♟ La France aussi a son prisonnier politique
Georges Abdallah, bien que libérable depuis 1/4 de siècle, est emmuré depuis 40 ans dans les geôles de l'Histoire et des raisons d'État françaises. Il est citoyen d'honneur dans 2 communes françaises.
Le capitalisme n’est plus que barbarie, honneur à tous ceux et celles qui s’y opposent dans la diversité de leurs expressions !
Ensemble Camarades, et ce n’est qu’ensemble que nous vaincrons !
- Georges Ibrahim Abdallah
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Alors que la presse applaudit le verdict de perpétuité (1987), Claude Cabanes, dans l'Humanité en fait une lecture bien différente :
"Washington a gagné, sous les applaudissements de Tel-Aviv (...). Le procès Abdallah a été de bout en bout piloté pour et par une puissance étrangère".
Le ministre de la police de l'époque, Robert Pandraud, confiera huit ans plus tard :
"Nous savions que pour des Français, qui pensaient avoir reconnu des frères Abdallah sur les lieux des attentats, tous les barbus proche-orientaux se ressemblent. Nos contacts, notamment algériens, nous assurent que le clan Abdallah n’est pour rien dans ces attentats [de 1986, ndlr], mais ne nous en apportent pas la preuve. Je me suis dit qu’au fond mettre en avant la piste Abdallah ne ferait pas de mal, même si ça ne faisait pas de bien. En réalité, nous n’avions alors aucune piste"
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SOMMAIRE :
1 - Georges Abdallah, emmuré depuis 35 ans dans les geôles de l'Histoire et des raisons d'État françaises (2013) - Pascal Priestley
2 - Georges Abdallah, un résistant communiste emprisonné depuis 40 ans qui révèle l’hypocrisie de Macron - Arsène Justo
3 - Déclaration de Georges Abdallah lue à Marseille le 25 février 2024 - Georges Ibrahim Abdallah
4 - Déclaration de Georges Abdallah, à l'occasion de la Journée du prisonnier palestinien à Paris, le 17 avril 2017 - Relayé par le collectif pour la libération de Georges Ibrahim Abdallah
5 - Le plus vieux prisonnier politique français : L'histoire de Georges Ibrahim Abdallah - Blast, vidéo
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1- ➤ Georges Abdallah, emmuré depuis 35 ans dans les geôles de l'Histoire et des raisons d'État françaises
Libérable depuis 20 ans mais objet d'un acharnement judiciaire sous pressions étrangères sans équivalent, il est devenu – même si ce statut lui est refusé – l'un des plus anciens prisonniers politiques du monde.
Dirigeant d'une organisation libanaise marxiste, il avait été condamné en 1987 à la détention perpétuelle pour complicité dans l'assassinat à Paris de deux diplomates, américain et israélien, payant largement pour d'autres attentats qui n'étaient pas les siens. Récit d'un parcours hanté par l'histoire.
Par Pascal Priestley, le 24 octobre 2013, TV5 Monde
Il est devenu l'un des plus anciens prisonniers politiques du monde, laissant loin derrière lui le triste record de Nelson Mandela ou celui des militants de la Fraction Armée Rouge allemande. Aucun nazi condamné n'a été détenu aussi longtemps sinon Rudolf Hess, le dauphin de Hitler. Les actes qui fondent sa détention relèvent d'une guerre internationale quasi centenaire.
Aujourd'hui emmuré dans une cellule de Lannemezan (sud de la France), Georges Abdallah fut un spectre des années 80. Trente-six ans ans après son arrestation, son nom reste associé à juste titre à plusieurs meurtres perpétrés en Europe en pleine guerre du Liban mais aussi, par confusion médiatique, à une vague d'attentats aveugles qui lui est certainement étrangère tant son propre combat était ciblé. Sa trajectoire reflète les drames d'une époque.
Dans la guerre
Issu d'une famille chrétienne maronite, Georges Ibrahim Abdallah naît en 1951 à Koubeyat, un gros village du nord du Liban. C'est là qu'il grandit, au sein d'une fratrie de 9 enfants, sous la forte autorité d'un père militaire. Devenu professeur de collège, il est muté à Beyrouth où, à contre-courant de sa culture familiale, il sympathise avec les milieux pro-palestiniens et nationalistes arabes, à l'époque plus imprégnés de marxisme que d'islamisme. Après le début de la guerre du Liban, il rejoint le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) puis une petite organisation qu'il a sans doute contribué à faire naître : les Fractions armées révolutionnaires libanaises (FARL).
