sorte.
Le chef de la CIA nommé par Trump, Mike Pompeo, a déclaré publiquement qu'il ciblerait Assange et WikiLeaks en les assimilant à un "service de renseignement hostile". Les apologistes de la CIA affirment que la liberté de la presse n'était pas menacée parce qu'Assange et les militants de WikiLeaks n'étaient pas de vrais journalistes. Les hauts responsables du renseignement avaient l'intention de décider eux-mêmes qui était ou n'était pas un journaliste, et ils ont fait pression sur la Maison Blanche pour requalifier d'autres journalistes de renom en "courtiers de l'information" devant être ciblés comme s'ils agissaient en tant qu'agents d'une puissance étrangère.
Parmi les personnes contre lesquelles la CIA aurait voulu agir figurent Glenn Greenwald, fondateur du magazine The Intercept et ancien chroniqueur du Guardian, ou encore Laura Poitras, réalisatrice de films documentaires. Les arguments avancés sont similaires à ceux utilisés par le gouvernement chinois pour réprimer la dissidence à Hong Kong, très critiqués en Occident. L'emprisonnement des journalistes en tant qu'espions a toujours été la norme dans les pays autoritaires, tels que l'Arabie saoudite, la Turquie et l'Égypte, tandis que la dénonciation de la presse libre pour antipatriotisme est une caractéristique plus récente des gouvernements populistes nationalistes qui ont pris le pouvoir dans le monde entier.
Il n'est possible de donner qu'un bref aperçu de l'histoire extraordinaire révélée par Yahoo News, mais les journalistes qui l'ont relatée - Zach Dorfman, Sean D Naylor et Michael Isikoff - devraient remporter tous les prix journalistiques. Leurs révélations devraient susciter un intérêt particulier chez les Britanniques, car c'est dans les rues du centre de Londres que la CIA a planifié un assaut extrajudiciaire contre une ambassade, l'enlèvement d'un ressortissant étranger et sa restitution secrète aux États-Unis, avec l'option alternative de le tuer. Il ne s'agissait pas d'idées farfelues de fonctionnaires du renseignement de bas niveau, mais bien d'opérations que Pompeo et l'agence avaient pleinement l'intention de mener à bien.
On pouvait s'attendre à ce que cette histoire passionnante et de première importance, basée sur des sources multiples, fasse l'objet d'une large couverture et de nombreuses réactions éditoriales dans les médias britanniques, sans parler du Parlement. De nombreux journaux ont consciencieusement publié des résumés de l'enquête, mais il n'y a pas eu de tollé. Les lacunes de la couverture sont criantes, notamment à la BBC, qui n'en a parlé, pour autant que je sache, que dans le cadre de son volet consacré à la Somalie. Channel 4, habituellement si prompte à défendre la liberté d'expression, n'a apparemment fait aucune mention de l'histoire.
Finalement, l'attaque de l'ambassade n'a jamais eu lieu, malgré les préparatifs avancés. "Une discussion a eu lieu avec les Britanniques sur le fait de tendre l'autre joue ou de regarder ailleurs lorsqu'une équipe de gars est entrée à l'intérieur et a procédé à une restitution", a déclaré un ancien haut responsable du contre-espionnage américain, qui a ajouté que les Britanniques avaient refusé d'autoriser l'opération à se produire.
Le gouvernement britannique a toutefois mis en œuvre sa propre mesure, moins mélodramatique mais plus efficace, contre Assange, en l'expulsant de l'ambassade le 11 avril 2019, après qu'un nouveau gouvernement équatorien a révoqué son asile. Deux ans et demi plus tard, il est toujours incarcéré dans la prison de haute sécurité de Belmarsh, tandis que les États-Unis font appel d'une décision judiciaire de ne pas l'extrader vers les États-Unis au motif qu'il présenterait un risque de suicide.
S'il était extradé, il encourrait 175 ans de prison. Il est toutefois important de comprendre que seules cinq de ces années seraient prononcées en vertu de la loi sur la fraude et les abus informatiques (Computer Fraud and Abuse Act), tandis que les 170 autres années potentielles seraient prononcées en vertu de la loi sur l'espionnage (Espionage Act) datant de 1917, adoptée à l'apogée de la fièvre guerrière patriotique lors de l'entrée des États-Unis dans la Première Guerre mondiale.
