🚩 Julian Assange : Actualité semaine #16 - Avril 2024 🎗⏳
"Soyez le changement que vous souhaitez voir dans le monde", mais soyez aussi l'empêcheur de tourner en rond que vous souhaitez voir dans le monde - Julian Assange
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SOMMAIRE :
1 - Le conseil municipal de Varèse demande que Julian Assange soit citoyen d'honneur de la ville - Stefania Radman
2 - Aux dires du directeur de la CIA, la plainte déposée pour espionnage illégal des visiteurs d'Assange par la CIA menace la sécurité nationale - Trevor Fitz Gibbon
3 - Stop à la guerre contre le journalisme ! Réflexions depuis Pérouse - Articolo 21
4 - Extradition de Julian Assange : Des assurances américaines truffées de failles - Anja Larsson & John Brown
5 - Les non-assurances américaines : Une plaisanterie funeste et de mauvais goût - The SKWAWKBOX
6 - Conversation avec Stella Assange - Leo von Breithen-Thurn
7 - Dans une lettre remise au consulat des États-Unis, la lauréate du prix Nobel de la paix exhorte le président à libérer Julian Assange - Paul Ainsworth
8 - Dix faits sur Julian Assange, le journaliste vivant le plus récompensé - Free Assange
9 - Gianluca Costantini : utiliser l'art pour changer le monde - Nick Hilden
10 - L'affaire Assange et la liberté de la presse dans les démocraties occidentales - Maddalena Volcan
11 - Garder Assange incarcéré, revient à emprisonner la liberté - Aristegui Noticias & La Jordana
12 - Kristinn Hrafnsson, le rédacteur en chef de WikiLeaks réexplique pourquoi le monde a besoin de la libération d'Assange - Kristinn Hrafnsson
13 - La mission de Julian Assange était de changer le monde, mais à quel prix ? - Lauren Said-Moorhouse & Claudia Rebaza
14 - La question des droits - Lucia Osborne-Crowley
15 - Conference à Paris : L’affaire Assange au regard du droit : 14 ans de persécution judiciaire - Agenda militant
16 - Vidéos - Assurances concernant Assange : Point de vue d'un sénateur, d'un avocat et d'un ancien diplomate australiens - Consortium News
Articles anciens
17 - 25 avril 2011 (il y a 13 ans), WikiLeaks publiait les Gitmo Files - Patrick Lawrence
18 - Assange, fondateur de WikiLeaks, aborde Google, la NSA et la vidéo de l'attaque aérienne de Granai lors du lancement de son livre à New York (2014) - Christopher Twarowski & Rashed Mian
19 - WikiLeaks : En sortant des archives ottomanes, un diplomate déclare : "Nous les avons vraiment massacrés !" (2011) - Nanore Barsoumian
20 - Julian Assange en 2010 : Nous vivons dans un régime de censure répressif - Vidéo
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1- ♟ Le conseil municipal de Varèse demande que Julian Assange soit citoyen d'honneur de la ville
Un ordre du jour signé par Mariagrazia D'Amico, Dino De Simone et Luca Paris, et approuvé par le conseil municipal de Varèse, appelle le maire et le conseil municipal à envisager cette hypothèse.
Par Stefania Radman, le 17 avril 2024, Varese News
Julian Assange deviendra citoyen d'honneur de Varèse. Ou, du moins, cette décision sera soigneusement examinée par le maire et le conseil après que celui-ci a approuvé à la majorité, lors de sa réunion du 23 avril 2024, au milieu des applaudissements d'une représentation de citoyens, un ordre du jour signé par Mariagrazia D'Amico, Dino De Simone et Luca Paris.
"La question est portée à l'attention du conseil pour rendre visible la demande des citoyens qui, au fil des ans, même à Varèse, n'ont jamais cessé de se préoccuper, d'informer et de discuter du sort de Julián Assange et de ce que toute cette affaire représente.
Nous rappelons l'initiative Glocal qui, en novembre 2021, a accueilli la présentation du livre de Stefania Maurizi Potere oscuro (Pouvoir obscur) et qui, en octobre 2022, a rejoint les mobilisations promues également par Amnesty, présente dans la salle ce soir, pour appeler à la libération de Julian Assange", a expliqué Mariagrazia D'Amico.
S'agissant d'Assange, citoyen australien, détenu en Grande-Bretagne et dont les États-Unis ont demandé que le procès le concernant se tienne chez eux - et donc très éloigné des discussions de Varèse :
"Cela revient à réfléchir à la finalité de la profession de journaliste : Informer les citoyens en levant le filtre imposé par un pouvoir politique qui décide en amont ce qui peut être dit ou pas, imposant ainsi une attitude paternaliste et patriarcale qui ouvre la voie à un exercice arbitraire du pouvoir", a poursuivi D'Amico, rappelant qu'en mars dernier, le Conseil européen a approuvé le nouveau règlement (Media freedom act) qui renforce la protection des sources alors qu'en Italie, le journalisme d'investigation est attaqué en justice (parquet de Pérouse contre l'enquête sur Crosetto), "compromettant l'alliance entre la société civile et la profession journalistique".
La motion signée par MariaGrazia D'Amico, Dino De Simone et Luca Paris - et approuvée par 19 voix pour, 4 abstentions et 2 contre - engage le maire et le conseil à envisager l'octroi de la citoyenneté d'honneur à Julian Assange, conformément aux principes et aux idéaux qui reflètent les valeurs fondatrices de la ville de Varèse, à adhérer à l'appel lancé récemment par de nombreuses personnalités de la société civile internationale, comme le prix Nobel de la paix Adolfo Pérez Esquivel, demandant l'interdiction de l'extradition et sa libération immédiate pour des raisons humanitaires de faire de la ville de Varèse un porte-parole actif de cette demande auprès du gouvernement et des associations nationales de municipalités, en joignant sa voix à celles des nombreuses municipalités, organismes et institutions qui ont réclamé ces derniers mois sa libération inconditionnelle.
Varésienne depuis 1991, Stefania Radman travaille depuis 2000 pour Varesenews.it. Depuis 20 ans, elle est correspondante à Varèse de Radio Popolare et a collaboré avec Espresso, Repubblica, Diario della Settimana et Italia Oggi. Elle a ouvert son premier site web personnel avec Geocities au début des années 1990, connue at appelée sur les réseaux sociaux sous le surnom de "LaRadman".
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2- ♟ Aux dires du directeur de la CIA, la plainte déposée pour espionnage illégal des visiteurs d'Assange par la CIA menace la sécurité nationale
La CIA invoque le "privilège des secrets d'état" pour tenter de faire échouer les poursuites et se soustraire à l'examen de la justice
Par Trevor Fitz Gibbon, le 19 avril 2024, Intelligencer
Dans une démarche ahurissante, le directeur de la CIA, William Burns, a invoqué le "privilège des secrets d'État" pour mettre fin à une action en justice intentée par quatre Américains alléguant que la CIA a violé leurs droits au titre du quatrième amendement en les espionnant illégalement lors de l'une rencontre avec Julian Assange, éditeur de WikiLeaks. En décembre dernier, un juge fédéral du district sud de New York avait statué que les quatre plaignants pouvaient poursuivre leur action en justice contre la CIA.
Les plaignants, dont Deborah Hrbek, avocate spécialisée dans les médias basée à New York, et Margaret Ratner Kunstler, avocate renommée spécialisée dans les droits civils et les droits de l'homme, affirment que non seulement leurs entrevues avec Julian Assange ont été illégalement surveillées, mais que leurs ordinateurs et téléphones portables ont été saisis, et que toutes leurs communications privées et confidentielles avec des personnes n'ayant rien à voir avec Julian Assange ont été téléchargées puis transmises à la CIA.
La déclaration de la CIA intervient alors que les États-Unis sont en passe d'extrader Assange du Royaume-Uni. La semaine dernière, les avocats représentant le ministère de la justice ont fourni ce qu'ils appellent des "assurances" à la Haute Cour britannique, selon lesquelles, en cas d'extradition, Assange ne serait pas passible de la peine capitale et pourrait "chercher à bénéficier" des protections du Premier Amendement. Cependant, la loi britannique sur l'extradition exige que les accusés tels qu'Assange soient assurés de bénéficier des protections du premier amendement, et non qu'ils aient simplement le droit de les "demander".
En réponse à la décision de la CIA de se retrancher derrière le secret d'État, Richard Roth, du cabinet Roth Law Firm PLLC et avocat représentant les quatre Américains qui poursuivent la CIA, a déclaré :
"Au nom des plaignants auprès de la cour fédérale, nous trouvons extrêmement décourageant que la CIA refuse même de déposer une réponse à la plainte. Au lieu de cela, elle choisit de se réfugier derrière le privilège des secrets d'État, alors que nos clients n'ont indiscutablement rien à voir avec une quelconque enquête de la CIA ou d'une quelconque agence gouvernementale. Il est également manifestement inéquitable et injuste - voire carrément impossible - que les plaignants s'opposent à une requête "secrète" soumise par la CIA exclusivement à la Cour et que ni les plaignants ni leurs avocats ne sont autorisés à lire. La position de la CIA soulève une question logique : s'il n'y a vraiment aucun fait à l'appui des allégations de la plainte, pourquoi la CIA ne peut-elle pas simplement nier chacune d'entre elles ?".
Historique
Des avocats et des journalistes américains ont intenté un procès à la CIA, alléguant avoir été injustement espionnés alors qu'ils rendaient visite à Julian Assange à l'ambassade d'Équateur à Londres. L'honorable John G. Koeltl, juge du tribunal de district des États-Unis pour le district sud de New York à Manhattan, a refusé d'accéder à la requête de la CIA visant à rejeter le litige, estimant que l'allégation selon laquelle le gouvernement fédéral était impliqué dans un plan illicite visant à saisir les appareils électroniques des plaignants devait être maintenue contre la CIA. En rejetant la requête de la CIA, la Cour a déclaré : "La plainte des plaignants contient suffisamment d'allégations selon lesquelles la CIA et Pompeo, par l'intermédiaire de Morales et d'UC Global, ont violé leur attente raisonnable en matière de respect de la vie privée concernant le contenu de leurs appareils électroniques". La Cour a poursuivi en déclarant que parce que "lors d'un discours d'avril 2017, Pompeo "a promis que son bureau s'engagerait dans une campagne "à long terme" contre WikiLeaks", les raisons de poursuivre l'affaire étaient suffisantes".
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3- ♟ Stop à la guerre contre le journalisme ! Réflexions depuis Pérouse
Par la redaction, le 21 avril 2024, Articolo 21
Une initiative majeure portant le titre emblématique Stop à la guerre contre le journalisme : libérez Julian Assange vient de se tenir à Pérouse, au Circolo Anpi Bonfigli Tomovic, le samedi 20 avril. Gianni Magini d'AllertaMedia a coordonné le débat.
Parmi les participants figuraient la journaliste et écrivaine Sara Chessa, qui suit le procès du fondateur de WikiLeaks à Londres, la coordinatrice des campagnes d'Amnesty International Tina Marinari, l'avocat constitutionnaliste Mauro Volpi et le garant d'Articolo21 Vincenzo Vita. La discussion s'inscrivait dans le cadre des activités organisées par FreeAssange au Festival international du journalisme, en présence de Nicoletta Bernardi et de Patrick Boylan, entre autres. Et avec l'artiste peintre Chiara Bettella, qui avait apporté un drap sur lequel recueillir des signatures de 2 mètres sur 3, taille de la cellule dans laquelle Assange est détenu depuis cinq ans à la prison spéciale de Belmarsh, à Londres.
La discussion, qui a attiré un grand nombre de participants, a souligné la nécessité de poursuivre avec conviction et détermination la campagne contre l'extradition du journaliste d'origine australienne, qui fait l'objet d'une persécution cruelle. Il est le bouc émissaire d'une ligne autoritaire très précise : celui qui met son nez dans les affaires secrètes du pouvoir doit en payer le prix jusqu'à la fin de ses jours. Assange est dans le collimateur, au même titre que l'ensemble du journalisme d'investigation. Sara Chessa a très clairement indiqué que les réponses apportées par les États-Unis à la Cour suprême de Londres en vue de l'audience du 20 mai sur l'extradition n'offrent aucune garantie réelle. Au contraire. On y laisse entendre que l'application à Assange du premier amendement de la Constitution de Washington, qui sacralise le droit d'informer, est très problématique. Non, parce qu'Assange n'est pas citoyen américain (mais est-ce une vraie objection ?, fait remarquer Vita) et que l'Espionage Act, la loi de 1917 qui a conduit les Rosenberg à la chaise électrique, pèse lourdement sur lui. Mais ô combien le climat informationnel que nous vivons est lourd, avec en filigrane la course au premierat sans contreforts démocratiques que la droite recherche en dénaturant la Constitution. Mauro Volpi en a fait part, tandis que Tina Marinari a rappelé les terribles événements de Gaza et le climat de guerre qui perdure.
Avec les Comités FreAssange, Amnesty et Articolo 21 mènent un combat crucial pour sauver une personne extraordinaire et défendre la liberté d'informer et d'être informé. L'événement a débuté par la projection d'un film - Ted talk - dans lequel Assange expliquait en 2010 ce qu'était WikiLeaks, une expérience de contre-information pionnière et courageuse sans précédent. Un Assange brillant et empathique : juste avant la tempête. Et Stella Moris, son épouse et avocate, dans une vidéo enregistrée il y a quelques semaines à l'université de Pérouse à l'occasion de la remise du prix Federico Caffè pour le journalisme au service du peuple à son mari, a fait sentir sa présence avec élégance et force. Tout cela en un jour singulier : celui de la censure de la RAI à l'encontre d'Antonio Scurati, pour un monologue qui devait être lu dans l'émission animée par Serena Bortone sur l'antifascisme.
📰 https://www.articolo21.org/2024/04/fermate-la-guerra-al-giornalismo-riflessioni-da-perugia/
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4- ♟ Extradition de Julian Assange : Des assurances américaines truffées de failles
Wikileaks La Haute Cour du Royaume-Uni a exigé des assurances diplomatiques de la part des États-Unis dans le cadre du procès pour l'extradition de Julian Assange. Celles-ci viennent d'être présentées et ne garantissent absolument rien au fondateur de Wikileaks.
À l'heure où nous écrivons ces lignes, nous ne savons pas comment Specia a obtenu une copie de la note diplomatique, cette note n'ayant pas été publiée par voie de communiqué de presse par l'ambassade des États-Unis, le département d'État, le gouvernement du Royaume-Uni ou le tribunal directement.
Par Anja Larsson & John Brown, le 21 avril 2024, Der Freitag
À l'issue d'une audience de deux jours en février, deux juges de la Haute Cour du Royaume-Uni ont offert au gouvernement américain la possibilité de fournir des assurances diplomatiques concernant l'extradition potentielle du fondateur de WikiLeaks, Julian Assange. Le 16 avril, date limite pour la présentation de ces garanties, le gouvernement américain semble avoir publié une note diplomatique sur la question. Ces assurances concernaient la question de savoir si
"Mr Assange est autorisé à invoquer le premier amendement, s'il ne sera pas lésé lors du procès (y compris la sentence) en raison de sa nationalité, s'il bénéficiera des mêmes protections du premier amendement qu'un citoyen américain et si la peine de mort ne sera pas prononcée".
Peu après 16 heures, la correspondante du New York Times à Londres, Megan Specia, a tweeté trois images montrant les pages d'une note diplomatique - désignée sous le nom de "n° 610" - envoyée par l'ambassade des États-Unis à Londres au secrétaire d'État britannique aux affaires étrangères, au Commonwealth et au développement, qui est actuellement le très honorable Lord David Cameron, l'ancien premier ministre. Stella Assange a publiquement confirmé l'authenticité du contenu des images dans un tweet. Ces photos contiennent le texte principal suivant :
"L'Ambassade des États-Unis d'Amérique à Londres, Angleterre, présente ses compliments au Secrétaire d'État principal de Sa Majesté pour les affaires étrangères, le Commonwealth et le développement et se réfère à la note diplomatique n°032, datée du 6 juin 2019, qui demande officiellement l'extradition de Julian Paul ASSANGE, complétée par les notes diplomatiques 034, datée du 25 juillet 2020 ; 074, datée du 8 février 2021 ; et 169, datée du 19 octobre 2021.
Dans le cadre de cette demande, et sur la base des faits et circonstances uniques de cette affaire particulière, le gouvernement des États-Unis d'Amérique fournit au gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord les assurances suivantes.
Si ASSANGE est extradé du Royaume-Uni vers les États-Unis :
1. ASSANGE ne sera pas lésé en raison de sa nationalité en ce qui concerne les défenses qu'il peut chercher à soulever lors du procès et de la condamnation. Plus précisément, s'il est extradé, ASSANGE aura la possibilité de soulever et de chercher à invoquer au procès (ce qui inclut toute audience de détermination de la peine) les droits et protections accordés par le Premier Amendement de la Constitution des États-Unis. La décision relative à l'applicabilité du premier amendement relève exclusivement de la compétence des tribunaux américains.
2. La peine de mort ne sera ni demandée ni imposée à ASSANGE. Les États-Unis sont en mesure de fournir cette assurance car ASSANGE n'est pas accusé d'un délit passible de la peine de mort, et les États-Unis assurent qu'il ne sera pas jugé pour un délit passible de la peine capitale.
Ces assurances sont contraignantes pour toutes les personnes, présentes ou futures, à qui l'autorité a été déléguée pour décider de ces questions.
L'ambassade saisit l'occasion d'exprimer au secrétaire d'État principal aux affaires étrangères, au Commonwealth et au développement de Sa Majesté l'assurance renouvelée de sa plus haute considération.
Ambassade des États-Unis d'Amérique
Londres, Angleterre. 16 avril 2024"
À l'heure où nous écrivons ces lignes, nous ne savons pas comment Specia a obtenu une copie de la note diplomatique, cette note n'ayant pas été publiée par voie de communiqué de presse par l'ambassade des États-Unis, le département d'État, le gouvernement du Royaume-Uni ou le tribunal directement. Des assurances antérieures données dans le cadre de la procédure britannique - probablement par le biais de l'une des notes diplomatiques citées dans celle-ci - ont été mentionnées dans des documents judiciaires par la défense et l'accusation, mais n'ont pas été rendues publiques sous leur forme originale de cette manière. À notre connaissance, aucun fonctionnaire des deux gouvernements ne conteste l'authenticité du contenu de l'image ; cependant, l'absence de publication officielle entrave une fois de plus la connaissance et la compréhension de l'affaire par le public. Nous avons demandé des copies de ces notes diplomatiques au Département d'État américain et n'avons pas encore reçu de réponse autre qu'un accusé de réception de notre demande.
"Dans le cas où les assurances seraient déposées avant le 16 avril 2024, les parties sont autorisées à déposer d'autres observations écrites sur la question de l'autorisation d'interjeter appel, à la lumière des assurances, ces observations devant être déposées par le requérant avant le 30 avril 2024, et par le défendeur et le secrétaire d'État avant le 14 mai 2024... Au cas où les assurances seraient déposées avant le 16 avril 2024, nous examinerons la question de l'autorisation d'interjeter appel lors d'une audience le 20 mai 2024", peut-on lire dans l'arrêt de la Haute Cour.
Plus encore que les assurances concernant les conditions de détention qui ont été offertes (d'après les références des documents déposés au tribunal) au cours de l'année 2021, ces assurances contiennent des lacunes juridiques susceptibles d'échapper à des yeux trop confiants et non avertis, en particulier à des lecteurs non juristes et dont l'anglais n'est pas la langue maternelle. La première partie de la note diplomatique donne l'assurance que Mr Assange "peut chercher à invoquer" une défense fondée sur le premier amendement lors du procès. Plus précisément, elle indique qu'il sera autorisé à tenter de faire valoir qu'il peut s'appuyer sur le premier amendement dans le cadre de sa défense. Bien entendu, un accusé peut tenter de faire valoir ce qu'il veut ; cela ne garantit en aucun cas qu'il sera autorisé à le faire dans la pratique. Le paragraphe lui-même le confirme : "La décision relative à l'applicabilité du premier amendement relève exclusivement de la compétence des tribunaux américains". Le juge de la Cour d'espionnage devant laquelle il sera jugé s'il est extradé pourrait simplement rejeter l'idée qu'une contestation du premier amendement est applicable à son cas.
"L'assurance qu'Assange peut 'invoquer' le premier amendement n'a aucun sens. N'importe qui peut "soulever" n'importe quoi devant un tribunal", a confirmé la Freedom of the Press Foundation. Par conséquent, la question soulevée par les juges britanniques, à savoir si Assange fera l'objet d'une discrimination fondée sur la nationalité, n'a tout simplement pas trouvé de réponse ici.
Une analogie :
Imaginez que vous planifiez des vacances et que vous souhaitiez absolument séjourner dans un hôtel où le petit-déjeuner est inclus. Un hôtel annonce que "le petit-déjeuner est inclus" dans le prix de la chambre. Un autre hôtel annonce que "vous pouvez demander au personnel de l'hôtel de vous servir le petit-déjeuner".
La première annonce signifie que vous devez vous attendre à ce que l'on vous serve le petit-déjeuner à l'hôtel, sans supplément. Il se peut que le petit-déjeuner ne soit pas satisfaisant au final, mais il y aura bien un petit-déjeuner. La seconde annonce signifie que vous pouvez vous présenter à la réception et demander au réceptionniste si un petit-déjeuner vous sera servi. Le personnel ne promet pas qu'un petit-déjeuner sera servi, même si vous êtes prêt à payer un supplément pour l'obtenir. Peut-être que le personnel ne voudra tout simplement pas vous servir en particulier ou préfère ne servir le petit-déjeuner qu'aux habitants de la région. Quelle que soit la raison, servir un petit-déjeuner n'est pas une obligation et vous ne pouvez rien y faire.
Les "assurances" sont les publicités de l'hôtel, le "petit-déjeuner" est la défense du premier amendement et le réceptionniste de l'hôtel, la Cour d'espionnage.
Depuis le début, le procureur fédéral américain Gordon Kromberg est d'avis que
"concernant toute contestation au titre du premier amendement, les États-Unis pourraient faire valoir que les ressortissants étrangers n'ont pas droit aux protections prévues par le premier amendement, du moins en ce qui concerne les informations relatives à la défense nationale, et même s'ils y avaient droit, que la conduite d'Assange n'est pas protégée en raison de sa complicité dans des actes illégaux et de la publication des noms de sources innocentes qui risquent de subir des dommages graves et imminents".
Au cours de la deuxième journée de l'audience de février, Clair Dobbin KC, l'une des avocats représentant l'accusation américaine, a d'abord semblé contredire ces propos, insistant sur le fait que "la liberté d'expression est manifestement très prisée aux États-Unis d'Amérique", mais il a cédé aux questions des juges. La clause "à moins que" a déjà été clairement déclarée.
"Il s'agit en réalité d'une non-assurance. Ce n'est absolument pas une assurance", a déclaré l'avocate de la défense Jennifer Robinson dans une interview accordée à ABC Listen (Australian Broadcasting Corporation). Elle a précisé qu'elle avait pu s'entretenir avec Julian Assange alors qu'ils attendaient de savoir si les États-Unis donneraient ou non des assurances.
"Cette affaire génère un stress incommensurable. La pression qu'il subit... les montagnes russes que lui et sa famille vivent, le président Biden ayant dit la semaine dernière qu'il envisageait d'abandonner l'affaire, et cette semaine ayant reçu l'assurance du gouvernement américain qu''en fait, non, nous poursuivons [toujours] la procédure d'extradition'".
Elle a plaidé pour que son client soit autorisé à retourner en Australie.
La seconde assurance, selon laquelle "une condamnation à mort ne sera ni réclamée ni prononcée" si Mr Assange est reconnu coupable, est peut-être formulée de manière plus précise que la première, mais "ne soulage en rien l'extrême détresse de notre famille quant à son avenir", a rétorqué Stella Assange dans un communiqué publié à la suite de la publication de la note diplomatique. La conclusion est la suivante : "La mise à mort de Julian se fera à petit feu en prison. En d'autres termes, la chaise électrique et l'injection létale ne sont pas la méthode", a-t-elle ajouté lorsqu'elle a été jointe pour un commentaire supplémentaire.
Rebecca Vincent, militante des droits de l'homme à Reporters sans frontières (RSF), a qualifié les assurances américaines de "subtilités executoires entre États". En avril 2023, Rebecca Vincent et Christophe Deloire, secrétaire général de RSF, ont été "profondément déçus" d'avoir été empêchés à plusieurs reprises - au moins à quatre reprises - de rendre visite à Assange à Belmarsh, "bien que les autorités pénitentiaires aient procédé à un contrôle préalable et confirmé l'autorisation" de la prison. Le mois dernier, Rebecca Vincent a indiqué qu'elle avait été autorisée à lui rendre visite à cinq reprises depuis le mois d'août. "Nous restons préoccupés par sa santé physique et mentale", a-t-elle déclaré.
