❖ Le Hamas affirme qu'il ne signera pas d'accord de "reddition"
Si les médiateurs travaillent d'arrache-pied pour parvenir à un accord raisonnable, tous leurs efforts se heurtent à l'obstination d'Israël & aux garanties américaines vides de sens qui ne valent rien

Alors que la guerre d'usure s'intensifie, le Hamas affirme qu'il ne signera pas d'accord de "reddition"
Trump a de nouveau affirmé qu'un accord sur Gaza pourrait être imminent, tandis que Netanyahou poursuit sa campagne de sabotage.
Par Jeremy Scahill, le 14 juillet 2025, Drop Site News
Depuis l'annonce par Donald Trump, le 1er juillet, d'un accord de cessez-le-feu probable, voire imminent, pour la bande de Gaza, Israël s'efforce de saboter les négociations en recourant à des méthodes bien rodées afin de bloquer un accord qui mettrait fin à la guerre. Depuis près de deux semaines, une délégation de haut niveau du Hamas et du Jihad islamique palestinien (PIJ) rencontre à Doha des médiateurs régionaux qataris et égyptiens afin de parvenir à un accord qui lève le blocus meurtrier d'Israël, rétablisse le système de distribution de l'aide sous l'égide des Nations unies, retire les forces d'occupation israéliennes et voit le Hamas renoncer officiellement à gouverner la bande de Gaza en échange d'une fin du génocide garantie par les États-Unis.
Immédiatement après que Trump a annoncé ce qu'il a appelé la "proposition finale" pour un accord sur Gaza, le Premier ministre Benjamin Netanyahou a sapé le processus de négociation, annonçant à plusieurs reprises - en public - son intention de poursuivre la guerre après avoir obtenu la libération de dix captifs israéliens vivants dans le cadre d'une trêve temporaire de 60 jours et d'aller de l'avant dans sa campagne de nettoyage ethnique pour forcer les Palestiniens survivants à quitter la bande de Gaza.
"Après la pause, nous transférerons la population de la bande de Gaza vers le sud et nous imposerons un siège [au reste de Gaza]", a récemment déclaré Netanyahou au ministre d'extrême droite Bezalel Smotrich, selon la chaîne de télévision israélienne Channel 12.
Lundi, dans le bureau ovale, Trump a donné son avis sur la situation.
"La bande de Gaza. Je l'appelle la bande de Gaza. C'est l'une des pires opérations immobilières jamais réalisées. Ils ont renoncé à la propriété en bord de mer", a-t-il déclaré. "Il était censé apporter la paix, et il ne l'a pas apportée. C'est le contraire qui s'est produit. Mais nous nous en sortons plutôt bien à Gaza".
Ajoutant,
"Je pense que nous pourrions avoir quelque chose à nous mettre sous la dent assez rapidement".
Lundi, Israël aurait présenté aux médiateurs de nouvelles "cartes" concernant les redéploiements de troupes proposés dans le cadre d'un accord de cessez-le-feu temporaire. Netanyahou a été catégorique sur sa volonté de maintenir un grand nombre de forces israéliennes à l'intérieur de Gaza, en particulier le long de la frontière avec l'Égypte. Au cours de la semaine écoulée, Israël a subi des pressions de la part de Washington pour réduire la portée de l'opération afin de parvenir à un accord. Le Hamas n'a pas encore réagi.
Alors que le processus s'éternise et qu'Israël poursuit ses attaques de terre brûlée, les combattants de la résistance palestinienne ont intensifié leurs opérations visant les forces d'occupation israéliennes. Les combattants des brigades Qassam, la branche armée du Hamas, et ceux de la Saraya Al Quds du Jihad islamique ont mené une série d'embuscades complexes au cours des deux dernières semaines, faisant des victimes parmi les soldats israéliens et détruisant des véhicules blindés et d'autres équipements. Cinq divisions militaires israéliennes sont actuellement déployées à l'intérieur de la bande de Gaza, ce qui représente des dizaines de milliers de soldats.
