🚩 Les liens de la ministre française de l'énergie avec un système d'héritage discret suscitent des inquiétudes quant aux "conflits d'intérêts" 🎗⏳
Le groupe Perenco est embourbé dans la controverse depuis des années & accusé par de multiples ONG de dommages environnementaux & de violations des droits de l'homme ds le monde entier. #PerencoFiles
En seconde partie, jetez un oeil sur l’enquête en cours des Perenco Files par Investigate Europe
🕵️♂️ LES LIENS DE LA MINISTRE FRANÇAISE DE L'ÉNERGIE AVEC UN SYSTÈME D'HÉRITAGE DISCRET SUSCITENT DES INQUIÉTUDES QUANT AUX "CONFLITS D'INTÉRÊTS"
✒️ Par Maxence Peigné, Leïla Miñano, Manuel Rico, Geoffrey Livolsi et Mathias Destal, le 8 novembre 2022
📌 La ministre française de la transition énergétique Agnès Pannier-Runacher est au cœur d'un discret système de succession lié à des fonds spéculatifs basés dans des paradis fiscaux. Son père, un cadre de longue date de Perenco, a créé une société pour faire don d'un portefeuille d'investissements de 1,2 million d'euros aux enfants de la ministre. Selon les militants, le fait que Mme Pannier-Runacher n'ait pas déclaré volontairement son implication pourrait constituer un "conflit d'intérêts" concernant Perenco.
Vu de la rue, l'immeuble résidentiel ressemble à n'importe quel autre immeuble du 16e arrondissement de Paris. Ses baies vitrées et ses larges balcons ne laissent pas deviner qu'une riche société d'investissement est enregistrée dans ce complexe sans prétention. Pourtant, c'est ici que siège depuis le 13 juillet 2016 une discrète entreprise liée à Agnès Pannier-Runacher, la ministre de la transition énergétique du pays. Enregistrée sous le pseudo "Arjunem", elle porte le nom des enfants de la politicienne.
La société a été créée dans le cadre d'un plan d'héritage anticipé, que Pannier-Runacher, l'une des plus proches alliées du président Emmanuel Macron, n'a jamais dévoilé. Par deux fois, elle a eu l'occasion de le faire, lorsqu'elle a rejoint le ministère de l'Économie en 2018, puis celui de l'Industrie en 2020. Mais elle a choisi de garder cette information secrète auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), le chien de garde du gouvernement français. Mme Pannier-Runacher a déclaré à Investigate Europe et Disclose qu'elle n'avait pas enfreint les règles de divulgation et a nié tout acte répréhensible.
Pourtant, Arjunem est une société intéressante à bien des égards. Son capital est lié à plusieurs paradis fiscaux et une ONG de transparence affirme que son existence peut constituer un conflit d'intérêts entre le ministre et Perenco, l'un des plus grands producteurs de pétrole indépendants d'Europe. Le groupe est embourbé dans la controverse depuis des années et accusé par de multiples ONG de dommages environnementaux et de violations des droits de l'homme dans le monde entier. Jean-Michel Runacher, le père de la ministre et actionnaire d'Arjunem, était jusqu'à récemment l'un des principaux dirigeants de Perenco.
Sur le papier, Pannier-Runacher n'avait pas à mentionner Arjunem dans sa déclaration à la haute autorité. Les lois françaises sur la transparence de la vie publique exigent seulement qu'elle déclare ses positions directes dans les entreprises, ainsi que celles de son conjoint. Les actions détenues par les enfants mineurs des ministres ne sont pas soumises à l'obligation de divulgation, mais l'organisme de surveillance peut enquêter sur les cas qu'il juge intéressants.
Ce sont précisément les enfants de la ministre qui sont devenus propriétaires d'Arjunem avec leur grand père et un cousin. La fille et les deux fils d'Agnès Pannier-Runacher étaient âgés de 13, 10 et 5 ans lorsque son père a créé la société avec un capital de plus d'un million d'euros. Comme indiqué dans les documents d'enregistrement, l'objectif de Jean-Michel Runacher était d'offrir un héritage anticipé à sa famille. Un schéma classique en France pour une personne âgée de 70 ans à l'époque, afin d'éviter les droits de succession plus élevés qui viennent avec l'âge ou le décès.