Composée surtout de militants originaires de ... Koubeyat, celles-ci cherchent, après l'invasion du Liban par Israël (20 000 morts combattants et civils), à porter en Europe la guerre subie au Proche-Orient. Plusieurs actions meurtrières leur sont attribuées au début des années 80 dont, en 1982, les assassinats à Paris du Lieutenant-Colonel Charles Ray (attaché militaire adjoint de l'ambassade des États-Unis en France) et Yacov Barsimentov (deuxième conseiller à l'ambassade d'Israël) ainsi que, en 1984, celui à Rome de l'amiral américain Leamon Hunt.
Georges Ibrahim Abdallah est arrêté à Lyon en octobre 1984 par hasard. Résidant alors en Suisse, il venait y récupérer la caution d'un appartement de location. Les policiers, le découvrent porteur d'un "vrai-faux" passeport algérien et l’arrêtent. Avec l'aide de différents services secrets amis (algériens mais aussi israéliens), ils éventent sa véritable identité .
Ennemi public
S'il est reconnu comme membre important des FARL (qu'on croit en lien avec Action directe), son implication personnelle dans leurs attentats n'est cependant alors aucunement établie et les charges se limitent à l'usage de faux papiers. Au Liban, les FARL réagissent, exigent la libération de leur chef et, pour mieux se faire entendre, enlèvent le 23 mars 1985 à Tripoli (Nord-Liban) un diplomate français, Sidney Gilles Peyroles, qui se trouve être le fils de l'écrivain Gilles Perrault.
Patron de la DST (contre espionnage français), Yves Bonnet négocie immédiatement via l'Algérie le principe d'un échange. Les FARL l'acceptent et tiennent parole : le diplomate est libéré après treize jours. Il n'en sera pas de même de Georges Abdallah. Dans un appartement dont il paye le loyer, les policiers découvrent à ce moment précis des explosifs et des armes, dont le pistolet qui semble avoir servi à tuer trois ans plus tôt les diplomates Charles Ray et Yacov Bartimentov. Le Libanais est inculpé de complicité dans leur assassinat.
Après une première condamnation (quatre ans de prison) en juillet 1986 pour les délits "véniels" (détention d'armes et faux papiers) son véritable procès s'ouvre le 23 février 1987 devant une cour spéciale. L’atmosphère y est très tendue. Représentés par leur ambassadeur, les États-Unis se sont portés partie civile. En France, surtout, l'année qui précède (décembre 1985, mars et septembre 1986) a été marquée par une vague d'attentats sanglants (treize morts et des centaines de blessés).
Ils ne peuvent aucunement être imputés à Georges Ibrahim Abdallah, en prison depuis deux ans ; un "Comité de soutien avec les prisonniers politiques arabes du Proche-Orient" (CSPPA), pro-iranien, les revendique au demeurant.
Officiellement, c'est bien le complice des seuls meurtres de Charles Ray et Yacov Bartimentov – agents ennemis dans sa guerre - que l'on juge. Pourtant la confusion, entretenue tant par les autorités que par la presse s'est installée, avec la peur autour de celui qu'on désigne comme l'ennemi public numéro un : ("Il a fait trembler les Français", titre ainsi, dans son registre sensationnaliste, le Nouvel Observateur avant le procès). Si Abdallah n'a pu commettre les attentats de 1986, ne peut-il en être, même derrière des barreaux, l'ordonnateur ? Et ses frères, autres visages inquiétants dont les portraits sont diffusés sur les murs, les exécuteurs ?
Barbus
Evénement perturbateur, une surprise vient de l'accusation. Suggérant une menace de représailles, l'avocat général ne requiert que dix années de prison ("Je crois, dans l'intérêt de tous, pouvoir vous demander, vous conjurer, vous supplier de ne pas prononcer à l'encontre de l'accusé une peine de réclusion criminelle supérieure à dix ans".). Fait exceptionnel, la Cour ne le suit pas et prononce la peine maximale : perpétuité. La condamnation est présentée comme un acte de courage à l'égard du terrorisme, approuvée par 78 % des Français dans un sondage CSA de circonstance. Sous la plume de son éditorialiste Claude Cabanes, le quotidien communiste l'Humanité en fait une autre lecture : "Washington a gagné, sous les applaudissements de Tel-Aviv (...). Le procès Abdallah a été de bout en bout piloté pour et par une puissance étrangère".
Il est aussi un coup de politique intérieure. Le ministre de la police de l'époque, Robert Pandraud, confiera huit ans plus tard : "Nous savions que pour des Français, qui pensaient avoir reconnu des frères Abdallah sur les lieux des attentats, tous les barbus proche-orientaux se ressemblent. Nos contacts, notamment algériens, nous assurent que le clan Abdallah n’est pour rien dans ces attentats [de 1986, ndlr], mais ne nous en apportent pas la preuve. Je me suis dit qu’au fond mettre en avant la piste Abdallah ne ferait pas de mal, même si ça ne faisait pas de bien. En réalité, nous n’avions alors aucune piste".
