♟ Le rapport annuel édifiant d’Oxfam : les pauvres toujours plus pauvres, au profit d'une poignée d'ultrariches toujours plus riches
Dans ce marasme, un espoir peut surgir. Nous avons tous beaucoup appris de ces luttes collectives ayant fait suite à la résistance des Gilets jaunes. Et si les JO à Paris étaient une belle occasion ?
◾️ ◾️ ◾️
Il y a trois sortes de violence. La première, mère de toutes les autres, est la violence institutionnelle, celle qui légalise et perpétue les dominations, les oppressions et les exploitations, celle qui écrase et lamine des millions d’hommes dans ses rouages silencieux et bien huilés.
La seconde est la violence révolutionnaire, qui naît de la volonté d’abolir la première.
La troisième est la violence répressive, qui a pour objet d’étouffer la seconde en se faisant l’auxiliaire et la complice de la première violence, celle qui engendre toutes les autres.
Il n’y a pas de pire hypocrisie de n’appeler violence que la seconde, en feignant d’oublier la première, qui la fait naître, et la troisième qui la tue.
- Dom Helder
◾️ ◾️ ◾️
SOMMAIRE :
1 - Rapport d'Oxfam - Révolution Permanente
2 - Pour des grèves massives pendant les Jeux Olympiques - Guillaume Étievant, Frustration
3 - Le convertisseur de revenus en unités Bettencourt : pour comprendre la violence des riches - L'Indigné du canapé
4 - Et si la gauche arrêtait de perdre ? - BD de Louise Plantin adaptation du petit ouvrage de Geoffroy de Lagasnerie
◾️ ◾️ ◾️
1- ➤ Rapport d’Oxfam : 5 milliards de personnes se sont appauvries au profit d’une poignée de milliardaires depuis 2020
L’ONG Oxfam a publié ce lundi 15 janvier son rapport annuel, elle y dévoile que la fortune des milliardaires a encore été multipliée, tandis que la majorité de la population mondiale s’est appauvrie.
Par Arsène Justo, le 15 janvier 2024, Révolution Permanente
L’inflation, qui s’est accrue depuis le COVID grignote nos salaires et nous appauvrit un peu plus jour après jour. Cependant elle ne touche pas tout le monde. En fait, c’est même tout le principe : pendant que nos salaires plafonnent et que les prix s’envolent, les profits des grandes entreprises et les revenus des milliardaires atteignent des sommets. Nos revenus ne fondent pas par magie : c’est eux qui nous les volent.
Oxfam rapporte ainsi dans son rapport de 2024 (ndr : un rapport de 72 pages) que les milliardaires dans leur ensemble ont vu leurs revenus augmenter de 3 300 milliards de dollars depuis 2020, soit trois fois plus vite que l’inflation. Les 5 hommes les plus riches du monde ont quant à eux vu leur fortune grimper de 114% depuis 2020, pendant que 5 milliards de personnes, soit plus de 60% de la population mondiale, a vu ses revenus chuter. Un schéma qu’on retrouve évidemment à l’échelle de la France, où les 3 familles les plus riches du pays, à savoir les familles Arnault (LVMH), Bettencourt-Meyers (L’Oréal) et Wertheimer (Chanel), ont accru leurs revenus de 87% depuis 2020, alors que 90% de la population s’est appauvrie.
Tandis que nos salaires n’augmentent quasiment plus depuis des années (et en réalité baissent au rythme de l’inflation), les profits des entreprises ne cessent de s’accroître : à l’échelle mondiale, 148 grandes entreprises ont réalisé 1800 milliards de dollars de bénéfices cumulés entre 2020 et 2023 – soit 52 % de plus en moyenne sur les 3 dernières années. Rien qu’en France, 11 des plus grandes entreprises ont réalisé 101 milliards de dollars de bénéfices entre juin 2022 et juin 2023, soit une augmentation de 57% par rapport à la période 2018-2021.
L’ONG rapporte ainsi que les 42 milliardaires français ont touché à eux seuls un revenu de 230 milliards d’euros depuis 2020, soit l’équivalent de 3400€ par français. Oxfam rapporte aussi qu’en France, moins de 20% de la population possède des actions ou des assurances-vie et que seulement 1% de la population concentre entre ses mains 36% du patrimoine financier français. À l’échelle mondiale, c’est quasiment la moitié des actifs financiers qui ne sont possédés que par 1% de la population.