Jameel Jaffer, directeur exécutif du Knight First Amendment Institute de l'université de Columbia, a averti que
"quiconque se soucie de la liberté de la presse ne devrait être rassuré par l'assurance donnée par les États-Unis... Cette affaire représente essentiellement la même menace pour la liberté de la presse aujourd'hui qu'hier".
Jameel Jaffer a témoigné lors du procès de 2020, dans lequel il a estimé que
"l'acte d'accusation prétend implicitement mais indubitablement que les activités faisant partie intégrante du journalisme de sécurité nationale ne sont pas protégées par la Constitution des États-Unis et sont même criminelles".
"Si les États-Unis ont prétendument assuré au Royaume-Uni qu'ils ne violeraient pas les droits d'Assange, nous savons grâce à des cas précédents que de telles "garanties" sont très imparfaites - et les assurances diplomatiques données jusqu'à présent dans l'affaire Assange sont truffées de lacunes", a souligné Simon Crowther, conseiller juridique d'Amnesty International, dans un communiqué de presse publié le mois dernier.
La décision de la juge Vanessa Baraitser de janvier 2021, rejetant la demande d'extradition, a pris en compte les preuves concernant les opérations de surveillance à l'ambassade d'Équateur, dans lesquelles la société espagnole Undercover Global S.L. ("UC Global") a coopéré avec les autorités de renseignement équatoriennes et américaines "pour leur fournir des informations sensibles sur Mr Assange" depuis à peu près 2017, selon au moins deux témoins protégés. Le directeur et propriétaire David Morales avait
"indiqué que le but de l'installation des microphones, conformément à la demande des États-Unis, était [...] d'enregistrer les réunions qu'Assange a avec ses visiteurs, mais surtout celles de ses avocats et, très spécifiquement, du coordinateur de sa défense juridique Baltasar Garzon", a déclaré le témoin qui affirme avoir été responsable de l'installation d'une partie de l'équipement à l'ambassade.
Depuis 2019, Morales et UC Global font l'objet d'une enquête de la Haute Cour d'Espagne après que les avocats de Julian Assange ont déposé une plainte pénale. Le juge José de la Mata a été stupéfait de voir les autorités britanniques refuser son ordonnance d'instruction européenne (EIO) "demandant l'autorisation d'interroger Assange par vidéoconférence en tant que témoin". En novembre 2021, il a également été rapporté que
"le ministère de la Justice n'a pas répondu aux multiples demandes d'aide des autorités espagnoles dans le cadre de l'enquête".
Selon le journal espagnol El País, cela "est considéré par les organes judiciaires espagnols comme une manifestation de résistance face aux conséquences que l'affaire pourrait avoir sur le processus d'extradition" de Mr Assange vers les États-Unis.
En août 2022, un groupe d'avocats et de journalistes américains dont la vie privée a été violée par les opérations de surveillance a également déposé une plainte à New York contre Morales, UC Global, la CIA et son ancien directeur Mike Pompeo. La plaignante principale est Margaret Ratner Kunstler, avocate spécialisée dans les droits civils. En décembre 2023, le juge John G. Koeltl, qui présidait le procès, a émis un avis et une ordonnance en faveur de l'autorisation de poursuivre la CIA pour "violation de leurs droits constitutionnels" en ce qui concerne "la saisie du contenu des appareils électroniques des plaignants".
Le 15 avril, la veille de la date limite pour les assurances dans la procédure d'extradition au Royaume-Uni, l'actuel directeur de la CIA, William J. Burns, a déposé une déclaration auprès de ce tribunal américain,
"revendiquant formellement le privilège des secrets d'État" pour "protéger les sources, les méthodes et les activités de renseignement en cause dans ce litige", afin d'éviter "des dommages graves - et dans certains cas, exceptionnellement graves - à la sécurité nationale des États-Unis".
Burns demande également :
"Si la Cour a besoin d'informations supplémentaires concernant mes revendications de privilège, je demande respectueusement à avoir la possibilité de fournir ces informations supplémentaires avant l'entrée en vigueur de toute décision concernant ces revendications".
En substance, il demande des faveurs spéciales : un accès anticipé à la décision du juge et la possibilité de contrer la décision avant qu'elle ne soit déposée, si le juge était sur le point de se prononcer contre lui. Il est intéressant de noter que la déclaration a été signée près de trois semaines auparavant, le 27 mars, soit un jour seulement après que la Haute Cour du Royaume-Uni a rendu son jugement et demandé des garanties. À l'heure où nous écrivons ces lignes, les plaignants "demandent une prolongation jusqu'au 24 mai 2024 pour déposer une opposition à la motion de rejet de la CIA".
Bien qu'il s'agisse de trois affaires distinctes, dans des juridictions différentes, il est clair qu'elles doivent être évaluées dans le contexte de l'une et de l'autre. Les plaignants dans l'affaire Kunstler vs. Central Intelligence Agency sont tous des citoyens américains. Si des citoyens américains, en particulier un éminent journaliste primé et un avocat professionnellement tenu de protéger le secret professionnel, ne peuvent mettre un terme aux violations de leurs droits constitutionnels, quel espoir y a-t-il pour Assange en tant que journaliste étranger multi récompensé ?
"Les États-Unis sauraient que les communications privilégiées et les fruits d'une éventuelle surveillance ne seraient pas vus par les procureurs chargés de l'affaire et seraient irrecevables lors du procès de Mr Assange en vertu du droit américain", avait conclu la juge Baraitser dans sa décision de 2021. "Mr Assange peut demander l'exclusion de toute preuve à son procès qui serait basée sur des documents privilégiés".
Toutefois, si la CIA ou une autre agence de renseignement américaine devait invoquer de la même manière le secret d'État au cours du procès de Mr Assange, ce qui est très probable dans une affaire relevant de la Cour d'espionnage, la défense de Mr Assange s'en troverait encore plus handicapée dans sa capacité à déterminer quels documents privilégiés ont été recueillis et à demander leur exclusion. L'analyse juridique de Baraitser et des autres juges ne prend même pas en compte le risque potentiel de construction parallèle, où un "gouvernement blanchit la source originale des preuves dans les affaires criminelles" qui pourraient autrement être contestées ou même rejetées sur la base de violations des droits de la défense. Deux hauts fonctionnaires de la Drug Enforcement Agency (DEA) américaine, interrogés par Reuters en 2013, ont affirmé que
"la construction parallèle est une technique d'application de la loi que nous utilisons tous les jours". Une "douzaine d'agents fédéraux actuels ou anciens interrogés par Reuters ont confirmé avoir utilisé la construction parallèle au cours de leur carrière".
Si un État est prêt à s'engager dans des opérations qui violent les droits constitutionnels, il est certainement raisonnable de se demander s'il s'engagera dans un tel processus de blanchiment de preuves, en particulier compte tenu du volume et de la sensibilité des données qui auraient été subrepticement collectées sur une période de plusieurs années dans le cas de Mr Assange.
La question de savoir si les tribunaux britanniques considèrent les assurances offertes par le gouvernement américain comme "satisfaisantes" reste ouverte ; nous ne pensons pas connaître la réponse avant l'audience du 20 mai. Mr Assange serait autorisé à faire appel pour l'un des trois motifs que les garanties n'ont pas suffisamment pris en compte.
"L'assurance donnée par le gouvernement des États-Unis que Julian Assange bénéficierait de toutes les protections d'un citoyen américain devant un tribunal américain est manifestement fantaisiste. En effet, ces assurances sont essentiellement des promesses politiques et il n'y a aucun moyen de les faire respecter devant un tribunal", a déclaré Andrew Wilkie, membre du Parlement australien, dans un communiqué rendu public mercredi (ndr : publié la semaine dernière sur ce blog).
Poursuivant :
"Si les États-Unis ne peuvent pas garantir que Mr Assange pourra invoquer sans équivoque la protection de la liberté d'expression prévue par le premier amendement, la Haute Cour de justice du Royaume-Uni doit permettre à Mr Assange de faire appel de son extradition. Mieux encore, les États-Unis peuvent trouver une solution diplomatique et abandonner les poursuites à l'encontre de Mr Assange pour lui permettre de retourner en Australie".
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5- ♟ Les non-assurances américaines : Une plaisanterie funeste et de mauvais goût
Le journaliste de Wikileaks reste emprisonné alors que les États-Unis poursuivent une procédure d'extradition discréditée - et refuse de donner une garantie contraignante qui aboutirait à sa libération immédiate si le système judiciaire britannique était à même de remplir sa fonction.
Par The SKWAWKBOX, le 21 avril 2024
Les États-Unis ont refusé de donner une assurance spécifique et contraignante à un tribunal britannique qu'ils n'exécuteront pas le journaliste et fondateur de Wikileaks, Julian Assange. Ce dernier est détenu depuis cinq ans à l'isolement dans la prison de Belmarsh, alors qu'il se bat contre la tentative du gouvernement américain de l'extrader pour l'emprisonner au-delà de sa durée de vie, après qu'il a exposé les crimes de guerre perpétrés par l'armée américaine en Irak.
L'affaire aurait dû être classée il y a trois ans, lorsque le principal témoin américain a admis avoir toujours menti en affirmant qu'Assange l'avait incité à pirater des systèmes américains. Au lieu de cela, le journaliste a été soumis à ce que l'ancien rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, Nils Melzer, a qualifié de torture psychologique prolongée, et il risque toujours d'être emprisonné pendant plus d'un siècle.
Son récent appel a été ajourné pour laisser aux États-Unis le temps d'affirmer qu'ils ne le condamneraient pas à la peine capitale s'il était extradé, une plaisanterie de mauvais goût alors qu'il existe depuis longtemps des preuves que les États-Unis ont l'intention de l'assassiner hors du territoire américain.
Les juges ont même refusé d'admettre de nouvelles preuves de l'intention des États-Unis d'assassiner Assange, offrant au contraire à ces derniers une nouvelle occasion de le remettre entre leurs mains s'ils promettaient de ne pas le condamner à mort. Les États-Unis.
Mais Stella, son épouse, a révélé que les États-Unis ont refusé de dire qu'ils ne le condamneraient pas à mort et se sont contentés d'une déclaration passe-partout sur la peine capitale, tout en refusant à Julian Assange les protections de la liberté d'expression auxquelles tout citoyen américain pourrait prétendre :
"Les États-Unis ont émis une non-assurance en ce qui concerne le premier amendement et une assurance standard en ce qui concerne la peine de mort.
Ils ne s'engagent pas à retirer l'affirmation précédente de l'accusation selon laquelle Julian n'a pas de droits au titre du premier amendement parce qu'il n'est pas citoyen américain. Au lieu de cela, les États-Unis se sont limités à des paroles ambiguës et flagrantes, affirmant que Julian pourra "chercher à invoquer" le premier amendement s'il est extradé.
La note diplomatique ne fait rien pour soulager l'extrême détresse de notre famille quant à son avenir - sa sinistre perspective de passer le reste de sa vie en isolement dans une geôle américaine pour avoir publié des articles journalistiques primés.
L'administration Biden doit abandonner ces poursuites dangereuses avant qu'il ne soit trop tard."
La déclaration des États-Unis indique que la peine capitale ne sera "ni demandée ni imposée", mais cette déclaration n'est pas contraignante et n'a pas de sens étant donné les tentatives antérieures des États-Unis visant à assassiner le journaliste. Le refus de garantir que la peine capitale ne sera pas prononcée dans le cas spécifique d'Assange devrait signifier, en vertu des lois britanniques et européennes sur les droits de l'homme, que l'extradition est immédiatement refusée par le tribunal britannique et qu'Assange devrait déjà être libre. Même si les assurances avaient été données, la probabilité que le traitement d'Assange par les États-Unis conduise à sa mort devrait suffire à annuler la demande.
Le fait qu'il ne soit pas encore libéré de la menace d'extradition, et encore moins qu'il puisse se promener librement comme il le devrait, est une condamnation accablante de l'état de la justice et de la démocratie au Royaume-Uni.
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SKWAWKBOX (SW)
En ces temps de tromperie universelle, dire la vérité est un acte révolutionnaire" George Orwell J'ai "rebaptisé" (bien que je déteste ce terme) ce blog en "The SKWAWKBOX", pour que le titre corresponde mieux à l'objectif de ce blog. Je connais l'orthographe correcte de "squawk", mais l'orthographe du titre est un jeu de mots sur mon nom Steeve Walker). Je suis socialiste, motivé par la politique, je dirige une entreprise, j'aime le pouvoir des réseaux sociaux pour diffuser des informations, les informations que je trouve et les gens que je rencontre, mais beaucoup de choses doivent être communiquées et ne tiennent pas en 140 caractères. Je suis passionné par les gens et la justice sociale. Membre des partis travailliste et coopératif, ainsi que de Unite the Union - je n'occupe pas un emploi syndiqué (je dirige l'entreprise), mais tout le monde devrait appartenir à un syndicat et joindre l'acte à la parole (et d'y consacrer du temps et des efforts). J'aime ma ville et suis très, très énervée par les injustices infligées aux personnes vulnérables. Je suis également TRÈS passionné par l'information de qualité - les gouvernements et les entreprises s'en tirent avec des injustices en grande partie grâce à la désinformation et à la mauvaise orientation - et le meilleur antidote est l'information authentique de qualité. Si la citation d'Orwell ci-dessus est exacte, comme je le crois, alors je veux absolument être un révolutionnaire. Un peuple informé est difficile à exploiter ! Ce blog est mon humble contribution à une révolution orwellienne.
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6- ♟ Conversation avec Stella Assange
Cet entretien a été réalisé le 16 avril 2024 par Leo von Breithen-Thurn. La vidéo intégrale sera publiée prochainement.
Par Leo von Breithen-Thurn, le 22 avril 2024, Europinion
Stella Assange est l'avocate et l'épouse de Julian Assange, fondateur de WikiLeaks. D'origine britannique, elle fait campagne pour la liberté de la presse et se bat sans relâche pour la défense de son mari. Julian Assange est actuellement incarcéré au Royaume-Uni.
Stella s'est opposée avec force à l'extradition de Julian vers les États-Unis, s'engageant dans des campagnes publiques et juridiques pour soutenir son cas et soulignant ses implications plus larges pour la liberté de la presse et la protection des lanceurs d'alerte.
Dans cet entretien, nous avons abordé avec Stella Assange les questions de la CIA, de la corruption, de la liberté de la presse et de la survie de Julian.
🎙 Depuis combien de temps Julian Assange est-il enfermé ?
Eh bien, cela fait maintenant cinq ans et une semaine qu'il est emprisonné.
Avant cela, il était également soumis à une situation de confinement, puisqu'il ne pouvait prendre le risque de quitter l'ambassade d'Équateur sans être arrêté par les autorités britanniques. Même s'il n'a été accusé de quoi que ce soit durant les sept années passées au sein de l'ambassade.
En d'autres termes, Julian n'est plus un homme libre depuis le 7 décembre 2010, date de sa première arrestation. Bien qu'il ait été libéré sous caution dans un premier temps - après 10 jours d'emprisonnement - ses déplacements ont toujours été soumis à une certaine forme de restriction. Au fil du temps, ces restrictions se sont multipliées, à tel point qu'il se trouve aujourd'hui à Belmarsh (Royaume-Uni) depuis cinq ans et qu'il risque d'être extradé vers les États-Unis, où il serait encore plus isolé et soumis à des conditions d'emprisonnement de sécurité maximale.
🎙 Pourquoi les États-Unis tiennent-ils tant à ce que Julian soit extradé ?
Je pense qu'il y a différentes factions au sein des États-Unis. Cette affaire a toujours été controversée à travers les différentes administrations.
L'administration Obama a été la première à enquêter sur les publications [de WikiLeaks] qui concernaient les opérations militaires américaines et les transactions en Irak et en Afghanistan, la guerre contre le terrorisme, les échanges diplomatiques et Guantanamo Bay.
Sous l'administration Obama, il y a eu une enquête criminelle, puis l'annonce, à la fin de la présidence Obama, que la peine de Chelsea Manning - Chelsea Manning étant la source de ces publications - de 35 ans serait commuée et qu'elle serait libérée quelques mois plus tard. De même, l'annonce que Julian ne serait pas poursuivi parce que cela créerait un précédent pour le reste de la presse. Même s'ils avaient essayé de trouver un moyen de le poursuivre, il n'y avait aucun moyen de le faire sans poser une menace existentielle aux protections de la liberté de la presse.
C'était donc la position de l'administration Obama.
Puis l'administration Trump est arrivée et des factions internes, - il y en a toujours eu aux États-Unis - des forces exécutives ont essayé d'accroître le secret et d'augmenter les sanctions en cas de violation du secret.
Depuis l'ère Obama, nous avons pu voir que ces sanctions augmentaient d'abord à l'égard des sources d'information, des lanceurs d'alerte, de Chelsea Manning, d'Edward Snowden, etc. Mais les poursuites engagées contre Julian révèlent un véritable changement, car Julian n'est pas poursuivi en tant que lanceur d'alerte.
Tout le monde sait que Chelsea Manning était la source, qu'elle était la personne ayant des obligations envers les États-Unis et que Julian, en tant qu'étranger hors des États-Unis et en tant qu'éditeur, le récepteur de l'information, est aujourd'hui considéré comme coupable dans le cadre de ces poursuites.
C'est donc essentiellement sous l'administration Trump que cette frange de l'exécutif américain a obtenu le pouvoir de poursuivre cette affaire. L'affaire a même été controversée sous l'administration Trump : plusieurs procureurs ont été dessaisis de l'affaire parce qu'ils étaient en désaccord avec la manière dont elle était poursuivie en vertu de la loi sur l'espionnage (Espionage Act).
L'administration Biden a ensuite continué les poursuites de l'administration Trump et les a en fait approuvées. Bien que nous ayons vu quelques signes indiquant qu'ils envisagent apparemment de ne pas poursuivre l'affaire, il est difficile de savoir ce qu'il en est.
🎙 Biden a mentionné que les charges contre Julian pourraient éventuellement être abandonnées, mais pensez-vous que Biden a peur de la CIA, comme nous l'avons déjà mentionné en agissant dans les médias ?
Je pense que tout le monde aux États-Unis a peur de la CIA. Les présidents et le Congrès. Il y a eu un moment très révélateur lors de l'enquête du Congrès sur le régime de torture de la guerre contre le terrorisme.
C'était aux alentours de 2014 et des efforts ont été déployés pour tenter de faire la lumière sur le programme de torture de la CIA et le Congrès américain a eu accès à des documents, etc.
On a découvert que la CIA avait piraté les bureaux du Congrès, les enquêteurs et les membres du Congrès qui participaient à cette enquête. La sénatrice Feinstein a apparemment été choquée par les pouvoirs dont dispose la CIA.
Bien sûr, il ne s'agit pas seulement de la CIA, mais la communauté du renseignement dans les années 70 a connu un certain nombre de comités de surveillance qui ont été mis en place dans le contexte des pouvoirs illimités de ces agences de renseignement impliquées non seulement dans l'espionnage national, mais aussi dans des complots nationaux d'assassinat contre des dirigeants politiques de tendances politiques défavorables.
Il y a donc eu des comités de surveillance du Congrès, puis une phase de contrôle, et ces comités de surveillance existent toujours, mais ils ont été cooptés ou nous savons qu'ils sont impuissants face aux capacités illimitées de ces agences de renseignement, et qu'ils ne peuvent donc être complètement surveillés.
Les hommes politiques américains savent donc qu'ils sont vulnérables et que l'absence de contrôle ou de moyen efficace de les maîtriser constitue une menace démocratique considérable.
🎙 Le juge Johnson, qui dirige le procès de Julian ici à Londres, figure dans WikiLeaks et est mentionné comme ayant été impliqué dans le MI6. Pensez-vous que cela soulève des questions sur l'impartialité du juge ?
Je dois me montrer très vigilante dans mes propos car Julian est toujours soumis aux décisions des deux juges de la Haute Cour et ce que je dis publiquement n'est pas la même chose que ce que je pense et ce que je dis en privé. Mais la trajectoire des deux juges qui décident du sort de Julian est de notoriété publique. Je pourrais développer davantage sur la procédure, mais peut-être devrions-nous passer à autre chose.
🎙 Quelle est la prochaine étape de l'affaire ?
Le tableau d'ensemble est que les États-Unis ont eu d'innombrables occasions de reformuler leur dossier.
Il y a trois actes d'accusation différents successifs. Ensuite, lorsque les tribunaux ont constaté un obstacle à l'extradition parce que les conditions d'arrêt de l'extradition étaient réunies, la justice a invité les États-Unis à formuler des engagements politiques, ce que l'on appelle des assurances diplomatiques. Celles-ci sont non exécutoires pour Julian et le Royaume-Uni d'ailleurs. Mais il s'agit d'une parole donnée entre États et, de quelque point de vue que l'on se place, en supposant que le Royaume-Uni agisse de bonne foi et que les États-Unis ne respectent pas les garanties données, le Royaume-Uni devrait s'adresser aux États-Unis et leur dire : "Vous savez que vous ne tenez pas votre promesse". Bien entendu, cela n'arrivera jamais - le Royaume-Uni n'agira pas dans l'intérêt de Julian.
Il s'agit en fait d'une échappatoire pour le tribunal lorsqu'il est confronté à une décision problématique et se dit "c'est problématique au regard de la législation, mais nous allons obtenir une promesse politique". Cela s'est déjà produit une fois en ce qui concerne ses conditions d'emprisonnement en 2021.
La décision a été rendue en 2023 et l'extradition a finalement été ordonnée sur la base d'assurances. Julian a ensuite fait appel de l'extradition et les tribunaux britanniques ont... désolé, j'entre un peu dans les détails.
Le tableau d'ensemble est que les États-Unis ont eu une infinité d'opportunités et que Julian n'en a eu aucune. Il a même été rapporté qu'il avait reçu l'autorisation de faire appel, mais en fait, il n'a pas reçu l'autorisation de faire appel, il a reçu l'autorisation conditionnelle - provisoire - de faire appel. On parle donc de la deuxième instance, la Haute Cour, à laquelle s'ajoute la Cour Suprême. Il se bat pour pouvoir faire appel.
En février, les tribunaux ont déclaré qu'il pourrait faire appel si la Cour n'était pas satisfaite des assurances données par les États-Unis. En fait, ce que le tribunal a déclaré c'est "Assange peut faire appel à moins que les États-Unis n'apportent des garanties maintenant". Alors, pourquoi ?
Une audience aura lieu le 20 mai, au cours de laquelle Julian pourra contester les garanties, n'est-ce pas ? Si le tribunal se range du côté des États-Unis, il ne pourra pas faire appel. Et quelle est la différence entre cette audience préliminaire du 20 mai et un véritable appel ? Un véritable appel permettrait à Julian de s'adresser à la Cour suprême pour faire réexaminer cette décision. Mais avec cette décision provisoire, l'audience provisoire du 20 mai, si le tribunal se range du côté des États-Unis, Julian ne pourra pas demander à la Cour suprême de la réviser.
Bon, j'entre un peu dans les détails de la procédure, mais j'essaie d'illustrer le fait que les États-Unis ont des possibilités infinies et que Julian se heurte à des obstacles successifs, ne serait-ce que pour pouvoir faire appel de la décision.
🎙 Pensez-vous que ce jugement, quel qu'il soit, pour Julian aura des conséquences sur le journalisme en tant que profession ?
Absolument. Si vous regardez le jugement tel qu'il est, les deux seules questions sur lesquelles les tribunaux britanniques ont demandé aux États-Unis de donner des garanties sont premièrement la peine de mort et deuxièmement la question de savoir s'il pourra accéder aux protections constitutionnelles aux États-Unis et s'il ne sera pas discriminé sur la base de sa nationalité parce qu'il est australien, qu'il n'est pas américain, qu'il n'a pas vécu là-bas et ainsi de suite. La Cour suprême des États-Unis a donc rendu des arrêts stipulant que les étrangers n'ont pas de droits constitutionnels.
Mais les tribunaux britanniques n'ont identifié ce problème qu'en relation avec la publication, et celle-ci ne concerne que trois des 17 chefs d'inculpation prévus par la loi sur l'espionnage (Espionage Act). Les autres chefs d'inculpation sont liés à la réception et à la possession d'informations. Or, recevoir et détenir des informations fait nécessairement partie du processus de collecte d'informations. Vous savez, l'information ne s'invente pas, elle vient forcément de quelque part et si on vous la fournit - ou si vous la trouvez par hasard - vous la détenez et, dans certains cas, vous la recevez, ce qui est également criminalisé.
Aux États-Unis, la loi est si étendue que ses effets sont stupéfiants. Son libellé est si large que l'on pourrait considérer la possession d'informations dans le cerveau comme une activité criminelle. C'est ce qui a été avancé lors de l'audience d'extradition. Les implications pour le journalisme en général sont gravissimes, tant en raison de la définition de l'acte criminel que de la portée extraterritoriale de ces poursuites, car il est question d'un pays étranger, les États-Unis, qui pénètre sur le territoire européen pour déterminer ce qui peut et ce qui ne peut pas être publié, ici. Si vous le publiez, même s'il est légal de le faire dans cette juridiction, ils peuvent vous extrader, vous introduire dans une juridiction étrangère et vous juger selon leurs lois.