L'auteur véritable de la vague meurtrière de 1986 est du reste arrêté quelques mois plus tard. Il se nomme Fouad Ali Saleh. D'origine tunisienne, il apparaît affidé au pouvoir iranien qui entend faire payer à la France son soutien à l'Irak de Saddam Hussein alors en guerre avec l'Iran. Son réseau semble assez proche du Hezbollah libanais (et peut-être plus, quoique ce dernier s'en soit toujours défendu), très islamiste chiite, sans lien avec les FARL d'Abdallah, marxistes et de composition chrétienne.
Trop tard pour ce dernier, dont le sort est scellé. Abdallah - après tout au moins complice des meurtres de diplomates - a rempli son rôle exutoire. A la fin des années 80, les guerres Iran-Irak comme celle du Liban s'achèvent, recouvertes par le tumulte de l'effondrement soviétique puis par les conflits du Golfe. Les échos et la nature du terrorisme eux-même se déplacent. Emprisonné à Lannemezan Georges Ibrahim Abdallah, à qui est refusé le statut de prisonnier politique, est entré dans l'oubli officiel.
Acharnements
À partir de 1999, les règles françaises le rendent pourtant libérable sous condition : aucune peine de sûreté n'a été prononcée contre lui et – en dépit de son refus de se repentir - sa conduite en prison est considérée comme "exemplaire". Neuf demandes, depuis cette date, ont été déposées en ce sens. En 2003, la libération conditionnelle lui est d'abord accordée puis refusée sur appel d'un parquet sensible, de toute évidence, à la pression extérieure. Les démarches suivantes connaîtront toutes le même sort. "C'est le gouvernement des États-Unis qui oppose un véto intolérable à sa libération" affirmait son avocat Jacques Vergès (le Monde diplomatique, mai 2012), ce que confirme son nouvel avocat Jean-Louis Chalenset.
Analyse partagée par Gilles Perrault "Ce sont les pressions américaines et israéliennes qui expliquent son maintien en détention. C'est symbolique : on ne tue pas un diplomate américain impunément. C'est un exemple, et c'est un acharnement". Père du ... diplomate Sidney Peyroles enlevé au Liban en 1985 par les FARL, l’écrivain français est aujourd'hui l'un des défenseurs paradoxaux de la libération d'Abdallah : "il est temps de tourner la page".
Il en est d'autres, également inattendus, dont Yves Bonnet lui même. Retraité, l'ancien chef de la DST sort de son silence : "il faut se souvenir du contexte, des massacres de Sabra et Chatilah dont les coupables n'ont jamais été punis, déclare t-il en 2012 dans un entretien avec la Dépêche (voir encadré en bas de page). (...) J'aimerais rappeler aussi qu'on a remis en liberté l'assassin de Chapour Baktiar, qui lui, sur ordre de l'Iran, avait décapité l'ancien Premier ministre au couteau et lui avait coupé les mains. Ce type-là, qui a commis un crime atroce, a été libéré moins de 20 ans après les faits. Georges Ibrahim Abdallah, lui, est plus mal traité qu'un serial killer alors qu'il a commis des actes politiques". Quelques jours plus tôt, l'ex-policier avait évoqué sur France 24 une issue possible "Cette injustice a assez duré (…) Plus rien ne justifie son incarcération. Qu'on le mette dans un avion et qu'on le renvoie chez lui, au Liban, où les autorités sont disposées à l'accueillir".
Décisions politiques
En février 2012, le Premier ministre libanais Najib Mikati en visite à Paris demande en effet aux autorités française la libération de ce compatriote qualifié de "prisonnier politique". Le 21 novembre 2012, nouvelle décision de remise en liberté du Tribunal d'application des peines. Nouvel appel du parquet, cette fois rejeté. Nous sommes en janvier 2013 et tout semble réglé. Il ne reste plus aux autorités qu'à appliquer la décision en l'assortissant d'un arrêté d'expulsion vers le Liban pour éviter toute autre mesure sur le sol français. L'intéressé lui-même a fait connaitre son désir de retourner à Koubeyat pour y exercer son métier d'enseignant. La presse libanaise annonce son retour pour le 15 janvier.
C'est compter sans le mécontentement du département d’État américain : "Nous avons des inquiétudes légitimes quant au danger qu'un Mr Abdallah libre représenterait pour la communauté internationale", s'émeut alors sa porte-parole. Compréhensif pour la terrible menace que pourrait réveiller le vieil homme oublié, le ministère français de l'intérieur fait attendre tandis qu'un ultime pourvoi en cassation du Parquet suit son cours.