Seule une accusation mineure contre Assange concerne la divulgation par WikiLeaks, en 2010, d'un ensemble de câbles diplomatiques américains et de rapports de l'armée relatifs aux guerres d'Irak et d'Afghanistan. Les 17 autres chefs d'accusation portent sur l'assimilation d'une enquête journalistique classique à de l'espionnage.
La détermination de Pompeo à faire l'amalgame entre enquête journalistique et espionnage est particulièrement pertinente en Grande-Bretagne, car la ministre de l'intérieur, Priti Patel, veut à peu de chose près faire de même. Elle propose de mettre à jour la loi sur les secrets officiels afin que les journalistes, les lanceurs d'alerte et les auteurs de fuites puissent être condamnés à des peines allant jusqu'à 14 ans d'emprisonnement. Un document consultatif publié en mai et intitulé "Legislation to Counter State Threats (Hostile State Activity)" redéfinit l'espionnage comme "le processus secret d'obtention d'informations confidentielles sensibles normalement non accessibles au public".
La véritable raison pour laquelle le scoop concernant le complot de la CIA pour enlever ou tuer Assange a été largement ignoré ou minimisé est plutôt qu'il est injustement considéré comme un paria par toutes les tendances politiques qu'elles soient de gauche, de droite ou du centre.
Pour ne citer que deux exemples, le gouvernement américain n'a cessé de prétendre que les révélations de WikiLeaks en 2010 mettaient en danger la vie d'agents américains. Pourtant, l'armée américaine a admis lors d'une audience au tribunal en 2013 qu'une équipe de 120 officiers de contre-espionnage n'avait pas réussi à trouver une seule personne en Irak et en Afghanistan qui soit décédée du fait des révélations de WikiLeaks. Quant aux allégations de viol en Suède, nombreux sont ceux qui estiment qu'elles devraient à elles seules priver Assange de toute prétention à être un martyr de la cause de la liberté de la presse. Pourtant, le procureur suédois n'a mené qu'une "enquête préliminaire" et aucune charge n'a été retenue.
Assange est une victime classique de la "culture de l'annulation", tellement diabolisé qu'il ne peut plus être entendu, même lorsqu'un gouvernement complote pour l'enlever ou l'assassiner.
En réalité, Khashoggi et Assange ont été poursuivis sans relâche par l'État parce qu'ils ont rempli le premier devoir du journaliste : découvrir des informations importantes que le gouvernement voudrait garder secrètes et les divulguer au public.
📰 https://www.independent.co.uk/voices/julian-assange-cia-kidnap-plot-yahoo-news-b1930759.html
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10- ♟ Les dessous de l'affaire WikiLeaks
Le fondateur de WikiLeaks risque d'être extradé aux États-Unis, où il est menacé de la prison à vie. Mais quels crimes a-t-il donc commis? C'est la question que pose, dans un livre coup de poing, Nils Melzer, rapporteur spécial sur la torture de la Commission des droits de l'homme de l'ONU.
✒️ Par Jacques Dion, le 1er septembre 2022, Marianne
📌 On a fini par oublier que Julian Assange, voici peu, était considéré comme un héros des temps modernes. La plupart des journaux s'abreuvaient aux révélations du fondateur de WikiLeaks, devenu la référence des lanceurs d'alerte. Puis il a fini par être oublié. Son nom apparaît de manière épisodique dans les gazettes, alors qu'il risque d'être extradé de la prison londonienne de haute sécurité de Belmarsh pour être embarqué vers les États-Unis, afin de terminer ses jours en prison, sous l'accusation d'espionnage, rien que ça.
Mais quels crimes a donc commis cet Australien de 51 ans ? C'est la question que pose Nils Melzer, rapporteur spécial sur la torture de la Commission des droits de l'homme de l'ONU. auteur d'un livre à paraître (le 9 septembre) intitulé L'Affaire Assange. Histoire d'une persécution politique (Editions Critiques), dont Marianne publie les bonnes feuilles. Le professeur de droit qu'est Nils Melzer n'est pas du genre à s'aventurer sur des terres incertaines. Il connaît le poids des mots et la trace des accusations. Il ne s'est donc pas embarqué dans cette affaire sans biscuits. D'ailleurs, il confesse avoir d'abord eu "un parti pris contre Assange", "le "hacker" louche aux cheveux blancs et au blouson de cuir, comme s'il doutait du sérieux du dossier, lui qui en voit tant passer entre ses mains expertes.
Dés qu'il s'agit d'Assange, humilié, brisé de son vivant, les bouches se ferment. À croire que les principes sont à géométrie variable.