Les forces de la résistance palestinienne ont récemment révélé avoir découvert une série de dispositifs d'espionnage israéliens, dont certains auraient été placés avant l'entrée en vigueur de l'accord de cessez-le-feu de janvier. Une évaluation diffusée en interne parmi les groupes de résistance palestiniens et partagée avec Drop Site affirme que les combattants ont mis hors service de nombreux dispositifs de surveillance et, dans certains cas, les ont reprogrammés pour s'en servir dans le cadre d'opérations visant les forces israéliennes. Les médias israéliens ont noté une augmentation significative des attaques de la résistance palestinienne contre les forces d'occupation.
"La résistance a éliminé ces méthodes d'espionnage terrifiantes, les a vidées de leur contenu et les a même utilisées dans certains endroits à son propre avantage", indique l'évaluation.
Les négociateurs palestiniens comprennent que si Trump ne contraint pas Israël à signer un accord qui reconnaisse les "lignes rouges" posées par Hamas, l'alternative sera la poursuite d'une guerre d'usure. Un haut responsable du Hamas a déclaré à Drop Site qu'en l'absence d'accord, l'intensification de l'insurrection armée contre les forces israéliennes à Gaza serait "le seul moyen efficace de faire face à tous leurs plans".
"Netanyahou est un maître dans l'art de faire échouer un cycle de négociations après l'autre et ne veut parvenir à aucun accord", a souligné le Hamas dans un communiqué lundi. "Plus la guerre se poursuit, plus l'armée d'occupation s'enfonce dans les sables mouvants de Gaza et devient plus vulnérable aux frappes qualitatives de la résistance".
Les pourparlers de proximité, c'est-à-dire les négociations indirectes menées par les médiateurs régionaux entre Israël et le Hamas, ont débuté le 6 juillet et, depuis lors, Israël a encore intensifié ses attaques meurtrières contre les Palestiniens de Gaza. Chaque jour, des enfants sont démembrés, brûlés vifs ou écrasés sous les décombres. Des Palestiniens affamés sont abattus alors qu'ils viennent chercher de maigres rations alimentaires sur les sites gérés par la soi-disant Fondation humanitaire de Gaza, tandis que l'armée israélienne annonce de nouveaux ordres, presque quotidiens, de déplacement forcé, entassant les Palestiniens sur une parcelle de terre toujours plus réduite, face à la mer Méditerranée, sur la côte occidentale de Gaza.
Samedi, Israël a annoncé que les Palestiniens n'étaient plus autorisés à mettre les pieds dans la mer, malgré les températures caniculaires de l'été.
"Tout accès à la mer est interdit", a posté le porte-parole en langue arabe de l'armée israélienne sur Twitter/X. "Les forces de défense réagiront à toute violation de ces restrictions".
Des sources au sein de l'équipe de négociation palestinienne ont indiqué à Drop Site que la délégation israélienne semblait avoir été envoyée à Doha par Netanyahou avec pour mission d'exiger une capitulation totale du Hamas, y compris une démilitarisation complète de la bande de Gaza, et l'exil de ses dirigeants. Aucun de ces termes ne figure dans la proposition approuvée par Trump.
Basem Naim, un haut responsable du Hamas, a déclaré à Drop Site qu'il pensait que Netanyahou feignait publiquement la possibilité d'un accord afin de gagner du temps et ensuite blâmer le Hamas pour son échec, de manière à ce pouvoir aller de l'avant avec la guerre d'anéantissement israélienne dans la bande de Gaza.
"Les négociations sont dans l'impasse malgré toute la bonne volonté et la flexibilité dont a fait preuve le mouvement pour faire aboutir ce cycle de négociations. La raison en est l'insistance du gouvernement de Netanyahou à imposer [des conditions] sur le terrain dans la bande de Gaza qui conduiraient à la conservation du contrôle total de la bande par l'armée d'occupation. Cela inclut leur insistance à maintenir le mécanisme d'aide actuel, les "pièges mortels", et à ne pas se retirer de la bande de Gaza, à maintenir de vastes zones, y compris tout Rafah, sous le contrôle de l'armée d'occupation dans le cadre d'un plan israélien visant à préparer le déplacement de la population. En plus de tout cela, Netanyahou a annoncé dans la presse que la guerre reprendrait au bout de 60 jours", a déclaré Naim.