Parallèlement, Runacher a créé une deuxième société similaire, "Antos", dont les parts s'élèvent à près de 600 000 euros, qu'il a transmis à deux de ses autres petits-enfants, neveux du ministre et adultes à l'époque. Les analyses d'Investigate Europe et de Disclose révèlent que le capital des deux sociétés provient de fonds spéculatifs qui ont également compté Perenco parmi leurs investisseurs. Deux de ces fonds au moins opèrent depuis des paradis fiscaux, à Guernesey et en Irlande.
◼️ Des fonds spéculatifs dans des paradis fiscaux
Lorsque son père crée Arjunem le 13 juillet 2016, Agnès Pannier-Runacher travaille encore dans le privé et s'apprête à rejoindre la campagne présidentielle de Macron. Dans des actes officiels, elle a signé des autorisations permettant à ses trois enfants de devenir actionnaires de la société. Alors qu'ils n'ont apporté que 10 € chacun, Jean-Michel Runacher a apporté la majorité du capital soit 1,2 million d'euros.
Selon les documents publics d'Arjunem, les actions de Runacher provenaient de ses investissements dans trois fonds spéculatifs spécifiques gérés par certains des plus grands gestionnaires de fonds du monde : Sciens Group, Marshall Wace et Millennium Management.
Le premier fonds, appelé Blue Omega Cell, est enregistré à Guernesey, un paradis fiscal qui figurait sur la liste noire de l'Union européenne jusqu'en 2019. Le second, MW Global Opportunities, investit depuis Hong Kong et est immatriculé en Irlande, un pays que plusieurs ONG considèrent comme un paradis fiscal. Pour le troisième, IE et Disclose n'ont pas été en mesure de localiser le compartiment exact, mais ont pu établir que son gestionnaire, Millennium Management, possède des bureaux à Londres et à New York et que sa holding suprême est installée dans l'État américain du Delaware, fiscalement très avantageux.
Tous ces produits financiers, qui ont constitué le capital initial d'Arjunem, ont été déposés au Luxembourg auprès de CBP Quilvest, une banque privée également utilisée par le passé par les propriétaires de Perenco.
Interrogée par IE et Disclose, Agnès Pannier-Runacher a confirmé que ses enfants et un de leurs cousins sont les "nus-propriétaires" d'Arjunem et de ses placements, tandis que leur grand-père en a le contrôle total et peut conserver les dividendes. En un mot, la ministre a permis à son père de donner des produits financiers à ses enfants et de continuer à les gérer à son propre profit.
Mme Pannier-Runacher a ajouté que les taxes sur les dons étaient acquittées en France, mais elle a refusé de commenter le lieu où les fonds sont basés ou s'ils investissent dans les combustibles fossiles. Elle a déclaré que seul son père pouvait répondre, mais Jean-Michel Runacher n'a pas réagi aux questions envoyées par e-mail, bien que la ministre et Perenco aient confirmé qu'il était au courant de cet article.
On ne sait toujours pas si les investissements d'Arjunem comprennent des participations dans le pétrole et le gaz. Cependant, les trois sociétés de fonds spéculatifs ont des investissements liés aux combustibles fossiles dans leurs portefeuilles. Sciens Group et Millennium Management n'ont pas répondu aux demandes de commentaires. Marshall Wace a refusé de faire des commentaires sur ses fonds d'investissement spécifiques.
◼️ Arjunem et Perenco possédaient des parts dans les mêmes fonds spéculatifs.
La richesse personnelle du père de la ministre est si étroitement liée à Perenco que Jean-Michel Runacher et le groupe ont tous deux détenu des investissements dans les trois mêmes fonds spéculatifs.
Lors de l'incorporation d'Arjunem en 2016, Runacher a joint une série d'emails entre des dirigeants de Perenco et des représentants de Millennium, Marshall Wace et Sciens Group et lui-même. Dans ces échanges, Perenco demandait des mises à jour des performances de ses propres investissements dans les trois sous-fonds. Ces mêmes portefeuilles qui ont également été utilisés pour lancer Arjunem.
Le 5 juillet 2016, un directeur de Perenco a envoyé un courriel à Millennium pour obtenir "une première estimation du rendement de notre portefeuille". Jean-Michel Runacher, en copie de la réponse, l'a immédiatement transmise à son notaire parisien pour "finaliser" l'enregistrement d'Arjunem. Il a répété le même processus pour les fonds Blue Omega et MW Global Opportunities. Une copie de cette correspondance a également été envoyée à Finvest, l'une des sociétés de gestion de patrimoine de Perrodo. Opérant entre les Bahamas et Guernesey, Runacher en a été le PDG pendant des années.