Mis en croix pour avoir révélé la vérité
Mais l'ampleur du scandale lui a sauté aux yeux et l'a amené à rédiger ce brûlot, où il relate la descente aux enfers d'un homme mis en croix pour avoir fait éclater la vérité.
"Le premier qui dit la vérité, il doit être exécuté", chantait jadis Guy Béart. Tel est le sort réservé à Julian Assange, à qui on ne pardonne pas la diffusion, à partir de 2010, de plus de 700 000 documents classifiés sur les activités militaires et diplomatiques américaines, notamment en Irak et en Afghanistan. Grâce aux documents susdits, la réalité de ces deux guerres a éclaté aux yeux de tous, malgré la volonté de maintenir le couvercle sur les méthodes utilisées par ces champions de la liberté que prétendent être les États-Unis.
Oublié de l'Occident
Depuis, ces derniers traquent Julian Assange, arrêté à Londres en avril 2019 après sept ans passés derrière les murs de la représentation diplomatique équatorienne, où il s'était réfugié par crainte d'une extradition manu militari vers les États-Unis. Après avoir vécu comme un animal traqué, le voilà suspendu au bon vouloir de la justice britannique. Il a été oublié par les gouvernements occidentaux, mais aussi par les journaux qui ont utilisé ses révélations avant de l'abandonner en rase campagne sous prétexte qu'il aurait participé à la défaite de Hillary Clinton face à Donald Trump, en 2017. De là à en faire un espion à la main de Moscou, il y a un pas que certains ont franchi avec l'aisance d'un danseur du Bolchoï.
Avec opiniâtreté, Nils Melzer démonte les fausses accusations portées contre Julian Assange, comme elles l'avaient été contre Chelsea Manning, ex-militaire condamnée pour avoir transmis des documents à WikiLeaks, ou contre Edward Snowden, ancien employé des services américains de la National Security Agency (NSA) ayant révélé l'ampleur de l'espionnage à l'américaine, réfugié à Moscou, d'où il ne cesse de répéter qu'il a demandé l'asile politique à nombre de pays de l'Union européenne (dont la France), qui l'ont largué au milieu des steppes. C'est pourtant grâce à eux que l'on connaît la face immergée de l'iceberg américain qui balaie les droits de l'homme ainsi que ceux de l'information, cette denrée si périlleuse.
Désormais, dès qu'il s'agit de Julian Assange, soumis à un régime carcéral insupportable, humilié, brisé de son vivant, les têtes se baissent, les regards fuient, et les bouches se referment, à croire que les grands principes sont à géométrie variable. Fort heureusement, il est des hommes qui ne tergiversent pas avec les principes, avec la morale, avec le droit. Nils Melzer est de ceux-là. Ils méritent d'autant plus le respect qu'ils se font rares.
📰 https://digital.marianne.net/reader/9e8f8566-7544-41bb-82a1-4c91baf66add
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11- ♟ Le cas de Julian Assange - Critique dévastatrice de la Suède
"J'aimerais que tous ceux qui travaillent dans le domaine de la politique, du droit et du journalisme suédois lisent le livre de Nils Melzer avant de prononcer des mots tels que démocratie, liberté d'expression et État de droit ou de les laisser les exprimer par leur plume."
✒️ Par la rédaction de Global Politics, le 28 octobre 2021
Le livre de Nils Melzer intitulé "The Julian Assange case" a été commenté hier par Stina Oscarsson dans le Svenska Dagbladet et a fait la une des journaux.
Je déroge à mes principes et publie la critique complète parce qu'elle est extrêmement importante et exellente.
Le Svenska Dagbladet écrit dans un premier temps : "Une complicité bureaucratique - c'est ainsi qu'un nouveau livre décrit la façon dont la Suède a traité Julian Assange. Stina Oscarson a lu le livre de Nils Melzer - et a été envahie par la honte. Aujourd'hui, la plus haute juridiction britannique examine un recours visant à extrader le fondateur de WikiLeaks vers les États-Unis".
📌 Il y a deux façons d'anéantir la résistance dans une démocratie : soit vous l'étreignez jusqu'à la mort, comme dans le cas de Greta Thunberg, alors que les politiciens, les chefs d'entreprise et les influenceurs rivalisent pour être vus en photo à côté d'elle afin d'obtenir un soupçon de son idéalisme pur. Ou bien vous cherchez à déplacer le centre d'intérêt, de sorte que les proportions changent et que le vrai problème est minimisé et meurt en silence.