Autre information édifiante mise en lumière par le rapport : un premier "trillionaire" pourrait être recensé dans les années qui viennent, c’est-à-dire une personne disposant d’un patrimoine de 1000 milliards de dollars. Comme le rappelle l’association, cette somme équivaudrait à quelqu’un ayant reçu 1 million d’euros par jour depuis la naissance de Jésus Christ. Pour rappel, le revenu médian en France est d’environ 78€ par jour, tandis qu’à l’échelle mondiale, cette somme est d’environ 22€ par jour. On est loin du compte.
L’ONG montre également que les "pays riches du Nord" détiennent 69% des richesses mondiales et accueillent 74% des richesses des milliardaires alors qu’ils n’abritent que 21% de la population mondiale. Ces chiffres rappellent que l’exploitation des pays dits "du Sud" n’a pas cessé et qu’elle constitue toujours une des bases principales de la croissance économique des pays occidentaux, mais aussi et surtout des bénéfices des grandes entreprises occidentales et des revenus faramineux de notre bourgeoisie.
Enfin, l’ONG note que les milliardaires s’impliquent toujours plus dans les affaires médiatiques et politiques, afin de soigner leur image et de maintenir leur domination politico-économique, c’est à ce titre tout le projet du Forum de Davos dont l’édition de 2024 débute aujourd’hui et rassemblera en Suisse de très nombreux milliardaires et politiciens. Oxfam mentionne ainsi dans son rapport les milliardaires français Bernard Arnault et Vincent Bolloré, propriétaires de nombreux médias français à grand tirage, qui ne leur servent qu’à véhiculer leurs propres idées, puisqu’ils sont, du point de vue strictement comptable, largement à perte. Dans la même lignée, on peut mentionner à l’international Elon Musk, première fortune mondiale, figure excentrique d’une extrême droite ultralibérale particulièrement décomplexée et propriétaire depuis 2022 du réseau social Twitter.
Face à cet énième rapport Oxfam, aux conclusions toujours plus effrayantes mais totalement banalisées, il convient de se demander comment enrayer la machine et comment faire de ce rapport le dernier. En 2005, le milliardaire Warren Buffet déclarait "la lutte des classes existe, c’est un fait, mais c’est ma classe, la bourgeoisie, qui mène cette guerre, et nous sommes en train de la gagner". En effet, ce que montrent les rapports Oxfam successifs, année après année, c’est justement la réalité crue et statistique de la lutte des classes dans notre société. Il n’incombe qu’à nous de nous mobiliser et de nous organiser politiquement pour inverser la tendance et enfin gagner cette lutte.
◾️ ◾️ ◾️
Résumé du rapport Oxfam
Depuis 2020, les cinq hommes les plus riches du monde ont doublé leur fortune tandis que, dans le même temps, la richesse cumulée de 5 milliards de personnes a baissé. C’est ce que révèle le nouveau rapport d’Oxfam sur les inégalités mondiales.
Si cette tendance se poursuit, nous pourrions voir dans près de 10 ans la fortune d’un multimilliardaire franchir pour la première fois le cap de 1000 milliards de dollars alors qu’il faudra encore 230 ans pour éradiquer la pauvreté.
Malgré les crises successives, les milliardaires prospèrent. Pourquoi ? Car ils achètent le pouvoir politique et économique.
Inégalités mondiales : les chiffres-clés
Monde
La fortune des 5 hommes les plus riches a grimpé de 114 % depuis 2020.
La fortune des milliardaires a augmenté de 3 300 milliards de dollars depuis 2020, à une vitesse 3 fois plus rapide que celle de l’inflation.
Les 1 % les plus riches possèdent 48 % de tous les actifs financiers mondiaux.
Les pays riches du Nord détiennent 69 % des richesses mondiales et accueillent 74 % des richesses des milliardaires alors qu’ils n’abritent que 21 % de la population mondiale.
