♟ L'effondrement du droit international
Existe-t-il encore un futur où le droit international prévaudra ? Y a-t-il encore quelque espoir ? Et bien, ce n'est pas une question d'espoir, mais de nécessité absolue.
Introduction
Le 1er avril 2015 (comme un poisson d'avril diaboliquement sadique), la Palestine devenait formellement membre de la Cour pénale internationale (CPI), dans l'espoir d'y faire juger les dirigeants israéliens pour crimes de guerre ou crimes liés à l’occupation, sur fond d'impasse du processus de paix.
Lors d’une cérémonie à huis clos au siège du tribunal à La Haye, le ministre palestinien des Affaires étrangères, Ryad al-Malki, se voyait remettre une jolie copie symbolique du Statut de Rome, fondateur de la CPI.
"La Palestine recherche la justice, pas la vengeance", déclarait le ministre aux journalistes après la cérémonie, appelant Israël à adhérer également à la CPI.
De son côté, Israël dénonçait bien évidemment cette adhésion, qualifiant la décision de "politique et cynique", selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères israélien. "La décision palestinienne d’adhérer à la CPI afin d’engager des procédures judiciaires contre Israël est politique, cynique et hypocrite", affirmait ce communiqué.
Le premier ministre israélien, Benjamin Nétanyahou, "ne devrait pas avoir peur […], si Israël a des plaintes [contre les Palestiniens] il devrait les présenter à la CPI", répliquait alors le ministre Ryad al-Malki.
Netanyahou avait accusé le gouvernement palestinien, y incluant le Hamas considéré comme terroriste par Israël, de "manipuler" la Cour.
Exaspérés par des décennies de vaines négociations, sans aucune perspective de voir naître prochainement l'État auquel ils aspirent depuis longtemps, les Palestiniens avaient fait le choix d'internationaliser leur cause.
Fin 2014, ils ont décidé de rejoindre la CPI, dont la vocation est de poursuivre les auteurs de génocides, crimes contre l’humanité et crimes de guerre, après avoir vu rejeter par le Conseil de sécurité un projet de résolution mettant fin à l'occupation sous trois ans.
L'Autorité palestinienne avait déjà envoyé à la CPI des documents autorisant le procureur à enquêter sur des crimes présumés commis dans les Territoires palestiniens depuis juin 2014.
L'offensive menée par Israël en juillet-août 2014 contre la bande de Gaza pour faire cesser les tirs de roquettes sur son territoire avait fait près de 2200 morts du côté palestinien et 73 du côté israélien.
Source : Jan Hennop - Agence France-Presse
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L'effondrement du droit international
Par Christopher Black, le 1er novembre 2023, Defend Democracy Press
Le droit international s'est littéralement évaporé avec le siège israélien soutenu par les États-Unis à l'encontre du peuple palestinien de Gaza, en réponse à l'attaque du Hamas contre les forces d'occupation israéliennes le 7 octobre dernier. Les Palestiniens n'attendent aucune pitié de la part des Israéliens, après avoir subi des décennies de nettoyage ethnique israélien des terres palestiniennes et leur substitution par des colons israéliens, le tout en violation du droit international ainsi que de plusieurs résolutions des Nations unies, y compris, bien sûr, la résolution 242 qui exigeait qu'Israël se retire de toutes les terres dont il s'était emparé lors de la guerre de 1967, une guerre dont il admet aujourd'hui qu'elle a été déclenchée sous un prétexte pour s'emparer de ces terres et en chasser les Palestiniens qui y vivaient.
Depuis des décennies, Israël jouit de l'impunité tant pour son agression que pour son occupation des terres palestiniennes par les nations qui ont contribué à sa création et à son soutien après la Première et la Seconde Guerre mondiale : les États-Unis, la Grande-Bretagne et leurs alliés, qui lui ont accordé l'impunité d'agir à souhait puisqu'Israël sert leurs objectifs au Moyen-Orient, agissant en tant qu'agent local de la nation avide d'occuper le trône hégémonique mondiale, les États-Unis.