Il s'agit d'une proposition totalement insensée que, bien entendu, d'autres pays chercheront à saisir pour punir leurs propres dissidents ou critiques étrangers. Tout ce dont vous avez besoin, c'est qu'un autre pays joue le jeu et, bien entendu, en matière d'extraditions, c'est 99 % de politique et 1 % de droit. Si le pays et son système judiciaire ne veulent pas contrarier ou offenser les États-Unis - ou toute autre juridiction -, la personne sera impuissante.
Le cas de Julian étant un cas si médiatisé et tellement évident, dans lequel ses publications ont en fait révélé la criminalité des États-Unis, le paysage politique s'en est trouvé bouleversé. Elle crée non seulement un précédent juridique, mais aussi un précédent politique. Les journalistes sont très vulnérables et exposés.
🎙 Pourriez-vous nous parler de l'apparent complot de la CIA visant à tuer Julian Assange ?
Il est important de souligner que les tribunaux britanniques ont déclaré que ce projet de meurtre était plausible, qu'ils n'ont pas contesté les preuves et qu'ils ont dit que cela semblait avéré.
Mais ce qu'ils ont dit également, c'est que maintenant que les États-Unis cherchent à l'extrader, il n'est plus utile de le kidnapper ou de l'assassiner, et c'est ainsi qu'ils s'en sont sortis. Ce qui est absolument incroyable. Je ne sais pas comment on peut prendre une telle décision et s'attendre à ce que la crédibilité du système judiciaire britannique reste intacte après cela.
Les tribunaux britanniques reconnaissent que Julian a été victime d'un complot d'assassinat sous la direction de Pompeo à la CIA. Des plans ont été élaborés ; encore une fois, il s'agissait d'une décision controversée de Mike Pompeo, car il voulait essentiellement déployer les opérations clandestines dédiées aux menaces réelles pour la sécurité - des menaces légitimes pour la sécurité - et ensuite récupérer cette mécanique et la diriger vers un éditeur, pour se venger des informations véridiques que l'éditeur avait révélées et pour empêcher toute publication future. Il s'agit clairement du type de censure le plus agressif que l'on puisse imaginer, qui consiste à tuer et à détruire les journalistes, la publication, etc.
Les projets révélés dans ces publications semblent avoir été élaborés, puis le Conseil de sécurité nationale - sorte de comité multi-agences américain impliquant des avocats de la Maison Blanche et divers responsables de la communauté de la sécurité nationale au plus haut niveau - semble ne pas les avoir mis en œuvre en raison de l'opposition manifestée au sein de ce comité, si l'on peut dire. Mais ces plans étaient réels et nous ne savons tout simplement pas dans quelle mesure ils étaient prêts à être mis en œuvre. Il a été question de percuter des voitures, d'ouvrir le feu, etc. Dans le contexte de l'immunité diplomatique, il va de soi que dans un scénario chaotique tel que celui prévu, Julian aurait facilement pu être blessé ou tué. Je ne pense donc pas qu'il soit réaliste de suggérer que ces plans ont été écartés. Je pense qu'ils ont toujours été sur la table pendant la période où Pompeo tenait les rênes, et peut-être au-delà. En effet, il a également été rapporté que des enlèvements avaient été envisagés avant que Pompeo ne soit à la tête de l'État.
Nous parlons ici d'activités illégales dans lesquelles les États-Unis se sont engagés, bien sûr l'espionnage des avocats et ainsi de suite, mais le plus extrême est bien sûr le complot d'assassinat contre Julian. Mais pourquoi ne pas avoir encore agi ?
Je ne suis pas d'accord avec la décision de la Cour qui estime qu'ils n'ont pas besoin d'agir s'il est extradé. Je ne sais pas pourquoi ils sont arrivés à cette conclusion. L'argument selon lequel l'extrader faciliterait son assassinat, plutôt que de le mener sur le sol étranger, est tout à fait plausible. Bien entendu, il est plus facile de le faire - si l'on en a l'intention - sur le territoire national et en particulier dans une prison, comme nous le savons tous.
📰 https://www.europinion.uk/post/in-conversation-with-stella-assange
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7- ♟ Dans une lettre remise au consulat des États-Unis, la lauréate du prix Nobel de la paix exhorte le président à libérer Julian Assange
La fondatrice de Peace People demande à Joe Biden de libérer Julian Assange si l'éditeur de Wikileaks devait être extradé vers les États-Unis
Par Paul Ainsworth, le 23 avril 2024, The Irish News
Mairead Corrigan Maguire, lauréate du prix Nobel de la paix, a exhorté le président américain Joe Biden à libérer Julian Assange, alors que le fondateur de WikiLeaks est en passe d'être extradé vers les États-Unis.
Mme Maguire, cofondatrice du mouvement Peace People, a écrit une lettre à Joe Biden, remise au consulat des États-Unis à Belfast par sa collègue Ann Patterson, membre et activiste de Peace People.
L'appel au président a été rédigé alors que Mr Assange poursuit sa lutte contre l'extradition du Royaume-Uni vers les Etats-Unis où il doit être jugé pour des accusations criminelles liées à la divulgation de dossiers militaires.
Les fuites concernant les guerres d'Afghanistan et d'Irak ont été publiées sans censure sur le site web de Wikileaks, et Mr Assange a nié les accusations portées à son encontre, affirmant qu'il agissait en tant que journaliste.
Le mois dernier, la Haute Cour de Londres a autorisé le ressortissant australien, âgé de 52 ans, à faire potentiellement (ndr : précision personnelle mais essentielle) appel de l'extradition.
L'appel de Mme Maguire au président Biden intervient alors que ce dernier a déclaré ce mois-ci qu'il examinait une demande du gouvernement australien d'abandonner les poursuites contre Mr Assange.
La militante pour la paix de Belfast a proposé la candidature de Julian Assange au prix Nobel de la paix en 2021, conjointement aux lanceurs d'alerte américains Chelsea Manning et Edward Snowden.
Dans sa lettre à Joe Biden, elle décrit avoir rencontré Mr Assange à deux reprises lors des sept années passées à l'ambassade de l'Équateur à Londres, où il avait demandé l'asile politique pour éviter d'être extradé vers la Suède dans le cadre d'une affaire d'allégation sexuelle depuis lors classée sans suite.
"J'ai appris à connaître un homme doux et bienveillant, dont l'intérêt pour les enfants d'Irak et d'Afghanistan était profond et sincère.
Le seul crime de Julian a été, en tant qu'éditeur et journaliste, de dire la vérité au pouvoir, et il a été très sévèrement puni pour cela. Il est temps, Monsieur le Président, de libérer Julian et de le laisser rentrer chez lui auprès de sa famille et de ses amis", écrit-elle.
Ajoutant :
"Sa santé se détériore et sa famille craint qu'il ne survive pas s'il venait à être extradé vers l'Amérique".
Mme Maguire a cofondé le mouvement Peace People après la mort de sa sœur, de sa nièce et de ses deux neveux en 1976.
Anne Maguire se promenait dans le quartier de Finaghy Road North à Belfast avec son fils de six semaines, son frère de deux ans et leur sœur de huit ans lorsqu'une voiture conduite par un homme de l'IRA, mortellement blessé par une patrouille de l'armée britannique qui le poursuivait, leur a foncé dessus.
Deux des enfants sont morts sur le coup, tandis que le garçon de deux ans a succombé à ses blessures le lendemain. Mme Maguire, grièvement blessée dans la collision, s'est ensuite suicidée.
Mme Maguire et Betty Williams - témoins de la collision mortelle - ont mené des marches pour la paix et ont reçu conjointement le prix Nobel de la paix en 1976. Mme Williams est décédée en 2020 à l'âge de 76 ans.
Paul Ainsworth travaille au Irish News depuis 2021. Il était auparavant rédacteur en chef du County Antrim Post et est journaliste depuis 2006.
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8- ♟ 10 faits sur Julian Assange, le journaliste vivant le plus récompensé
Par Free Assange, le 24 avril 2024, Twitter X
◾️ 1- Julian Assange est membre à part entière du syndicat des journalistes australiens MEAA (Media Entertainment & Arts Alliance) depuis 2007.
Fondée sur l'intégrité et animée par la créativité, la MEAA est le syndicat le plus important et le mieux ancré, ainsi que le défenseur de l'industrie pour les professionnels de la création en Australie.
La MEAA a été enregistrée le 18 mai 1992 sous le nom de Media, Entertainment & Arts Alliance, issue de la fusion de trois organisations : l'Australian Journalists Association, Actors Equity of Australia et l'Australian Theatrical & Amusement Employees Association. L'histoire de ces syndicats remonte au début du XXe siècle et la structure actuelle de la MEAA reflète ces origines. En 2006, une quatrième section a été créée avec l'incorporation de la Symphony Orchestra Musicians Association (SOMA).
Ce syndicat compte parmi ses membres des personnes travaillant à la télévision, à la radio, au théâtre et au cinéma, dans des lieux de divertissement, sur des terrains de loisirs, des journalistes, des acteurs, des danseurs, des sportifs, des dessinateurs, des photographes, des musiciens d'orchestre et d'opéra, ainsi que des personnes travaillant dans les relations publiques, la publicité, l'édition de livres et la production de sites web... en fait, tous ceux qui travaillent dans les industries qui informent ou divertissent.
La MEAA est affiliée à la Fédération internationale des journalistes (FIJ), à la Fédération internationale des acteurs (FIA), à la Fédération internationale des musiciens (FIM), au syndicat mondial représentant les travailleurs des secteurs des médias, du divertissement, des arts et des sports (UNI-MEI), à l'Échange international de la liberté d'expression (IFEX) et à l'Institut international pour la sécurité de l'information (INSI).
En Australie, la MEAA est membre du Conseil australien de la presse, du Conseil australien du droit d'auteur et du groupe de pression de l'industrie des médias Australia's Right To Know.
La MEAA (à l'exception de la section Médias de la MEAA) est affiliée au Conseil australien des syndicats (ACTU) et au Conseil néo-zélandais des syndicats (NZCTU).
La MEAA (à l'exception de la section médias de la MEAA dans le Queensland, l'Australie-Méridionale, l'Australie-Occidentale et le Victoria) est affiliée à tous les conseils du travail des États et des territoires.
Le MEAA (à l'exception de la section MEAA Media et de la section MEAA SOMA) est affilié à l'Australian Labor Party (ALP) en Nouvelle-Galles du Sud.
La MEAA est également membre de Union Aid Abroad-APHEDA.
◾️ 2- Julian est certifié comme journaliste professionnel par la Fédération internationale des journalistes ou FIJ, qui représente la profession dans le monde entier avec 600 000 membres dans 146 pays.
La FIJ est la voix mondiale des journalistes
La FIJ, la plus grande organisation de journalistes au monde, représente 600 000 professionnels des médias issus de 187 syndicats et associations dans plus de 140 pays.
Fondée en 1926, la FIJ est l'organisation qui parle au nom des journalistes au sein du système des Nations unies et du mouvement syndical international.
D'abord créée sous le nom de Fédération internationale des journalistes (FIJ) en 1926 à Paris, elle a été relancée sous le nom d'Organisation internationale des journalistes (OIJ) en 1946, mais a perdu ses membres occidentaux à cause de la guerre froide et a réapparu sous sa forme actuelle en 1952 à Bruxelles.
La FIJ :
organise une action collective pour soutenir les syndicats de journalistes dans leur lutte pour un salaire équitable, des conditions de travail décentes et la défense de leurs droits du travail.
promeut l'action internationale pour défendre la liberté de la presse et la justice sociale par le biais de syndicats de journalistes forts, libres et indépendants.
lutte pour l'égalité entre les hommes et les femmes dans toutes ses structures, politiques et programmes.
s'oppose à toute forme de discrimination et condamne l'utilisation des médias à des fins de propagande ou pour promouvoir l'intolérance et les conflits.
croit en la liberté d'expression politique et culturelle.
Cette Fédération ne souscrit à aucun point de vue politique, mais encourage l'action collective pour défendre les droits de l'homme, la démocratie et le pluralisme des médias.
La FIJ soutient les journalistes et leurs syndicats chaque fois qu'ils luttent pour leurs droits industriels et professionnels et a créé un Fonds international de sécurité pour fournir une aide humanitaire aux journalistes dans le besoin.
La politique de la FIJ est décidée démocratiquement lors d'un congrès qui se réunit tous les trois ans. Le travail est effectué par le secrétariat sous la direction d'un comité exécutif élu.
◾️ 3- Plusieurs autres syndicats du secteur des médias, notamment en Croatie, en Italie, en Arménie, en Bosnie-Herzégovine, en France, en Hongrie, en Macédoine du Nord, au Portugal, en Serbie, en Slovénie, en Espagne, en Suisse et au Royaume-Uni ont délivré à Julian Assange des cartes de membre en reconnaissance de son travail en tant que journaliste.
◾️ 4- Plus de 2 000 confrères du monde des médias, originaires de plus de 100 pays (108), ont déclaré que Julian Assange a "apporté une contribution exceptionnelle au journalisme d'intérêt public. Il est poursuivi pour avoir publié des informations qui n'auraient jamais dû être cachées au public".
Chers amis et collègues,
Julian Assange, éditeur de WikiLeaks, a été inculpé en vertu de la loi américaine sur l'espionnage pour avoir publié les journaux de guerre de l'Afghanistan et de l'Irak et les câbles des ambassades américaines, des documents importants que beaucoup d'entre nous dans le monde ont utilisés et contribué à faire connaître.
Il s'agit là d'un précédent extrêmement dangereux pour les journalistes, les organisations de médias et la liberté de la presse. Nous ne voulons pas rester silencieux en ce moment.
Nous invitons tous les journalistes et toutes les personnes exerçant des fonctions liées au journalisme à prendre part à cette déclaration mondiale en faveur de Julian Assange. Veuillez lire la déclaration, qui explique pourquoi nous devons nous exprimer. Vous pouvez la lire et la signer ici.
La déclaration comprend une citation du rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, Nils Melzer, qui a enquêté sur l'affaire :
"Je me suis finalement rendu compte que j'avais été aveuglé par la propagande et qu'Assange avait été systématiquement calomnié pour détourner l'attention des crimes qu'il avait révélés. Une fois qu'il a été déshumanisé par l'isolement, le ridicule et la honte, tout comme les sorcières que l'on brûlait sur le bûcher, il était facile de le priver de ses droits les plus fondamentaux sans provoquer l'indignation de l'opinion publique mondiale. C'est ainsi qu'un précédent juridique a été créé, par la porte dérobée de notre propre complaisance, qui à l'avenir pourra et sera appliqué tout aussi bien aux révélations du Guardian, du New York Times et d'ABC News".
Rejoignez-nous.
◾️ 5- En Australie, en 2011, Wikileaks, dont Julian Assange est le rédacteur en chef, a reçu le prix Walkley de la contribution la plus remarquable au journalisme.
"Le lauréat de cette année a fait preuve d'un engagement courageux et controversé envers les plus belles traditions du journalisme : la justice par la transparence. WikiLeaks et son rédacteur en chef Julian Assange ont pris une position courageuse, déterminée et indépendante en faveur de la liberté d'expression et de la transparence, qui a permis à des personnes du monde entier de s'émanciper. Ce faisant, ils ont déclenché un débat animé à au sein et en dehors des médias sur le secret officiel, le droit du public à être informé et l'avenir du journalisme".
La Fondation Walkley défend les normes journalistiques les plus élevées en Australie par le biais de ses prix, de ses événements et de ses programmes.
Encourager l'excellence : Les prix annuels Walkley - dont le prix Walkley d'excellence en journalisme - sont le summum de la réussite pour tout journaliste australien. Les Walkley ont été créés par le fondateur d'Ampol Petroleum, Sir William Gaston Walkley, en 1956, avec seulement cinq catégories récompensant l'excellence dans le journalisme écrit. Aujourd'hui, il existe 30 catégories, toutes plateformes confondues, jugées selon un processus à deux niveaux. Quelle que soit l'époque, les articles récompensés par les Walkley ont toujours fait la chronique de l'histoire, des personnes et des événements australiens.
◾️ 6- Julian Assange a remporté - au dernier décompte - 39 prix de journalisme, dont le prix Martha Gellhorn pour le journalisme, le prix The Economist New Media, le prix Amnesty International New Media, le prix Gunter Wallraff pour le journalisme d'investigation et le courage moral.
◾️ 7. Des décisions de justice britanniques ont reconnu Julian Assange comme "un journaliste, largement connu pour sa gestion de WikiLeaks" (High Court 2 Nov 2011) et WikiLeaks comme une "organisation médiatique" (UK information tribunal December 2017).
◾️ 8- L'enquête du centre de contre-espionnage de l'armée américaine a décrit WikiLeaks comme un "organe de presse" et Assange comme un "rédacteur" et un "journaliste" qui avait "démontré la responsabilité du journaliste dans l'actualité ou l'utilisation équitable du document classifié".
Ce document est une enquête classifiée (SECRET/NOFORN) de 32 pages du contre-espionnage américain sur WikiLeaks. "La possibilité que des employés actuels ou des taupes au sein du DoD ou ailleurs au sein du gouvernement américain fournissent des informations sensibles ou classifiées à WikiLeaks.org ne peut être exclue". Il concocte un plan pour marginaliser fatalement l'organisation. Étant donné que WikiLeaks utilise "la confiance comme centre de gravité en protégeant l'anonymat et l'identité des initiés, des auteurs de fuites ou des lanceurs d'alerte", le rapport recommande "L'identification, l'exposition, le licenciement, les poursuites pénales, les actions en justice contre des initiés, des auteurs de fuites ou des lanceurs d'alerte, actuels ou anciens, pourraient potentiellement endommager ou détruire ce centre de gravité et dissuader d'autres personnes envisageant des actions similaires d'utiliser le site Web WikiLeaks.org. [Comme deux ans se sont écoulés depuis la date du rapport et qu'aucune source de WikiLeaks n'a été exposée, il semble que ce plan ait été inefficace]. Pour justifier ce plan, le rapport affirme que "plusieurs pays étrangers, dont la Chine, Israël, la Corée du Nord, la Russie, le Viêt Nam et le Zimbabwe, ont dénoncé ou bloqué l'accès au site WikiLeaks.org". Le rapport fournit une justification supplémentaire en énumérant des histoires embarrassantes révélées par WikiLeaks : les dépenses d'équipement des États-Unis en Irak, les violations probables par les États-Unis du traité sur la convention sur les armes chimiques en Irak, la bataille pour la ville irakienne de Fallujah et les violations des droits de l'homme à Guantanamo Bay.
◾️ 9- Assange a été le pionnier du "journalisme scientifique", dans lequel les sources sont proposées en même temps que l'analyse. Les lecteurs peuvent vérifier les vérités par eux-mêmes, ce qui est plus que jamais nécessaire à l'ère des fake news. Tout le monde peut passer au crible les actes répréhensibles
Vidéo de 9’ avec sous titres disponibles
◾️ 10- La boîte de dépôt numérique anonyme est en grande partie une invention de WikiLeaks. Elle est désormais utilisée dans le monde entier par le New York Times, Bloomberg Media, Gizmodo, NBC, CBC et ABC. Elle permet aux lanceurs d'alerte de fournir des informations aux journalistes dans l'intérêt du public en toute sécurité.
📰 https://x.com/FreeAssangeNews/status/1783171708502847833
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9- ♟ Gianluca Costantini : utiliser l'art pour changer le monde
L'activiste s'exprime sur l'illustration des nouvelles mémoires d'Ai Weiwei et sur le pouvoir de transformation des images.
Pour lui, "le sort d'Assange symbolise les défis plus larges auxquels est confrontée notre société numérique en pleine évolution, et son histoire continue d'inspirer des réflexions critiques et des débats sur les principes fondamentaux de la démocratie et de la liberté."
Par Nick Hilden, le 25 avril 2024, The Observer
"L'art a toujours influencé la société", explique Gianluca Costantini, dessinateur et activiste, à The Observer.
"Notre tâche - et même notre devoir - est d'essayer de changer les règles à travers une vision différente. Je m'intéresse à un art interagissant avec la communauté, un art de partage plutôt que d'imposition. Pour moi, l'art est un moyen de naviguer dans le malaise, le conflit et l'entraide, et de travailler dans des espaces politiques et civils. L'art m'aide à ne pas détourner le regard".
Au cours des deux dernières décennies, l'art de Costantini a porté un regard sans fard sur les questions relatives aux droits de l'homme aux quatre coins du monde. Des révolutions et mouvements de protestation en Égypte, en Turquie, à Hong Kong et ailleurs, aux prisonniers politiques et à la censure des journalistes et des artistes partout dans le monde, en passant par les personnes tuées dans le cadre du soulèvement "Femme, vie, liberté" en Iran, et bien plus encore, il s'est efforcé d'attirer l'attention sur certaines des questions les plus urgentes du moment.
Plus récemment, Costantini a collaboré avec sa femme - l'artiste et conservatrice Elettra Stamboulis - pour illustrer les mémoires graphiques Zodiac de l'artiste Ai Weiwei, l'un des choix de The Observer pour les meilleurs nouveaux mémoires de 2024. La vie d'Ai y est racontée à travers une série de conversations avec son fils et d'autres personnes de son entourage.
"Les dialogues", m'a dit Costantini lorsque je l'ai interviewé après la sortie du livre, "offrent un aperçu unique et profond du processus créatif et des idées qui animent les artistes engagés dans le changement social". À travers ces conversations, les lecteurs sont entraînés dans une conversation intime et stimulante sur l'importance de l'art dans la lutte contre les injustices du monde contemporain. "Avec Zodiac, nous avons voulu créer un manifeste pour le changement, un appel à l'action et une célébration de la résilience de l'esprit humain. C'est un livre qui invite à la réflexion et à l'inspiration, exhortant les lecteurs à élever leur voix et à se joindre à la lutte pour un monde plus juste et plus équitable".
Zodiac a été réalisé sur trois ans, au cours desquels Costantini et Stamboulis ont été immergés dans un vaste univers comprenant la culture et la politique chinoises, la vie d'Ai Weiwei et celle de son père, l'activisme, la mythologie, et surtout les récits personnels de Weiwei. "Le processus de création graphique a nécessité des recherches iconographiques approfondies. Je voulais que l'ouvrage - même s'il a été réalisé par un Occidental - évoque l'esthétique du design chinois".
Le résultat est un récit méditatif et allégorique de la vie de l'un des plus grands artistes du monde, lourdement chargé d'implications sociopolitiques.
"Je crois, comme Ai Weiwei", explique Costantini, "que tout art est politique. En ces années tragiques que nous vivons, si quelqu'un peint des paysages, je pense que cela signifie qu'il est satisfait du monde tel qu'il est. Au contraire, je veux changer les choses et aider les autres à travers mon travail".
Le parcours artistique de Costantini débute à l'Académie des beaux-arts de Ravenne, où il commence à publier des illustrations dès sa deuxième année. La bande dessinée est devenue sa raison d'être pour des raisons pratiques.
"Au départ, mon choix de faire de la bande dessinée était motivé par des raisons économiques", se souvient-il. "Issu d'une famille ouvrière, j'avais des moyens financiers limités et la bande dessinée représentait la forme d'art la plus accessible et la plus prometteuse. Elle nécessitait très peu de moyens : une feuille de papier et de l'encre noire, et vous pouviez commencer".
Au cours de la décennie suivante, il connaîtra un certain succès grâce à des publications et des expositions dans son pays, mais Costantini ressent un besoin croissant de dessiner sur une plus grande scène et commence à illustrer des événements au-delà de son Italie natale. L'un de ses premiers dessins politiques, par exemple, représente l'assassinat du journaliste philippin Rowell Endrinal. Il a commencé à partager ces illustrations sur Indymedia, "un portail de contre-information non global qui a joué un rôle important dans la diffusion de certains messages dans les années 2000". De là, il a commencé à établir des liens avec des personnes partageant les mêmes idées via Twitter, comme les activistes du parc Gezi à Istanbul, Occupy Wall Street et les manifestants à Hong Kong et au Caire.
"Au fil du temps, je me suis de plus en plus intéressé aux individus", explique-t-il. "Ceux dont les droits fondamentaux sont niés et violés".
Aujourd'hui, on peut fréquemment trouver Costantini orienter son art vers une série de questions relatives aux droits de l'homme dans le monde entier.
À propos de l'Iran : "J'ai suivi de près les manifestations iraniennes, depuis l'assassinat de Masha Amini. Ces événements tragiques renferment tous les thèmes qui me préoccupent profondément : la privation de la liberté de mouvement et d'expression, les droits des femmes, la peine de mort et l'extrémisme religieux."
À propos de Gaza : "La question de la Palestine représente l'un des cas les plus significatifs de privation de liberté, et je la suis depuis que j'ai commencé à réaliser des dessins politiques en 2004. Ces derniers mois, tout ce que nous avons construit en termes de droits de l'homme a été anéanti. Je me suis principalement concentré sur les journalistes assassinés, en dessinant leurs portraits en collaboration avec le Comité pour la protection des journalistes". (ndr : article traduit et publié sur ce blog, accompagné des portraits de Costantini)
Sur Julian Assange :
"Selon moi, le sort d'Assange symbolise les défis plus larges auxquels est confrontée notre société numérique en pleine évolution, et son histoire continue d'inspirer des réflexions critiques et des débats sur les principes fondamentaux de la démocratie et de la liberté."