Si vous voulez étudier en détail comment cela fonctionne, vous devez immédiatement lire le livre de Nils Melzer The Julian Assange case. Et si vous ne voulez pas le faire, il est probablement encore plus important que vous le lisiez. Car c'est un ouvrage que j'aimerais que tous ceux qui travaillent dans la politique, le droit et le journalisme suédois lisent avant de prononcer des mots comme démocratie, liberté d'expression et État de droit ou les laisser les exprimer par leur plume. Déjà à ce stade, je me rends compte que je commence à abandonner ma mission de critique. Mais c'est un livre qui l'exige. De la même manière que Melzer, en écrivant le livre avec ses propres mots, se transforme en dissident du système.
Melzer est professeur de droit international au sein des universités de Genève et de Glasgow. Depuis 2016, il est également rapporteur sur la torture pour les Nations unies, et c'est à ce titre qu'on lui a demandé de s'occuper de l'affaire Julian Assange, à laquelle il s'est consacré ces dernières années. Quelque chose qu'il n'avait vraiment pas envie de faire. Assange, pensait-il, est un enfant gâté, trop grand, qui a violé des femmes et qui, année après année, restant assis dans une ambassade pour éviter la justice.
Comme beaucoup d'entre nous, il avait adhéré à l'image que les médias et les politiciens avaient réussi à peindre pendant plus d'une décennie.
Cependant, il a été contraint de reconsidérer totalement sa position et le livre qu'il vient d'écrire retrace comment l'ensemble du monde occidental a laissé un conflit lié, entre autres, à un préservatif déchiré éclipser la révélation de crimes de guerre ayant fait des centaines de milliers de morts. Oublié le fait que depuis qu'ils ont déclaré la guerre au terrorisme, les États-Unis ont minimisé tout ce à quoi nous tenions en matière de lois de guerre.
S'il y avait un prix Nobel pour la non-fiction, il devrait être attribué à Melzer. Ou : retirer le prix de la paix à Obama et le lui octroyer. Le risque qu'il prend en écrivant ceci est certes faible par rapport à celui qu'Assange, Snowden et Manning ont dû payer, mais quand même.
Melzer fait le travail que tout journaliste ayant rédigé une ligne sur Assange devrait faire. Il expose les loyautés et une longue interaction entre le pouvoir judiciaire et les autorités dans un certain nombre de pays, dans lesquels les actions de la Suède jouent également un rôle central. Comment de nombreux retards, des non-réponses et des changements systématiques d'orientation deviennent un outil pour désarmer l'un des diseurs de vérités les plus gênants de notre époque. Et surtout, comment l'extradition vers les États-Unis et le châtiment qu'Assange risque d'y subir affecteraient la liberté d'expression et le journalisme d'investigation.
Il ne s'agit toutefois pas d'une conspiration criminelle, mais, comme il l'écrit, "de la politique des petits compromis, où chaque dilemme moral est réglé en faveur d'un prétendu opportunisme de realpolitik et où la dignité humaine, la transparence et la responsabilité passent toujours au second (ou au troisième) plan, quelque chose d'omniprésent. C'est tout simplement le "système d'exploitation" dominant de toutes les formes d'organisation humaine dans le monde, qu'il s'agisse d'États, d'organisations ou de sociétés. Et c'est aussi la toile sans drame dont sont tissés les plus grandes tragédies et les crimes les plus terribles de l'humanité, par le biais de l'évasion, du déplacement des responsabilités et de la complicité bureaucratique".
Lorsque je parle à Arne Ruth, publiciste et ancien rédacteur culturel au Dagens Nyheter, l'un des protagonistes de l'affaire, il dit que c'est la façon dont la Suède a géré cette affaire qui l'a poussé à ne plus se considérer comme suédois.
Et plus je lis, plus je comprends ce qu'il veut dire. J'ai honte.
Comme l'histoire de la façon dont l'avocat Claes Borgström obtient de la police responsable de modifier le procès-verbal du premier interrogatoire d'une des plaignantes après les accusations de viol, afin d'augmenter les chances d'ouvrir une enquête préliminaire.
Aujourd'hui, Borgström n'est plus en vie et ne peut donc répondre à cette question. Mais tout est là. Noir sur blanc. Et ce n'est qu'une des nombreuses pièces similaires de ce gigantesque puzzle de manipulation de la vérité.