Au rythme actuel, il faudrait plus de deux siècles pour mettre fin à la pauvreté, mais dans à peine 10 ans nous pourrions voir pour la première fois la fortune d’un multimilliardaire franchir le cap des 1 000 milliards de dollars. Avoir 1 000 milliards, c’est comme gagner plus d’un million d’euros par jour depuis la naissance de Jésus-Christ.
Sept des dix plus grandes entreprises mondiales sont dirigées par un·e milliardaire.
148 grandes entreprises ont réalisé 1800 milliards de dollars de bénéfices cumulés – soit 52 % de plus en moyenne sur les 3 dernières années – et distribué d’énormes dividendes à de riches actionnaires tandis que des centaines de millions de personnes ont été confrontées à des réductions de salaires réels.
France
Les quatre milliardaires français les plus riches et leurs familles – la famille Arnault, la famille Bettencourt Meyers, Gérard et Alain Wertheimer – ont vu leur fortune augmenter de 87 % depuis 2020. Dans le même temps, la richesse cumulée de 90% des Français a baissé.
Sur cette même période, les 42 milliardaires français ont gagné 230 milliards d’euros, autant que pour faire un chèque de 3 400 euros pour chaque Français-e.
Les 1 % les plus riches détiennent 36 % du patrimoine financier total en France alors que plus de 80% des Français ne déclarent posséder ni assurance-vie, ni actions directement.
11 des plus grandes entreprises françaises ont réalisé 101 milliards de dollars de bénéfices entre juin 2022 et juin 2023, soit une augmentation de 57% par rapport à la période 2018-2021.
L’héritière Françoise Bettencourt est devenue la première femme milliardaire à voir sa fortune atteindre les 100 milliards d’euros.
Grandes entreprises, médias : comment les milliardaires achètent le pouvoir
Depuis 2020, l’accroissement de la fortune des milliardaires et l’accumulation de profits des multinationales sont intrinsèquement liés.
À l’heure où l’élite économique se réunit à Davos, le rapport "Multinationales et inégalités multiples" révèle notamment que sept des dix plus grandes entreprises mondiales ont un·e PDG milliardaire ou un·e milliardaire comme actionnaire principal·e.
Les grandes entreprises ont un pouvoir démesuré et sont une machine à fabriquer des inégalités. Salaires qui augmentent moins que la rémunération des PDG, bénéfices majoritairement utilisés pour rémunérer les actionnaires, optimisation fiscale : les milliardaires veillent avant tout à ce que les multinationales contribuent à leur propre enrichissement, au détriment du reste de la population.
Ils utilisent par ailleurs leur richesse pour asseoir et conforter leur influence politique, en particulier via leur emprise sur les médias et leurs relations avec les hautes sphères de l’Etat.
En France aussi, les milliardaires s’enrichissent et la pauvreté s’intensifie
Les 4 milliardaires français les plus riches (Bernard Arnault et sa famille, Françoise Bettencourt Meyers et sa famille ainsi que Gérard Wertheimer et Alain Wertheimer) ont vu leur fortune augmenter de 87% depuis 2020.
Sur la même période, les 42 milliardaires français ont gagné 230 milliards d’euros, soit l’équivalent d’un chèque de 3 400 euros pour chaque Français·e. Alors que les Français et Françaises subissent l’inflation de plein fouet et sont confronté·e·s à une véritable crise du pouvoir d’achat, l’enrichissement continu des ultra-riches fracture la société.
Comme dans le reste du monde, l’omniprésence des milliardaires dans les mondes économique, politique et médiatique, est indéniable. En tête de proue : Bernard Arnault, à la tête de l’empire du luxe LVMH et de certains des plus grands médias français comme Les Échos ou Le Parisien, mais aussi le milliardaire Vincent Bolloré, qui fait des médias dont il est actionnaire principal une arme au service de l’extrême droite.
Les recommandations d’Oxfam
Oxfam appelle les États à réduire rapidement et radicalement le fossé entre les ultra-riches et le reste de la société grâce notamment aux mesures suivantes :
Augmenter les impôts sur les ultra-riches
Oxfam estime qu’un impôt sur la fortune pour les multimillionnaires et les milliardaires du monde entier pourrait rapporter 1 800 milliards de dollars par an.