La liste est longue. Attaques contre des journalistes, des écrivains et des poètes en Érythrée. La répression au Belarus, en Turquie et en Chine. Les migrants qui affluent en Libye.
Dans chaque situation, Costantini estime qu'il est essentiel de créer des récits significatifs pour favoriser la compréhension. Pour lui, les dessins servent d'outils de dénonciation et de sensibilisation, stimulant le débat public et invitant les spectateurs à réfléchir aux implications plus larges des questions abordées.
"Mon objectif est un acte de résistance artistique ainsi qu'une critique incisive des injustices et des violations des droits de l'homme dans le contexte de la société contemporaine. Je cherche à susciter une réflexion profonde sur la nécessité de défendre les valeurs démocratiques et la liberté de la presse à une époque où l'obscurantisme et le contrôle gouvernemental ne cessent de croître", explique l'artiste.
Ses oeuvres ne sont pas passées inaperçues par au moins un des gouvernements visés par son art. Après la tentative de coup d'État en Turquie, ses dessins en faveur de la protestation lui ont d'abord valu d'être banni de Twitter dans le pays (une tactique couramment utilisée par les régimes autoritaires du monde entier), puis d'être accusé de terrorisme, ce qui lui a valu d'être jugé par contumace. Il suffit de dire qu'il n'est plus le bienvenu dans ce pays.
"Être qualifié de terroriste sur la base de mon travail artistique est non seulement absurde, mais aussi incroyablement injuste. En tant qu'artiste, mon intention n'a jamais été de répandre la terreur ou de menacer la sécurité publique, mais plutôt d'explorer les réalités sociales et politiques par le biais de l'art visuel. Cette expérience m'a amené à réfléchir profondément à la fragilité de la liberté d'expression et à la nécessité de la défendre à tout prix. Dans une société démocratique, les artistes devraient être libres d'exprimer leurs opinions et leurs critiques sans craindre la persécution ou la censure", déclare M. Costantini.
Grâce à de telles réactions, Costantini affirme que son support de prédilection, l'illustration, est toujours aussi pertinent d'un point de vue politique.
"Ces dernières années, il semble que le dessin ait joué un rôle de plus en plus important dans l'activisme, en communiquant des thèmes inconfortables d'une manière différente et peut-être plus empathique. Les dessins, ainsi que les bandes dessinées, sont très puissants pour communiquer, en particulier sur les médias sociaux. Les gens s'arrêtent et regardent. Mais il en a peut-être toujours été ainsi. L'art a toujours été politique, qu'il soit utilisé pour la propagande ou pendant les révolutions."
Dans l'immédiat, Costantini affirme qu'il continuera à documenter les événements en Palestine et en Iran et qu'il publiera bientôt en France une biographie en bande dessinée de Xi Jinping afin de mieux caractériser la politique et la société chinoises.
"Je continuerai à me battre pour la liberté d'expression et pour le droit de chaque artiste à s'exprimer librement, où qu'il soit. Mon combat n'est pas seulement personnel, il est mené pour tous ceux qui ont été victimes d'injustices similaires et pour tous ceux qui croient au pouvoir transformateur de l'art et de la liberté", affirme l'artiste.
📰 https://observer.com/2024/04/gianluca-costantini-on-illustrating-ai-weiwei-zodiac-book-assange-gaza/
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10- ♟ L'affaire Assange et la liberté de la presse dans les démocraties occidentales
L'affaire Julian Assange a récemment été portée à l'attention du public. Nous avons rejoint la journaliste Stefania Maurizi pour une réflexion sur l'importance cruciale de l'affaire Assange concernant la liberté de la presse dans les démocraties occidentales.
Par Maddalena Volcan assisté par Augusto Goio, le 26 avril 2024, Agenzia di Stampa Giovanile (Agence de Presse Jeunesse)
Julian Assange risque de passer sa vie en prison pour avoir fait son métier : journaliste. En février, lorsque la Haute Cour de justice de Londres s'est réunie pour statuer sur l'appel interjeté par Assange contre sa demande d'extradition vers les États-Unis, l'affaire est revenue dans l'actualité. Avec Stefania Maurizi, journaliste d'investigation pour Il Fatto Quotidiano, qui s'est occupée dans le passé de l'analyse des documents de WikiLeaks relatifs aux guerres en Irak et en Afghanistan, nous approfondissons le sujet et son lien avec la question de la liberté de la presse, en particulier dans les démocraties occidentales.
L'idée d'Assange
Julian Assange est un journaliste d'investigation australien et fondateur de WikiLeaks, une organisation journalistique mondiale non étatique.
"Assange est un génie de l'informatique, car il a créé WikiLeaks en exploitant les capacités cruciales et uniques du réseau", explique Maurizi.
Poursuivant,
"Si nous, journalistes, retournons aux sources, aux personnes qui ont accès à des informations importantes pour la vie de chacun (comme celles portant sur la corruption, la torture, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité), au sein d'un gouvernement, d'une entreprise, d'une agence, nous avons besoin d’un système sécurisé qui motive ces personnes à nous envoyer ces documents. L'idée d'Assange était de fournir un système de diffusion d'informations suffisamment sûr et protégé, pour garantir l'anonymat des sources, la protection de celles-ci et l'impossibilité de révéler leur identité".
Où et quand Wikileaks est né
En 2006, Assange a fondé à cet effet l’organisation journalistique WikiLeaks. Le journaliste avait vérifié le rôle fondamental de l'information durant la guerre en Irak, une guerre dévastatrice qui a causé la mort de 600 000 civils, généré au moins 9,2 millions de réfugiés et de personnes déplacées et favorisé l'émergence de l'EI, l'organisation terroriste paramilitaire islamique fondée suite au chaos post-invasion.
"Cette guerre a été lancée sur la base d'informations complètement fausses et utilisées par l'administration Bush et le gouvernement britannique de Tony Blair", fait remarquer Maurizi.
Julian Assange avait identifié comment ces informations avaient été falsifiées et manipulées pour justifier l'invasion de l'Irak par les États-Unis et la Grande-Bretagne. Ce n’est pas tout : Assange a également pu reconnaître comment, au sein des services secrets de divers pays, certains individus avaient tenté d’avertir l’opinion publique de la fausseté et du manque de fiabilité des informations, mais sans succès.
L'objectif de Wikileaks
Depuis lors, l'objectif de WikiLeaks est de contribuer à la recherche de la vérité et d'éviter des tragédies, comme la guerre en Irak, grâce à des informations véridiques fondées sur des sources.
"Assange a développé un système qui, avec le travail journalistique des dernières décennies, a permis la diffusion d'informations sur les guerres dévastatrices comme celle d'Afghanistan, sur la guerre en Irak, sur Guantanamo, le camp de prisonniers cubain connu sous le nom de pour violations systématiques des Conventions de Genève relatives aux prisonniers de guerre. Des faits graves qui, sans la documentation fournie par des personnes au sein des gouvernements et des services secrets, n'auraient jamais été révélés", souligne-t-elle.
La liberté de la presse est en jeu
La liberté de la presse est considérée comme le thermomètre de la santé de toute démocratie. Maurizi observe :
"S'il n'est pas possible de révéler ce que font nos gouvernements en notre nom et avec notre argent, nous ne vivons plus en démocratie."
Aujourd’hui, les gouvernements exercent un contrôle de plus en plus grand sur l’information.
"Quiconque tente de saper, de briser le mur du contrôle de l'information, finit mal dans une dictature, va soit en prison à vie, soit est tué. Mais dans une démocratie, cela n’est pas acceptable. Les journalistes qui révèlent des informations sur les actions criminelles commises par les États doivent pouvoir le faire en toute sécurité, en tant que personnes libres", souligne Maurizi.
Traitement différent
Ce n’était pas le cas de Julian Assange : depuis 2010, lorsqu’il a révélé les crimes commis par les gouvernements américain et anglais, il ne marche plus en homme libre, il n’a plus aucune liberté .
"Comme d’autres journalistes qui ont travaillé sur les documents publiés par WikiLeaks, je n’ai jamais été arrêtée ni interrogée. Comment expliquer cette différence de traitement ?", demande Maurizi de manière provocatrice, réfléchissant au double standard qui différencie le traitement réservé à Assange par rapport aux autres journalistes d’investigation.
"Nous devons comprendre quand notre société prend une direction dangereuse ", raisonne encore Maurizi, observant que lorsque nous nous trouvons dans des situations historiques où la société risque de s'engager dans une voie particulièrement inquiétante - comme dans le cas du fascisme ou du nazisme -, l'opinion publique doit se rallier et réagir pour éviter les dérives dangereuses.
"Si on ne permet pas à un journaliste de révéler des crimes de guerre, si on ne lui permet pas de révéler des actes de torture et qu'on l'enferme en prison à vie, notre société n'a plus rien de démocratique : elle devient autoritaire", conclut Maurizi.
Coûts et dangers du journalisme d’investigation
Le journalisme d’investigation est une branche du journalisme qui consiste à mettre en lumière des informations que les dirigeants veulent cacher. La tâche des journalistes d'investigation est de creuser cette information et de la révéler de manière rigoureuse et crédible, comme le souligne Maurizi.
De nombreuses menaces pèsent sur ce type de journalisme. Premièrement, les médias et les journaux sont peu motivés à faire ce type de journalisme, car il s’agit d’ un journalisme coûteux. Maurizi explique combien il est difficile de rechercher des informations :
"Malheureusement, cela ne fonctionne pas que le journaliste demande les documents et que le ministère, le gouvernement ou l'entreprise les lui remette. Parfois, une action en justice est nécessaire. C’est ce qui m’est arrivé, moi qui me bats aux États-Unis, sur la base du Freedom of Information Act , pour la révision des documents sur l’affaire Assange et WikiLeaks. Mais cela demande du temps et des moyens financiers de la part du journaliste ou du journal qui le soutient".
Dans le journalisme d'aujourd'hui
Un autre problème fondamental est ce que l'on appelle "l'infodémie" , c'est-à-dire l'excès d'informations et de nouvelles souvent non vérifiées dont nous sommes inondés 24 heures sur 24 sur Internet et sur les réseaux sociaux.
"Une information que l'opinion publique n'a pas le temps d'assimiler ni d'approfondir, d'en comprendre le degré d'importance."
Maurizi met également en avant un autre aspect du journalisme d'aujourd'hui.
"De manière générale, les travaux en profondeur sont de plus en plus rares : en partie à cause de la superficialité généralisée du monde de l’information, en partie parce qu’une analyse approfondie demande du temps et de l’engagement dans la recherche de sources fiables et dans l’évaluation critique de ces dernières".
D'autres exemples qui entravent le travail d'enquête sont les plaintes irresponsables, qui sont utilisées comme forme d'intimidation par des hommes politiques, des entrepreneurs ou des groupes économiques. Il s’agit souvent de plaintes sans fondement, mais elles impliquent des dépenses importantes tant en termes économiques qu’en termes de temps pour se défendre.
"Ces actions en justice visent à décourager un journalisme agressif . Le pouvoir veut un journalisme docile, superficiel et peu incisif", conclut-elle.
Le rôle des lecteurs
Quel rôle ont les lecteurs ?
"Le plus important, c'est de s'informer. Le problème de notre pays, c'est que beaucoup de gens ne lisent pas, ne se soucient pas de ce que fait le gouvernement, ne se soucient pas de ce qui se passe dans le pays", répond Maurizi.
En tant que citoyens, nous avons le droit et le devoir d’être vigilants et conscients de ce qui se passe dans le monde qui nous entoure. Ce n'est pas automatique, c'est pourquoi Maurizi soutient qu'il doit y avoir une éducation informationnelle .
Apprendre, c’est aussi apprendre à connaître et à comprendre l’actualité et ce qui se passe autour de nous.
"Nous devons demander aux enseignants d'expliquer comment lire un journal, comment regarder les informations, comment distinguer le travail des journalistes indépendants et celui des mégaphones du pouvoir", insiste-t-elle.
Savoir analyser la réalité de manière critique est essentiel dans un monde où il y a tant de voix. Il est nécessaire de rechercher des journalistes et des organes d’information qui ont une approche critique et indépendante, qui vont au cœur des enjeux et qui remettent en question les versions officielles du pouvoir.
"C'est un parcours de formation, un métier qui se construit au fil du temps en observant et en lisant l'écrivain, il faut donc quelqu'un pour formre et aider à développer les outils critiques d'analyse", précise Maurizi.
Le monde est à nous, l’avenir est à nous : nous, les jeunes, avons la responsabilité d’être conscients de la direction dans laquelle évolue notre société.
"Vous ne pouvez pas le faire si vous ne disposez pas d'informations fiables, indépendantes, produites de manière agressive et défavorable au pouvoir. C’est en agissant sur la base de ces connaissances et de cette prise de conscience que nous changeons le monde", conclut la journaliste.
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11- ♟ Garder Assange incarcéré, revient à emprisonner la liberté
Depuis son incarcération, le président López Obrador a été l'un des plus importants défenseurs de la liberté d'Assange au Royaume-Uni et de sa non-extradition vers les États-Unis.
Par la rédaction de Aristegui Noticias, le 26 avril 2024 mixé avec l'article de la Jordana paru le 27 avril
Lors de sa conférence matinale depuis le Palais national ce vendredi, le président Andrés Manuel López Obrador s'est prononcé en faveur du journaliste fondateur de Wikileaks, Julian Assange, emprisonné pour avoir divulgué des documents, assurant son souhait de le voir libéré.
Parlant de l'apparition de l'archevêque de l'archidiocèse de Guadalajara, Juan Sandoval Íñiguez, dans des documents du gouvernement américain ayant fait l'objet d'une fuite dans cette affaire, López Obrador a répété qu'à son avis, il s'agissait d'une "injustice" de maintenir Assange en prison, alors que les autres personnes impliquées ont été exonérées.
Répondant aux récentes déclarations sur le processus électoral d'un leader catholique, le président fédéral a rappelé que lorsqu'Assange a rendu public les documents contenant des informations confidentielles de Washington et ses interventions dans diverses parties du monde, il était le seul à avoir en a payé les conséquences.
Le président a suggéré par le passé que les États-Unis déplacent la statue de la Liberté au Mexique, où "la liberté existe", à propos de la décision en suspens sur l'extradition d'Assange vers les États-Unis.
AMLO a réitéré à plusieurs reprises son soutien au journaliste australien, qu'il considère comme l'un de ses principaux défenseurs, à qui il a offert l'asile parce qu'il le considère comme un "prisonnier politique" et dont il a rencontré la famille à plusieurs reprises.
"Tous ces documents ont été rendus publics, c'est pourquoi Assange est emprisonné, et j'aimerais qu'il soit libéré, parce que ce qu'ils lui font subir est une grande injustice".
Il a souligné que les principaux médias du monde, comme le New York Times, ont publié et bénéficié des informations divulguées par Assange - qui est enfermé au Royaume-Uni et accusé par le gouvernement américain depuis plusieurs années - et que le seul à avoir été puni est le fondateur de WikiLeaks.
Le président mexicain, qui a défendu Assange depuis le début de son mandat et a même déclaré à plusieurs reprises que son gouvernement lui accorderait l'asile politique, s'est montré confiant quant à sa libération prochaine.
"J'espère vraiment qu'il sera libéré, car c'est comme si la liberté était emprisonnée", a-t-il conclu.
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12-♟ Kristinn Hrafnsson, le rédacteur en chef de WikiLeaks réexplique pourquoi le monde a besoin de la libération d'Assange
Par Kristinn Hrafnsson, le 27 avril 2024, The Saturday Paper
Le 11 avril, jour marquant les cinq ans de son incarcération, j'ai fait la queue devant la prison de Belmarsh pour rendre visite à Julian Assange. Entrer dans ces ignobles bâtiments de briques, même en tant que visiteur, vise à humilier et à dégrader. Je dois lever la langue pour être inspecté. Je suis fouillé. Mes empreintes digitales sont relevées encore et encore. Les portes des sas s'ouvrent et se referment derrière moi. Alors que les bruits et les odeurs restent imprégné dans mon esprit pendant des jours après chaque visite, Julian doit s'asseoir avec les autres prisonniers pendant que nous, visiteurs, nous échappons.
Comment va-t-il, me demandera-t-on inévitablement. Ce journaliste australien non condamné et non violent est en prison depuis cinq ans. Avant cela, il avait passé sept années dans un minuscule bureau d'ambassade et encore avant, deux ans en résidence surveillée.
Comment pensez-vous qu'il se porte ? Et vous, comment iriez-vous ?
Julian ne va pas bien. Il était trop malade pour assister à sa dernière audience, même si celle-ci lui offrait la possibilité de s'évader brièvement de la prison. Lors de l'audience précédente, il a été victime d'une attaque cérébrale alors que les médias du monde entier le regardaient dans une salle vidéo à Belmarsh.
Son isolement et sa sous-stimulation induisent le désespoir, la désorientation, la déstabilisation et la désintégration. Il est aussi loin que possible des odeurs, des bruits du bush australien et de la chaleur du soleil.
Bien entendu, Julian a été réconforté lorsque, le jour de la Saint-Valentin, la majorité de la Chambre des représentants australienne a appelé les États-Unis et la Grande-Bretagne à lui permettre de rentrer en Australie. Au cours de toutes ces années, nous n'avions jamais vu un gouvernement australien s'engager activement ou appeler publiquement à sa libération. Nous n'avons jamais vu une telle unité et une telle activité parmi les responsables des médias, les syndicats des médias, les défenseurs de la liberté de la presse ou les organisations de défense des droits de l'homme.
L'ancien sénateur des Verts Scott Ludlam autrefois la seule voix au sein de votre parlement à réclamer la liberté de Julian, est désormais rejoint par un vaste groupe d'amis parlementaires, composé de membres de chaque parti et de pratiquement tous les autres, et ce groupe ne cesse de s'agrandir.
Le fait que le président américain Joe Biden prenne en considération les demandes répétées du gouvernement australien de mettre fin aux souffrances de Julian et d'abandonner les poursuites est une bonne nouvelle. L'examen est un premier pas dans la bonne direction et son résultat naturel devrait être l'abandon des poursuites.
Il s'agit d'une affaire qui n'aurait jamais dû être intentée... Julian a déjà été privé de 14 ans de sa vie. Ses jeunes garçons ont besoin d'un père à la maison et sa femme et plus fervente avocate, Stella, est épuisée par ce combat épouvantable.
Il s'agit d'une affaire qui n'aurait jamais dû être engagée. L'administration Obama a exclu une mise en accusation, et Biden peut maintenant enfin abandonner l'attaque de l'administration Trump contre le journalisme. Il serait cruel que la considération de Biden prenne beaucoup plus de temps, car Julian a déjà été privé de 14 ans de sa vie. Ses petits garçons ont besoin d'un père à la maison et sa femme et plus fervente avocate, Stella, est épuisée par ce combat peu glorieux.
La Haute Cour britannique a offert aux États-Unis l'occasion de garantir que Julian ne sera pas lésé au cours du procès parce qu'il est australien. Lors d'audiences précédentes, les États-Unis ont déclaré que Julian, parce qu'Australien, ne bénéficierait pas de la protection de la liberté d'expression prévue par le premier amendement de la constitution américaine. Cela a suffisamment inquiété les juges britanniques pour qu'ils demandent des éclaircissements.
L'assurance reçue n'est pas une assurance si l'on lit le texte dédaigneux. Il se contente de dire que Julian "aura la possibilité de soulever et de tenter d'invoquer au procès ... les droits et les protections accordés par le premier amendement". Il pourrait également invoquer une licorne. Cela ne signifie pas que le tribunal exaucera son souhait. Julian peut demander cette protection, mais il ne peut pas s'attendre à la recevoir - il est un citoyen australien poursuivi par un tribunal étranger.
Nous avons appris à nos dépens que la logique et les faits évidents ne s'appliquent pas au cas de Julian Assange. C'est rarement le cas dans les affaires où des systèmes judiciaires inclinés font avancer des persécutions politiques.
Les juges ont également demandé l'assurance que les États-Unis ne modifieraient pas une nouvelle fois les chefs d'accusation - comme ils ont affirmé à plusieurs reprises que c'était leur droit - et ne soumettraient donc pas Julian à la peine capitale. Depuis plus de dix ans, les représentants du gouvernement américain qualifient publiquement les allégations contre Assange de trahison et réclament la peine de mort. Pas plus tard qu'en 2018, la CIA examinait les possibilités de l'assassiner ou de le kidnapper. Bien qu'elle le nie, Hillary Clinton a apparemment plaisanté avec son personnel : "Ne pouvons-nous pas simplement envoyer un drone sur ce type ?"
Julian a fait appel au motif qu'il devrait être évident qu'on ne peut extrader quelqu'un vers un pays dont les services secrets ont comploté pour l'enlever ou l'assassiner. Les juges ont rejeté cet argument, estimant que s'il était extradé, il ne serait plus nécessaire de le kidnapper ou de l'exécuter à Londres. Oui, c'est bien de cela qu'il s'agit.
Le procès de Julian doit reprendre à Londres le 20 mai. Il s'agit probablement de son ultime chance de résister à l'extradition et à la mort au sein du système pénitentiaire américain.
Alors que les avocats se battent devant les tribunaux, nous savons d'expérience que la solution ne sera trouvée qu'au niveau politique. Le processus politique s'est noué lui-même et nous savons que cette question pourrait être résolue aujourd'hui, d'un simple trait de plume du président Biden. Il pourrait, comme il prétend l'envisager, mettre fin à ce cauchemar et abandonner les poursuites.
J'attends avec impatience le jour où Julian retournera dans son pays d'origine. Il aura besoin de se reposer et de guérir de ce qu'il a vécu. Il aura besoin de la nature. Il aura besoin de vos plages et de liens avec la communauté australienne.
Rien ne pourra lui rendre le temps perdu, mais il peut, avec du soutien, guérir de ce que son corps et son esprit ont enduré à la suite de la punition qu'il a subie pour avoir publié la vérité.
Julian doit sortir de prison. Le reste du monde en a également besoin. Il faut un signal d'espoir pour sauver certaines de nos valeurs d'humanité, de dignité, de justice et de liberté. Pour tous ceux qui craignent que notre monde ne soit au bord du gouffre, la liberté de Julian sera un signe d'espoir qu'un autre monde est possible.
Libérez Julian Assange.
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13- ♟ La mission de Julian Assange était de changer le monde, mais à quel prix ?
Par Lauren Said-Moorhouse & Claudia Rebaza, le 27 avril 2024, CNN
Julian Assange a lancé son site web de divulgation WikiLeaks dans une quête de "transparence et de vérité radicales", tâche qui a transformé une personnalité déjà polarisante en un personnage notoire et lui a valu des partisans et des détracteurs à parts égales.
La bataille de longue haleine pour son extradition vers les États-Unis s'est poursuivie ce mois-ci, les avocats américains ayant fourni à la Haute Cour britannique une série d'assurances concernant les droits du premier amendement du fondateur de WikiLeaks, âgé de 52 ans, et le fait qu'il ne serait pas condamné à la peine capitale s'il était remis à la justice. Ces garanties seront réexaminées lors d'une nouvelle audience le 20 mai.
Voilà 12 ans que le célèbre Australien n'a pas pu se promener librement. Il a passé les cinq dernières années dans la prison de haute sécurité de Belmarsh, à Londres, et les sept années précédentes, terré au sein de l'ambassade d'Équateur dans la capitale anglaise, afin de ne pas être arrêté.
Il risque la prison à vie aux États-Unis pour avoir publié des centaines de milliers de documents militaires et gouvernementaux sensibles fournis par Chelsea Manning, une ancienne analyste du renseignement de l'armée, voici plus d'une douzaine d'années. Toutefois, des pressions accrues ont été exercées récemment pour que l'affaire Assange soit classée.
Ce mois-ci, le président Joe Biden a apporté une lueur d'espoir aux partisans d'Assange en déclarant que son administration "réfléchissait" à une demande de l'Australie d'abandonner les poursuites à l'encontre du fondateur de WikiLeaks. Cette petite phrase a été qualifiée de signal "encourageant" par le Premier ministre australien Anthony Albanese, qui a ajouté qu'Assange avait "déjà payé un prix élevé" et que "cela n'a que trop duré".
L'ascension d'Assange
Né à Townsville, dans l'est du Queensland, en 1971, Assange a reçu une éducation peu conventionnelle. Sa famille déménageant fréquemment, son éducation s'est faite à la fois à la maison et par correspondance.
À l'adolescence, il se découvre une aptitude naturelle pour l'informatique, mais ses activités - qui consistent notamment à accéder à plusieurs systèmes sécurisés, dont ceux du Pentagone et de la NASA, sous le pseudonyme de pirate informatique Mendax - le placent rapidement dans le collimateur des autorités. En 1991, les autorités australiennes l'ont inculpé de 31 chefs d'accusation de cybercriminalité, mais il n'a été condamné qu'à une légère amende après avoir plaidé coupable pour la plupart des chefs d'accusation.