Ruth me rappelle que rien qu'en écrivant ceci selon la logique de culpabilité par association du climat de débat actuel et la difficulté de garder deux choses à l'esprit en même temps, je risque d'être traité de misogyne et accusé de minimiser le problème des crimes sexuels. Mais ce livre ne parle pas de ça. Le fait est aussi, comme il l'écrit, que toutes les parties auraient bénéficié d'un traitement digne de l'affaire.
Plusieurs organisations internationales de femmes et des centaines de victimes de viol se sont également jointes récemment à Melzer pour protester contre l'utilisation par les autorités d'un récit de viol pour persécuter politiquement un dissident gênant, alors que les violences sexuelles perpétrées par les armées des États concernés ont été systématiquement dissimulées et sont restées impunies.
L'appropriation féministe, comme le dit une de mes amies quand on parle de ça.
Et ici, Meltzer soutient que l'accusation suédoise, par le biais d'un écran de fumée habilement mis en place, d'un travail d'enquête dans l'ombre, de déclarations agressives à la presse et par son obstruction systématique et son instrumentalisation politique de l'enquête, a participé au même mépris des droits des femmes que les gouvernements du monde entier répètent constamment.
Ceci est bien documenté. Procès-verbal lu. Revue critique de la source. Les déclarations sont mises en regard des dates. Il s'agit d'une enquête gargantuesque dans laquelle les mensonges sont exposés un par un. Et si cela n'avait pas été la réalité, cela aurait été un formidable roman policier.
Et je suis étonné de voir comment de nouvelles couches fleurissent.
Comme lorsque Assange, après que WikiLeaks a publié les courriels d'Hillary Clinton pendant l'élection présidentielle américaine, perd nombre de ses anciens partisans - qui lui reprochent désormais plutôt la victoire de Trump. Mais si cela montre quelque chose, c'est assurément qu'Assange prend au sérieux l'idée de neutralité des conséquences de l'éthique journalistique.
Ou le cynisme presque comique dont font preuve les États-Unis en défendant la torture psychologique à laquelle Assange a manifestement été soumis au motif qu'il s'agit de la "liberté d'expression". C'est à peu près le même niveau d'absurdité que lorsque le gouvernement suédois prétend qu'on ne peut pas dire qu'Assange a été détenu pendant toutes ces années à l'ambassade. Après tout, il y est allé de son plein gré. Une affirmation qui remet en cause l'idée même de l'asile politique.
Selon Melzer lui-même, le livre est "un appel convaincant irrésistible. Un appel et un rappel à tous les États du monde que le système de protection de l'homme qu'ils ont créé est dysfonctionnel de manière très fondamentale. Ce livre est également un signal d'alarme pour le public, car cet échec systémique devrait mettre en alerte chaque citoyen de nos États constitutionnels démocratiques".
Alors je dis : Laissez sonner le timbre rauque de Fredrik.
Et si le gouvernement suédois entend le signal, il peut commencer par répondre aux 50 questions encore sans réponse que Melzer a soulevées sur sa gestion de l'affaire.
Globalpolitics.se est un magazine d'information et de débat analytique non partisan, de gauche et indépendant avec des éléments de journalisme d'investigation.
📰 https://www.globalpolitics.se/fallet-julian-assange/
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12- ♟ Nils Melzer : "L'affaire Assange a mis fin à ma carrière à l’ONU"
Il combat la torture au nom de l'ONU, affronte la justice zurichoise dans l'affaire Brian, et les puissants de ce monde dans l'affaire Julian Assange. Qu'est-ce qui anime Nils Melzer ? Notre journaliste l'a accompagné - et a rencontré une personne profondément spirituelle.

✒️ Par Rebecca Wyss, le 17 juillet 2021, Blick
📌 Nils Melzer peut encore s'exprimer. Les gens l'écoutent encore. Contrairement à Chelsea Manning, Edward Snowden et Julian Assange, debout à ses côtés, coulés dans le bronze. La sculpture s'intitule Anything to Say, mais tous trois regardent silencieusement le lac (de Genève). Les lanceurs d'alerte ont été bâillonnés. La page sur laquelle est écrite la fin de l'histoire de Nils Melzer est encore vierge. Aujourd'hui, le 4 juin, il s'exprime à Genève - devant la fiancée d'Assange, la maire de Genève, un conseiller d'États genevois et des activistes levant le poing. "Julian Assange a été diabolisé et persécuté", déclare l'homme de 51 ans au micro. "Parce qu'il a dit la vérité. Il doit être libéré".
C'est pour cela que le rapporteur spécial de l'ONU sur la torture se bat.
