♟ Israël & son laboratoire humain à Gaza
La classe dirigeante mondiale s'emploiera à contrer toute force déstabilisatrice liée aux problèmes qu'elle a causés. Et ce nouvel ordre mondial initié à Gaza s'achèvera chez nous.
◾️ ◾️ ◾️
"Les torts que nous entendons condamner et punir ont été si calculés, si pernicieux et si dévastateurs que la civilisation ne peut tolérer qu'ils soient ignorés, parce qu'elle ne pourra survivre à leur réitération".
- Robert Jackson, procureur du procès de Nuremberg, 20 novembre 1945
◾️ ◾️ ◾️
Quiconque ne connaît pas Chris Hedges, le traiterait d'alarmiste, de théoricien du complot, de pseudo journaliste débitant des absurdités de science-fiction. Mais celles et ceux qui le suivent, depuis quelques années ou bien plus, ne savent que trop bien que tout est bien vrai et réel - malheureusement dirais-je, tant ce qu'il écrit est effrayant ! Il pointe et relie les éléments, active et accélère les prises de conscience, aiguise notre réflexion, nous rend accros à la connaissance et affûte nos esprit à jamais, pour le meilleur. Tous ses lecteurs attendent impatiemment son prochain article tout en en redoutant les effroyables vérités qu'il nous offrira de sa plume acerbe et avisée.
Israël ferme son laboratoire humain à Gaza
Les Palestiniens pris au piège à Gaza servent de cobayes humains à Israël pour ses industries d'armement et de technologie.
Par Chris Hedges, le 17 novembre 2023, Substack
Le Caire, Égypte - Les Palestiniens sont des rats de laboratoire humains pour l'armée israélienne, les services de renseignement ainsi que pour les industries de l'armement et de la technologie. Les drones israéliens, les technologies de surveillance - y compris les logiciels espions, les logiciels de reconnaissance faciale et les infrastructures de collecte biométrique - ainsi que les clôtures intelligentes, les bombes expérimentales et les mitrailleuses contrôlées par l'IA sont testés sur la population captive de Gaza, souvent avec des résultats mortels. Ces armes et technologies sont ensuite certifiées "testées au combat" et vendues dans le monde entier.
Israël se classe au dixième rang des plus grands marchands d'armes de la planète et vend sa technologie et ses armes à quelque 130 pays, dont des dictatures militaires en Asie et en Amérique latine. Les ventes d'armes israéliennes ont rapporté 12,5 milliards de dollars l'année dernière. Ses relations étroites avec ces agences militaires, de sécurité intérieure, de surveillance, de collecte de renseignements et d'application de la loi expliquent le soutien sans faille que les alliés d'Israël apportent à sa campagne génocidaire à Gaza. Lorsque le président colombien Gustavo Petro a refusé de condamner l'attentat du 7 octobre perpétré par des groupes de résistance palestiniens en le qualifiant d'"attentat terroriste" et a déclaré que "le terrorisme tue des enfants innocents en Palestine", Israël a immédiatement interrompu toutes les ventes d'équipements de défense et de sécurité à la Colombie. Cette cabale mondiale, dédiée à la guerre permanente et au maintien de la surveillance et du contrôle de ses populations, réalise des centaines de milliards de dollars de ventes par an. Ces technologies sont en train de cimenter un totalitarisme corporatif supranational, un monde où les populations sont réduites en esclavage dans des proportions que les régimes totalitaires du passé n'auraient pu qu'imaginer.
L'assaut génocidaire contre Gaza est un nouveau chapitre du nettoyage ethnique des Palestiniens par le projet colonial israélien, qui perdure depuis un siècle. Comme tout projet colonialiste, il s'accompagne du vol des ressources naturelles, de la terre, de l'eau et du gaz naturel des champs marins de Gaza, situés à 20 milles nautiques de la côte de Gaza, qui pourraient contenir jusqu'à 1 000 milliards de pieds cubes soit 28 milliards de mètres cubes de gaz naturel. Dans un monde où les ressources s'épuisent, en particulier l'eau au Moyen-Orient, et où la crise climatique provoque des bouleversements, Gaza est le prélude à un nouvel ordre mondial effrayant. Alors que les démocraties s'étiolent et meurent, que les inégalités économiques se creusent, que la pauvreté et le désespoir ne cessent de croître, la classe dirigeante mondiale nous infligera de plus en plus - une fois que nous serons devenus rétifs et que nous aurons tenté de nous rebeller - ce qu'elle est en train de faire aux Palestiniens.
Il n'y a pas loin de Gaza aux camps et centres de détention mis en place pour les migrants fuyant l'Afrique et le Moyen-Orient vers l'Europe. Il n'y a pas loin du tapis de bombes à Gaza aux guerres sans fin au Moyen-Orient et dans le Sud. Il n'y a pas loin des lois antiterroristes utilisées pour criminaliser la dissidence en Israël aux lois antiterroristes introduites en Europe et aux États-Unis.