Après ses démêlés avec la justice, Assange a travaillé comme consultant en sécurité informatique, voyagé et brièvement étudié la physique à l'université de Melbourne avant d'abandonner ses études.
Lorsqu'il a créé WikiLeaks en 2006, sa vision était qu'il s'agirait d'une sorte de dépôt en ligne, qui publierait des documents, des vidéos et d'autres matériels sensibles soumis anonymement, après les avoir examinés.
La plateforme a fonctionné pendant plusieurs années, téléchargeant des documents allant du manuel d'exploitation de l'armée américaine pour son camp de détention de Guantanamo Bay, à Cuba, à des documents internes de l'Église de Scientologie et certains courriels volés de la candidate républicaine à la vice-présidence de 2008, Sarah Palin.
Mais c'est en 2010 que l'attention du monde entier a été attirée par une vidéo qui a été plus tard connue sous le nom de Collateral Murder. À l'époque, la journaliste Atika Shubert a eu vent d'images qui circulaient et prétendaient montrer une attaque meurtrière d'hélicoptères américains en 2007 en Irak. Alors reporter pour CNN à Londres, Atika Shubert a retrouvé la personne en possession de ces images.
À première vue, Assange s'est montré "vague" et "insaisissable", se souvient-elle. Avec le recul, Atika Shubert pense aujourd'hui que son comportement était dû au fait qu'il était "assis sur cette cache de documents de Chelsea Manning et essayait de trouver un moyen de les publier".
Peu après, il s'est présenté à l'improviste au bureau londonien de CNN, une clé USB contenant des milliers de documents classifiés dans la paume de sa main.
"C'est ainsi que j'ai découvert le monde des décharges de données et ce que faisait exactement WikiLeaks - à quelle échelle -, ce dont je n'avais jamais entendu parler auparavant", a déclaré Shubert.
WikiLeaks a finalement publié la vidéo de l'attaque de l'hélicoptère américain en Irak, suscitant la condamnation des défenseurs des droits de l'homme et la réprimande des responsables de la défense américaine. À la fin de l'année, l'organisation avait publié près d'un demi-million de documents classifiés relatifs aux guerres américaines en Irak et en Afghanistan.
Sous le feu des projecteurs
Alors que WikiLeaks poursuivait ses révélations, Assange s'est retrouvé au centre de toutes les attentions, ses moindres faits et gestes étant scrutés à la loupe. Et à chaque gros titre, ceux qui ne partageaient pas sa vision n'ont cessé de le diffamer.
Fidel Narvaez, ancien consul de l'ambassade d'Équateur à Londres, a rencontré Assange en 2011, après la publication par WikiLeaks d'une nouvelle archive volumineuse, cette fois de câbles diplomatiques américains secrets. Les deux hommes sont devenus des amis proches au fil des ans.
"Assange peut être têtu, il peut parfois se heurter à d'autres personnes, mais une fois que vous le connaissez... vous voyez un homme extrêmement respectueux et chaleureux. Il a un grand sens de l'humour. Sa seule raison d'être est de publier, et c'est ce qu'il a fait avec WikiLeaks", a déclaré Narvaez à CNN.
L'histoire d'Assange, "l'adolescent pirate informatique devenu insurgé dans la guerre de l'information", comme l'a écrit le Guardian en 2011, ressemblait à l'intrigue d'une superproduction hollywoodienne. Rapidement, son histoire a été immortalisée dans des documentaires et des films, notamment dans le film The Fifth Estate de 2013, qu'Assange a qualifié de "foire d'empoigne gériatrique" utilisant ce qu'il considérait comme un matériel de base défectueux.
Pour le journaliste et auteur James Ball, qui a brièvement travaillé pour WikiLeaks et a été basé pendant un certain temps à Ellingham Hall, un manoir isolé au nord de Londres où Assange était hébergé avant de se réfugier dans l'ambassade de l'Équateur, les débuts de WikiLeaks ont été une période "exaltante".
"Vous travailliez sur des documents que nous n'avions jamais vus auparavant. Les fuites sont devenues plus fréquentes depuis, mais l'idée de pouvoir parcourir ces énormes ensembles de documents montrant ce qui s'est passé lors de conflits ou ce qui s'est réellement joué dans des salles à huis clos était tout à fait nouvelle", a déclaré Ball à CNN.
WikiLeaks est devenu incontournable grâce à ses fréquentes divulgations de données, mais certains commençaient à s'interroger sur le comportement de son fondateur. Pour beaucoup, sa personnalité polarisante est devenue un problème.
Ball a ajouté :
"Il appréciait en quelque sorte l'attention. ... Il aimait l'agitation que (les divulgations) provoquaient, mais il se montrait curieusement peu intéressé par les documents".
D'autres proposent d'autres explications aux excentricités d'Assange. Narvaez a déclaré qu'Assange était "un hyperactif et un bourreau de travail" et a indiqué que le trouble du spectre autistique qu'il avait diagnostiqué constituait un élément de sa personnalité.
Des attitudes changeantes
Ces considérations mises à part, WikiLeaks a essentiellement cessé de fonctionner lorsqu'Assange a été accusé d'allégations sexuelles en Suède, en août 2010. L'organisation est passée de l'offensive à la défensive, bien que le militant de la transparence ait nié avec véhémence les accusations portées contre lui. Des voix de plus en plus nombreuses se sont élevées pour appeler Assange à quitter WikiLeaks et, comme il ne l'a pas fait, nombreux sont ceux qui ont coupé les ponts avec l'organisation.
Assange a qualifié cette affaire de "campagne de diffamation" orchestrée pour ouvrir la voie à une future extradition vers les États-Unis et a refusé de se rendre en Suède pour y être interrogé.
En juin 2012, alors qu'il était en liberté sous caution auprès des autorités britanniques dans le cadre de l'enquête suédoise, il a opté pour l'option forte et a frappé à la porte du 3 Hans Crescent, pour demander l'asile politique à l'Équateur.
Hors de son refuge diplomatique, le monde entier s'est demandé si Assange n'essayait pas de contourner la justice.
Au fil du temps, ses relations avec son hôte se sont détériorées, parallèlement à l'arrivée d'un nouveau président en Équateur en 2017. Pour Lenin Moreno, qui subissait des pressions de la part des États-Unis pour l'expulser du refuge diplomatique, Assange était "un problème hérité de l'ancien président".
"Il était évident que Moreno allait céder aux pressions externes et internes", a déclaré Narvaez.
Considéré comme trop proche de l'invité indésirable, Narvaez a été prié de partir en juillet 2018 dans le cadre d'un remaniement du personnel de la mission diplomatique.
"Je l'ai laissé seul, et j'étais la dernière personne en qui il avait confiance", a-t-il déclaré.
Neuf mois plus tard, en avril 2019, Assange a été arraché du bâtiment par la police métropolitaine de Londres en vertu d'un mandat d'extradition délivré par le ministère américain de la justice.
Un vide juridique
Depuis, Assange vit, la plupart du temps isolé, dans une cellule de trois mètres sur deux à la prison de Belmarsh, dans le sud-est de Londres. Ce centre pénitentiaire, qui peut accueillir plus de 900 détenus, est connu pour avoir hébergé dans son quartier de haute sécurité des personnes soupçonnées de terrorisme, comme Abu Hamza al-Masri.
Les États-Unis accusent Assange d'avoir mis des vies en danger en publiant des documents militaires secrets en 2010 et 2011. Il est recherché pour 18 chefs d'inculpation liés à la diffusion par son organisation de documents classifiés et de câbles diplomatiques. S'il est reconnu coupable, il encourt jusqu'à 175 ans de prison, une peine bien plus lourde qu'au Royaume-Uni.
Depuis son incarcération à Belmarsh, sa femme, Stella Assange, se bat à ses côtés. Le couple s'est marié en mars 2022, alors qu'il était en prison.
Stella, la mère des deux jeunes fils d'Assange, a qualifié son mari de "prisonnier politique" devant le tribunal le mois dernier et a exprimé à plusieurs reprises son angoisse de le voir mettre fin à ses jours en cas d'extradition.
"Je suis extrêmement préoccupée par son état de santé. Physiquement, il a vieilli prématurément. Il prend des médicaments. Comme vous le savez, en octobre 2021, il a eu un mini accident vasculaire cérébral et il a toutes sortes de problèmes de santé", a-t-elle expliqué à CNN.
Dans une déclaration faite le 16 avril, elle a qualifié les dernières garanties données par les États-Unis selon lesquelles Assange pourrait s'appuyer sur les protections du premier amendement lors de son procès de "mots fourre-tout flagrants".
"La note diplomatique ne soulage en rien l'extrême détresse de notre famille quant à son avenir - sa sinistre perspective de passer le reste de sa vie en isolement dans une prison américaine pour avoir publié des articles journalistiques primés", a-t-elle ajouté.
Nick Vamos, responsable de la criminalité d'entreprise au cabinet d'avocats Peters & Peters et ancien responsable de l'extradition au Crown Prosecution Service du Royaume-Uni, a déclaré à CNN que, de l'autre côté de la médaille, certains pourraient suggérer "de laisser le système judiciaire aller jusqu'au bout" sans se laisser influencer par les protestations de ses partisans.
L'équipe d'Assange soutient qu'il est extradé pour des raisons politiques et qu'un transfert aux États-Unis viole la Convention européenne des droits de l'homme. Cette affirmation est soutenue par des experts indépendants.
En février, Alice Jill Edwards, rapporteuse spéciale des Nations unies sur la torture, a appelé le gouvernement britannique à mettre un terme à une éventuelle extradition et a réitéré ses inquiétudes quant à l'aptitude d'Assange et à "la possibilité qu'il reçoive une peine tout à fait disproportionnée aux États-Unis".
À l'occasion des cinq années passées par Assange à Belmarsh, Agnès Callamard, secrétaire générale d'Amnesty International, a prévenu qu'Assange, s'il était extradé, "risquerait de subir de graves abus, notamment un isolement cellulaire prolongé, ce qui constituerait une violation de l'interdiction de la torture ou d'autres formes de mauvais traitements". Elle a ajouté que l'on ne pouvait se fier aux garanties données par les États-Unis concernant son traitement, car elles sont "truffées de lacunes".
Des répercussions considérables
Au-delà des conséquences personnelles énormes pour Assange, beaucoup se sont inquiétés des implications bien plus graves pour la liberté de la presse dans le monde entier s'il venait à être extradé vers les États-Unis.
Cinq organisations internationales de médias qui ont collaboré avec Assange ont demandé au gouvernement américain de mettre fin aux poursuites engagées à son encontre pour avoir publié des documents classifiés. Dans une lettre commune datant de 2022, les représentants du New York Times, du Guardian, du Monde, d'El País et du Spiegel affirment que publier n'est pas un crime.
"L'obtention et la divulgation d'informations sensibles lorsque l'intérêt public l'exige font partie intégrante du travail quotidien des journalistes. Si ce travail est criminalisé, notre discours public et nos démocraties s'en trouveront considérablement affaiblis", peut-on y lire.
Jameel Jaffer, directeur exécutif du Knight First Amendment Institute de l'université de Columbia, a déclaré que quiconque se préoccupe des libertés de la presse ne devait pas se laisser bercer par les garanties offertes par les juristes américains en ce qui concerne le premier amendement.
"Et si le gouvernement obtient gain de cause, plus aucun journaliste ne pourra publier les secrets du gouvernement américain sans risquer sa liberté", a-t-il ajouté.
Xiaofei Xu et Alex Stambaugh de CNN ont également contribué au reportage.
📰 https://uk.news.yahoo.com/julian-assange-mission-change-world-050126515.html
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14- ♟ La question des droits
La brillante carrière de Jennifer Robinson, avocate spécialisée dans les droits de l'homme et conseillère juridique de Julian Assange
Par Lucia Osborne-Crowley, mai 2024, The Monthly
Début 2010, Jennifer Robinson a reçu un appel téléphonique de son mentor et collègue, l'avocat et universitaire australo-britannique Geoffrey Robertson, lui annonçant - de manière assez énigmatique - qu'il devait venir déjeuner chez elle le jour même. Elle n'a pas compris pourquoi, et il n'a rien laissé paraître. Mais Robinson n'était pas à Londres ce jour-là. À son retour, elle s'est rendue chez Robertson. Il fait nuit. Julian Assange était assis à la table du salon de Robertson. Ce fut le début d'une bataille de 14 ans, au cours de laquelle elle a représenté le fondateur de WikiLeaks dans une série d'actions en justice visant à le rapatrier en Australie.
Mais ce jour-là, en 2010, elle ne se doutait pas à quel point sa vie serait liée à celle de l'un des militants les plus célèbres au monde. Ce qu'elle a vu, c'est un Australien sympathique et engagé à Londres, capable de lui parler longuement de l'une de ses plus grandes passions : l'indépendance de la Papouasie occidentale.
En retard pour le rendez-vous, elle s'est excusée auprès d'Assange et lui a expliqué qu'elle revenait d'une interview télévisée avec la chaîne ABC sur la Papouasie occidentale. Cela a donné le coup d'envoi d'une longue conversation entre eux sur la géopolitique de la région indonésienne. Elle se souvient avoir dit à Assange "Je me soucie énormément de la Papouasie occidentale, et les occasions d'en parler dans les médias sont rares, et lorsqu'elles se présentent, il faut les saisir". Assange a acquiescé.
"Il a immédiatement commencé à me parler de la politique de la Papouasie occidentale, de l'occupation indonésienne, des dissimulations des États-Unis", me raconte-t-elle aujourd'hui. Et je me suis dit : "Ce type connaît vraiment son sujet". Il était rare de rencontrer un Australien capable de parler ainsi de la géopolitique de la région, ce qui l'a immédiatement impressionnée.
C'est une caractéristique qui ressort de toutes les histoires que j'ai entendues à propos de Robinson lorsque j'ai parlé à des personnes pour cet article, et qui se manifeste si fortement dans le timbre de sa voix lorsqu'elle parle de questions qui lui tiennent à cœur : La passion de Robinson est d'une authenticité sans faille. Elle ne représente pas Julian Assange parce que cela pourrait faire d'elle l'une des avocates les plus en vue d'Australie ; elle le fait non seulement parce qu'elle est attachée à la liberté d'expression et aux principes qui sous-tendent WikiLeaks, mais aussi parce qu'elle s'est immédiatement rapprochée d'Assange et qu'elle a compris qu'il se préoccupait, tout comme elle, de la question des droits de l'homme rarement évoquée dans les médias.
En l'entendant parler d'Assange 14 ans plus tard, il est évident que cet intérêt à son égard n'a fait que se renforcer - c'est ce que tous ses clients me diront à propos de leur expérience de travail avec elle. Elle n'abandonne personne ni rien de ce qui lui tient à cœur. Elle reste dans la vie de ses clients des années après leur collaboration grâce aux liens tissés avec eux.
"Je continue à demander conseil à Jen pour tout ce qui concerne ma vie", me dit Chanel Contos, militante du consentement sexuel, après avoir expliqué que toutes deux se sont rencontrées alors que Robinson interviewait divers acteurs pour How Many More Women, le livre qu'elle a coécrit sur la façon dont la loi empêche les femmes de parler d'abus.
"Je me suis sentie en sécurité en lui confiant les détails de ce qui m'était arrivé. Elle est affectionnée, gentille, et parvient à garder cette profonde compassion malgré le fait qu'elle travaille dans un domaine où il est si facile de perdre de vue l'aspect humain des choses... Elle ne voit pas les affaires comme des affaires ou les campagnes comme des campagnes, elle nous voit comme des personnes, et c'est ce qui la définit", raconte Contos.
Lorsque je rencontre Azeem Rafiq, le joueur de cricket anglais qui s'est attaqué au racisme institutionnel dans le cricket international, je lui demande comment la campagne a commencé.
"Vous avez dit "campagne". Mais il n'y aurait pas eu de campagne si Jen n'avait pas été là. Rafiq avait dénoncé le racisme dans son sport et a été mis en contact avec Robinson lorsqu'il s'est rendu compte qu'il avait besoin d'un avocat. Il ne savait pas jusqu'où il allait aller ni ce qu'il allait faire, mais il l'a rencontrée", me répond-il en riant.
"Elle m'a cru. Elle a cru tout ce que j'ai dit sur mon expérience du racisme et elle m'a dit que je pouvais affronter le monde du cricket si je le voulais", me dit-il.
C'est ce qu'ils ont fait, et ils ont gagné. Mais Rafiq tient à me dire que "si j'ai pu continuer, c'est grâce à son soutien... Malgré les menaces de mort et les insultes racistes, elle a toujours été là pour moi".
Lorsque vous interrogez Robinson sur l'une de ces histoires, elle n'accepte pas d'être louée pour la façon dont elle s'occupe de ses clients ou dont elle les défend. Elle vous dira plutôt à quel point ils sont extraordinaires, courageux, méritent son attention et ses soins, et à quel point elle est chanceuse de pouvoir travailler avec eux.
Robinson a grandi sur la côte sud de la Nouvelle-Galles du Sud, où elle montait à cheval avec son père, qui entraînait des chevaux de course, passait du temps avec sa mère - enseignante dans une école publique - et participait activement à des activités de sauvetage en mer. Elle est allée à l'école publique de Berry, puis au lycée de Bomaderry, et elle continue de vanter l'importance des écoles publiques australiennes pour les familles qui, comme la sienne, n'ont pas les moyens de payer un enseignement privé. Elle craint que nous ne risquions de compromettre la qualité de notre système d'enseignement public.
À bien des égards, la carrière de Robinson s'est forgée à Bomaderry High. L'école offrait à ses élèves la possibilité d'apprendre des langues non européennes, et Robinson a choisi l'indonésien. Elle remercie encore son professeur, Mme Fitzgerald, de l'avoir encouragée. Elle a participé à un voyage scolaire en Indonésie - un moment fort et important pour quelqu'un dont la famille ne partait pas en vacances dans son enfance, et encore moins à l'étranger. "Cela a changé ma façon de voir les choses", dit Robinson. "C'était incroyable d'être dans un pays étranger et de pouvoir parler aux gens dans leur propre langue".
Lorsqu'elle a passé ses examens de fin d'études, elle parlait couramment l'indonésien. Au-delà de l'apprentissage de la langue, elle s'intéresse à l'impact de l'Australie sur son voisinage géopolitique. C'est ainsi qu'elle a fini, au cours de l'avant-dernière année de son diplôme conjoint d'études asiatiques et de droit à l'université nationale australienne, par passer une année à l'étranger, en Indonésie.
Pendant son séjour, Jennifer Robinson a demandé à son directeur de thèse si elle pouvait se rendre au Timor-Oriental, après avoir été témoin des bouleversements politiques qui s'y déroulaient. Il lui a répondu que non, car le pays n'était plus occupé par l'Indonésie. Il lui a alors suggéré la Papouasie occidentale, expliquant qu'elle était confrontée à des problèmes similaires. Elle s'y est rendue. Peu de temps après, Robinson s'est retrouvée dans une zone de guerre.
"J'ai écrit à une petite ONG de Papouasie occidentale pour lui dire que je parlais couramment l'indonésien et que je voulais venir apporter mon aide", se souvient-elle. L'ONG a accepté. Elle s'est impliquée dans des affaires majeures liées à l'occupation indonésienne de la Papouasie occidentale. Le dirigeant de son organisation a été blessé par balle. Elle a été suivie par les services de renseignement indonésiens. Elle a été arrêtée par la police et interrogée. Elle avait 21 ans.
Durant son séjour, Robinson a participé au procès historique de Benny Wenda, un dirigeant indépendantiste qui était jugé sur la base d'accusations fallacieuses. Wenda s'est évadé de prison et, avec l'aide de Robinson, a obtenu l'asile politique au Royaume-Uni. (Peu après son arrivée en 2002, Robinson était là pour le rencontrer).
Robinson devait rester en Indonésie encore plusieurs mois, mais elle s'est trouvée affectée par une autre crise géopolitique lorsque les attentats de Bali ont eu lieu le 12 octobre 2002. "Le gouvernement australien a exigé que tous les Australiens présents en Indonésie rentrent chez eux", raconte-t-elle. "J'ai dit non, je reste en Papouasie occidentale". Elle a fait valoir qu'en étant basée là-bas, elle était plus proche du continent australien que de Bali elle-même. Elle a également proposé de se rendre à Bali et d'utiliser ses compétences linguistiques pour aider les Australiens qui recherchaient des proches touchés par la tragédie. Mais le gouvernement est resté inflexible : elle devait rentrer chez elle.
Après son séjour en Papouasie occidentale, Robinson s'est "incroyablement concentrée" sur ses études. "Je savais à quoi servait mon diplôme de droit. Je savais à quoi il pouvait me servir si je travaillais dur". Elle a remporté la médaille de l'université et reçu peu après une bourse Rhodes. À Oxford, elle a commencé à travailler avec Geoffrey Robertson - une relation qui l'amènera à discuter de l'indépendance de la Papouasie occidentale avec Julian Assange dans la cuisine de Robertson - mais elle est également restée proche de Benny Wenda. "Benny vivait à Oxford à l'époque et sa famille et lui ont été mon roc pendant que j'étais là-bas", dit-elle. Il s'agit là d'une des premières relations étroites qu'elle entretiendra tout au long de sa carrière.
Après avoir terminé ses études à Oxford, Robinson a rejoint le cabinet Doughty Street Chambers, où elle a rencontré sa future collègue de longue date et coauteur de How Many More Women, Keina Yoshida.
Cette dernière a travaillé pour la première fois avec Jennifer Robinson lorsqu'elles ont été chargées d'intervenir dans une affaire où une femme, Nicola Stocker, avait écrit un message sur Facebook à propos des antécédents de violence de son ex-mari. Au cours de l'échange qui a suivi, Stocker a déclaré qu'il avait essayé de l'étrangler. L'ex-mari a poursuivi Stocker pour diffamation et a gagné. Le tribunal a jugé que la définition juridique technique de la strangulation exigeait une intention de tuer. Le juge n'a pas été convaincu par les preuves concernant la fois où l'homme a placé ses mains autour de la gorge de sa femme de l'époque qu'une telle intention existait. De manière troublante, le juge a déclaré : "son intention était de faire taire, pas de tuer". Stocker a de nouveau perdu en appel. Robinson et Yoshida sont intervenus lorsque l'affaire a été portée devant la Cour suprême du Royaume-Uni. Stocker a finalement été blanchi de la diffamation.
"Nous avons réalisé très tôt que nous étions toutes deux intéressées par des domaines juridiques similaires : les droits des femmes, les droits de l'homme et le droit des médias", explique Yoshida, ajoutant qu'elles ont été témoins de l'effet paralysant de la loi sur la liberté d'expression des femmes à tous les niveaux : "Les journalistes, les victimes et les travailleurs de première ligne".
Pendant l'une des périodes où ma vie professionnelle a croisé celle de Robinson, nous avons passé du temps ensemble au Festival du livre d'Édimbourg, où j'ai présidé une session avec elle et Yoshida. L'une des choses dont nous avons parlé avec férocité - sur scène et en dehors - était la façon choquante dont la loi sur la diffamation avait été utilisée contre les femmes et les victimes en Australie ces dernières années, et en particulier la façon dont elle avait été utilisée contre Brittany Higgins, qui avait porté plainte pour viol contre Bruce Lehrmann, alors membre du personnel politique.
La version de leur livre dont nous avons discuté sur scène ce soir-là comportait un chapitre entier sur l'affaire Higgins, expurgé en raison d'une ordonnance pour outrage au tribunal émise par le juge du procès pénal de Lehrmann, qui visait à empêcher tout reportage sur l'affaire d'enfreindre le droit de Lehrmann à la présomption d'innocence. Le procès s'est ouvert à Canberra en 2022, mais a été interrompu avant d'aboutir à un verdict, un juré ayant été trouvé en possession de documents extérieurs. Robinson et Yoshida ont donc décidé de souligner l'effet dissuasif de cette décision dans leur livre, en incluant des pages et des pages de texte noirci à la place de l'histoire de Higgins.
Au moment de la rédaction de ce profil, les Australiens attendaient la décision du tribunal dans la procédure en diffamation engagée ultérieurement par Lehrmann, qui avait récemment reçu de nouvelles preuves de la crédibilité de Lehrmann. Lorsque le verdict contre Lehrmann est tombé, j'ai immédiatement appelé Robinson.
"Cette décision est une victoire pour Brittany, une victoire pour Lisa Wilkinson et Ten, et une victoire pour toutes les femmes. La décision du juge [Michael] Lee est une leçon de maître sur la manière dont l'établissement des faits doit être mené dans les plaintes civiles pour diffamation impliquant une agression sexuelle - et exactement ce que nous avons défendu dans notre livre", me dit Robinson. "Plus important encore, elle donne raison à Brittany, qui le méritait depuis longtemps".
En 2018, l'Australien d'origine égyptienne Hazem Hamouda se rendait en Égypte pour des vacances en famille lorsqu'il a disparu en cours de route. Sa fille Lamisse Hamouda, qui vivait alors au Caire, a découvert que son père avait été arrêté arbitrairement et était détenu dans la tristement célèbre prison de Tora. Lamisse Hamouda a dû engager une bataille avec l'ambassade d'Australie pour obtenir le soutien de son père, citoyen australien, qui était détenu illégalement.