Depuis deux ans, Mr Melzer, comme le nomme le New York Times, est donc sous le feu des projecteurs de l’opinion publique mondiale. En raison de l’ampleur de l'affaire Assange. Depuis que Wikileaks a publié des documents secrets en 2010, le monde entier surveille son fondateur, Julian Assange. La plateforme de divulgation a révélé des crimes de guerre américains. Et Assange est devenu un ennemi de l’État américain en fuite pendant près d'une décennie. Il est actuellement détenu à l'isolement en Angleterre, il est suicidaire et risque d'être extradé vers les États-Unis et encourt 175 ans de prison pour espionnage.
C'est exactement ce que veut empêcher l’homme chargé d'enquêter sur la torture dans 193 pays de l’ONU. Melzer a déjà donné d'innombrables interviews sur l’affaire Assange, répétant comme un mantra ce qu'il rapporte également dans son livre L'affaire Julian Assange : Histoire d'une persécution politique : il faut faire d'Assange un exemple, pour dissuader ceux qui veulent faire la lumière sur de sinistres secrets d'État. Une conspiration des grandes puissances.
De fonctionnaire à résistant
En mai, toutes les caméras étaient également braquées sur Nils Melzer en Suisse lorsqu'il a pris pour cible son pays d'origine. Il était la tête de proue la plus connue des opposants à la loi anti-terroriste et tenait tête à Karin Keller-Sutter dans l'"Arena" de la SRF. Dans le cas de Brian, contre la justice zurichoise. Melzer est intervenu parce que le jeune homme est détenu à l'isolement depuis près de trois ans - il subit des tortures psychologiques. La réponse du Département des affaires étrangères (DFAE) est attendue pour la mi-août au plus tard. L'Office zurichois de l'exécution des peines a rapidement réagi, piqué au vif.
Melzer est habitué à affronter des vents contraires. Il l'accepte. C'est son quotidien. Il en va tout autrement dans le cas d'Assange. Personne d'autre n'a laissé d'empreintes aussi profondes d'un point de vue biographique et personnel. L'affaire Assange a métamorphosé le fonctionnaire en combattant de la résistance. Nils Melzer le dit lui-même : "Je suis devenu un lanceur d'alerte".
Qui est cet homme ?
Peu après l'événement Assange, nous nous asseyons avec lui sur les rives du lac (de Genève). La fatigue pèse sur ses épaules, cinq heures de sommeil - c'est tout ce qu'il s'accorde par nuit. Melzer ne connaît qu'un seul mode de fonctionnement, le plein régime.
"D'autres partent trois semaines à la plage aux Maldives, je ne pourrais pas le faire. Quand nous allons à la piscine avec les enfants, je nage un kilomètre, je m'allonge vingt minutes et je dois à nouveau faire quelque chose. Faute de quoi, je deviens insupportable".
Aider tout le monde, c'est ce qu'il entend faire
Chaque jour, l'homme de l'ONU reçoit une douzaine de signalements de torture. Il ne peut intervenir que pour l'un d'entre eux. Un combat sans espoir, une lutte sans fin à mener, la souffrance, qui ne s'arrête jamais, même dans son esprit. L'horreur s'échappe de lui comme le déluge : une migrante qui veut se rendre aux États-Unis via le Mexique a 75 % de risques d'être violée. En Libye, le risque atteint les 98%. Et puis il y a la violence domestique ...
🎙 On ne peut se défaire de l'impression que cet homme porte sur lui le fardeau du monde entier. Monsieur Melzer, pourquoi vous imposez cela ?
"Je ne peux pas m'en empêcher. J'ai constamment l'impression que si je ne fais rien, les dossiers resteront en suspens. Je me sens responsable".
C'est ce sentiment fort qui le pousse à agir, qui fait de lui un homme pressé.
On sait peu de choses sur l'homme qui se cache derrière le fonctionnaire de l'ONU. Melzer a grandi à Zurich, avec une mère suédoise, physiothérapeute, élevant seule ses enfants. "Je me suis éduqué seul, j'étais un esprit libre", dit-il. Son père était travailleur humanitaire, souvent absent, et l'emmenait en voyage. Cela l'a façonné. Melzer a étudié le droit, est allé au Comité international de la Croix-Rouge en tant que délégué, a fait un doctorat sur les assassinats militaires ciblés. Plus tard, il a conseillé le DFAE sur les questions de politique de sécurité. Jusqu'à ce que le poste à l'ONU se libère.