Le 7 octobre, les Palestiniens de Gaza se sont échappés de leur laboratoire piège. Ils se sont livrés à une véritable folie meurtrière contre leurs maîtres sadiques. Depuis le 7 octobre, près de 12 000 Palestiniens ont été tués, dont 4 700 enfants, et quelque 30 000 blessés dans le déluge d'obus, de balles, de bombes et de missiles qui transforme la bande de Gaza en un véritable champ de ruines. Près de 3 000 Palestiniens sont portés disparus ou ensevelis sous les décombres. Bientôt, les Palestiniens seront terrassés par les maladies infectieuses et la famine. Ceux qui survivront, si Israël réussit son nettoyage ethnique, seront des réfugiés, une fois encore, de l'autre côté de la frontière, en Égypte. La Cisjordanie regorge de cobayes palestiniens. Gaza sera bouclée.
Israël, qui n'est pas signataire du Traité sur le commerce des armes, fournit depuis longtemps des armements à certains des régimes les plus sinistres de la planète, dont le gouvernement d'apartheid d'Afrique du Sud et le Myanmar. L'Inde est le plus gros acheteur de drones militaires d'Israël. Israël a fourni des drones, des missiles et des mortiers à l'Azerbaïdjan pour son invasion et son occupation du Haut-Karabakh, qui a contraint 100 000 personnes, soit plus de 80 % des Arméniens de l'enclave, à se déplacer. Lorsque je couvrais les guerres des années 1980 en Amérique centrale, Israël a vendu du napalm et des armes à l'armée salvadorienne, ainsi qu'au régime meurtrier du général José Efraín Ríos Montt au Guatemala. Les mitraillettes Uzi de fabrication israélienne étaient les armes de prédilection des escadrons de la mort d'Amérique centrale. Israël a également vendu des armes aux Serbes de Bosnie, malgré les sanctions internationales, lorsque je couvrais la guerre en Bosnie dans les années 1990, un conflit qui a coûté la vie à 100 000 personnes.
Anthony Loewenstein écrit dans "The Palestine Laboratory : How Israel Exports the Technology of Occupation Around the World" :
"Israël est un acteur clé dans la bataille de l'UE à la fois pour militariser ses frontières et dissuader les nouveaux arrivants, une politique qui s'est considérablement accélérée après l'afflux massif de migrants en 2015, principalement en raison des guerres en Syrie, en Irak et en Afghanistan. L'UE a conclu des partenariats avec les principales entreprises de défense israéliennes pour utiliser ses drones, et bien sûr les années d'expérience en Palestine sont un argument de vente clé".
"Les similitudes entre la frontière américano-mexicaine et le mur israélien qui traverse les territoires occupés s'accroissent d'année en année. L'un informe et inspire l'autre, les entreprises technologiques cherchant toujours de nouveaux moyens de cibler et de capturer les ennemis présumés. Le recours aux outils de surveillance de haute technologie pour contrôler la frontière a été soutenu tant par les républicains que par les démocrates. Pendant les années Trump, Brinc, une entreprise financée par le milliardaire Peter Theil, a testé la possibilité de déployer des drones armés capables d'assommer les migrants à l'aide d'un pistolet paralysant le long de la frontière entre les États-Unis et le Mexique".
Les drones Heron TP "Eitan", fabriqués par Israel Aerospace Industries - la plus grande entreprise aérospatiale et de défense d'Israël et le plus grand exportateur d'armes du pays - sont utilisés par Frontex, l'agence des frontières extérieures et côtières de l'Union européenne, pour surveiller et dissuader les embarcations de migrants et de réfugiés en Méditerranée. Les drones, capables de voler jusqu'à 40 heures d'affilée, peuvent être modifiés pour transporter quatre roquettes Spike dotées de gaines de fragmentation faites de milliers de cubes de tungstène de 3 mm qui perforent le métal et "provoquent l'arrachement des tissus de la chair", autrement dit le déchiquetage de la victime. Ces roquettes sont régulièrement utilisées contre les Palestiniens.
"Il est quasi impossible de traverser la Méditerranée [en tant que migrant]", a déclaré Felix Weiss, de l'ONG allemande Sea-Watch, à Loewenstein. "Frontex est devenu un acteur militarisé, son équipement provient de zones de guerre", a-t-il ajouté.
Elbit Systems, la plus grande entreprise privée d'armement d'Israël, fournit aux douanes américaines et à la protection des frontières (CBP) des tours de surveillance de haute technologie qu'elle utilise le long de la frontière avec le Mexique. Elle a également équipé la CBP de son drone Hermes en 2004 afin de tester la faisabilité de l'utilisation de drones à la frontière.
Pegasus, un outil de piratage téléphonique produit par le groupe israélien NSO, une agence de cyberespionnage, a été utilisé par les cartels de la drogue mexicains pour cibler la journaliste Griselda Triana, après l'assassinat de son mari Javier Valdez Cárdenas, également journaliste d'investigation, en 2017. Le gouvernement mexicain est directement impliqué dans le ciblage de journalistes et de membres de la société civile via le logiciel espion Pegasus, selon les recherches et l'analyse du Citizen Lab canadien. Après l'assassinat et le démembrement du journaliste Jamal Khashoggi au consulat saoudien d'Istanbul en octobre 2018, les enquêteurs ont découvert qu'un client de l'ONS avait ciblé le téléphone de sa fiancée, Hanan Elatr. Pegasus fait d'un téléphone portable un appareil de surveillance mobile, avec des microphones et des caméras activés à l'insu de l'utilisateur.