L'ambassade ne l'ayant pas aidée, Hamouda a décidé en 2019 qu'elle avait besoin d'un soutien juridique plus important, car son père était en prison depuis près d'un an déjà. Elle devait le ramener à la maison. Un autre Australien célèbre pour sa détention en Égypte, le journaliste de l'ABC Peter Greste, a conseillé à Hamouda de contacter quelqu'un du cabinet Doughty Street Chambers.
"J'ai simplement tapé "Doughty Street Chambers" et "Égypte" sur Google", raconte-t-elle. "Le profil de Jen est immédiatement apparu parce qu'elle avait travaillé sur l'Égypte. Puis j'ai réalisé que c'était une compatriote australienne".
Hamouda a envoyé un courriel à Robinson, qui lui a répondu sans tarder.
Elle a immédiatement accepté : "oui, bien sûr, je vous représenterai". Robinson et Hamouda ont mené une longue bataille juridique pour libérer Hazem, et ont finalement obtenu gain de cause. Lorsque nous parlons, le moment dont Hamouda se souvient le plus est le jour où son père est rentré à la maison. Sa famille avait décidé de ne pas inviter les médias ou quiconque en dehors de leur cercle proche à l'arrivée à l'aéroport de Brisbane, car ils n'étaient pas sûrs de la façon dont Hazem se sentirait à son retour, après avoir enfin échappé à l'enfermement. Mais ils ont invité Jennifer Robinson.
"C'était un moment extrêmement significatif et j'étais si heureuse que Jen soit là", me dit-elle. "Elle est venue uniquement parce qu'elle s'occupait de nous. Elle a pris un avion et s'est rendue à Brisbane juste pour pouvoir être présente."
"Je me sens tellement chanceuse que nous ayons ce lien durable et qu'elle continue de fêter chaque victoire avec moi", ajoute Hamouda, alors que son livre sur l'emprisonnement de son père, The Shape of Dust, fait l'objet d'une grande publicité.
Se souvenant de ce qu'a été sa collaboration avec Robinson pendant l'une des pires périodes de sa vie, Hamouda utilise des mots que j'ai entendus maintes et maintes fois. "Elle est incroyablement chaleureuse, empathique et authentique", dit-elle. "J'ai senti qu'elle s'occupait de moi de manière très vivante ; je me suis sentie profondément concernée. Je n'étais pas un simple cas pour elle. C'était vraiment magnifique".
Reprenant les propos de Chanel Contos, Hamouda explique qu'elle a toujours été émerveillée par la capacité de Jennifer Robinson à être incroyablement claire, perspicace et professionnelle, sans jamais perdre de vue ce que vivait la personne qui se tenait devant elle. "Elle était si sensible, malgré tous les traumatismes, elle était si patiente et si gentille", dit Hamouda. "Mais elle a aussi toujours pris le temps de m'expliquer la législation et d'être claire sur ce qui se passait".
Peu de temps après, Robinson a été contactée par le syndicat représentant les Matildas, l'équipe australienne de football féminin, qui souhaitait lutter pour l'égalité salariale lors de la Coupe du monde de football féminin. Le montant des prix pour la compétition féminine était nettement inférieur à celui de la compétition masculine, malgré le fait que les statuts de l'instance dirigeante, la FIFA, stipulent que la discrimination fondée sur le sexe est interdite.
Kathryn Gill, ancienne capitaine des Matildas et présidente du syndicat qui a intenté l'action en justice, m'explique que Robinson s'est immédiatement ralliée à sa cause lorsqu'elle a été contactée pour attaquer la FIFA.
"Je pourrais parler de Jen en long et en large toute la journée", dit Gill. "Même si la FIFA a déclaré qu'elle augmenterait le montant des primes, les joueuses continueront à se battre et à plaider pour l'égalité."
Elles parlent encore régulièrement du sport féminin, dont Robinson me dit qu'il est devenu une de ses grandes passions. Lorsque l'avocate évoque le fait qu'elle a été contactée au sujet de l'affaire des Matildas, elle rit.
"Qui ne voudrait pas s'attaquer à la FIFA et représenter les Matildas ? Et représenter les Matildas ?"
Au fur et à mesure de nos conversations, quelque chose devient de plus en plus évident, à tel point que lorsque je l'interroge directement, j'ai l'impression de savoir ce qu'elle va dire. Lorsque je lui demande ce que cela lui fait d'avoir accompli tant de choses impressionnantes au cours de sa carrière, elle rit à nouveau. "Je ne me considère pas comme impressionnante", répond-elle. "Je suis incroyablement chanceuse de faire le travail que j'exerce. Ce sentiment se retrouve dans sa voix lorsqu'elle parle de toutes les affaires qu'elle a traitées."
À l'heure où nous parlons, Robinson prépare une affaire qui fera date devant les Nations unies. Elle représente Leetona Dungay, une femme des Premières nations dont le fils de 26 ans, David Dungay Jr, est mort alors qu'il était retenu par six gardiens de prison en 2015. Tandis qu'il était maintenu au sol, il a répété à plusieurs reprises "Je ne peux pas respirer". Ce furent ses derniers mots.
Avec l'aide de Robinson et Robertson, le National Justice Project (un cabinet d'avocats spécialisé dans les droits de l'homme et affilié à l'Université de technologie de Sydney) a aidé Mme Dungay à obtenir justice au nom de son fils après que personne n'a été tenu pour responsable de sa mort en Australie. L'équipe a déposé une plainte contre l'Australie auprès du Comité des droits de l'homme des Nations unies, pour violation du droit à la vie de David et parce que le gouvernement fédéral n'a tenu personne pour responsable. Au début de l'année, le gouvernement a annoncé qu'il ne contesterait pas la plainte de Dungay.
"Je ne crois pas que nous aurions pu rédiger une prise de position aussi convaincante sans Jen", déclare George Newhouse, directeur général du National Justice Project. "En fait, le gouvernement australien a déjà admis qu'il avait violé le droit à la vie de David grâce aux efforts combinés du National Justice Project, de Jen et du Jumbunna Institute for Indigenous Education and Research."
Newhouse considère Jennifer Robinson comme une source d'inspiration, en particulier pour les futurs avocats spécialisés dans les droits de l'homme. "J'ai rencontré Jen il y a une dizaine d'années par l'intermédiaire de l'avocat de David Hicks (ancien prisonnier de Guantanamo), le lieutenant-colonel à la retraite Dan Mori", explique Newhouse. "Dan m'a pris à part un jour et m'a dit que Jen était l'une des avocates les plus brillantes avec lesquelles il avait travaillé et qu'il pensait que nous devrions lui donner des instructions en tant qu'avocate dans des affaires de droit international des droits de l'homme."
Depuis lors, Newhouse indique que le National Justice Project a travaillé avec Robinson sur les décès d'autochtones en détention et sur le traitement des femmes et des enfants autochtones disparus et assassinés en Australie.
C'est une chose d'entendre l'histoire de la carrière de Jennifer Robinson et d'apprécier l'importance de son engagement en faveur de la législation sur les droits de l'homme. Mais c'en est une autre de l'entendre parler longuement de son travail, d'entendre l'authenticité de sa passion et, plus important encore, de faire l'expérience d'écrire à ses nombreux clients et de recevoir toujours la même réponse : "Je prendrais toujours le temps de parler de Jen".
Jennifer Robinson et moi nous entretenons quelques semaines seulement après qu'elle a remporté une victoire importante dans la bataille visant à ramener Julian Assange en Australie et à éviter son extradition vers les États-Unis pour espionnage. L'équipe de Julian Assange a remporté une victoire devant la Haute Cour du Royaume-Uni pour retarder l'extradition, puis, au cours de nos entretiens, le président américain Joe Biden a concédé qu'il pourrait envisager d'abandonner les charges retenues contre Julian Assange.
"C'est la bonne chose à faire pour lui", déclare M. Robinson. "Il s'agit d'une inculpation datant de l'ère Trump qui n'aurait jamais dû avoir lieu, et il est grand temps de ramener Julian à la maison."
Robinson affirme que le paysage a considérablement changé au cours des trois dernières années avec le gouvernement Albanese. "Le premier ministre a adopté une position de principe sur l'affaire Assange et s'est prononcé en faveur de son rapatriement. Il a promis qu'en tant que premier ministre, il continuerait à soutenir cette position, et c'est ce qu'il a fait".
Elle se souvient avoir fait pression sur Albanese au sujet de l'affaire Assange lorsqu'il était ministre des transports, il y a plus de dix ans, et qu'il avait alors soutenu ses efforts pour le ramener en Australie. Aujourd'hui, son gouvernement a fait part de cette position au gouvernement américain et soutient la demande de classement de l'affaire et de retour de Julian Assange dans son pays d'origine.
"C'est la première fois depuis le début de cette affaire que nous avons le soutien du gouvernement australien, et cela a tout changé", me dit-elle.
Lorsque je demande à Robinson si elle n'est jamais effrayée à l'idée de s'occuper d'affaires aussi importantes, elle me parle à nouveau du lycée de Bomaderry. "Je le dois à mes amies de lycée", dit-elle en expliquant que le groupe est toujours très proche. "Je me souviens très bien de m'être préparée sur la plage pour l'une de mes qualifications de sauvetage en mer, la houle était énorme et terrifiante."
"Mais ils m'ont dit que j'étais capable de le faire, et c'est ce que j'ai fait."
Elle s'est récemment réinstallée sur la côte sud, dont elle fait sa base lorsqu'elle est en Australie. Elle me montre une vue qui donne sur la plage de Seven Mile et la montagne de Cullunghutti, près de la ferme équestre de son père. "C'est sur cette plage que j'ai commencé à monter à cheval quand j'étais enfant... Il n'y a aucun endroit au monde où je me sens aussi bien ancrée que sur la côte sud de la Nouvelle-Galles du Sud."
Elle a une maison près de ses parents et les voit régulièrement pendant la période où nous échangeons pour cet article. Elle dit que lorsqu'elle parle avec Assange, il veut souvent entendre des histoires sur le temps qu'elle a passé dans la région australienne d'où elle vient.
"Il se languit de l'Australie et veut entendre mes histoires sur son pays d'origine", dit-elle. "Souvent, ce dont il veut le plus entendre parler, c'est de la randonnée que je viens de faire".
Lucia Osborne-Crowley est journaliste juridique et écrivaine.
📰 https://www.themonthly.com.au/issue/2024/may/lucia-osborne-crowley/rights-stuff#mtr
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15- ♟ Conference à Paris : L’affaire Assange au regard du droit : 14 ans de persécution judiciaire
Thèmes :
Surveillance, répression, libertés, technopolice
Type d'événement :
Réunion publique Rassemblement
Quand ?
Le 16 mai à 19h30,
Où ?
Salle Olympe de Gouges
15 rue Merlin 75011 Paris
Conférence sur la persécution judicaire de Julian Assange et ses implications en matière de droit avec des avocats et juristes spécialistes du dossier.
L’événement aura lieu quelques jours avant l’audience cruciale du 20 mai à Londres qui tranchera quant à la recevabilité de l’ultime appel de Julian Assange au Royaume-Uni. Ce sera donc aussi un rassemblement de soutien, l’extradition vers les États-Unis étant une menace réelle et imminente en cas de réponse négative de la Haute Cour britannique.
Les intervenants d’ores et déjà confirmés :
Christophe Marchand (avocat pénaliste représentant Julian Assange devant la Cour européenne des droits de l’homme)
Deepa Driver (observatrice juridique et universitaire dans le domaine de la réglementation financière et de la responsabilité des entreprises et des États) ;
William Bourdon (avocat pénaliste spécialisé dans le droit des médias et la défense des lanceurs d’alerte).
Organisation et partenaires : Comité de soutien Assange, Le Vent se lève, LDH, L’Humanité, Blast, Les Amis du Monde diplomatique, Fédération internationale des journalistes, SNJ, SNJ-CGT, Acrimed, Là-bas si j’y suis, Les Mutins de Pangée, Mouvement de la paix.
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16- 🎥 Assurances concernant Assange : Point de vue d'un sénateur, d'un avocat et d'un ancien diplomate australiens
Par Consortium News, le 24 avril 2024
Le gouvernement australien est resté relativement discret sur les assurances données par les États-Unis concernant Julian Assange. CN Live ! s'est entretenu avec un sénateur, un avocat et un ancien diplomate australiens pour connaître leur point de vue.
Certains membres de la communauté juridique, politique et diplomatique australienne sont troublés par l'assurance donnée par les États-Unis que les signaux donnés à Julian Assange seraient "potentiellement très préjudiciables" devant un tribunal américain, comme le prévoyaient les juges britanniques, étant donné que les ressortissants étrangers qui ont agi à l'étranger n'ont pas de droits constitutionnels.
En affirmant que Julian Assange peut "chercher à s'appuyer" sur des droits tels que le premier amendement, l'assurance ne mentionne pas ce qui est une loi "établie de longue date", selon le juge Brett Kavanaugh dans l'affaire USAID vs. Open Society de la Cour suprême en 2020. Cette jurisprudence et d'autres établissent que ces droits pourraient lui être refusés.
Greg Barns, avocat australien, David Shoebridge, sénateur fédéral, et Alison Broinowski, diplomate à la retraite, se sont joints à CN Live ! pour discuter de cette question d'un point de vue australien. Ils ont été interviewés par Cathy Vogan.
Vidéo de 16’ Cathy Vogan s'entretient avec Avocat Greg Barns - Sous titres disponibles
Vidéo de 10’ Cathy Vogan échange avec le sénateur Shoebridge & l'ancienne diplomate Alison Broinowski - Sous titres disponibles
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Articles anciens
17- ♟ 25 avril 2011 : WikiLeaks publiait les Gitmo Files ou les révélations des crimes à Guantánamo Bay
Anatomie d'un crime colossal perpétré par le gouvernement américain
En cette date anniversaire, je repropose cet article publié dans un post du 4 août 2023 consacré aux révélations majeures de WikiLeaks.
Les Gitmo Files ont levé le voile sur la prison du Pentagone, décrivant un système corrompu de détention militaire reposant sur la torture, les témoignages forcés et les "renseignements" manipulés pour justifier les abus commis sur la base.
Par Patrick Lawrence, le 24 juin 2020, Consortium News
Le 25 avril 2011, WikiLeaks a publié un ensemble de documents classifiés, baptisés Gitmo Files. Cette cache regroupe des rapports que la Force opérationnelle interarmées de Guantánamo Bay a envoyés au Commandement sud de Miami, sous l'autorité duquel la Force opérationnelle interarmées de Guantánamo a emprisonné et interrogé des terroristes présumés depuis janvier 2002, quatre mois après les attentats du 11 septembre à New York et à Washington.
Ces mémorandums, connus sous le nom de Detainee Assessment Briefs (notes dévaluation des détenus ou DAB), ont été rédigés entre 2002 et 2008. Ils contiennent les jugements détaillés de la JTF-Gitmo sur la question de savoir si un prisonnier doit rester incarcéré ou être libéré, soit pour être restitué à son gouvernement d'origine, soit pour être remis à un pays tiers. Sur les 779 prisonniers détenus à Guantánamo à son apogée après le 11 septembre, les Gitmo Files comprennent les DAB de 765 d'entre eux. Aucun n'avait été rendu public auparavant. Conformément à sa pratique, WikiLeaks a permis à de nombreux organismes de presse d'accéder aux Gitmo Files au moment de leur publication.
Avant la publication de WikiLeaks, on ne savait que très peu de choses sur le fonctionnement de la prison de la base navale américaine située sur la côte sud-est de Cuba. En 2006, en réponse à une demande de liberté d'information déposée par l'Associated Press quatre ans plus tôt, le Pentagone a rendu publiques des transcriptions d'audiences de tribunaux militaires tenues à Guantánamo Bay. Si ces transcriptions révélaient pour la première fois l'identité de certains détenus, elles ne contenaient que peu de détails sur la manière dont les prisonniers étaient traités, interrogés et jugés.
Les Gitmo Files ont ainsi levé le voile sur une opération du ministère de la défense qui avait été entourée de secret pendant les neuf années précédentes. Ils décrivent un système de détention et d'interrogatoire militaire profondément corrompu reposant sur la torture, les témoignages forcés et les "renseignements" manipulés pour justifier les pratiques de l'armée sur la base de Guantánamo.
"La plupart de ces documents révèlent des cas d'incompétence bien connus de ceux qui ont étudié Guantánamo de près, avec des hommes innocents détenus par erreur (ou parce que les États-Unis offraient des primes substantielles à leurs alliés pour les suspects d'Al-Qaïda ou des talibans), et de nombreux conscrits talibans insignifiants d'Afghanistan et du Pakistan", écrit Andy Worthington, un associé de WikiLeaks qui a dirigé l'analyse des documents par l'éditeur. Worthington a qualifié les 765 documents publiés par WikiLeaks d'"anatomie d'un crime colossal perpétré par le gouvernement américain".
Le premier mandat d'Obama
Barack Obama a entamé son premier mandat présidentiel un peu plus de deux ans avant la publication des Gitmo Files par WikiLeaks. Au cours de sa campagne politique, il avait promis de fermer le centre dans l'année qui suivrait son entrée en fonction ; à l'époque, 241 prisonniers étaient encore détenus. Un groupe de travail interagences nommé par Obama pour examiner ces cas a conclu que seuls 36 d'entre eux pouvaient faire l'objet de poursuites.
Mais Obama a succombé à "la politique de la peur au Congrès", comme le dit Worthington. Il restait encore 171 prisonniers au moment de la publication de Gitmo Files ; il en reste aujourd’hui 40 - certains innocentés et en attente de libération, d'autres inculpés et en attente d'un procès militaire, d'autres encore condamnés, et d'autres enfin, 26 au total, en détention pour une durée indéterminée.
Les documents
Les mémorandums rassemblés dans Gitmo Files jettent un éclairage révélateur sur le système militaire américain d'arrestation, de détention et d'interrogatoire des personnes soupçonnées de terrorisme après les tragédies du 11 septembre. Les dossiers comprennent les DAB des 201 premiers prisonniers libérés de Guantánamo entre 2002 et 2004. Auparavant, on ne savait rien de ces détenus. Les dossiers militaires relatifs à ces affaires relatent l'histoire d'Afghans, de Pakistanais et d'autres personnes innocentes - un boulanger, un mécanicien, d'anciens étudiants, des employés de cuisine - qui n'auraient jamais dû être détenues initialement.
Ces détenus ayant bénéficié d'une libération anticipée étaient parmi les plus faciles à identifier comme présentant peu ou pas de risques pour la sécurité. Leur histoire reflète la méthode d'arrestation aveugle utilisée par les forces américaines immédiatement après les attentats du 11 septembre. Gitmo Files qualifie ces détenus "de prisonniers inconnus de Guantánamo", car aucune trace de leur présence à Gitmo n'avait été rendue publique avant la divulgation d'avril 2011.
Ils avaient effectivement "disparu" - des détenus non reconnus - apparemment parce que leur innocence manifeste était une source d'embarras pour le Pentagone et, en particulier, pour les responsables de la prison de Guantánamo.
Azizullah Asekzai était l'un de ces détenus libérés prématurément. Il était agriculteur et avait une vingtaine d'années lorsque les talibans l'ont enrôlé pour défendre leur cause en Afghanistan. Après une journée d'entraînement au maniement de l'AK-47, Asekzai a tenté de s'enfuir vers Kaboul, mais une milice locale a tendu une embuscade au véhicule dans lequel il voyageait et Asekzai a été capturé. Il a ensuite été remis aux forces américaines et transféré à Guantánamo en juin 2002.
Le DAB d’Asekzai explique ainsi son transfert :
Le détenu a été arrêté et transporté à Bamian, où il a été emprisonné pendant près de cinq mois avant d'être transféré aux forces américaines. Il a ensuite été transféré à la base navale de Guantánamo Bay parce qu'il connaissait une zone de détention d'appelés talibans à Konduz et le mollah Mir Hamza, un responsable taliban, dans le district de Gereshk, dans la province d'Helmand. La Joint Task Force Guantánamo considère que les informations obtenues de lui et à son sujet n'ont aucune valeur et ne sont pas tactiquement exploitables. (italiques ajoutés)
Le DAB d'Asekzai est daté de mars 2003, et il a été libéré en juillet suivant. Bien que son séjour à Guantánamo ait été relativement bref, son histoire est importante en raison de la lumière qu'elle apporte sur la manière dont les rédacteurs des DAB ont manipulé les faits, cas après cas, pour masquer ce qui s'apparentait à une méthode d'arrestation à la chaîne en Afghanistan. Dans le cas d'Asekzai, comme dans beaucoup d'autres, il s'agissait d'inventer les motifs de l'armée pour masquer le fondement infondé de sa détention et de son transfert à Guantánamo.
Voici un commentaire explicatif que Wikileaks a joint à ses fichiers "Prisonniers inconnus" :
Les "raisons du transfert" figurant dans les documents, citées à maintes reprises par les médias pour expliquer pourquoi les prisonniers ont été transférés à Guantánamo, sont en fait des mensonges qui ont été greffés sur les dossiers des prisonniers après leur arrivée à Guantánamo. En effet, contrairement à l'impression donnée par les dossiers, aucun processus de sélection significatif n'a eu lieu avant le transfert des prisonniers[s].... Tous se sont retrouvés sous la garde des États-Unis et ont dû être envoyés à Guantánamo, même si la majorité d'entre eux n'ont même pas été saisis par les forces américaines, mais par leurs alliés afghans et pakistanais, à une époque où les primes pour les "suspects d'Al-Qaïda et de Taliban" étaient monnaie courante.
Ces primes n'étaient pas réservées à de petits chasseurs de primes afghans ou pakistanais. Dans ses mémoires de 2006, In the Line of Fire, Pervez Musharrif, l'ancien président du Pakistan, reconnaît qu'en remettant 369 suspects de terrorisme aux États-Unis, le gouvernement pakistanais "a touché des primes s'élevant à des millions de dollars".
Les Gitmo Files comprennent également une section sur les 22 mineurs détenus à Guantánamo après l'ouverture de la prison. Trois d'entre eux étaient encore détenus au moment de la publication des documents de WikiLeaks. En outre, les documents détaillent les cas des 399 prisonniers libérés entre 2004 et le jour de la publication des Gitmo Files. Ils décrivent également l'histoire des sept hommes décédés à Guantánamo en avril 2011.
Chaque DAB est signé par le commandant de Guantánamo au moment du rapport. Bien qu'ils contiennent l'évaluation et la recommandation de la JTF-Gitmo pour chaque prisonnier, la décision concernant chaque cas a été prise à un niveau plus élevé. Outre les jugements de la JTF-Gitmo, les DAB reflètent également le travail de la Criminal Investigation Task Force, l'agence du Pentagone créée après le 11 septembre pour mener les interrogatoires, et des "équipes de science du comportement" (BSCT).
Il s'agit des désormais tristement célèbres psychologues qui ont participé à l'"exploitation" des prisonniers au cours des interrogatoires, cautionnant dans de nombreux cas le recours au waterboarding et à d'autres formes de torture.
La pratique courante de la FOI-Gitmo consistait à présenter chaque DAB en neuf sections. Celles-ci commencent par l'identité et les antécédents personnels du détenu, puis son état de santé, le récit des événements par le détenu, l'évaluation de ce récit, et l'évaluation et la recommandation de la FOI-Gitmo pour chaque cas. Worthington a examiné minutieusement chacune de ces sections des DAB afin de déterrer des informations qui, sans cela, seraient restées dans l'ombre. Dans la section concernant la santé des détenus, par exemple, il écrit : "Beaucoup sont jugés en bonne santé, mais il y a des exemples choquants de prisonniers souffrant de graves problèmes mentaux et/ou physiques".
Capturer l'information
Dans les sections intitulées "informations sur la capture", les DAB indiquent comment et où chaque prisonnier a été appréhendé, la date de son transfert à Guantánamo ainsi que les "raisons du transfert" mentionnées ci-dessus. Worthington qualifie ces derniers éléments de "fallacieux" et donne l'explication suivante :
"La raison pour laquelle cela n'est pas convaincant est que... le haut commandement américain, basé au camp de Doha, au Koweït, a stipulé que tout prisonnier qui se retrouvait sous la garde des États-Unis devait être transféré à Guantánamo - sans aucune exception."
C'est pourquoi les rédacteurs des DAB ont jugé nécessaire de détailler les raisons du transfert, "pour tenter de justifier les rafles largement aléatoires de prisonniers", comme le dit Worthington.
La dernière section d'un DAB est appelée "statut CE" et explique si un détenu est toujours considéré comme un "combattant ennemi". Ces jugements émanent des tribunaux militaires qui se sont tenus à Guantánamo en 2004-2005. Worthington écrit :
"Sur 558 cas, seuls 38 prisonniers ont été jugés comme n'étant plus des combattants ennemis et, dans certains cas, lorsque le jugement était en faveur des prisonniers, l'armée a convoqué de nouveaux panels jusqu'à ce que le verdict souhaité soit prononcé".