Depuis 2016, il enquête sur les allégations de torture, rend visite aux prisonniers et intervient si nécessaire. Pendant des années, il ne s'est jamais exprimé de manière polémique ou tapageuse mais par le biais de rapports, de courriers, seuls moyens de pression d'un rapporteur spécial de l'ONU. Il s'en accommodait jusqu'à ce que l'affaire Assange tombe dans sa boîte courriel.
Melzer s'est penché sur son cas et a découvert des violations de l'interdiction de la torture ainsi que l'arbitraire systématique de la justice. Au printemps 2019, il est intervenu auprès des États-Unis, du Royaume-Uni, de la Suède et de l'Équateur. Mais les États n'ont guère réagi. Il a donc fait ce qu'il n'avait jamais fait auparavant : il est entré dans la sphère publique et a affronté les puissants. D'abord en accordant des interviews au SonntagsBlick et au magazine en ligne "Republik", puis dans la presse mondiale. Melzer a braqué l'attention sur la persécution politique d'Assange. Cet homme dont les médias s'étaient détournés depuis bien longtemps du fait d'une procédure pour viol entre-temps abandonnée.
Est-il un militant ?
Le rapporteur spécial va très loin. Il accorde également des interviews à des médias controversés comme la chaîne russe RT.
🎙 Pourquoi, Monsieur Melzer ?
"Parce que RT était le seul média à s'intéresser à l'affaire Assange. Les médias occidentaux l'ont ignoré".
Pour les critiques, il s'agit d'une preuve supplémentaire que le fonctionnaire de l'ONU est un militant pro-Assange, comme l'a récemment qualifié le "Frankfurter Allgemeine Zeitung". Et dans la "NZZ", une professeure de droit pénal l'a même présenté comme un théoricien du complot.
Pascal Willi (51 ans), le meilleur ami de Melzer, est agacé par ces étiquettes. Les deux se connaissent depuis leurs années de lycée. Le consultant en informatique déclare : "Cette image est totalement fausse. Nils n'est pas quelqu'un qui aime provoquer ou chercher la bagarre. C'est un juriste dans l'âme. Axé sur les faits". Son livre sur Assange le démontre à lui seul. Il y énumère presque scrupuleusement et avec douleur toutes les preuves qu'il a réunies dans cette affaire.
🎙 Qu'en pense Melzer lui-même ? Monsieur Melzer, ne vous inquiétez-vous jamais de votre crédibilité ?
"Beaucoup ne comprennent pas : je suis un militant, pas pour Assange, mais pour l'Etat de droit". S'il agit un peu dans le plus grand nombre possible de cas à chaque fois, il sera salué pour cela, mais au final, il ne fera rien avancer. Dans le cas d'Assange, il a la preuve d'une défaillance du système. "Ici, j'ai la chance de réaliser quelque chose allant au-delà de l'affaire".
🎙 Et quoi donc ?
"La protection de la liberté de la presse et de l'État de droit".
La foi comme moteur
Pour comprendre pourquoi la boussole interne de Melzer est imperméable aux manœuvres perturbatrices, il suffit de jeter un coup d'œil dans son cabinet de travail. Fin juin, il nous a invités dans sa maison près de Bienne, où il vit avec sa femme et ses deux filles. Au mur, une mosaïque représente une colombe blanche auréolée de gloire. Une image du Saint-Esprit.
🎙 Monsieur Melzer, en quoi croyez-vous ?
"J'essaie de servir quelque chose de plus grand. Dans tout ce que j'entreprends, il ne s'agit pas de moi".
Melzer a découvert sa spiritualité à 28 ans, alors qu'il venait de quitter son travail et traversait une crise de sens. Il a trouvé un soutien auprès d'une église libre et s'est fait baptiser par le groupe dans le lac de Zurich. Après quelques mois, il s'est senti à l'étroit et a suivi sa propre voie. Ce qui est resté, c'est la foi, décisive pour sa candidature à la Croix-Rouge, le CICR.
"J'ai demandé dans une prière ce que je devais faire et intérieurement, j'ai visualisé quatre lettres : CICR". Il ne veut pas donner de fausses impressions. Il n'a pas été choisi par Dieu. "C'était une orientation intérieure, très personnelle".
Depuis, il est confiant et ne connaît presque plus la peur.