Plus précisément, Oxfam France formule une série de recommandations fiscales qui permettraient de dégager 88 milliards d’euros par an, tout en préservant le pouvoir d’achat de 70% des Français, dont :
Un impôt sur la fortune climatique pour les multimillionnaires et les milliardaires : Il s’agit de taxer, d’une part, le niveau de patrimoine (la taille de la fortune), et d’autre part, la quantité de CO2 qu’il contient (son impact sur le climat).
Réguler les multinationales
Encadrer la part des bénéfices versés aux actionnaires
Conditionner les aides publiques aux entreprises aux investissements dans la transition
Imposer un écart de rémunération de 1 à 20 entre le salaire du dirigeant et le salaire médian de l’entreprise.
Rapport Oxfam France (13 pages)
◾️ ◾️ ◾️
2- ➤ Pour des grèves massives pendant les Jeux Olympiques
L’année écoulée a été marquée par une série de revers pour nous tous. La réforme des retraites a été adoptée sans que la mobilisation n’ait le moindre impact sur son contenu. Le mouvement de résistance dans les banlieues après la mort de Nahel Merzouk n’a pas entraîné de changement dans la politique ultra-violente de maintien de l’ordre social en France. Malgré une intense résistance, le projet de méga bassines à Sainte-Soline a été entériné par l’État. Enfin, l’année s’est clôturée par l’adoption d’une loi sur l’immigration qui condamne des milliers de travailleurs à la misère sur notre territoire. Dans ce marasme, un espoir peut surgir. Nous avons tous beaucoup appris de ces luttes collectives, qui ont fait suite à la résistance des Gilets jaunes. En 2024, en utilisant ces expériences, nous pouvons réussir à faire reculer le gouvernement dans son entreprise de destruction de nos vies. Et si les Jeux Olympiques organisés à Paris étaient une belle occasion pour cela ?
Par Guillaume Étievant, le 16 janvier 2024, Frustration
Illustrations Antoine Glorieux
Comme nous avons déjà eu l’occasion de l’écrire, et comme nous le mettons à nouveau en avant dans notre numéro papier qui sort en février, pour modifier la trajectoire imposée par tout pouvoir, pour s’émanciper de toute domination, le seul moyen est de créer un risque pour la force qui nous opprime, de lui faire craindre une diminution de ses privilèges, d’organiser une atteinte concrète à sa capacité de coercition. La naissance de ce risque est le préalable à toute discussion entre celui qui opprime et celui qui est opprimé. Si le premier n’a rien à perdre, il n’accordera rien. Le risque principal pour un pouvoir capitaliste, c’est le blocage de l’économie, c’est-à-dire l’arrêt de la production par la grève, et donc l’arrêt de la création de profits par les salariés pour les actionnaires, comme l’ont montré de nombreuses grèves ayant fait reculer le patronat et les gouvernements notamment en 1936, en 1948, en 1953, en 1968, en 1995… Plus récemment, c’est grâce aux grèves que, par exemple, les ouvriers raffineurs de TotalEnergies et les travailleuses de VertBaudet ont obtenu des hausses de salaires.
Ce risque qui pèse sur les dominants ne passe pas uniquement par la grève, comme les Gilets jaunes l’ont montré, avec une mobilisation spontanée très large, en dehors des cadres partisans, et allant au-delà des salariés. Le gouvernement a vraiment eu peur à cette période, et est donc revenu en arrière rapidement sur la hausse de la taxe sur les carburants qui était la première cause des débuts de cette mobilisation inédite. Certains témoignages des CRS le disent clairement, l’Élysée aurait pu être envahi lors de certaines journées de mobilisation. "J’ai vu dans les yeux de mes collègues la crainte qu’on ne puisse pas tenir notre position. Si on avait été attaqué là où j’étais, on n’aurait pas pu tenir : l’Élysée tombait", affirme notamment l’un d’entre eux à propos de la journée du 1er décembre, lors de laquelle, où il se situait, 3000 Gilets jaunes se sont mobilisés face à seulement trois CRS, ces derniers étant très peu nombreux car l’essentiel des forces policières avait été rapatrié à Paris. La journée du week-end suivant, le 8 décembre, ayant conscience du risque, 500 gardes républicains du premier régiment d’infanterie, ainsi qu’une centaine de policiers et de gendarmes ont été prévus pour protéger l’Élysée. Un hélicoptère était prêt à décoller pour exfiltrer Emmanuel Macron.