Avec succès : le 4 avril 2013, la Cour de Cassation déclare la demande de libération conditionnelle "irrecevable" au motif trouvé que le demandeur ne peut se voir "accorder une libération conditionnelle sans avoir été obligatoirement préalablement soumis, à titre probatoire, à une mesure de semi-liberté ou de placement sous surveillance électronique pendant une période d'un an au moins".
Après cet échec, Georges Abdallah refuse de renouveler ses demandes de mise en liberté, qu'il constate vouées à l'échec et juge humiliantes. Ses soutiens se réunissent chaque années devant sa prison à la date anniversaire de son incarcération. Seuls quelques proches dotés du droit de "parloir" sont autorisés à lui rendre fidèlement visite. Par eux, il communique avec l'extérieur, poursuivant par lettres et communiqués son combat inlassable, avec son langage des années 80 que beaucoup jugeront désuet, qui trouve pourtant un étrange écho en ce mois d'octobre 2019 du côté de son Liban natal.
Des soutiens très variés
Malgré 35 années dans les prisons françaises, George Ibrahim Abdallah n'est pas oublié de tous. Demeuré une figure au Liban et au sein de différents mouvements palestiniens, il est également soutenu en France par des collectifs épars mais fidèles, adhérant ou non à ce qui fut sa cause.
En région parisienne, à Toulouse, Bordeaux, Nantes, Limoge, dans le Nord, divers comités de soutien réclament inlassablement sa libération, de même que certains partis politiques, du NPA (Nouveau parti anticapitaliste) à la France Insoumise ou Parti communiste français, pourtant fort éloignés de ses méthodes de combat présumées. Deux communes françaises au moins (communistes) en ont fait leur citoyen d'honneur.
Des personnalités aussi diverses que Gilles Perrault, le Préfet Bonnet, des journalistes, des parlementaires militent régulièrement pour sa libération, de même que la Ligue des droits de l'Homme.
Un rassemblement est organisé chaque année à Lannemezan - où il se trouve incarcéré - autour de la date anniversaire de son incarcération. La dernière édition a rassemblé près de 500 personnes le 20 octobre 2019.
Liens et documents
"Où le sang nous appelle", livre écrit à quatre mains par Chloé Deleaume, écrivaine et nièce de Georges Abdallah et Daniel Schneidermann, journaliste.
Le récit de Yves Bonnet
Interview au journal la Dépêche (le 07 janvier 2012)
Vous étiez le patron de la DST au moment de l'arrestation de Georges Ibrahim Abdallah, en 1984. Que lui reproche-t-on, à l'époque ?
En fait, lorsque nous l'arrêtons, nous ne savons pas qui il est. Mais en garde à vue, il profère des menaces et met en avant son appartenance au service de sécurité de l'OLP. Manque de chance, j'entretiens des relations amicales avec Abou Iyad, n° 2 de l'OLP et je sollicite les Israéliens de l'autre côté. C'est alors que nous l'identifions comme chef des Fractions armées révolutionnaires libanaises, un groupe marxiste pro-palestinien, responsable d'attentats et ayant tué trois personnes en France. Mais nous n'avons rien de sérieux contre lui, juste une histoire de faux papiers, de détention d'armes et d'explosifs…
Que se passe-t-il alors ?
Au Liban, les FARL sont un groupe résolu, impossible à infiltrer, reposant sur une vingtaine de personnes issues de trois familles de Koubeyat, un village près de Tripoli. Georges Ibrahim Abdallah arrêté, en mars 1985, les FARL s'emparent de Gilles Sidney Peyroles, directeur du centre culturel français de Tripoli et le fils de l'écrivain Gilles Perrault. On se retrouve donc avec une sale histoire d'enlèvement sur les bras. J'étais au siège de la CIA, à Langley et Paris me demande de rentrer d'urgence. Il faut négocier un échange. Jusque-là, Georges Ibrahim Abdallah est accusé de délits, il n'a pas de crime sur le dos. Les Algériens s'engagent et servent d'intermédiaires, je donne mon accord pour l'échange sans que Pierre Joxe, ministre de l'Intérieur ne s'y oppose. Gilles Peyroles est libéré. Mais malheureusement pour Georges Ibrahim Abdallah, dans le même temps, on trouve dans une planque des FARL l'arme qui a servi à tuer MM. Charles Ray et Yacov Barsimentov et là, le dossier change de dimension, la justice ignorant les tractations et l'accord que j'avais passé avec l'Algérie. Pour Georges Ibrahim Abdallah, on me dit "son compte est bon". Je me sens très mal parce que j'ai donné ma parole à mes amis algériens qui se sont énormément mouillés dans le dossier et je suis lâché par les politiques.