Aujourd'hui âgé de 77 ans et vivant à Londres, Runacher a occupé la plupart des postes à responsabilité chez Perenco. Aux côtés du fondateur du groupe, Hubert Perrodo, il a participé au lancement du groupe dans les années 1980 et a contribué à sa croissance constante. Il a été successivement nommé directeur financier et directeur général. Même après avoir quitté ses fonctions exécutives, il est resté administrateur et actionnaire de la holding française jusqu'en 2020.
Contacté par IE et Disclose, Perenco a refusé de dire si le groupe détient toujours des investissements dans les mêmes fonds spéculatifs qu'Arjunem. Un porte-parole de la société a également déclaré que "M. Runacher n'est pas actionnaire d'une quelconque société Perenco", et qu'il ne fait que "fournir des conseils de temps en temps".
Pourtant, les derniers registres des sociétés indiquent que le père du ministre est toujours le directeur exécutif de BNF Capital, un gestionnaire de fortune britannique dont les propriétaires réels sont la famille Perrodo. Il reste également président du conseil d'administration de Global Financial Investment SA, une société financière luxembourgeoise affiliée à Perenco .
◼️ "Conflit d'intérêts"
Dans un communiqué, Agnès Pannier-Runacher a déclaré à IE et Disclose que son implication dans Arjunem ne la met pas dans une situation de conflit d'intérêts. "Je n'ai ni vocation, ni obligation légale d'être associée aux activités professionnelles de mon père", a-t-elle déclaré, ajoutant qu'elle n'a jamais traité avec Perenco lorsqu'elle était au gouvernement. Pour Mme Pannier-Runacher, il n'y a "aucune ambiguïté" sur le fait qu'elle n'avait pas à déclarer Arjunem à la haute autorité, puisque les investissements appartiennent à ses enfants et sont gérés par son père.
Toutefois, cela n'aurait pas dû empêcher la ministre de faire une déclaration volontaire, selon Béatrice Guillemont, responsable de l'ONG française anticorruption Anticor. " La finalité du [chien de garde] est de prévenir et d'éviter les conflits d'intérêts potentiels ", a-t-elle déclaré. "Et dans ce cas précis, il ne fait aucun doute que le ministre est en conflit d'intérêts. La ministre aurait dû déclarer cette entreprise dans la section 'observations' de [sa déclaration] dès sa nomination en 2018."
Interrogée par IE et Disclose, la HATVP (la haute autorité pour la transparence de la vie publique), a déclaré : "L'absence d'obligation de déclaration ne dispense pas un agent public de veiller à prévenir et à faire cesser les situations de conflit d'intérêts résultant d'autres intérêts indirects détenus, tels que les activités des enfants ou d'autres membres de la famille". L'organisme de surveillance a également souligné qu'il "porte une attention particulière aux manquements à la probité et peut, si nécessaire, saisir les tribunaux".
Par le passé, il a été interdit à Mme Pannier-Runacher de traiter avec plusieurs entreprises dans le cadre de ses activités ministérielles, afin d'éviter tout conflit d'intérêts potentiel. Parmi elles, citons Bourbon, un armateur pour lequel elle était administratrice, et Engie, le plus grand fournisseur d'électricité de France, où son ex-mari est cadre. Perenco, en revanche, n'a jamais fait l'objet de restrictions.
Les réponses complètes reçues d'Agnès Pannier-Runacher peuvent être lues ici : https://www.investigate-europe.eu/wp-content/uploads/2022/11/Minister_answers_FR-1.pdf
📰 https://www.investigate-europe.eu/en/2022/pannier-runnacher-french-inheritance-oil/
🕵️♂️ PERENCO FILES : L'UNIVERS TOXIQUE D'UN GÉANT PÉTROLIER EUROPÉEN MÉCONNU - enquête en cours
#PerencoFiles est une enquête en cours soutenue par le IJ4EU Investigation Support Scheme.
PERENCO, LE CHEVRON FRANÇAIS
La société pétrolière et gazière franco-britannique Perenco est peu connue mais puissante. Elle se présente comme "le premier groupe pétrolier et gazier indépendant d'Europe". Elle opère dans 14 pays à travers le monde, et exploite notamment la plus grande ferme pétrolière européenne à terre, en Angleterre, ainsi que plusieurs plates-formes gazières en mer du Nord.