Pas de retrait des lois, pas de JO
La question aujourd’hui est : de quoi a peur le pouvoir ? Qu’est-ce qui peut le faire reculer ? Une réponse s’impose : le gouvernement craint que les Jeux Olympiques ne puissent pas se dérouler normalement, ce qui serait une humiliation pour lui. Il a d’ailleurs soutenu l’étalement dans le temps de l’ouverture à la concurrence des bus de la RATP pour cette raison. Initialement prévue en 2024, elle n’adviendra finalement concrètement qu’après les Jeux Olympiques pour éviter un conflit social pendant cette période. La lutte a d’ailleurs déjà commencé l’année dernière. Par exemple, avant l’une des manifestations contre la réforme des retraites en juin dernier, des agents de la RATP et des cheminots ont envahi le siège du comité d’organisation des Jeux olympiques à l’appel de la CGT RATP, en chantant notamment le slogan suivant : "Pas de retrait, pas de JO".
La vitesse avec laquelle la direction nationale de la CGT s’est quant à elle sentie obligée de donner des gages sur le fait qu’elle ne gênerait pas l’organisation des JO en dit long sur les craintes du pouvoir. "La CGT ne va pas s’amuser à gâcher la fête pour des millions de Françaises et de Français", a notamment affirmé la numéro 1 du syndicat, Sophie Binet. Certes, dans cette interview à France Info, elle n’écarte pas complètement l’idée qu’il y ait des grèves, en affirmant qu’elle ne "les empêchera pas" (encore heureux !), mais sans à aucun moment imaginer qu’elles puissent servir un rapport de force global dans le pays, au-delà des intérêts des salariés impliqués dans les JO. "ll n’y a pas de raison d’avoir des grèves sous prétexte qu’il y aurait les JO en France. Ils ne seront pas une cible en tant que telle", a indiqué carrément quant à lui Bernard Thibaut, ancien Secrétaire général de la CGT. Rappelons qu’il est aujourd’hui membre du comité d’organisation de Paris 2024, cela ne s’invente pas… Heureusement que les confédérations syndicales sont souvent dépassées par leur base : ces interventions médiatiques ne présagent pas de potentielles luttes futures.
Grèves, blocages, coupure d’électricité… la "fête" pourrait être gâchée
Les JO ne commenceront que fin juillet, de quoi avoir le temps de s’organiser. On sait que le temps d’organisation a été central dans les victoires du mouvement ouvrier de l’année dernière aux États-Unis. Bien sûr, en pleines vacances scolaires d’été, il ne faut pas s’attendre à de grandes manifestations en cette période. Une stratégie pourrait être de multiplier les mobilisations dans les mois qui précèdent les épreuves olympiques en mettant en avant le fait que sans l’acceptation par le gouvernement de certaines revendications, tout sera fait pour empêcher les JO de se dérouler correctement. Des actions du même type que pendant la réforme des retraites pourraient être organisées, en particulier des grèves dans les transports en commun, des blocages des autoroutes, des coupures d’électricité, etc. Au-delà des grèves, dans certains pays, des actions de boycott ou de refus de payer des tickets de transports pour voyager ont par le passé été organisées avec efficacité, notamment au Chili pendant le mouvement de 2019-2021. On peut penser aussi aux actions innovantes de Saul Alinsky (militant et sociologue américain, fondateur du community organizing) à Chicago dans les années 1960, comme le “shit-in”, c’est-à-dire le fait de bloquer les toilettes pour créer le chaos dans les aéroports.
Les revendications à mettre en avant pourraient être de deux ordres :
Des revendications s’opposant concrètement aux nombreux éléments anti-sociaux de l’organisation de ces Jeux olympiques : augmentation délirante du prix des tickets de métro et de RER, mesures liberticides limitant les déplacements des habitants, expulsion des SDF et des étudiants, etc. Les mobilisations pourraient également constituer un hommage aux ouvriers blessés sur les chantiers et notamment à Amara Dioumassy, ouvrier de 51 ans décédé en juin dernier sur le bassin d’Austerlitz à Paris, un chantier visant à rendre la Seine plus propre en vue des JO 2024.