Condamné dans un premier temps à 4 ans de prison pour la détention d'armes et de faux papiers, Georges Ibrahim Abdallah est ensuite condamné à perpétuité. Cela fait 28 ans qu'il est prisonnier et à plusieurs reprises, vous avez réclamé sa libération. Officieusement, d'abord, officiellement désormais. Pourquoi ?
J'ai un problème de conscience avec cette affaire. La France a trahi la parole donnée et on a voulu faire croire qu'à l'époque, Bonnet avait négocié tout seul. Je trouve cela ignoble car cela revenait à me mettre directement dans le collimateur des FARL. Aujourd'hui, presque 30 ans après les faits, je trouve anormal et scandaleux de maintenir encore Georges Ibrahim Abdallah en prison. Je considère qu'il avait le droit de revendiquer les actes commis par les FARL comme des actes de résistance. Après on peut ne pas être d'accord, c'est un autre débat. Mais il faut se souvenir du contexte, aussi, des massacres de Sabra et Chatilah dont les coupables n'ont jamais été punis. Et aujourd'hui, la France garde cet homme derrière les barreaux alors qu'elle a libéré Maurice Papon ? J'aimerais rappeler aussi qu'on a remis en liberté l'assassin de Chapour Baktiar, qui lui, sur ordre de l'Iran, avait décapité l'ancien Premier ministre au couteau et lui avait coupé les mains. Ce type-là, qui a commis un crime atroce, a été libéré moins de 20 après les faits. Georges Ibrahim Abdallah, lui, est plus mal traité qu'un serial killer alors qu'il a commis des actes politiques.
S'agit-il alors d'une vengeance d'état, contre Georges Ibrahim Abdallah ?
Je pense que oui et c'est absolument lamentable, d'autant plus qu'il a déjà eu un avis favorable de libération localement. C'est Paris qui refuse par rapport à ses alliés. Je demande à ce que la justice m'entende dans ce dossier.
(Propos recueillis par Pierre Challier)
L'interview est consultable sur le site de la Dépêche
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2- ➤ Georges Abdallah, un résistant communiste emprisonné depuis 40 ans qui révèle l’hypocrisie de Macron
Alors que Macron panthéonise aujourd’hui les résistants communistes arméniens Missak et Mélinée Manouchian, les animateurs de la campagne pour la libération de Georges Ibrahim Abdallah rappellent que la France retient en ce moment même un militant dont le combat porte les mêmes valeurs...
Par Arsène Justo, le 21 février 2024, Révolution Permanente
Pour Macron il existe deux types de communistes pratiquant la lutte armée : ceux qui sont morts et dont il peut donc instrumentaliser la mémoire et ceux qui sont toujours vivants, qui méritent la prison. C’est ce que dénonce le Collectif pour la Libération de Georges Ibrahim Abdallah (CLGIA), dans une publication récente. Le parallèle entre les deux hommes est en effet saisissant et montre toute l’hypocrisie de Macron.
Si les médias ont tous été de leur portrait de Manouchian ces derniers mois, surfant sur l’annonce de sa panthéonisation le 18 juin dernier, beaucoup en ont dressé une image consensuelle, celle d’un militant anti-nazi "mort pour la France", s’inscrivant ainsi dans le roman fictionnel et révisionniste dressé par Macron. Pourtant, Missak Manouchian n’est pas mort "pour la France", mais pour des idéaux communistes et internationalistes poursuivi dans le cadre dans la lutte contre le nazisme et le régime de Vichy.
De son côté, Georges Ibrahim Abdallah est un militant communiste libanais issu du Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP) et célèbre pour son engagement aux côtés du peuple palestinien, contre l’occupant israélien. Enfermé depuis 1984 à la suite d’une enquête falsifiée qui l’accuse de façon mensongère d’avoir participé à plusieurs actions armées contre des diplomates israéliens et américains, il est le plus ancien prisonnier politique d’Europe. Son maintien en détention est indissociable de la complicité de la France avec les États-Unis et l’État d’Israël, qui entendent s’assurer que le militant mourra derrière les barreaux.
La situation de Georges Ibrahim Abdallah constitue ainsi un révélateur de plus de l’hypocrisie de l’hommage actuel du gouvernement, celle d’une puissance impérialiste qui soutient, partout dans le monde, des régimes criminels et génocidaires, et se fait actuellement le complice du massacre à Gaza. Missak Manouchian et ses camarades des FTP-MOI n’auraient pu que haïr cette instrumentalisation. À rebours des hommages nationalistes et patriotes, honorer leur mémoire en internationaliste c’est, notamment, faire vivre le combat pour la Palestine et pour la libération de Georges Ibrahim Abdallah.