Le succès de la multinationale a surtout profité à ses propriétaires : la famille Perrodo. Les milliardaires, qui ont donné leur nom à leur entreprise (Perrodo Energy Company), ont accumulé leur fortune loin des projecteurs des médias et du regard du public.
L'une des raisons de leur ascension discrète est que la société Perenco n'est pas cotée en bourse. Par conséquent, le groupe échappe aux règles de transparence qui touchent d'autres géants pétroliers comme Shell ou Total, confrontés à des critiques publiques massives pour leurs activités. Et avec moins de 10 000 employés dans le monde, Perenco n'est pas non plus soumis aux lois françaises qui obligent les entreprises à énumérer les risques liés à leurs activités à l'étranger.
Tout cela rend les tentatives d'examen des opérations de l'entreprise particulièrement difficiles. Pourtant, l'activité de Perenco vaut la peine d'être examinée : elle est spécialisée dans le rachat d'actifs matures dont les autres grandes compagnies pétrolières tentent de se débarrasser en raison du vieillissement des installations et de la diminution des réserves. Cette série réalisée par Investigate Europe et son partenaire français Disclose, fera la lumière sur l'empreinte de l'entreprise dans le monde, y compris la pollution présumée, les structures dans les paradis fiscaux et les liens politiques.
https://www.investigate-europe.eu/en/2022/perenco-files/
📌 Accusée de pollution et entourée de secret : pourquoi la compagnie pétrolière Perenco mérite une enquête
✒️ Par Leïla Miñano, Maxence Peigné, Manuel Rico, Geoffrey Livolsi and Mathias Destal, le 8 novembre 2022
La société énergétique franco-britannique Perenco se présente comme "le premier groupe pétrolier et gazier indépendant d'Europe". La société est accusée de pollution, de malversations et de violation des droits de l'homme dans plusieurs pays où elle extrait des combustibles fossiles.
Peu connue mais puissante, Perenco se présente comme le premier groupe pétrolier et gazier indépendant d'Europe. Il est présent dans 14 pays, et possède notamment la plus grande exploitation pétrolière terrestre d'Europe, en Angleterre, ainsi que plusieurs plateformes gazières en mer du Nord.
Le succès de la multinationale a surtout profité à ses propriétaires : la famille Perrodo, quinzième fortune de France, qui possède des résidences dans les quartiers les plus huppés de Londres. Les milliardaires, qui ont donné leur nom à leur société (Perrodo Energy Company), ont fait leur nid loin des projecteurs des médias et de l'attention du public.
L'une des raisons de leur ascension discrète est que Perenco n'est pas cotée en bourse. De ce fait, le groupe échappe aux règles de transparence qui touchent ses principaux concurrents. Et avec moins de 10 000 employés dans le monde, il n'est pas soumis aux lois françaises qui obligent les entreprises à répertorier les risques liés à leurs activités à l'étranger.
Tout cela rend les tentatives d'examen des opérations de l'entreprise particulièrement difficiles. Pourtant, l'activité de Perenco vaut la peine d'être examinée : elle est spécialisée dans le rachat d'actifs matures dont les autres majors pétrolières tentent de se débarrasser en raison du vieillissement des installations et de la diminution des réserves.
Perenco a été mêlée à divers scandales liés à l'environnement et aux droits de l'homme dans plusieurs pays où elle est présente. Accusée de financer des groupes paramilitaires en Colombie et liée au déplacement de communautés indigènes au Guatemala, la société a également été confrontée à une litanie d'allégations de pollution des sols et de contamination de l'eau en Afrique et en Amérique latine.
Dans sa course pour devenir la première compagnie pétrolière privée d'Europe, Perenco s'est appuyée sur des méthodes radicales, coupant parfois les coins ronds au détriment de l'environnement.
"Il est certain que par rapport aux normes de Total ou des grandes entreprises américaines, Perenco ne se situe pas au même niveau", a déclaré un ancien cadre de Perenco en Afrique à IE et Disclose. Le groupe, a-t-il ajouté, remet en cause les normes environnementales "qu'il considère incompatibles avec son propre modèle".
Ce dernier a conduit à des dizaines d'incidents présumés sur les sites de Perenco au fil des ans. Le déversement de boues toxiques, les fuites de pétrole dues au vieillissement des installations et la pollution de l'air sont des phénomènes courants dans les pays où Perenco possède des filiales, selon les rapports des ONG, des autorités et des journalistes.