Des revendications plus larges, utilisant ce rapport de force pour exiger en particulier l’abrogation de la réforme des retraites et l’abrogation de la loi immigration. Pour avoir une vaste adhésion et ne pas se perdre dans des querelles programmatiques, les revendications de pure abrogation de certaines lois apparaissent les plus efficaces. Arriver à faire reculer le gouvernement sur ses réformes les plus emblématiques serait un retournement de situation fondamental, qui redonnerait espoir à tous dans notre capacité collective à résister. C’est un premier pas indispensable pour envisager ensuite une véritable transformation sociale.
Si le gouvernement ne bouge pas, et que nous arrivons aux JO sans recul de sa part, alors il faudra envisager de "gâcher la fête". Cette soi-disant fête ne profite pas aux Français, qui dans leur très large majorité n’ont pas les moyens d’acheter des billets pour y assister. Dans les villes où il y a des épreuves, les prix de l’alimentation, des transports, etc. vont exploser. D’innombrables locataires se font déloger pour que leurs propriétaires puissent louer à prix d’or leur appartement pendant les épreuves sportives. Plus globalement, l’intérêt économique pour la France est très difficile à évaluer. Pour que ces JO nous servent vraiment à quelque chose, il faudra explorer la perspective d’empêcher leur bon déroulement. Si cet objectif est atteint, cela signifiera qu’un cran a été franchi dans le processus révolutionnaire. Si des milliers de Français sont prêts à cela, comme ils l’ont été pendant les Gilets jaunes, pendant la mobilisation contre la réforme des retraites, pendant les mobilisations pour Nahel et contre les violences policières, c’est qu’ils seront disponibles pour beaucoup d’autres actions. Un nouvel horizon pourra alors se dessiner.
📰 https://www.frustrationmagazine.fr/jo/
◾️ ◾️ ◾️
3- ➤ Le convertisseur de revenus en unités Bettencourt : pour comprendre la violence des riches
Par L'Indigné du canapé, le 9 octobre 2016
Les riches qui sont très riches et qui continuent à s’enrichir uniquement parce que le Capital est construit ainsi (sur l’accumulation de biens de propriété privée et le mythe de la croissance infinie) sont d’une violence inouïe. Bien plus violents que ceux qui s’énervent lors des manifs, que ceux qui arrachent une chemise ou qui séquestrent un dirigeant pendant quelques heures, toujours avec un maximum de respect, compte tenu de la violence extrême de ce système puissamment inégalitaire.
La violence de classe qui s’exerce sur les pauvres, elle, détruit de manière systémique et systématique, souvent à des échelles qu’on a du mal à mesurer : destructions écologiques, néo-colonialisme, destruction massive d’emplois, destruction de la notion même du bien commun, culte de la toute-puissance (et en miroir, celle de la soumission), et j’en passe.
Mais cette violence est minimisée, standardisée, oubliée même souvent, notamment par les médias mainstream dont les journalistes fréquentent souvent ces ultra-riches et les envient.
Lire aussi : Est-il encore permis d’informer sur les activités du groupe Bolloré ?
Il y a trois sortes de violence. La première, mère de toutes les autres, est la violence institutionnelle, celle qui légalise et perpétue les dominations, les oppressions et les exploitations, celle qui écrase et lamine des millions d’hommes dans ses rouages silencieux et bien huilés.
La seconde est la violence révolutionnaire, qui naît de la volonté d’abolir la première.
La troisième est la violence répressive, qui a pour objet d’étouffer la seconde en se faisant l’auxiliaire et la complice de la première violence, celle qui engendre toutes les autres.
Il n’y a pas de pire hypocrisie de n’appeler violence que la seconde, en feignant d’oublier la première, qui la fait naître, et la troisième qui la tue.
- Dom Helder
Comment représenter cette toute puissance économique d’une violence inimaginable ? Le site mataf.net a eu une idée bien originale : créer un convertisseur de revenus en unités Liliane Bettencourt, pour rendre compte avec force des inégalités de richesse criantes dans notre pays.