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3- ➤ Déclaration de Georges Abdallah lue à Marseille le 25 février 2024
Georges Ibrahim ABDALLAH, le 25 février 2024, publié par le Collectif pour la libération de Georges Ibrahim Abdallah
Chers amis, chers camarades,
Depuis plus de quatre mois et demi, le peuple palestinien, à travers toutes ses composantes sociales et politiques, fait face à une agression génocidaire massive à Gaza et aux opérations militaires, non moins meurtrières, en Cisjordanie où les colons suprématistes et les soldats de l’armée d’occupation se livrent au quotidien aux pires excès, en vue d’intensifier toujours plus la colonisation, et de rendre les conditions existentielles insupportables pour la majorité des masses populaires. Arrestations arbitraires, assassinats des activistes, destruction des habitations et autres exactions deviennent de plus en plus le lot quotidien de tous les Palestiniens en Cisjordanie.
Tout naturellement, les États impérialistes en Occident se mettent d’une manière ou d’une autre, aux côtés de l’entité sioniste, orchestrant une campagne de propagande, justifiant et soutenant cette criminelle guerre sioniste, dénigrant à longueur de journée les principales forces qui s’opposent et surtout criminalisant ici, toute initiative solidaire en faveur de la lutte des masses populaires palestiniennes et de leurs avant-gardes combattantes.
La bourgeoisie impérialiste dans ce pays, juste au moment où elle célèbre la panthéonisation d’une héroïque figure de Résistance antifasciste, invoque, toute honte bue, le "droit de légitime défense" de l’occupant sioniste face à la Résistance du mouvement national palestinien.
Rares sont les voix, dans l’intelligentsia social-démocrate, qui rappellent aux thuriféraires du système que l’occupant colonialiste n’a aucune légitimité. L’occupation et l’armée de l’occupation avec tout ce qu’elle charrie dans son sillage, sont complètement illégitimes. Par contre, la Résistance à l’occupant sous toutes ses formes, est la plus légitime et noble expression du "droit des peuples à disposer d’eux-mêmes".
Certainement, il est très difficile de concevoir cette légitimité quand on a gardé dans sa tête une place particulière pour le maréchal Pétain ou autre maréchal Bugeaud non moins exécrable...
Ceci étant, chers amis, chers camarades, peut-être serait-il utile de rappeler que la solidarité internationale active s’avère une arme indispensable dans la lutte contre la colonisation de peuplement toujours en cours en Palestine et la guerre génocidaire qui lui est intimement liée. C’est en fonction de cette solidarité active que l’on peut participer aux changements de rapports de force ici dans le ventre de la bête impérialiste, et ailleurs dans le processus de construction du "bloc social historique" cadre global et sujet potentiel du mouvement de libération national. Bien entendu, vous n’êtes pas sans vous rendre compte que c’est en fonction de votre mobilisation solidaire active que les "fondés de pouvoir du capital" ont été obligés de céder et de lever l’interdiction de manifester en faveur de la solidarité avec le peuple palestinien. Autrement dit, en dépit de tout ce processus de fascisation en cours dans ce pays, le simple fait d’assumer la mobilisation solidaire sur le terrain international participe, en quelque sorte, au renforcement de la "convergence des luttes" et à la structuration du "Bloc social historique" en vue de s’assumer en tant que sujet politique actif...
Si la bourgeoisie impérialiste célèbre ces jours-ci la panthéonisation de Manouchian juste après avoir adopté la "loi sur l’immigration" c’est qu’elle cherche avant tout, à effacer et enterrer les valeurs incarnées dans la lutte et le martyr de tous les résistants comme Manouchian.
Chers amis, chers camarades,
Au début du vingtième siècle jusqu’à nos jours, le peuple palestinien n’a jamais cessé de combattre le projet sioniste de colonisation de peuplement. Plusieurs décennies de luttes, de sacrifices et de souffrances ont façonné l’Être palestinien au plus profond de son identité. Les milliers de martyrs et de prisonniers ainsi que les centaines de réfugiés dans les camps, en Palestine et dans les pays limitrophes, ont contribué à complexifier considérablement les conditions existentielles du peuple palestinien et par conséquent les conditions objectives de sa résistance.