Pendant ce temps, la Cour pénale internationale se tait quant aux crimes perpétrés par les Israéliens contre les Palestiniens dans les territoires occupés et à Gaza, bien qu'elle ait ouvert un dossier sur la Palestine-Israël depuis 2019. Son inaction contraste violemment avec la délivrance éclair d'un mandat d'arrêt à l'encontre du président Poutine voici quelques mois, sans qu'aucune enquête n'ait été menée.
Pourtant, dans le cas de la Palestine, la procureure de la CPI déclare que bien que son bureau ait conclu qu'Israël a commis des crimes de guerre, mener une enquête sur les allégations prend du temps, beaucoup de temps, explique-t-elle, ce qui signifie qu'aucune accusation ne sera portée par ses soins à l'encontre de Benjamin Netanyahou dans un avenir proche, et très probablement jamais. Il semble étrange que la procureure n'ait pas jugé nécessaire de prendre son temps pour enquêter sur les allégations fantasques formulées par Kiev à l'encontre de la Russie, mais cela ne l'est pas tant que ça lorsque l'on sait qui contrôle la CPI, à savoir les États-Unis et l'Union européenne.
La semaine dernière, 842 membres du personnel de l'UE ont adressé une lettre ouverte à Ursula Von Der Leyden lui reprochant de soutenir les actions israéliennes à Gaza et de saper la crédibilité de l'UE dans le monde puisqu'elle affirme, contre toute évidence, que la Russie commet des crimes de guerre dans la bande de Gaza, que la Russie commet des crimes de guerre en Ukraine et qu'elle doit cesser ses opérations militaires, tout en soutenant avec enthousiasme les attaques d'Israël contre les civils et les infrastructures civiles à Gaza et l'objectif ouvertement déclaré des Israéliens de nettoyer ethniquement Gaza ainsi que d'exterminer la population à défaut d'y parvenir, de commettre un génocide en somme.
La lettre a été rapportée dans le Irish Times du 20 octobre,
Des membres du personnel des institutions européennes ont écrit à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, pour lui faire part de leur colère face à sa position sur le conflit entre Israël et le Hamas, dans une lettre ayant recueilli 842 signatures.
"La lettre, qui a été consultée par le Irish Times, accuse la Commission de laisser libre cours à l'accélération et à la légitimité d'un crime de guerre dans la bande de Gaza".
"La lettre commence par condamner l'attaque du Hamas contre Israël, avant de poursuivre : Nous condamnons tout aussi fermement la réaction disproportionnée du gouvernement israélien à l'encontre de 2,3 millions de civils palestiniens piégés dans la bande de Gaza".
La lettre poursuit,
"Nous reconnaissons très difficilement les valeurs de l'UE dans l'apparente indifférence manifestée ces derniers jours par notre institution à l'égard du massacre des civils dans la bande de Gaza".
La lettre avertit que l'UE "perd toute crédibilité et sa position d'intermédiaire juste, équitable et humaniste", qu'elle nuit à ses relations internationales et met en danger la sécurité de son personnel.
Les auteurs de la lettre sont eux-mêmes tout aussi hypocrites, bien sûr, puisque l'UE, pour laquelle ils travaillent, a été complice des crimes perpétrés par le régime de Kiev et l'OTAN à l'encontre de la population civile du Donbass et de leurs attaques terroristes contre les Russes. Aujourd'hui, ils se retrouvent face à un dilemme qu'ils ont eux-mêmes créé. Ils révèlent leur peur de voir le monde réaliser que l'Occident a perdu l'argument moral qu'il a utilisé pour justifier et mener ses propres guerres, et en particulier celle menée en Ukraine contre la Russie.
Le veto opposé par les États-Unis et leurs alliés à plusieurs résolutions proposées par le Brésil, la Russie de même que par d'autres nations, appelant à la cessation des attaques israéliennes contre les civils de Gaza et permettant l'acheminement de nourriture, d'eau, de médicaments et d'autres fournitures à Gaza, prouve une fois de plus que le Conseil de sécurité n'est pas en mesure de préserver la paix et la sécurité dans la région, comme l'exige le chapitre VII de la Charte des Nations unies. La structure actuelle des Nations unies permet aux grandes puissances d'agir dans leur propre intérêt et, dans ce cas, aux États-Unis de soutenir militairement et financièrement les actions d'Israël.