Ajoutant,
"Une telle offre ne sera pas acceptable pour nous, et le mouvement insiste pour un accord qui conduise à la cessation du conflit, au retrait des forces hostiles et à l'autorisation de l'entrée de l'aide conformément à l'accord de janvier 2025".
Néanmoins, au cours du week-end, Trump a réaffirmé sa conviction qu'un accord était en vue.
"Nous discutons et espérons que nous pourrons régler cette question au cours de la semaine prochaine", a-t-il déclaré dimanche après avoir rencontré de hauts responsables qataris lors d'un match de football dans le New Jersey.
Trump a été rejoint par l'envoyé spécial Steve Witkoff, qui a déclaré être "optimiste"quant à la conclusion d'un accord. Dans une interview diffusée samedi soir, Netanyahou a déclaré à FOX News :
"Nous y travaillons, mais je pense que nous finirons par atteindre tous nos objectifs, parvenir à la libération, au retour en toute sécurité de nos otages, tous et à la destruction du Hamas".

"Des options limitées"
Les responsables du Hamas ont déclaré à plusieurs reprises aux États-Unis et aux médiateurs régionaux qu'ils accepteraient un accord global comprenant la libération immédiate de tous les prisonniers israéliens détenus à Gaza, en échange de la fin des hostilités, de la levée du blocus et du retrait des Israéliens de la bande de Gaza. Connu sous le nom de résolution "tout pour tous" (échange total), le plan comprendrait également la libération d'un grand nombre de Palestiniens détenus par Israël et une trêve à long terme, connue en arabe sous le nom de hudna (ou houda). Israël a rejeté toutes ces offres.
L'équipe de négociation dirigée par le Hamas a reconnu subir une pression croissante de la part des Palestiniens de Gaza pour obtenir un accord, même temporaire, en raison des conditions insoutenables et des massacres de masse imposés à l'enclave. Mais, de l'avis des négociateurs, capituler devant les exigences de Netanyahou, reviendrait à renoncer à l'existence de Gaza en tant que territoire palestinien. Sans une intervention de Trump, les Palestiniens n'ont d'autre choix que de poursuivre la résistance.
"Tout le monde sait que les options sont limitées. L'unique proposition qui nous est faite est la capitulation, comme si Israël était en train de gagner", a déclaré Mohammed Al-Hindi, secrétaire général adjoint du Jihad islamique palestinien, lors d'une interview accordée à Al Jazeera Arabic samedi. "Même les médias américains et occidentaux le disent : c'est devenu une guerre d'usure. Mais nous n'avons rien d'autre que notre courage. Nous fabriquons nos propres armes. Nous n'avons pas les ressources dont Israël dispose et bénéficie. Mais notre courage et notre foi viennent compenser ce manque sur le champ de bataille. La guerre d'usure nous est favorable. Le temps joue en notre faveur, et non en faveur d'Israël. Israël ceinture Gaza, mais il ne peut pas avancer. Il veut redessiner la carte des frontières, mais il n'y parvient pas. S'il poursuit ses opérations, il sera confronté à encore plus d'attrition par notre résistance".
Le 4 juillet, le Hamas a soumis des propositions d'amendements au cadre approuvé par Trump. Ces dernières concrétisent une série de concessions de la part du mouvement, notamment la libération de huit prisonniers israéliens le premier jour d'une trêve initiale de 60 jours. Les deux autres seraient libérés le 50ème jour et les corps des 18 Israéliens décédés retenus à Gaza seraient restitués par étapes sur une période de deux mois. Le Hamas avait initialement souhaité l'échelonnement de ces échanges afin d'empêcher Netanyahou de reprendre sa guerre au bout d'une semaine.
Parmi les amendements proposés par le Hamas figurent des dispositions qui permettraient à l'ONU de reprendre le contrôle de la distribution de l'aide, conformément à l'accord de cessez-le-feu initial de janvier, qu'Israël a unilatéralement violé en mars pour poursuivre son assaut génocidaire sur Gaza. Le Hamas a également proposé d'autoriser l'entrée à Gaza du matériel nécessaire à la "remise en état des infrastructures (eau, électricité et assainissement), des hôpitaux et des boulangeries", ainsi que du matériel permettant de déblayer les décombres et de réparer les routes.