En effet, ce n’est que dans le cadre global de cette "résistance historique" que s’affirme et s’épanouit la construction du sujet politique antisioniste et c’est précisément dans ce cadre que l’on peut mieux saisir l’articulation dynamique de ses composantes ainsi que les divers facteurs structurant "la volonté collective" de promouvoir l’agir anticolonial (antisioniste, antiimpérialisme). Ce n’est qu’à la lumière de tout ce parcours que l’on peut aujourd’hui comprendre pourquoi "la Palestine ne peut que vaincre" en dépit de tout ce qui paraît à première vue comme un énorme déséquilibre dans le rapport des forces : à savoir, d’un côté l’entité sioniste, ce prolongement organique de l’impérialisme occidental, et de l’autre les masses populaires palestiniennes qui, depuis plus d’un siècle, se font peuple et continuent à se faire de nos jours, dans la dynamique d’une lutte dont les enjeux dépassent et de loin l’espace de la Palestine historique. Ce peuple qui a eu à assumer les tâches qui incombent historiquement à l’ensemble des masses arabes, surtout celle du Machrek arabe, s’est trouvé depuis plus d’un siècle, en butte à une emprise de colonisation de peuplement d’un type particulier l’empêchant de se structurer socialement, comme toute autre population de la région, à travers la dialectique de la lutte des classes dans un mode de production coloniale de type traditionnel.
Ce peuple a mis en échec toute la politique colonialiste de peuplement mis en œuvre depuis plus d’un siècle par l’expression sioniste de l’occident impérialiste. Le nettoyage ethnique de la terre de Palestine et de ses habitants indomptables est plus qu’un échec. Plus de la moitié du peuple palestinien vit aujourd’hui en Palestine historique. Le mouvement sioniste n’a jamais réussi et ne réussira jamais à briser la volonté inébranlable des femmes et des hommes, des jeunes et des moins jeunes Palestiniens de mener la lutte sur tous les fronts pour libérer la Palestine, toute la Palestine. C’est cette résistance historique profondément enracinée dans la mémoire collective qui sans cesse revivifie l’identité palestinienne.
Chers amis, chers camarades,
En dépit de cette agression génocidaire de grande envergure contre Gaza ces jours-ci, où aux dizaines et dizaines de milliers de martyrs et des blessés s’ajoute la terrible destruction généralisée à tout l’espace habitable de Gaza, la résistance reste inébranlable, protégée et adoptée par les masses populaires.
Gaza ne portera jamais le drapeau blanc de la capitulation... Ni les sionistes ni aucune criminelle force ne réussiront jamais à briser la volonté de la résistance à Gaza.
Nous ne devons jamais oublier que c’est des entrailles de ces camps de réfugiés à Gaza, en Cisjordanie, en Jordanie et au Liban, qu’est sortie l’expression combattante historique palestiniennes : les Fedayin. Plus que jamais cette Résistance à l’agression génocidaire est verdoyante et porte la promesse des Fedayin...
Que mille initiatives solidaires fleurissent en faveur de la Palestine et de sa prometteuse résistance !
La solidarité, toute la solidarité avec les résistants dans les geôles sionistes, et dans les cellules d’isolement au Maroc, en Turquie, en Grèce et aux Philippines et ailleurs de par le monde.
La solidarité toute la solidarité avec les jeunes prolétaires des quartiers populaires !
Le capitalisme n’est plus que barbarie, honneur à tous ceux et celles qui s’opposent dans la diversité de leurs expressions !
Ensemble, amis et camarades, ce n’est qu’ensemble que nous vaincrons !
La Palestine vivra et la Palestine certainement vaincra !
A vous tous mes camarades et amis, mes plus chaleureuses salutations révolutionnaires.
Votre camarade Georges Abdallah
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4- ➤ Déclaration de Georges Abdallah à l'occasion de la Journée du prisonnier palestinien à Paris, le 17 avril 2017
Par le collectif pour la libération de Georges Ibrahim Abdallah, le 17 avril 2017
Cher-e-s Camarades, Cher-e-s ami-e-s,
Il y a juste un mois, de nombreuses activités dans différents pays ont été organisées afin de célébrer la Journée Internationale du Prisonnier Révolutionnaire. Aujourd’hui, nous voici rassemblé-e-s de nouveau, aussi dans différents pays, afin de célébrer la Journée du Prisonnier Palestinien et exprimer notre indéfectible solidarité avec les Résistant-e-s embastillé-e-s dans les geôles sionistes, soutenir de toutes nos forces leurs justes revendications, et saluer par là même la mobilisation en cours des masses populaires autour de la grève de la faim entamée ce matin derrière les abominables murs.
En 1974, La Conférence Nationale Palestinienne a décrété le 17 avril Journée du Prisonnier Palestinien. Cela n’était pas seulement destiné à dénoncer à cette occasion, la barbarie de l’occupant sioniste, les tueries, les rafles, et l’embastillement des meilleurs fils et filles de notre peuple, ni seulement destiné à honorer les Résistant-e-s captifs en rappelant aux masses populaires leurs sacrifices et leur inébranlable volonté de tenir debout face à la soldatesque sioniste.