Israël a ignoré toute légalité dans sa guerre et traite les lois de guerre tout comme celles régissant les crimes contre l'humanité avec un mépris flagrant. Le droit international lui-même a été broyé par l'Occident et l'insistance de la Chine, de la Russie, de l'Iran et du reste du monde, hors du contrôle occidental, pour que la Charte des Nations unies soit respectée, que ses principes soient soutenus et appliqués, est totalement ignorée.
On en est arrivé au point où les États-Unis et leurs alliés prétendent désormais être au-dessus de la loi à tous les égards, mais ont au contraire adopté certaines règles tacites auxquelles toutes les nations doivent obéir sous peine d'être condamnées. L'impérialisme s'est débarrassé de sa cape de moralité et de "valeurs humanitaires" qu'il arborait pour tromper les citoyens et les amener à soutenir son agression et ses aspirations coloniales, et il arpente désormais le monde en portant ouvertement sa cuirasse de guerre et de conquête.
Ces derniers agissent ouvertement comme si l'OTAN était au-dessus des Nations unies et que ses "règles", autrement dit celles du pouvoir américain, avaient force de loi. Les conséquences de ce type de pensée sont multiples : elles sont synonymes d'impérialisme et de colonialisme, de racisme et de barbarie. Cela signifie que les Américains se considèrent comme des êtres supérieurs, au-dessus des autres peuples, ou, comme l'a récemment déclaré Mr Medvedev, qu'ils se considèrent comme les vice-rois de Dieu sur Terre, comme des ubermensch, selon le terme utilisé par les nazis, des surhommes que le reste du monde doit redouter et à qui il doit obéir. Les Nations unies sont, en ce qui les concerne, aussi peu pertinentes aujourd'hui que l'était la Société des Nations dans les années 1930, menant alors à la guerre mondiale.
Il y a quelques jours, le 28 octobre, la ministre de la défense de la République tchèque, Jana Cernochova, a appelé son pays à quitter les Nations unies après le soutien de l'Assemblée générale à une résolution appelant à un cessez-le-feu à Gaza. Elle a déclaré,
"Seuls 14 pays, dont le nôtre, se sont élevés contre l'attaque terroriste sans précédent menée par les terroristes du Hamas. À mon sens, la République tchèque n'a rien à attendre d'une organisation qui soutient les terroristes et ne respecte pas le droit fondamental à l'autodéfense. Retirons-nous".
Les 14 pays auxquels elle fait référence sont les États-Unis, l'Autriche, la Croatie, la République tchèque, les Fidji, le Guatemala, la Hongrie, Israël, les Îles Marshall, la Micronésie, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, le Paraguay et les Tonga, qui ont voté contre la résolution. 121 autres pays ont soutenu l'appel au cessez-le-feu, 44 pays se sont abstenus.
L'OTAN était divisée. La France, l'Espagne, la Turquie, la Belgique, la Norvège, le Portugal et la Slovénie ont soutenu la résolution, tandis que la Grande-Bretagne, l'Italie, le Danemark, la Finlande, la Grèce, les Pays-Bas, le Canada, la Belgique, l'Allemagne, la Roumanie, la Pologne, la Slovaquie, la Lituanie, la Lettonie, l'Estonie et l'Islande se sont abstenus, signifiant ainsi qu'ils ne se sont pas opposés à la résolution, mais ne l'ont pas non plus soutenue, c'est-à-dire qu'ils ont soutenu le droit international relatif au traitement des civils dans le cadre des lois de la guerre, mais n'ont pas soutenu l'aide apportée à la situation dramatique des Palestiniens à Gaza.
Le fait que la France ait soutenu la résolution reflète son désir d'exercer à nouveau une influence au Moyen-Orient. Toutes ces nations ont leurs propres raisons de soutenir ou non la résolution, mais le fait est que le monde est divisé sur une question dont on pourrait penser qu'elle rassemble le monde pour soutenir un peuple confronté à des bombes de 500 kilos, à des roquettes, à des obus d'artillerie ainsi qu'à la famine.