Le Hamas veut également une formulation plus ferme de la garantie donnée par Trump afin de garantir le cessez-le-feu de 60 jours et l'acheminement de l'aide jusqu'à ce qu'un accord de cessez-le-feu permanent puisse être conclu.
Parmi les questions les plus controversées, le Hamas a proposé le retrait des troupes israéliennes sur les positions définies dans les cartes négociées dans le cadre de l'accord de janvier. Le texte original de l'accord-cadre soutenu par Trump restait vague et suggérait la négociation de nouvelles cartes. Le Hamas a également inclus une clause prévoyant la réouverture du point de passage de Rafah, à la frontière égyptienne, dans les deux sens, pour "les voyageurs, les malades, les blessés et le commerce". Netanyahou a insisté sur le fait que les forces israéliennes ne se retireraient pas du corridor de Philadelphie le long de la frontière égyptienne - la seule possibilité de sortie pour les habitants de Gaza vers le monde extérieur - et qu'elles maintiendraient un contrôle total sur l'ensemble de la bande de Gaza.
La semaine dernière, le journaliste israélien Barak Ravid a rapporté dans Axios que l'administration Trump était consciente que le Hamas n'accepterait pas un plan israélien visant à établir ce qui équivaudrait à un camp de concentration dans le sud de la bande de Gaza, avec des forces militaires israéliennes à grande échelle restant indéfiniment dans la bande de Gaza. Le chef de l'armée israélienne a déclaré que ses forces s'empareraient d'une grande partie du sud de la bande de Gaza pour établir ce qu'il a cyniquement appelé une "ville humanitaire" où 600 000 Palestiniens seraient parqués et alimentés avant d'être déportés vers d'autres pays.
Witkoff et un haut responsable qatari, rapporte Ravid, "ont clairement fait comprendre à [Ron] Dermer, principal négociateur de Netanyahou, que la carte proposée par Israël - qui implique un redéploiement beaucoup plus étroit que celui effectué par l'armée israélienne au cours du précédent cessez-le-feu - était vouée à l'échec (ndr : lire inacceptable)".
Netanyahou s'est alors empressé, dans un effort apparent pour apaiser les États-Unis, de proposer un faux "compromis" qui maintiendrait en réalité les mêmes conditions. Un responsable du Hamas a déclaré à Drop Site que mercredi soir, Israël a exigé la création d'une zone tampon contrôlée par Israël, encerclant Gaza, qui s'étendrait sur deux kilomètres à l'intérieur de Gaza au nord et à l'est de l'enclave, ainsi que sur une zone de quatre kilomètres traversant le sud de la bande de Gaza. Cette proposition, si elle est mise en œuvre, signifierait qu'Israël occuperait environ 40 % de la bande de Gaza.
Lundi, les médias hébreux ont rapporté qu'Israël soumettait une autre proposition avec de "nouvelles" cartes réduisant encore l'empreinte proposée pour les troupes israéliennes dans le sud, mais les laissant fermement retranchées à Rafah ainsi que dans un cordon militaire autour de l'ensemble de la bande de Gaza.
"Les Américains sont venus et ont repris la voie des négociations à Washington. Ils négocient avec Israël. Puis ils nous apportent le résultat et nous disent : "Signez ça, rendez-vous". Les médiateurs travaillent d'arrache-pied pour parvenir à un accord raisonnable, mais tous leurs efforts se heurtent à l'obstination d'Israël. S'ils voulaient vraiment conclure un cessez-le-feu, ils offriraient de véritables garanties. Mais même les garanties américaines sont vides de sens et ne valent rien. La dernière fois, les otages ont été libérés et Israël a immédiatement repris les massacres. Ils ne veulent pas mettre fin à la guerre. Ils veulent la maîtriser", a déclaré Al-Hindi sur Al Jazeera.
Jeremy Scahill est journaliste à Drop Site News, auteur des livres Blackwater et Dirty Wars. A fait des reportages en Irak, en Afghanistan, en Somalie, au Yémen entre autres.
Le chargé de recherche sur le Moyen-Orient de Drop Site News, Jawa Ahmad, a contribué à ce rapport.
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