La célébration de cette Journée du Prisonnier Palestinien est destinée, avant toute autre chose, à affirmer haut et fort la ferme détermination d’arracher nos camarades aux griffes de leurs criminels geôliers. En effet, à plusieurs reprises, les avant-gardes de la lutte révolutionnaire palestinienne ont assumé cette tâche avec beaucoup de courage et d’abnégation, obligeant l’ennemi à libérer des milliers de camarades captifs, sans aucune contrepartie de leur part.
Certainement, la libération des prisonniers révolutionnaires a toujours été un moment de grande effervescence populaire, et elle a participé de la façon la plus significative au rayonnement de la révolution palestinienne et à l’enrichissement de la lutte, aussi bien au niveau régional qu’au niveau international. Cependant les réactionnaires de tous bords n’ont jamais voulu cohabiter avec ce foyer révolutionnaire dans cette région si capitale pour le monde capitaliste.
Depuis le tout début des années 70 du siècle passé, la liquidation de la révolution palestinienne est à l’ordre du jour des forces impérialistes et de leurs affidés réactionnaires régionaux. Rien ne lui a été épargné. Les guerres et les massacres se sont succédé depuis, et les masses populaires y ont fait face avec les moyens et les capacités disponibles… D’innombrables batailles ont été livrées, certaines ont été perdues, d’autres ont été gagnées. Mais dans l’ensemble, et en dépit de toutes les pertes et de toutes les erreurs, les masses populaires ont pu consolider certaines réalisations dont personne ne peut aujourd’hui contester leurs portée stratégique : un cheminement historique, dont les contours sont tracés par le sang des Révolutionnaires palestiniens et dont la dynamique est pérennisée par l’engagement prématuré de ces Fleurs et autres Lionceaux de la Palestine et par la lumière, toujours plus éclairante, des flambeaux de la liberté, ces indomptables Héros résistants captifs dans les geôles sionistes…
Cher-e-s Camarades, Cher-e-s ami-e-s,
Plusieurs milliers de prisonnières et de prisonniers embastillé-e-s depuis tant d’années, pour certains depuis plusieurs décennies, incarnent aujourd’hui plus que jamais la Résistance du peuple palestinien dans la pluralité de ses expressions. Certainement la situation derrière les abominables murs est loin d’être parfaite d’un point de vue révolutionnaire comme on l’aurait souhaité… En dépit de tout l’effort déployé pour entretenir l’unité nationale, à défaut de la renforcer, les diverses initiatives de luttes, ces derniers temps, ont beaucoup souffert du manque de l’unité d’action, et n’ont pas pu surmonter les divisions, et cela même quand les initiatives ont réussi à arracher quelques revendications. Tout cela n’enlève rien, ni au rôle historique qui incombe, pour diverses raisons, à nos Héros embastillés, ni à nos devoirs de solidarité envers ces indomptables Résistants, et plus particulièrement envers ces Fleurs et Lionceaux engagés prématurément dans la lutte contre l’occupant sioniste.
Que mille initiatives solidaires fleurissent en faveur de ces 363 Fleurs et Lionceaux afin que leurs geôliers sionistes comprennent qu’ils ne sont jamais seuls !
Que mille initiatives solidaires fleurissent en faveur de la Palestine et de sa prometteuse Intifada !
La solidarité, toute la solidarité avec les résistants dans les geôles sionistes, et dans les cellules d’isolement au Maroc, en Turquie et aux Philippines et ailleurs de par le monde !
La solidarité, toute la solidarité avec les camarades révolutionnaires résistants dans les geôles en Grèce !
Que mille initiatives solidaires fleurissent en faveur des masses populaires kurdes et ces valeureux combattants du PKK !
La solidarité toute la solidarité avec les jeunes prolétaires des quartiers populaires !
Le capitalisme n’est plus que barbarie, honneur à tous ceux et celles qui s’y opposent dans la diversité de leurs expressions !
Ensemble Camarades, et ce n’est qu’ensemble que nous vaincrons !
À vous tous, Camarades et ami-e-s, mes plus chaleureuses salutations révolutionnaires.
Votre camarade Georges Abdallah - dimanche 16 avril 2017
📰 https://liberonsgeorges.samizdat.net/ses-declarations/declaration-de-georges-abdallah-17-avril-2017/
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5- 🎥 Le plus vieux prisonnier politique français : L'histoire de Georges Ibrahim Abdallah
Par Blast, il y a 2 mois
Journalistes : Clara Menais, Marin Ben Montage : Émilie Fortun Son : Baptiste Veilhan Graphisme : Morgane Sabouret Directeur des programmes : Mathias Enthoven Rédaction en chef : Soumaya Benaïssa Directeur de la rédaction : Denis Robert
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