Le Skunk Water, un liquide à l'odeur putride, a été testé et perfectionné sur des Palestiniens, souvent avec des équipes de tournage israéliennes qui enregistraient les attaques pour montrer aux clients potentiels l'efficacité du produit chimique.
"Les forces israéliennes arrosent régulièrement des quartiers palestiniens entiers d'eau de mouffette, la pulvérisant délibérément sur des maisons privées, des entreprises, des écoles et lors de funérailles, dans ce que le groupe israélien de défense des droits de l'homme B'Tselem appelle "une mesure punitive collective" contre les villages palestiniens qui s'engagent dans des protestations contre la violence coloniale d'Israël", a rapporté The Electronic Intifada en 2015.
La même année, le département de la police métropolitaine de Saint-Louis a acheté 14 bidons de mouffette pour les utiliser contre les manifestants à la suite des manifestations qui ont éclaté après le meurtre par la police d'un adolescent afro-américain non armé, Michael Brown, à Ferguson, dans le Missouri.
Israël a créé un système sophistiqué de reconnaissance faciale, le Red Wolf, pour ficher chaque Palestinien dans les territoires occupés. Cette technologie "est largement utilisée" pour "consolider les pratiques existantes de maintien de l'ordre discriminatoire, de ségrégation et de limitation de la liberté de mouvement, en violant les droits fondamentaux des Palestiniens", explique Amnesty International dans son récent rapport intitulé L'apartheid automatisé. Le média d'investigation français Disclose a révélé que la police française utilise illégalement depuis huit ans un logiciel de reconnaissance faciale fourni par l'entreprise technologique israélienne BriefCam. Cette technologie permet aux utilisateurs de "détecter, suivre, identifier, classer [et] cataloguer" les personnes "apparaissant dans des séquences de vidéosurveillance en temps réel".
Les mitraillettes IA, fabriquées par la société israélienne SMARTSHOOTER, peuvent tirer des grenades paralysantes et des balles à pointe éponge, ainsi que des gaz lacrymogènes. Elles ont été perfectionnées lors d'essais sur les Palestiniens en Cisjordanie. SMARTSHOOTER a récemment obtenu un contrat pour fournir à l'armée britannique son "système de ciblage et de tir automatique" SMASH, pouvant être fixé sur des armes légères telles que des fusils automatiques.
Selon Jeff Halper dans son livre War Against the People, Israël a effectué des travaux avant-gardistes sur les cyber-soldats. Il a mis au point un système de radar capable de voir à travers les murs, écrit-il. Comme l'explique The Electronic Intifada, le complexe militaro-industriel israélien a conçu
"un char d'assaut baptisé Cruelty, un drone de 20 grammes en forme de papillon, un "bateau miracle" furtif appelé Death Shark, une série d'armes portant le nom d'insectes ou de phénomènes naturels (frelons bioniques, poussière intelligente, drones libellules et robots rosée intelligents), des insectes cybernétiques, un centre d'entraînement à la "guerre urbaine" de 600 bâtiments surnommé Chicago et une bombe d'une mégatonne dotée d'une capacité d'impulsion électromagnétique".
Harper fait remarquer que pendant l'occupation de l'Irak, l'armée américaine a reproduit les tactiques utilisées par Israël contre les Palestiniens. Elle a construit une barrière de sécurité autour de la zone verte de Bagdad, imposé des bouclages de villes et de villages, procédé à des assassinats ciblés, copié les techniques de torture israéliennes et utilisé des points de contrôle et des barrages routiers pour isoler les villes et les villages.
Israël forme et équipe les forces de police américaines, leur enseignant des tactiques agressives, soutenues par du matériel et des véhicules militaires lourds, qui ont été utilisés à Ferguson et à Atlanta lors des affrontements entre la police et les activistes qui protestaient contre Cop City.
Halper appelle cela la "palestinisation" des conflits mondiaux.
"Avec autant d'entreprises israéliennes impliquées dans le maintien de l'infrastructure autour de l'occupation, ces sociétés ont trouvé des moyens innovants de vendre leurs services à l'État, de tester les dernières technologies sur les Palestiniens, puis de les promouvoir dans le monde entier". Et si "les industries de défense sont de plus en plus entre les mains du secteur privé", après des décennies de privatisation néolibérale, "elles poursuivent leur mission d'extension de la politique étrangère d'Israël, en soutenant ses objectifs et son idéologie pro-occupation", explique Loewenstein.
La classe dirigeante mondiale s'emploiera à contrer les forces déstabilisatrices liées aux inégalités, à la réduction des libertés civiles, à l'effondrement des infrastructures, à la défaillance des systèmes de santé ainsi qu'aux pénuries croissantes causées par l'accélération de la crise climatique, en qualifiant quiconque résistera d'"animal humain". Ce nouvel ordre mondial a vu le jour à Gaza. Il s'achèvera chez nous.
📰 Lien de l'article original :
◾️ ◾️ ◾️