Le travail de Worthington sur les Gitmo Files est essentiel pour bien comprendre les 765 DAB couverts par le communiqué de WikiLeaks. Lus individuellement, les mémoires de l'armée semblent être des comptes rendus bureaucratiques de routine sur le traitement de chaque prisonnier. Mais, comme l'explique Worthington, ces documents sont essentiellement des camouflages occultant souvent plus de choses qu'ils n'en révèlent. Comme on l'a souligné, les explications sur les renseignements utilisés pour justifier la détention des prisonniers ont souvent été concoctées et insérées dans le dossier d'un prisonnier après son arrestation et son envoi à Guantánamo.
Prisonniers fantômes
L'utilisation répétée par la JTF-Gitmo des mêmes intervenants pour témoigner contre de nombreux prisonniers - dans le cas d'un témoin, 60 d'entre eux - est une autre faille importante identifiée par Worthington. Worthington identifie nombre de ces témoins récurrents comme des "détenus de grande valeur", ou "prisonniers fantômes" dans le jargon de Guantánamo, et détaille leur histoire en détention.
Comme il l'explique,
"Les documents s'appuient sur les dépositions de témoins - dans la plupart des cas, des codétenus - dont les paroles ne sont pas fiables, soit parce qu'ils ont été soumis à la torture ou à d'autres formes de coercition (parfois non pas à Guantánamo, mais dans des prisons secrètes gérées par la CIA), soit parce qu'ils ont fait de fausses déclarations pour s'assurer un meilleur traitement à Guantánamo".
Tout aussi important, dans de nombreuses DAB - peut-être même dans la plupart d'entre elles - il est difficile de déceler la véritable histoire des prisonniers qui, dans la majorité des cas, révèle leur innocence et l'injustice de leur emprisonnement. C'est pourquoi le travail de Worthington sur les Gitmo Files a été un élément essentiel du travail de WikiLeaks. Il a passé de longs mois à analyser les documents ; dans certains cas, il a rencontré et interrogé des détenus libérés afin d'obtenir leur récit précis des événements. Il a ensuite rédigé une longue série d'articles expliquant ses conclusions.
Ces écrits volumineux figurent en bonne place sur le site web Gitmo Files. Ils constituent en fait une porte d'entrée dans l'inventaire des DAB qui composent les Gitmo Files. Le rapport de Worthington intitulé Prisonniers inconnus comprend une série de dix articles. Ses travaux, y compris son livre The Guantánamo Files, sont mentionnés dans ses essais introductifs pour chacune des catégories qu'il utilise pour classer les détenus de Guantánamo.
Une autre de ces catégories, intitulée Abandonnés à Guantánamo, concerne les 89 Yéménites toujours détenus à Guantánamo au moment de la publication des Gitmo Files, soit plus de la moitié des détenus restants. Le groupe de travail du président Obama chargé de l'examen de Guantánamo, nommé en 2009, a recommandé que 36 Yéménites soient libérés immédiatement et que 30 autres soient maintenus en "détention conditionnelle" jusqu'à ce que la situation sécuritaire du Yémen s'améliore.
Comme le note Worthington, la plupart des Yéménites étaient toujours en prison au moment où il a écrit ces lignes. Parmi les Yéménites encore en détention, 28 avaient déjà été autorisés à être libérés. Parmi eux, six avaient été "approuvés pour le transfert", selon les termes de l'équipe spéciale, dès 2004, trois autres en 2006 et dix en 2007.
Les Gitmo Files détaillent les cas de 19 Yéménites toujours détenus en 2011. La plupart d'entre eux ont été considérés comme des soldats d'infanterie talibans ou membres d'Al-Qaïda de bas rang, sans "valeur en termes de renseignements". Saeed Hatim (connu dans son DAB sous le nom de Said Muhammad Salih Hatim) faisait partie de ces 19 personnes. Né en 1976, Hatim a commencé à étudier le droit à Sanaa en 1998. Après deux années, il a abandonné ses études pour s'occuper de son père malade. Voici une partie du récit de Hatim tel qu'il a été consigné dans son DAB :
Le détenu était préoccupé par la guerre menée par la Russie en Tchétchénie après avoir vu l'"oppression" [des musulmans] à la télévision. Le détenu était 'indigné' par ce que les Russes faisaient aux Tchétchènes et a décidé de se rendre en Tchétchénie pour faire le djihad aux côtés de ses 'frères' musulmans. Le détenu a informé sa famille de sa décision de se rendre en Tchétchénie et celle-ci a refusé de l'aider financièrement. Le détenu a alors parlé à plusieurs de ses amis ainsi qu'à des membres de sa mosquée, qui ont accepté de l'aider à réunir l'argent nécessaire à son voyage. Le détenu est parti pour l'Afghanistan vers le mois de mars 2001.
Le DAB de Hatim indique qu'il a admis qu'Al-Qaïda l'avait recruté après son séjour en Tchétchénie. Il aurait combattu les forces américaines lors d'une bataille majeure dans les montagnes afghanes à la fin de l'année 2001. La JTF-Gitmo a estimé que Hatim présentait un "risque moyen", mais l'a classé comme une "faible menace du point de vue de la détention" et une faible valeur du point de vue du renseignement.
La libération de Hatim a été recommandée pour la première fois en janvier 2007. Il a fait l'objet d'une recommandation similaire un an plus tard ; une requête en habeas corpus déposée par la suite par son avocat a été acceptée en 2009. Ce jugement a été annulé peu avant la publication de Gitmo Files en 2011.
Voici la partie pertinente du rapport et de l'analyse de Worthington sur l'affaire Hatim :
"Dans le cas de Saeed Hatim, le juge Ricardo Urbina a écarté les déclarations auto-incriminantes faites par Hatim lui-même, reconnaissant qu'il les avait faites alors qu'il était maltraité et menacé de torture à Kandahar après sa capture, et qu'il les avait répétées à Guantánamo "parce qu'il craignait d'être puni s'il revenait sur sa version des faits". "
Le juge Urbina a également rejeté la principale allégation du gouvernement à l'encontre de Hatim, à savoir qu'il avait participé à un affrontement entre Al-Qaïda et les forces américaines dans les montagnes de Tora Bora, en Afghanistan, en décembre 2001, car la seule source de cette allégation était l'un des témoins notoirement peu fiables identifiés dans les documents de WikiLeaks, qui, selon le juge Urbina, "a fait preuve d'un schéma permanent de problèmes psychologiques graves pendant sa détention à Gitmo".
Citant un interrogateur, le juge a également noté que les dossiers hospitaliers de Guantánamo indiquaient que le témoin contre Hatim "avait de vagues hallucinations auditives" et que ses symptômes correspondaient à un "trouble dépressif, une psychose, un stress post-traumatique et un trouble grave de la personnalité". L'interrogateur a conclu en "refusant d'accorder du crédit à ce qui est sans doute l'allégation la plus grave du gouvernement dans cette affaire, fondée uniquement sur une déclaration, faite des années après les événements en question, par un individu dont l'emprise sur la réalité semble avoir été, au mieux, ténue".
Réaction des autorités américaines
Les réactions officielles à la publication des Gitmo Files étaient dans l'ensemble prévisibles. La déclaration de l'administration Obama, publiée par Geoff Morrell, secrétaire de presse du Pentagone, et Daniel Fried, envoyé spécial d'Obama pour les questions relatives aux détenus, affirmait :
"Il est regrettable que plusieurs organes de presse aient pris la décision de publier de nombreux documents obtenus illégalement par WikiLeaks concernant le centre de détention de Guantánamo".
Se référant à Obama et à George W. Bush, son prédécesseur, Morrell et Fried ont également déclaré :
"Les deux administrations ont fait de la protection des citoyens américains leur priorité absolue et nous craignons que la divulgation de ces documents ne nuise à ces efforts."
Il est important de noter qu'il n'existe aucune trace de la réaction du président à la publication de ces documents.
Le Pentagone a fait l'objet de critiques particulières à la suite de la révélation de la détention de 22 enfants à Guantánamo. Comme l'explique Worthington, en mai 2008, le Pentagone a déclaré au Comité des droits de l'enfant des Nations unies qu'il n'avait détenu que huit mineurs (ceux qui avaient moins de 18 ans au moment où leurs transgressions présumées ont eu lieu) depuis que Guantánamo avait commencé à accueillir des détenus en 2002.
Worthington a profité de l'occasion pour donner des précisions sur la divulgation des Gitmo Files. Dans son commentaire, il écrit :
"Mes récentes recherches coïncident avec un nouveau rapport du Centre d'étude des droits de l'homme dans les Amériques de l'Université de Davis, intitulé Guantánamo's Children : The WikiLeaked Testimonies, qui s'appuie sur la publication, par WikiLeaks, de documents militaires classifiés jetant un nouvel éclairage sur les prisonniers, identifiant 15 mineurs et suggérant que six autres, nés en 1984 ou 1985 et arrivés à Guantánamo en 2002 ou 2003, pourraient avoir moins de 18 ans, selon la date exacte de leur naissance (qui est inconnue ou incertaine, comme c'est le cas pour de nombreux prisonniers de Guantánamo)".
Au total, selon Worthington, le nombre d'enfants emprisonnés à Guantánamo pourrait s'élever à 28.
Tout comme le président, le Pentagone est resté silencieux sur cette question après la publication des Gitmo Files. Il n'existe aucune trace d'une réponse du ministère de la défense aux révélations de WikiLeaks concernant les enfants et l'analyse de Worthington.
En avril 2019, huit ans après la publication des Gitmo Files, les tribunaux militaires ont continué à se pencher sur l'historique des événements, en particulier sur l'utilisation de la torture, au cours de la "guerre contre le terrorisme" qui a suivi le 11 septembre.
Dans un rapport daté du 5 avril 2019, le New York Times explique,
"Dix-sept ans et demi après les attaques terroristes du 11 septembre 2001 et dix ans après que le président Barack Obama a ordonné à la CIA de démanteler tous les vestiges de son réseau mondial de prisons, le système des commissions militaires est toujours aux prises avec la façon de traiter les preuves de ce que les États-Unis ont fait aux suspects d'actes de terrorisme détenus dans les sites noirs de la CIA. Si la question de la torture peut désormais être débattue en audience publique, la manière dont les preuves peuvent être recueillies et utilisées dans le cadre de la procédure à Guantánamo Bay, à Cuba, fait toujours l'objet d'un différend".
Cette semaine, le ministère de la Justice a déposé un nouvel acte d'accusation contre Assange, remplaçant celui déposé en mai 2019 et élargissant les accusations portées contre lui l'année dernière. Il s'agit de la réaction officielle la plus récente aux Gitmo Files. Ce nouvel acte d'accusation, présenté au tribunal de district de Virginie orientale et daté du 24 juin, allègue que Chelsea Manning a produit les Gitmo Files à la demande d'Assange entre novembre 2009 et mai 2010. Fidèle à son principe le plus fondamental, WikiLeaks n'a jamais révélé la source des Gitmo Files. Manning n'a pas non plus déclaré qu'elle en était la source, bien que cela ait été largement considéré comme probable.
Prouver qu'Assange a activement sollicité les documents que Manning a transmis à WikiLeaks - Collateral Murder, l'Afghan War Diary, les Iraq War Logs, et maintenant, prétendument, les Gitmo Files - est un élément clé de la procédure engagée par les États-Unis contre Assange en vertu de la loi sur l'espionnage (Espionage Act).
Le document judiciaire du 24 juin indique que le ministère de la justice ne dispose d'aucune preuve tangible de cette accusation. Manning continue d'affirmer, comme elle le fait depuis son arrestation en mai 2010, qu'elle a agi de son plein gré en rassemblant et en envoyant les documents publiés par WikiLeaks. L'acte d'accusation allègue seulement que Manning, en rassemblant ce qui est devenu les Gitmo Files, a utilisé certaines expressions de recherche - "detainee+abuse", par exemple - que l'acte d'accusation identifie avec la catégorisation des documents de WikiLeaks - une allégation bien en deçà des normes de preuve acceptées.
Réaction de la presse
Sur la page d'accueil des Gitmo Files, WikiLeaks cite dix "partenaires" avec lesquels il a travaillé pour rendre les documents publics. Worthington est cité comme l'un d'entre eux, bien que son travail le place dans une catégorie à part. Les autres partenaires sont le Washington Post, le Telegraph, La Repubblica, Le Monde et Der Spiegel. Ces organes de presse ont reçu à l'avance des copies des Gitmo Files afin d'avoir le temps d'examiner et d'analyser les documents et de planifier leur couverture avant la publication du 25 avril 2011.
Le New York Times et le Guardian brillent par leur absence sur la liste de WikiLeaks, ce qui témoigne d'un différend antérieur avec Julian Assange. Ces deux journaux ont obtenu les documents d'une source autre que WikiLeaks, probablement l'un des organes de presse figurant sur la liste des partenaires de WikiLeaks. À sa décharge, le Times gère désormais un site web, The Guantánamo Docket, qui donne le nom et le statut juridique de chaque détenu encore en détention à Guantánamo.
L'aspect remarquable de la couverture médiatique de la publication des Gitmo Files a été la différence marquée dans la manière dont la presse américaine et la presse non-américaine ont façonné leurs articles : Les médias américains ont eu tendance à mettre l'accent sur les dangers et les menaces que représentaient les personnes en captivité à Guantánamo ; d'autres médias ont correctement rapporté que parmi les révélations importantes contenues dans les Gitmo Files figurait l'innocence de la plupart des personnes saisies et détenues.
Constatant cette tendance, WikiLeaks a invité les lecteurs et les téléspectateurs à comparer les premiers paragraphes des principaux articles de la BBC et de CNN :
La BBC, sous le titre WikiLeaks : Many at Guantánamo 'not dangerous' ("Nombre de détenus de Guantánamo ne sont pas dangereux") : "Des dossiers obtenus par le site Web WikiLeaks ont révélé que les États-Unis pensaient que nombre de détenus de Guantánamo Bay étaient innocents ou n'étaient que des agents de bas niveau".
Le reportage de CNN a été publié sous le titre Military documents reveal details about Guantánamo detainees, al–Qaeda (Des documents militaires révèlent des détails sur les détenus de Guantánamo et Al-Qaïda) et commence ainsi : "Près de 800 documents militaires américains classifiés obtenus par WikiLeaks révèlent des détails extraordinaires sur les activités terroristes présumées d'agents d'Al-Qaïda capturés et hébergés dans le centre de détention de la marine américaine à Guantánamo Bay, à Cuba".
Glenn Greenwald, alors chroniqueur des affaires étrangères pour le magazine Salon, et Laura Flanders, du journal The Nation, ont été les premiers à relever cette disparité. L'article de Greenwald sur la couverture médiatique des Gitmo Files a été publié sous le titre Newly Leaked Documents Show the Ongoing Travesty of Guantánamo (Des documents ayant fait l'objet d'une nouvelle fuite révèlent l'injustice persistante de Guantánamo), mais il n'est plus disponible dans les archives de Salon.
Flanders a détecté la même particularité dans la couverture publiée par le Washington Post, la National Public Radio et le Times. Ces deux derniers "utilisent l'expression "techniques d'interrogatoire musclées" pour éviter de mentionner le mot "torture"".
"Ainsi, aux États-Unis, le message véhiculé restera "dangereux terroristes" et Guantánamo restera probablement ouvert trois ans après que le président ait promis de le fermer, tandis qu'à l'étranger, le reste du monde continuera de se demander pourquoi le pays qui se dit si attaché à la liberté continue d'emprisonner et de torturer des personnes innocentes".
Dans l'un des essais publiés par WikiLeaks avec les Gitmo Files, Worthington a analysé la signification plus large du basculement de la couverture américaine. Il écrit :
La publication des documents a suscité l'intérêt de la communauté internationale pendant une semaine, jusqu'à ce que le président Obama organise (par coïncidence ou non) l'arrivée des forces spéciales américaines au Pakistan pour assassiner Oussama ben Laden. C'est à ce moment-là qu'est apparu dans les médias grand public américains un récit dénué de principes, dans lequel, à des fins de vente et d'audimat, les criminels non inculpés de l'administration Bush - et leurs partisans véhéments au Congrès, dans les colonnes des journaux et sur les ondes - ont été autorisés à suggérer que l'utilisation de la torture avait permis de localiser Ben Laden (ce n'était pas le cas, bien que certaines informations aient apparemment été fournies par des "détenus de grande valeur" incarcérés dans les prisons secrètes de la CIA, mais pas à la suite de tortures), et que l'existence de Guantánamo s'était également révélée inestimable pour retrouver le chef d'Al-Qaïda.
Patrick Lawrence, correspondant à l'étranger pendant de nombreuses années, notamment pour l'International Herald Tribune, est chroniqueur, essayiste, auteur et conférencier. Son dernier ouvrage s'intitule Time No Longer : Americans After the American Century (Yale). Suivez-le sur Twitter @thefloutist. Son site web est Patrick Lawrence. Soutenez son travail via son site Patreon.
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18- ♟ Assange, fondateur de WikiLeaks, aborde Google, la NSA et la vidéo de l'attaque aérienne de Granai lors du lancement de son livre à New York (2014)
Par Christopher Twarowski & Rashed Mian, le 27 septembre 2014, Long Island Press
Julian Assange, fondateur de WikiLeaks, s'est entretenu avec des journalistes et des sympathisants via Skype mercredi, lors du lancement à Manhattan de son dernier ouvrage intitulé When Google Met Wikileaks (Quand Google rencontre Wikileaks), une transcription éditée d'une rencontre en juin 2011 avec le président de Google, Eric Schmidt.
Depuis l'ambassade d'Équateur à Londres, où il est retranché après sa demande d'asile diplomatique le 19 juin 2012, cet homme de 43 ans à la barbe fine a parlé pendant environ une heure et demie de son livre, de l'homme au sommet du moteur de recherche le plus populaire au monde, et de sa porte à tambour avec le gouvernement des États-Unis. Il a abordé les thèmes du Bitcoin - la monnaie en ligne -, de la guerre que mène actuellement l'administration Obama contre les lanceurs d'alerte et de Chelsea Manning, l'ancien soldat de l'armée américaine qui a fourni à WikiLeaks plus de 750 000 câbles diplomatiques et rapports de l'armée concernant les guerres en Irak et en Afghanistan, ainsi que deux vidéos prises depuis le cockpit d'un hélicoptère et montrant des frappes aériennes américaines massacrant des civils dans le cadre de ces conflits.
Assange a mis en garde à plusieurs reprises contre les dangers posés par la surveillance de masse pratiquée par les géants de la technologie Google et Facebook, accusant Schmidt et le moteur de recherche omniprésent qu'il supervise d'être pires que la National Security Agency (NSA) en termes de protection de la vie privée ainsi que de pouvoir absolu et non réglementé qu'ils exercent grâce au volume considérable de données personnelles transmises spontanément par les utilisateurs.
Peut-être l'un des hommes les plus recherchés au monde - il existe depuis longtemps un mandat de l'Union européenne demandé par la Suède pour son extradition vers ce pays afin d'y être interrogé pour des allégations de viol d'une femme et d'attouchements sur une autre lors de son séjour à Stockholm en 2010, d'où son exil à l'ambassade - Assange a également fait la lumière sur l'emplacement de l'une des séquences de guerre les plus sensibles des États-Unis à ce jour : la vidéo de la frappe aérienne de Granai, montrant l'assassinat de 150 civils afghans, pour la plupart des enfants, par un bombardier de l'armée de l'air américaine dans la province de Farah en mai 2009.
Projeté sur le mur du deuxième étage de l'espace d'art collectif et galerie indienne Babycastles au 137 W. 14th Street via Skype et superposé à la couverture de When Google Met WikiLeaks - le titre du livre entré dans le champ de recherche de la page d'accueil de Google avec l'option "I'm feeling evil" (je me sens mal) au lieu de l'option habituelle "I'm feeling lucky" (je me sens chanceux) - il était assis aux côtés de la chanteuse et rappeuse Mathangi "Maya" Arulpragasam alias M.I.A., bien qu'elle n'ait fait qu'une brève apparition dans l'émission.
Daniel Stuckey de Motherboard, était modérateur.
Assange, le hacker devenu éditeur des secrets les plus accablants des gouvernements du monde entier, devenu captif, a débuté la soirée en récitant les paroles de la chanson The Message de M.I.A., qu'il a également citée dans son livre :
"La tête connectée aux écouteurs / Les écouteurs connectés à l'iPhone / L'iPhone connecté à l'Internet / Connecté à Google / Connecté au gouvernement", a-t-il lu, citant un passage de son livre.
En substance, il a expliqué tout au long de la présentation - d'abord au cours d'une discussion, puis d'une brève séance de questions-réponses avec le public et les médias - qu'il n'y avait aucune différence ou séparation entre Google et le gouvernement des États-Unis. Ces deux entités ne font en fait qu'un.
Google est devenu une organisation invasive visant à mettre en place un modèle commercial qui consiste à recenser chaque personne sur Terre, à collecter ses informations privées, les stocker, les indexer et établir des profils d'individus afin de pouvoir commercialiser ces profils pour mieux cibler les publicités et vendre ses autres services à l'Agence nationale de sécurité et à l'armée américaine, et nouer des relations stratégiques avec le département d'État américain", a-t-il déclaré aux journalistes du Wall Street Journal, du New York Daily News, du New York Post (qui en ont envoyé plusieurs, ont dit les organisateurs à la presse, dont le photographe de la page six, qui a pris des photos pendant que nous buvions tous des bouteilles de bière chaude et des verres de vin à 5 dollars, discutant au milieu de jeux électroniques, de peintures et de piles d'autres titres publiés par OR Books, l'éditeur de When Google Met WikiLeaks et Cypherpunks: Freedom and the Future of the Internet). Le co-éditeur Colin Robinson a annoncé à tout le monde qu'il y aurait une réduction de 20 % pour les employés de Google présents.
"Ce qui arrive à Google est la chose la plus importante qui arrive actuellement sur le Net. Et ce qui arrive à Internet nous concerne tous, parce que la société, pas seulement la société américaine, mais la société mondiale, a fusionné avec Internet. Internet est devenu l'épine dorsale de la civilisation internationale.... Il s'agit d'une nouvelle forme de colonialisme, le colonialisme numérique. Il s'agit de transmettre au reste du monde les valeurs de l'exceptionnalisme américain en matière de haute technologie. Et cela se reflète également à l'intérieur des États-Unis", a poursuivi Assange.
Ajoutant,
"Personne ne pensait à Google de cette manière. Moi non plus au départ. J'ai eu cette réunion très intéressante et inhabituelle [...] en 2011 avec Eric Schmidt et trois autres personnes, une réunion secrète qui a abouti au livre de Google sur sa vision de l'avenir du monde, The New Digital Age [coécrit par Schmidt et l'ancien secrétaire d'État américain, membre du personnel de planification et conseiller de Condoleeza Rice et d'Hillary Clinton, devenu directeur de Google Ideas, Jared Cohen]. Et ce livre [When Google Met WikiLeaks] est en grande partie une réponse à cette vision. Il semble que personne d'autre n'ait pris cette vision au sérieux. Et c'est quelque chose d'assez intéressant".
Assange a attribué l'invasion et le pillage réussis par Google des données les plus personnelles du public mondial à un cheval de Troie cybernétique dont les relations publiques, le marketing et l'emballage dissimulent son caractère sinistre, ce qui lui permet de s'infiltrer plus secrètement que même les plus grandes entreprises de défense et agences d'espionnage, sans que les utilisateurs ne s'en rendent compte - même si cette mission déclarée est publiée noir sur blanc, disponible et accessible à tous, sur les étagères des librairies locales.
"Si Chevron ou Lockheed Martin avait mis par écrit sa vision de l'avenir du monde, la manière dont elle va la réaliser, la façon dont elle se dessine et la nature de ses relations, un livre qui aurait reçu l'aval d'Henry Kissinger, de Madeline Albright, de Tony Blair et d'autres personnalités de la société civile avant sa publication, Madeline Albright, Tony Blair et l'ancien chef de la National Security Agency et de la CIA [le général Michael] Hayden, nous serions très inquiets et des politologues, comme Noam Chomsky, essaieraient de comprendre ce que cela signifie", a-t-il expliqué.
Poursuivant :
"Mais parce que Google a réussi - jusqu'à il y a environ un an - à se positionner comme un outil ludique, leur logo coloré se présentant sous les yeux des internautes du monde entier plus d'un milliard de fois par jour, un outil ludique, comme s'il s'agissait d'une salle de jeux, avec des idées douces et arrondies et des peluches, un espace où l'on peut aller pour regarder différentes choses, qui propose des informations gratuitement, nous en sommes venus à le considérer comme quelque chose d'utile, ou comme un assistant, un robinet, un ange magique qui délivre des informations pratiques et utiles, et non pas comme une organisation comparable à toutes les autres organisations. Pas une organisation qui dépense aujourd'hui plus d'argent en lobbying à Washington DC que Lockheed Martin. Pas une organisation qui a conclu des contrats avec la National Security Agency depuis 2003.... Et pas une organisation avec une porte tambour entre le Département d'Etat américain et Google et entre la Maison Blanche et Google".