La politique du pouvoir prévaut. Et non le droit international. On peut affirmer que la terrible manifestation de la politique de pouvoir à laquelle nous assistons rend obsolète tout ce qui a été réalisé en termes de droit international au cours du 20ème siècle. Souvent, cette politique de pouvoir est dissimulée, comme nous l'avons dit précédemment, par la revendication d'une moralité supérieure ou de "préoccupations humanitaires", et c'est ce que les Américains et leurs alliés prétendent aujourd'hui en soutenant le siège de Gaza par les Israéliens, en se préoccupant uniquement de ces derniers.
Ils autorisent, et permettent puisqu'ils pourraient arrêter Israël s'ils le voulaient, que Gaza subisse la même destruction que les Américains ont fait pleuvoir sur Raqqa en Syrie, ville qu'ils ont totalement détruite, sur Syrte en Libye, ou encore sur Mossoul, Falloujah, Donetsk, Alep, et j'en passe. La nation auteure du largage de bombes atomiques sur les villes japonaises n'a aucune pitié ni préoccupation pour les civils, et n'en a jamais eu, si ce n'est quand elle peut l'utiliser à son avantage. Ce pays encourage les Israéliens dans leurs crimes, et pouvons-nous naïvement escompter des Israéliens qu'ils traitent correctement les civils de Gaza lorsque nous nous souvenons de leur histoire en Palestine et au Liban, lorsque nous nous souvenons de Deir Yassin et de Chatila ?
La faillite totale de l'État de droit international dans le marasme de l'agression impérialiste et coloniale menée à travers le monde se vérifie également par les actions provocatrices des États-Unis dans la mer de Chine méridionale, au risque d'une guerre avec la Chine, par le déploiement de groupes de porte-avions dans la région du Moyen-Orient pour menacer l'Iran, par les attaques d'Israël contre la Syrie, par les attaques américaines contre les groupes de résistance qui s'opposent à l'invasion américaine de la Syrie pour faire main basse sur son pétrole, par le renouvellement du siège de Cuba, par le soutien américain à un candidat fasciste en Argentine, par l'agitation en Serbie et par la poursuite de l'agression contre l'Iran, par les attaques américaines contre les groupes de résistance qui s'opposent à l'invasion américaine de la Syrie pour faire main basse sur son pétrole, par le renouvellement du siège de Cuba, par le soutien américain à un candidat fasciste en Argentine, par l'agitation en Serbie et par la poursuite de l'agression contre l'Iran, les attaques des Américains contre les groupes de résistance qui s'opposent à l'invasion américaine de la Syrie pour voler son pétrole, le renouvellement du siège de Cuba, le soutien américain à un candidat fasciste en Argentine, l'agitation en Serbie et l'agression continue contre la Russie, comme s'ils cherchaient délibérément à provoquer une grande guerre, comme s'ils voulaient avoir une guerre avec le monde entier. Faut-il s'étonner que la Russie ait récemment mené un exercice de guerre nucléaire, que l'Iran ait mené des exercices militaires, de même que la Chine et la Corée du Nord ?
Existe-t-il encore un futur où le droit international prévaudra, où les nations se traiteront avec respect et tolérance, où les discussions remplaceront les tirs, où les épées seront transformées en socs de charrue ? Je n'en sais rien. L'histoire de l'humanité est faite de pas en avant et de reculs, de progrès et de réactions, d'idées nobles et de dépravation. Les appels au dialogue avec les Américains lancés par la Russie, la Chine et d'autres se heurtent aux sabres américains, aux menaces et aux diktats. Y a-t-il encore quelque espoir ? Et bien, ce n'est pas une question d'espoir, mais de nécessité. La Charte des Nations unies est née des cendres de la Seconde Guerre mondiale. Je doute que quoi que ce soit puisse renaître des cendres de la troisième.
Christopher Black est un avocat pénaliste canadien, qui défend actuellement Augustin Ndindiliyimana, ancien chef d’état-major de la gendarmerie rwandaise, au Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Black a travaillé pendant vingt ans à Toronto dans le droit pénal, défendant en particulier les personnes défavorisées.
📰 http://www.defenddemocracy.press/the-collapse-of-international-law/
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