Prenons le salaire médian français, qui est d’environ 21 264 euros nets par an (soit 1 772 euros par mois), et testons le jeu. Voici le résultat que l’on nous donne :
"Une fois ses 75% d’impôts payés, Lilliane B. met 3 heure(s) pour gagner votre salaire annuel.
Pour vous, l’achat d’une baguette de pain à 1€ est équivalent, pour Liliane, à une dépense de 3 292 €. Malgré son imposition.
Soit 2 mois de votre salaire.Vous mettrez 3 292 année(s) pour atteindre le revenu annuel après impôts de Liliane, soit en l’an 5 304.
Ce qui correspond à votre arrière arrière arrière (118 fois) petit enfant.Pour avoir la même fortune aujourd’hui il aurait fallu commencer à économiser en 868 003 Avant JC (sans rien dépenser de votre salaire !)
Soit à l’époque de l’homo érectus et de la pierre taillée.Depuis que vous avez commencé à lire cette page Liliane B. a gagné, une fois ses impôts déduits, 892, 31 €.
et vous avez gagné 0, 07 € auxquels il faut probablement déduire encore des impôts (en 101 secondes)."
Sources :
[Wikipedia] 280 millions d’euros de dividendes en 2009
[Wikipedia] Fortune estimée à 24 Milliards de dollars en 2012
La voilà, la violence. Elle est dans le fait de vivre dans une société archaïque qui autorise et même encourage ces inégalités croissantes, injustifiables et inhumaines. Aucune différence d’intelligence, d’esprit d’entreprise, de prise de risque, rien ne justifie une telle différence économique entre deux individus.
Rappelons qu’en France, dans un pays qui produit énormément de richesses (bien plus que les taux de chômage et les chiffres de la dette ne le laissent supposer), des millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté fixé entre 840 et 1008 euros pour une personne seule. En 2012 dans l’Hexagone, on compte entre 5 et 8,7 millions de pauvres selon le seuil de pauvreté choisi, soit environ une personne sur 7.
Vous imaginez : Plus de 8 millions de personnes gagnent moins de 1000 euros par mois, certains en travaillant. Et pendant ce temps, certaines personnes gagnent de l’argent en dormant, simplement parce qu’elles ont déjà beaucoup beaucoup (trop) d’argent et que dans ce monde, l’argent fait de l’argent. Vous vous rendez compte qu’il faudra 118 générations à une personne qui gagne moins de 1800 euros pour atteindre la fortune (après impôts) de Liliane Bettencourt ? C’est ça, le progrès ?
Même sans aller jusqu’à cet extrême d’écart de niveau de vie, il est urgent d’instaurer un salaire maximal, comme il existe un salaire minimal. Il est urgent de conscientiser les ultra-riches des dommages qu’ils occasionnent à la société. Il est urgent de protéger les plus modestes, et par un salaire plus conséquent qu’un salaire de survie (à peine supérieur au seuil de pauvreté) et par une politique qui interdise à certains de profiter d’eux en capitalisant de manière éhontée.
La lutte de classe existe. Et c’est la classe des riches qui la mène et qui la gagne. Réveillons-nous !
Lire aussi : Redevenons solidaires contre les riches, nous, les "Salauds d’pauvres" !
Vous pouvez aussi suivre les réflexions de L’Indigné du Canapé sur Facebook et Twitter !
source : mataf, Le Monde, Mediapart, les ouvrages des époux Pinçon-Charlot
◾️ ◾️ ◾️
Et en BD, …
4- ➤ Et si la gauche arrêtait de perdre ?
Le contexte politique français et mondial a quelque chose de profondément désespérant. Et si le recul des idées progressistes n'était pas une fatalité ? S'il était possible de repenser nos stratégies pour véritablement reconquérir le pouvoir ? C'est le pari que faisait Geoffroy de Lagasnerie en 2020 dans un vivifiant petit ouvrage publié chez Fayard, que je reprend ici en bande dessinée.
Par Louise Plantin, illustratrice & militante, le janvier 2024, Blog Mediapart
📰 https://blogs.mediapart.fr/1489194/blog/150124/et-si-la-gauche-arretait-de-perdre
◾️ ◾️ ◾️