Assange a précisé que le système d'exploitation mobile Android de Google gagne chaque jour 1,5 million de nouveaux abonnements d'utilisateurs, qui fournissent systématiquement à Google leur localisation "qu'ils le sachent ou non, leur localisation, leurs contacts, leurs courriels...".
"C'est le modèle commercial de base : donner l'impression d'être une organisation douillette et enjouée, collecter les informations du monde entier ou les indexer et ensuite, bien sûr, la National Security Agency et d'autres acteurs des États-Unis se nourrissent de ce que fait Google. En fin de compte, même si Google réagit et tente de prendre ses distances, comme il l'a fait un peu en réponse aux révélations d'Edward Snowden, il est en fin de compte susceptible d'être soumis au pouvoir coercitif des États-Unis", a-t-il déclaré, sans détours.
Ajoutant à propos du New Digital Age de Schmidt, qui annonce un avenir encore plus sombre, encore plus orwellien, si tout continue comme cela a été le cas :
"Son public n'est pas conçu pour être des lecteurs ordinaires, son public est conçu pour être Washington. Ce que Lockheed Martin a été au XXe siècle, les entreprises de haute technologie le seront au 21me siècle".
Si la description désastreuse d'Assange est exacte - et son nouveau livre s'enorgueillit de citations abondantes renvoyant les lecteurs à des dizaines de documents censés le prouver -, pourquoi cette manifestation incestueuse d'amour pour Big Brother ne fait-elle pas la couverture de tous les grands journaux de la planète, demanderez-vous ?
Les journalistes ordinaires spécialisés dans les gadgets technologiques sont les seuls à parler de la vision de l'avenir de Schmidt et Cohen, explique-t-il,
"parce qu'il y a cet aspect absurde et aveugle des sciences humaines dans la plupart des universités et il semble que les commentateurs politiques ne comprennent pas Google, ils ne comprennent pas Internet... Il fut un temps où nous n'avions pas non plus d'armes nucléaires".
Expliquant,
Avec le temps, le public a fini par comprendre que
ces armes "façonnent la géopolitique, les sociétés et l'équilibre des pouvoirs.
Et ce que Google est devenu et ce qu'Internet est devenu est tout aussi important, peut-être même plus encore, dans le sens où ils pénètrent toutes les sociétés à la fois."
Tout comme Assange a récemment investi les ondes (et les murs des galeries d'art) pour promouvoir le message contenu dans When Google Met WikiLeaks, Schmidt s'est employé à démystifier l'ouvrage et son auteur. Le président exécutif de Google fait également la promotion de son dernier livre, How Google Works, qui est sorti la veille de la soirée de lancement du livre d'Assange au Babycastles.
Schmidt a déclaré le 23 septembre à ABC News à propos d'Assange :
"Bien sûr, il écrit depuis les logements, disons, luxueux de l'ambassade locale à Londres. Le fait est que Julian est très paranoïaque et qu'il est vrai que la NSA a fait des choses qu'elle n'aurait pas dû faire, mais Google n'a rien fait de tout cela. Google n'a jamais collaboré avec la NSA et en fait, nous nous sommes battus très durement contre ce qu'ils ont fait et depuis ce que la NSA a fait et que nous n'aimons pas, nous avons pris toutes nos données, tous nos échanges, et nous les avons entièrement cryptés afin que personne ne puisse les obtenir, en particulier le gouvernement."
Assange a répondu au coup de gueule de Schmidt, mercredi, lorsque Stuckey l'a invité à le faire :
"Il a un travail difficile. Lisez le livre et vous comprendrez que le travail d'Eric Schmidt est d'être le secrétaire d'État de Google, essentiellement. C'est le bras armé de Google pour les relations extérieures, pour rencontrer les présidents, y compris celui des États-Unis, et pour traiter avec tous ces gens."
"Il est triste qu'il doive recourir à des injures", a-t-il poursuivi, ajoutant que c'est lui qui a initié Eric Schmidt au Bitcoin, en disant à l'époque au milliardaire de Google que c'était le bon moment pour en acheter.
"Heureusement qu'il n'a pas suivi ce conseil, car ses 8 milliards de dollars vaudraient aujourd'hui 8 000 fois plus que cela", a lancé Assange en riant mercredi.
"Celui qui contrôle le présent contrôle le passé, et celui qui contrôle le passé contrôle l'avenir. Si vous contrôlez le présent, vous pouvez changer ce que sont les archives... Vous contrôlez alors l'avenir", a-t-il prévenu, citant George Orwell, expliquant ainsi que quiconque contrôle le présent, les archives et les publications historiques, alors le passé et l'avenir n'existent pas vraiment, seul le présent existe.
Assange a déclaré :
"The New Digital Age de Schmidt propose que les sites des lanceurs d'alerte soient réglementés par le gouvernement, qu'il y ait un seul organisme gouvernemental dirigé par l'État et que les publications éventuelles de ces lanceurs d'alerte soient soumises à cet organisme - il s'agit d'une centralisation absurde que nous voyons en Russie, selon laquelle la presse devrait être soumise à un organisme [gouvernemental] avant d'être publiée".
Il a expliqué que l'ambition du PDG et cofondateur de Google, Larry Page, était de
rendre Google "aussi important que possible, de tout aspirer, tous les aspects de la vie des gens... Vous vous endormez et l'alarme de Google vous réveille, vous êtes connecté à Google Calendar et vous créez vos propres états de cycle de sommeil.
"En récoltant et en traitant ces données, Google connaît les états du cycle REM (phase de sommeil paradoxal), et la Google Watch sait quand vous vous rendez à votre prochain rendez-vous et quand vous portez les Google Glass, a-t-il poursuivi, assimilant les téléphones portables, tels que les smartphones Android de Google, à "un dispositif de suivi qui passe également des appels".
À l'argument couramment avancé en faveur d'une surveillance accrue ou par ceux qui déclarent pouvoir la tolérer et n'avoir aucun scrupule parce qu'ils n'ont rien à cacher, Assange a répliqué :
"Lorsque les gens disent : "Pourquoi dois-je me préoccuper de cela ? Je n'ai rien fait de mal ?" Arrêtez d'être si égoïste, vous n'êtes pas une île. Chaque fois que vous allez à une fête, que vous publiez sur Facebook et que vous prenez des photos de personnes présentes à cette fête, vous êtes une balance, vous êtes une balance envers votre communauté, vous êtes un indic, vous êtes un dealer envers votre communauté".
"Il ne s'agit pas que de vous. Vous faites partie intégrante de votre communauté. Si votre communauté s'effondre, vous suivrez avec elle", a-t-il insisté.
En réponse à une question posée par la presse sur l'emplacement de la vidéo de la frappe aérienne du Garani, également connue sous le nom de vidéo du massacre de Garani, et sur le fait de savoir si elle verrait enfin le jour - Assange avait déclaré dans des rapports publiés que WikiLeaks possédait la vidéo et préparait sa diffusion avant qu'elle ne soit subtilisée par l'ancien porte-parole de WikiLeaks, Daniel Domscheit Berg, et éventuellement détruite -, il a répondu :
"La vidéo de la frappe aérienne de Garani serait entre les mains de quelqu'un en Allemagne, qui ne la rendra pas publique. Une situation très triste, la mort de plus de 60 enfants afghans ou 100 Afghans dans un seul massacre d'enfants en Afghanistan par l'armée américaine, par un bombardier B-2. Et ces informations n'ont pas été rendues publiques. Il est intéressant de noter que le gouvernement des États-Unis a programmé la publication d'une partie de ces documents, puis a décidé que non, en fait, avec le recul, il ne voulait pas qu'ils soient rendus publics."
"Est-ce un pavillon de plus sur la liste des pavillons à capturer pour WikiLeaks ?" a demandé Dan Stuckey, de Motherboard.
"Oui", a répondu Assange. "à récupérer".
Colin Robinson, coéditeur de WikiLeaks, a ensuite déclaré à la presse qu'il espérait qu'Assange serait présent en chair et en os lors du prochain gala de lancement de son livre, et non entre les murs d'une salle "deux fois plus petite que celle-ci".
"Je viens assez souvent à Londres et je vais toujours le voir. Je me réjouis toujours de parler avec lui parce qu'il est résolument optimiste quant à sa situation personnelle et qu'il est aussi - nous parlons de politique, de la politique de l'Internet et c'est toujours très intéressant. Mais quand je pars et que je passe devant l'officier des services spéciaux assis à l'entrée de l'ambassade pour contrôler les entrées et les sorties, je me dis qu'il ne devrait pas être forcé de vivre ainsi", a-t-il confié.
Quant à Robinson, elle a déploré :
"Il est là depuis plus de deux ans maintenant. Quoi que vous pensiez de ces affaires en Suède, ce type a fait des choses extrêmement courageuses et il a changé le monde de manière très positive. Il semble fondamentalement erroné que des gens comme lui et Chelsea Manning soient privés de leur liberté et que George Bush vive tranquillement dans son ranch au Texas et fasse tout ce qu'il veut".
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19- ♟ WikiLeaks : En sortant des archives ottomanes, un diplomate déclare : "Nous les avons vraiment massacrés !" (2011)
Par Nanore Barsoumian, le 10 septembre 2011, The Armenian Weekly
Les archives ottomanes font l'objet d'une campagne de purge visant à détruire toutes les preuves incriminantes relatives au génocide arménien de 1915-1923, affirment des spécialistes. Selon une source, les preuves - à un moment ou à un autre - indiquaient que ce qui s'est passé dans les derniers jours de l'Empire ottoman était purement et simplement un "massacre".
Selon Halil Berktay, professeur à l'université Sabanci, il y a eu "deux efforts sérieux pour "purger" les archives de tout document compromettant sur la question arménienne", a écrit le consul général David Arnett le 4 juillet 2004, dans un câble publié par WikiLeaks et provenant du consulat américain d'Istanbul. La première, selon Berktay et d'autres, a eu lieu en 1918. Lors des tribunaux militaires turcs de 1919, il a été révélé que des documents avaient été "volés" dans les archives.
Selon Arnett, Berktay pense qu'un deuxième nettoyage a été effectué à la fin des années 1980 et au début des années 1990, sous le premier ministre et la présidence de Turgut Ozal, qui s'est efforcé d'ouvrir les archives. À peu près à la même époque, un groupe de généraux et de diplomates à la retraite, dirigé par Muharrem Nuri Birgi, ancien ambassadeur de Turquie à Londres et à l'OTAN, et secrétaire général du ministère turc des affaires étrangères, a fouillé dans les archives, dans le but de détruire les preuves.
Berktay affirme qu'à l'époque où il passait les archives au peigne fin, Nuri Birgi rencontrait régulièrement un ami commun et qu'à un moment donné, se référant aux Arméniens, il a confessé avec regret : "Nous les avons vraiment massacrés", écrit M. Arnett. Il ajoute que le directeur de l'Institut de recherche américain en Turquie, Tony Greenwood, qui effectuait des recherches dans les archives à la même époque, a révélé que "tout le monde savait qu'un groupe d'officiers militaires à la retraite avait un accès privilégié et passait des mois à éplucher les documents d'archives".
Selon un autre chercheur turc, écrit Arnett, le processus de catalogage en cours est un prétexte pour purger les archives.
Le câble aborde ensuite le besoin de la Turquie de s'accrocher à l'"identité turque" artificiellement construite, qui remonte à Atatürk et à ses cohortes, en tant qu'élément essentiel de la République turque moderne.
"Des décennies de déni officiel et l'absence de récits historiques ou de débats universitaires en Turquie sur cette question taboue ont privé les Turcs d'aujourd'hui d'un contexte objectif dans lequel traiter les affirmations de génocide", a écrit M. Arnett, qui a ensuite noté qu'au cours de ses voyages en Anatolie centrale et orientale, des "citoyens ordinaires" parlaient souvent ouvertement de "ce que leurs grands-pères avaient fait aux Arméniens".
Arnett a également noté qu'un concours de rédaction avait été mis en place par le ministère turc de l'éducation pour nier le génocide - une idée, selon Berktay, conçue par le groupe de réflexion "nationaliste" ASAM.
Selon Arnett, la position du gouvernement actuel est plus modérée que celle des gouvernements précédents, même s'il continue à répéter le mantra suivant : "Laissez les historiens débattre de la question".
À la fin du câble, Arnett affirme qu'il est peu probable qu'un changement notable se produise dans la position du gouvernement turc sur le génocide. Il affirme cependant qu'il est possible de créer un environnement plus propice au dialogue et qu'il est important d'encourager un accès libre aux archives.
Ceci est un extrait partiel du câble original. Le texte intégral du câble original n'est pas disponible.
C O N F I D E N T I A L SECTION 01 DE 03 ISTANBUL 001074
SIPDIS
E.O. 12958 : DECL : 07/11/2014
TAGS : PREL, PGOV, AM, TU, Istanbul
OBJET : LE "GENOCIDE" ARMENIEN ET LES ARCHIVES OTTOMANES
Classé par : Consul Général David Arnett pour les raisons 1.5 (b&d)
Il s'agit d'un message conjoint du CG Istanbul et de l'ambassade d'Ankara.
1) (sbu) Résumé : L'absence d'accord et de dialogue sur la question du soi-disant "génocide" arménien reste un obstacle majeur au rapprochement entre la Turquie et l'Arménie. Une résolution à long terme de cette question problématique ne peut s'appuyer que sur un dialogue ouvert et un débat académique sain. L'accès libre et complet aux archives ottomanes, l'une des principales sources de preuves historiques pour cette période, sera essentiel pour instaurer la confiance mutuelle nécessaire à un tel débat. Bien que la Turquie ait fait de grands progrès pour ouvrir les archives et déstigmatiser la question, les problèmes persistants et les doutes concernant les archives continuent de saper les efforts visant à combler le fossé d'incompréhension entre les Arméniens et les Turcs sur cette question historique.
2. (u) L'obstacle le plus important à la réconciliation turco-arménienne reste l'absence d'accord ou même de dialogue sain sur la "question" arménienne ou ce que la plupart des Turcs appellent le "prétendu génocide". Les accusations, les dénégations et les contre-accusations sur cette question ont longtemps occulté la plupart des véritables débats académiques. Les universitaires de la diaspora arménienne ont rassemblé des dizaines de témoignages et de récits détaillant les événements tragiques de 1915-1916 qui, selon eux, ont constitué un génocide de 1,5 million d'Arméniens vivant dans l'Empire ottoman. Les historiens turcs, quant à eux, affirment que quelques centaines de milliers d'Arméniens au maximum ont été tués par des bandits, des maladies et des conditions difficiles lorsque, en réponse à la menace posée par les insurgés arméniens (et au "massacre" de nombreux musulmans turcs), une grande partie de la population arménienne a été déportée vers la Syrie et le Liban.
Une question d'identité
3) (sbu) Outre des milliers d'années d'histoire, un riche patrimoine culturel et une Église dynamique, les événements de 1915-1916 restent pour les Arméniens du monde entier une composante essentielle de leur identité moderne. Bien que certains Arméniens aient parfois cherché à se venger par la terreur et la violence (notamment le terrorisme d'ASALA dans les années 1970), l'accent a été mis sur une campagne politique inlassable visant à faire reconnaître ces événements comme un génocide.
4) (sbu) L'approche turque de la question arménienne est complexe. Depuis la création de la République, Atatürk et ses héritiers ont affirmé que le maintien d'une "identité turque" - qu'Atatürk et son entourage ont conçue comme une construction artificielle et qui, selon ses héritiers politiques, est menacée par des ennemis nationaux et étrangers - est essentiel à la préservation et au développement de la République. Les représentants de l'État turc et de tous les gouvernements à ce jour estiment que la reconnaissance des torts infligés aux Arméniens remettrait en question les revendications de victimisation de la Turquie et ses frontières, et rendrait la Turquie vulnérable aux demandes d'indemnisation. Des décennies de déni officiel et l'absence de récits historiques ou de débats universitaires en Turquie sur cette question taboue ont privé les Turcs d'aujourd'hui d'un contexte objectif dans lequel traiter les affirmations de génocide.
Les archives sont-elles accessibles ?
5) (sbu) Les deux parties ont tenté d'utiliser les archives ottomanes pour étayer leur version des faits. Les Turcs ont publié des volumes de documents pour étayer leur thèse, tandis que les universitaires arméniens accusent le gouvernement turc d'entraver le libre accès aux archives, ce qui laisse penser qu'il dissimule le "pistolet fumant" qui prouverait le génocide. Les chercheurs arméniens se plaignent depuis longtemps de ne pas pouvoir obtenir d'autorisation d'accès ou d'être entravés dans leurs recherches dans les archives. D'autres soulignent les longs délais (et, selon eux, délibérés) d'obtention des permis, qui ont souvent absorbé la majeure partie, voire la totalité, du temps disponible pour les bourses ou les congés sabbatiques. Kevork Bardakchian, directeur du programme d'études arméniennes à l'université du Michigan, a par exemple déclaré à Poloff que d'autres collègues et lui-même s'étaient vu refuser sans explication l'accès aux archives dans les années 1970 et 1980. À cette époque, un directeur des archives a ouvertement parlé de la nécessité de "protéger" les documents d'une utilisation abusive par des étrangers hostiles.
6. (sbu) Les investigateurs turcs et étrangers s'accordent à dire que l'ancien Premier ministre et président Turgut Ozal a réellement fait pression pour ouvrir les archives à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Les archives ont été placées sous la supervision du Premier ministère, les procédures d'obtention des aotorisations de recherche ont été simplifiées et les efforts pour cataloguer les 150 millions de documents accélérés. Tous ceux à qui nous avons parlé admettent un "changement radical" qui s'est poursuivi jusqu'à aujourd'hui. Selon les responsables des archives turques, les autorisations sont généralement accordées en une semaine, le personnel des archives est serviable et les photocopies des documents souhaités sont facilement disponibles à des prix raisonnables. Lorsque Poloff a visité la salle de recherche des archives ottomanes au début du mois, le personnel lui a montré une liste informatisée de plus de 300 Américains ayant reçu l'autorisation de mener des recherches dans ces archives au cours des dernières années (plus de 30 depuis le début de l'année). Les catalogues sont également disponibles gratuitement sur le site des archives, via l'internet.
7. (sbu) Certaines restrictions d'accès restent en place. Les autorités turques n'autorisent pas l'accès à plus de 70 millions de documents non encore répertoriés et prétendent que beaucoup d'autres sont trop endommagés pour être utilisés par les chercheurs. En outre, certains critiques se plaignent encore que le gouvernement turc cherche à bloquer ceux qui entreprennent des recherches sur la question arménienne. Le directeur des archives d'État du premier ministère, Yusuf Sarinay, a fait remarquer à Poloff que les investigateurs doivent se trouver légalement en Turquie à cette fin, ce qui nécessite l'obtention d'un visa auprès du ministère des affaires étrangères. Certains continuent de voir leur autorisation retardée ou carrément refusée (des chercheurs grecs ont également été victimes d'une telle discrimination par le passé). Le directeur des archives, Mr Sarinay, a déclaré que bien que de nombreux investigateurs américains soient venus aux archives, aucun d'entre eux n'est venu d'Arménie. Il a supposé que cela était dû à l'absence de relations diplomatiques entre la Turquie et l'Arménie - et à une politique de réciprocité de la part de l'Arménie, censée ne pas permettre aux enquêteurs turcs d'accéder à ses archives. L'historien ottoman le plus éminent de Turquie, Halil Inalcik, a critiqué le manque d'ouverture des archives dans un éditorial de février 2001 pour le quotidien Radikal intitulé "Les archives ottomanes devraient être ouvertes au monde". Malgré les critiques, le mantra est aujourd'hui "l'ouverture" et toute discussion sur la "protection" des archives contre les étrangers est politiquement incorrecte. Bien que le directeur des archives dispose toujours d'un pouvoir considérable pour refuser l'accès, il serait bien en peine d'expliquer qu'il impose de telles restrictions à tout chercheur universitaire sérieux.
Les archives ont-elles été supprimées ?
8. (c) La question de savoir si les archives sont complètes est peut-être plus importante que celle de l'accès. Selon Halil Berktay, professeur à l'université Sabanci, il y a eu deux tentatives sérieuses pour "purger" les archives de tout document compromettant sur la question arménienne. La première a eu lieu en 1918, probablement avant que les forces alliées n'occupent Istanbul. Berktay et d'autres citent les témoignages des tribunaux militaires turcs de 1919 indiquant que des documents importants avaient été "volés" dans les archives. Berktay pense qu'une deuxième purge a été effectuée en conjonction avec les efforts d'Ozal pour ouvrir les archives par un groupe de diplomates et de généraux à la retraite dirigé par l'ancien ambassadeur Muharrem Nuri Birgi (Note : Nuri Birgi était auparavant ambassadeur à Londres et à l'OTAN et secrétaire du Conseil de l'Europe).
Directeur général du ministère des Affaires étrangères. Berktay affirme qu'à l'époque où il passait les archives au peigne fin, Nuri Birgi rencontrait régulièrement un ami commun et qu'à un moment donné, faisant référence aux Arméniens, il a confessé avec regret que "nous les avons vraiment massacrés". Tony Greenwood, directeur de l'Institut de recherche américain en Turquie, a déclaré séparément à Poloff que lorsqu'il travaillait aux archives à la même époque, il était notoire qu'un groupe d'officiers militaires à la retraite bénéficiait d'un accès privilégié et passait des mois à éplucher les documents d'archives. Un autre universitaire turc qui a fait des recherches sur les questions arméniennes affirme que le processus de répertoriage en cours est un prétexte pour purger les archives.
S'emparer de l'histoire
9. (sbu) L'attitude des Turcs sur la question du génocide a évolué au fil du temps. Bien que peu d'entre eux aient le courage de le faire publiquement, certains intellectuels, universitaires et autres remettent en question, en privé, la version officielle des événements. Les citoyens ordinaires d'Anatolie centrale et orientale reconnaissent souvent ouvertement ce que leurs grands-pères ont fait aux Arméniens. Plusieurs universitaires américains en visite ont noté que le sujet n'est plus aussi tabou qu'il l'était auparavant. Publiquement, l'establishment turc (y compris le groupe de réflexion nationaliste ASAM, l'association historique turque et même les archives) continue de contester les affirmations de la diaspora arménienne et de lancer des contre-accusations accusant les Arméniens de s'être engagés dans des révoltes massives et généralisées pendant la guerre et d'avoir perpétré des massacres à grande échelle sur les musulmans turcs. Ces dernières années, le ministère de l'éducation a demandé aux élèves du secondaire de participer à un concours de rédaction visant à nier le génocide (note : Berktay affirme que cette idée provient de l'ASAM et qu'elle a été imposée au ministère par les contacts militaires de l'ASAM). Le gouvernement actuel s'est toutefois montré nettement plus discret sur le sujet que certains de ses prédécesseurs, répétant consciencieusement qu'il fallait "laisser aux historiens le soin de débattre de la question".
Commentaire
10. (c) Bien que près d'un siècle se soit écoulé depuis les événements de 1915-16, le fossé d'incompréhension entre les Arméniens et les Turcs sur cette question reste considérable. Le sujet n'est plus aussi fermé qu'il l'a été, mais en Turquie, les débats sur la question restent limités et dominés par la ligne nationaliste/establishment. Même si le gouvernement actuel espère mettre cette question derrière lui, il est peu probable qu'il puisse faire plus que simplement encourager un environnement dans lequel une discussion saine peut avoir lieu. Il est peu probable que, dans leur état actuel, les archives ottomanes fournissent un jour une interprétation définitive de la question arménienne, mais elles constitueront un point focal et une ressource clé pour tous les Turcs et Arméniens désireux de s'engager dans une recherche et un débat authentiques sur la question. À cette fin, nous devrions soutenir et encourager les investigateurs à continuer à faire pression pour obtenir l'accès aux documents d'archives et être prêts à approcher le gouvernement turc pour discuter de toute plainte d'obstruction officielle. Nous demandons au ministère de nous informer de toute plainte de ce type.
Nanore Barsoumian a été rédactrice en chef de l'hebdomadaire arménien de 2014 à 2016 et rédactrice adjointe de l'hebdomadaire arménien de 2010 à 2014. Ses écrits portent sur les droits de l'homme, la politique, la pauvreté, l'environnement et les questions de genre. Elle a réalisé des reportages en Arménie, au Haut-Karabagh, à Javakhk et en Turquie. Elle est titulaire d'une licence en sciences politiques et en anglais ainsi que d'une maîtrise en résolution des conflits de l'université du Massachusetts (Boston).
📰 https://armenianweekly.com/2011/09/10/wikileaks-stepping-out/
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20- 🎥 Julian Assange en 2010 : Nous vivons dans un régime de censure répressif
Dans un discours prononcé en 2010, Julian Assange explique que le régime de censure moderne résulte de la fusion du pouvoir de l'État et de celui des entreprises.
Sur les formes changeantes de la censure :
"La censure de l'État a été privatisée. On l'a rendue plus complexe et moins évidente. Ce n'est plus un énorme marteau, c'est un dispositif sophistiqué."
Vidéo de 6’ avec sous titres disponibles
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