C'est ce qui l'a porté pendant les douze années où il a été délégué au CICR. Dans les camps de réfugiés des Balkans, il a recueilli des indices de crimes de guerre, recherché les parents d'enfants perdus, si petits qu'ils ne connaissaient ni leur nom ni celui de leur mère et de leur père, s'est rendu dans des prisons où les États-Unis avaient emmené des personnes pour les interroger sous la torture. En 2009, après une mission en Afghanistan, tout s'est arrêté. Peu avant qu'il n'atterrisse à Kaboul, ses collègues de l'ONU ont été assassinés dans leur lit. Et le soir même, il y eut un grand tremblement de terre. Melzer a pensé à sa femme enceinte. "Pour la première fois, j'ai eu peur. J'ai ressenti que c'était fini".
Il n'est plus inscrit à (radié de) l'ONU
Toutes les atrocités dont l'homme est capable - aujourd'hui, il veut les empêcher. Avec les moyens dont il dispose : la définition de la torture.
🎙 Monsieur Melzer, qu'est-ce que la torture ?
"La torture, ce n'est pas seulement les coups. La torture se manifeste sous toutes les formes où la douleur est délibérément infligée dans le but d'obtenir quelque chose".
Pour Melzer, la torture est comme une carte géographique des années 1500 - pleine de zones blanches. Il les remplit. Il les cartographie à nouveau. Dans des rapports officiels à l'attention de l'Assemblée générale et du Conseil des droits de l'homme de l'ONU, il a par exemple expliqué comment la politique migratoire ou la corruption économique peuvent mener à la torture. Et il se concentre en particulier sur les violations perpétrées par les États occidentaux, "parce qu'ils se présentent souvent comme des champions des droits de l'homme", dit-il.
Il en paie le prix fort. Le mandat d'un rapporteur spécial est une fonction honorifique, les fonds de recherche n'affluent que si les différents États en ont envie. Melzer affirme que la Norvège a exigé le remboursement de 100'000 dollars. Et le Danemark, qui lui avait initialement assuré un soutien financier, ne réagit plus.
La Suisse finance une collaboratrice et soutient la "Human Rights Chair" qu'il occupe à l'Académie des droits de l'homme et du droit international humanitaire de Genève. Mais le contrat expire en octobre 2022.
"L'affaire Assange a mis fin à ma carrière à l'ONU", dit-il maintenant d'un ton calme. À travers la porte, les voix de ses filles (8 et 11 ans) s'élèvent sourdement.
🎙 Monsieur Melzer, comment votre famille gère-t-elle tout cela ?
"Le fait que je navigue si fort au vent et que je travaille autant est difficile pour eux".
Les filles partagent leur père avec la moitié du monde. Il vient de partir en Suède pour le tournage d'un documentaire, puis il se rend à Vienne. Pendant notre interview, il recevra huit messages sur son téléphone portable, ainsi qu'un appel de la chaîne de télévision arabe Al Jazeera. Relations avec la presse.
Les appels à l'aide se multiplient. Melzer fait tout, de huit heures du soir jusqu'au petit matin. Il n'a presque plus de week-end. "Mon corps ne le supportera probablement plus longtemps". Il ne peut se détendre qu'au piano, sur lequel il essaie de jouer une heure par jour, et compose parfois lui-même.
Le prix à payer est-il trop élevé ?
🎙 Monsieur Melzer, vous demandez-vous parfois si cela en vaut la peine ?
"Non. Si je me simplifie la tâche, je n'en serai pas meilleur. Et c'est bien de cela qu'il s'agit dans la vie".
L'année prochaine, son mandat de rapporteur spécial de l'ONU expirera. On découvrira alors le prix à payer au bout du compte. Melzer est confiant. Il doit l'être, nombreux sont ceux qui comptent sur lui. Stella Moris, la fiancée d'Assange, nous dit dans un moment de calme au bord du lac Léman : "Grâce au travail de Monsieur Melzer, Julian a une chance d'être libéré. Sinon, il risque la mort". Lourd fardeau pour un seul homme.
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13- ♟ La psychologie de Julian Assange, partie 4 : pourquoi même certains gauchistes veulent le voir pendu (2019)
Article également publié en solo cette semaine)
✒️ Par le Dr Lissa Johnson
🚩 La psychologie de Julian Assange, partie 4 : pourquoi même certains gauchistes veulent le voir pendu 🎗⏳
Vous êtes persuadés que Julian Assange a permis à Trump de remporter l'élection ? Persuadés qu'il a violé deux femmes en Suède ? Vous voulez le voir pourrir en prison ? Le quatrième volet d'une série de cinq articles rédigés par le Dr Lissa Johnson, psychologue clinicienne, expliq…
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