Au Gabon, 50 000 mètres cubes de pétrole se sont échappés de certains réservoirs du groupe en avril dernier. Dans la ville de Muanda, en République démocratique du Congo, l'entreprise crache du gaz jour et nuit près des habitations, à proximité des cultures et des sources d'eau potable. De l'autre côté de l'Atlantique, au Pérou, la multinationale a attaqué le gouvernement en justice pour tenter de bloquer le projet de création d'une réserve naturelle dans sa zone d'exploitation.
Interrogée par IE et Disclose, l'entreprise a déclaré : "Perenco agit comme un partenaire responsable. Dans chaque pays où elle opère, Perenco s'engage à assurer la santé et la sécurité de ses employés et des communautés."
Toutefois, le groupe "reconnaît que des incidents liés à nos activités se sont produits par le passé", mais a refusé de commenter la procédure judiciaire en cours au Gabon. Un porte-parole a ajouté qu'un investissement important avait été réalisé en RDC pour réduire le torchage (1), et que la société travaillait en étroite collaboration avec les communautés locales au Pérou.
◼️ Hubert le "conquérant"
Les origines de Perenco remontent aux paradis fiscaux. En 1967, Hubert Perrodo, le fondateur du groupe, issu d'une famille de pêcheurs de la côte ouest de la France, travaille pour un magnat américain du pétrole aux Bahamas. "Si tu veux faire fortune, petit, tu dois te lancer dans le pétrole", lui aurait dit son patron de l'époque.
En 1971, Perrodo s'installe à Singapour. Le "conquérant", comme il est décrit sur le site web de Perenco, travaille dans l'industrie des combustibles fossiles et rencontre sa femme, avec qui il aura trois enfants. Dans les années 1970, il fonde une société de transport maritime et met en place une entreprise de forage, avant de créer Perenco en 1992. Après le décès de Perrodo dans un accident d'alpinisme en 2006, son fils aîné, François Perrodo, prend les rênes de l'empire familial. Passionné de course automobile, il a suivi les traces de son père pour développer l'entreprise, qu'il détient avec ses frères et sœurs et sa mère. Aujourd'hui, en plus de leur compagnie pétrolière, les Perrodo possèdent plusieurs domaines viticoles français réputés et, plus surprenant, sont les propriétaires majoritaires de Konbini, un média en ligne populaire.
◼️ Une architecture financière secrète
Si la devise de Perenco affirme fièrement que "le pétrole reste une aventure", les Perrodo sont passés maîtres dans un tout autre métier : la création de structures d'entreprise opaques. Si le siège de Perenco est situé dans des quartiers cossus de Londres et de Paris, le groupe est composé d'une myriade de sociétés enregistrées dans des paradis fiscaux.
Rien qu'aux Bahamas, la multinationale s'appuyait sur 62 holdings en 2016. L'analyse par IE des contrats pétroliers et des registres publics dans le monde entier révèle que ces holdings ont été utilisées pour créer des filiales dans les pays où Perenco a des activités, tout en gardant la propriété et les flux de trésorerie entourés de secret.
Pour mettre en place ce schéma financier complexe, les Perrodo ont été aidés par une poignée d'hommes de confiance. Parmi eux, le père de la ministre française de la transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher. Aux côtés d'Hubert Perrodo depuis le début, Jean-Michel Runacher est resté jusqu'à aujourd'hui l'un des personnages clés du groupe. Précédemment directeur financier, PDG et administrateur, il est toujours à la tête de certaines sociétés du groupe.
Selon l'enquête de IE et Disclose, une partie du patrimoine qu'il a amassé au cours de sa carrière a été discrètement transmise aux enfants mineurs d'Agnès Pannier-Runacher. Plus d'un million d'euros d'actifs dans des fonds spéculatifs qui ont également compté Perenco comme client. Interrogée sur ce stratagème, la ministre de la transition énergétique a déclaré qu'elle n'avait pas à déclarer cette somme au fisc français et a nié toute malversation.
(1) Torchage : Opération consistant à brûler à la torche un gaz combustible excédentaire associé au pétrole, et qui se dégage dans l'atmosphère. L'essentiel du volume de gaz détruit de cette manière concerne du gaz associé, c'est à dire le gaz dissous dans le pétrole et séparé lors de l'extraction de celui-ci, pour lequel il n'existe pas de débouchés commerciaux. Il représente un gaspillage d'énergie considérable, ainsi qu'une source de pollution atmosphérique et d'émission de gaz à effet de serre.
📰 https://www.investigate-europe.eu/en/2022/why-oil-company-perenco-is-worth-investigating/