❖ Groupe de La Haye : "Aucun État n'est au-dessus des lois" - Gustavo Petro & Francesca Albanese, haut & fort
"Un changement révolutionnaire est en cours, on assiste à l'émergence d'un nouveau multilatéralisme courageux fondé sur des principes, que les pays européens n'en fassent toujours pas partie me peine"

Un changement révolutionnaire est en cours. Il est primordial d'être ici aujourd'hui, à un moment qui pourrait s'avérer historique.
Les atrocités perpétrées au cours des 21 derniers mois ne sont pas une aberration soudaine ; elles sont l'aboutissement de décennies de politiques visant à déplacer et à remplacer le peuple palestinien.
Des millions de personnes nous regardent, espérant un leadership capable de donner naissance à un nouvel ordre mondial ancré dans la justice, l'humanité et la libération collective. Il ne s'agit pas seulement de la Palestine. Il s'agit de nous tous.
Aujourd'hui, nous également témoins d'une rupture ; nous assistons à l'émergence d'un nouveau multilatéralisme : fondé sur des principes, courageux, constater que les pays européens n'en fassent toujours pas partie me peine.
Les États dotés de principes doivent se montrer à la hauteur de la situation. Ils n'ont pas besoin d'allégeance politique, de couleur, de drapeau de parti politique ou d'idéologie : ils doivent être soutenus par des valeurs humaines fondamentales. Celles qu'Israël broie impitoyablement depuis 21 mois maintenant.
Dans ce contexte, ma responsabilité ici est de vous recommander, sans compromis et sans détour, le remède à la cause profonde du problème. Nous avons depuis longtemps dépassé le stade du traitement des symptômes, zone de confort dans laquelle trop de gens se complaisent aujourd'hui. Et mes propos montreront que ce que le Groupe de La Haye s'est engagé à faire et envisage d'étendre n'est qu'un petit pas vers ce qui est juste et légitime au regard de vos obligations en vertu du droit international.
Il s'agit d'obligations, et non de sympathie ou de charité.
Chaque État doit immédiatement revoir et suspendre toutes ses relations avec Israël Qu'il s'agisse de relations militaires, stratégiques, politiques, diplomatiques, économiques, d'importations ou d'exportations, et s'assurer que son secteur privé, ses assureurs, ses banques, ses fonds de pension, ses universités et autres fournisseurs de biens et de services dans les chaînes d'approvisionnement font de même. Considérer l'occupation comme une situation normale revient à soutenir ou à fournir une aide ou une assistance à la présence illégale d'Israël dans les territoires palestiniens occupés. Ces liens doivent être rompus de toute urgence. J'aurai l'occasion d'approfondir les aspects techniques et les implications lors de nos prochaines sessions, mais soyons clairs, je veux dire rompre les liens avec Israël dans son ensemble. Rompre uniquement les liens avec ses "composantes" dans les territoires palestiniens occupés n'est pas une option.
Je dis que quoi qu'il arrive, la Palestine aura écrit ce chapitre tumultueux, non pas comme une note de bas de page dans les chroniques des conquérants en herbe, mais comme le dernier verset d'une saga séculaire de peuples qui se sont soulevés contre l'injustice, le colonialisme et, aujourd'hui plus que jamais, la tyrannie néolibérale.
3 articles
1- "Aucun État n'est au-dessus des lois" : Le groupe de La Haye publie une feuille de route pour contrer le génocide israélien à Gaza
"Ces mesures montrent que nous ne permettrons plus que le droit international soit considéré comme facultatif, ni que la vie des Palestiniens soit jetable", a déclaré le président colombien Gustavo Petro.

Par Brett Wilkins, le 16 juillet 2025, Blog Personnel
Le Groupe de La Haye - une coalition de pays du Sud lancée au début de l'année par Progressive International pour tenir Israël légalement responsable de son anéantissement de Gaza - a publié mercredi un plan d'action conjoint visant à mettre fin à l'assaut génocidaire de 21 mois soutenu par les États-Unis contre l'enclave palestinienne.
Au deuxième et dernier jour d'un sommet d'urgence à Bogota, en Colombie - qui copréside le groupe de La Haye avec l'Afrique du Sud -, la coalition a annoncé un plan en six points pour "des mesures diplomatiques, juridiques et économiques coordonnées afin de freiner l'assaut d'Israël sur les territoires palestiniens occupés et de défendre le droit international dans son ensemble".
Varsha Gandikota-Nellutla, secrétaire exécutive du groupe de La Haye, a déclaré dans un communiqué :
"Cette conférence marque un tournant, non seulement pour la Palestine, mais aussi pour l'avenir du système international".
Ajoutant,
"Pendant des décennies, les États, en particulier ceux du Sud, ont supporté le coût d'un système international défaillant. À Bogota, ils se sont rassemblés pour se le réapproprier, non pas avec des mots, mais avec des actions".
Douze participants au sommet - la Bolivie, la Colombie, Cuba, l'Indonésie, l'Irak, la Libye, la Malaisie, la Namibie, le Nicaragua, Oman, Saint-Vincent-et-les-Grenadines et l'Afrique du Sud - se sont engagés à prendre les mesures suivantes :
Empêcher la fourniture ou le transfert d'armes, de munitions, de carburant militaire, d'équipements militaires connexes et d'articles à double fin à Israël ;
Empêcher le transit, l'accostage et l'entretien de navires dans tout port où il existe un risque évident que le navire soit utilisé pour transporter les articles susmentionnés vers Israël ;
Empêcher le transport de tels articles à bord de navires battant pavillon d'un pays participant ;
Lancer un examen urgent de tous les contrats publics afin d'empêcher les institutions et les fonds publics de soutenir l'occupation illégale de la Palestine par Israël et de renforcer sa présence illégale ;
Respecter les obligations visant à garantir la responsabilité des crimes israéliens les plus graves en vertu du droit international ; et
Soutenir les mandats de compétence universelle dans les cadres juridiques nationaux et les systèmes judiciaires afin de garantir la justice pour les victimes de crimes internationaux perpétrés en Palestine.
"Ces 12 États ont fait un pas en avant monumental", a déclaré dans un communiqué Francesca Albanese, rapporteure spéciale des Nations unies sur les territoires palestiniens occupés et participante éminente au sommet. "Le temps presse pour que les États, de l'Europe au monde arabe et au-delà, se joignent à eux".
Au début du mois, l'administration Trump a sanctionné Albanese, qui a récemment déclaré :
"Israël est responsable de l'un des génocides les plus cruels de l'histoire moderne".
L'administration américaine a également imposé des sanctions aux juges de la Cour pénale internationale (CPI) après que le tribunal a émis des mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et l'ancien ministre israélien de la Défense Yoav Gallant pour des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre présumés à Gaza, notamment des assassinats et la famine forcée.
Outre ces 12 nations, des délégués de l'Algérie, du Bangladesh, du Botswana, du Brésil, du Chili, de la Chine, de Djibouti, du Honduras, de l'Irlande, du Liban, du Mexique, de la Norvège, du Pakistan, de la Palestine, du Portugal, du Qatar, du Sénégal, de la Slovénie, de l'Espagne, de la Turquie, de l'Uruguay et du Venezuela ont participé au sommet de Bogota.
Bon nombre des nations participantes soutiennent la plainte pour génocide déposée en décembre 2023 par l'Afrique du Sud contre Israël auprès de la Cour internationale de justice de La Haye. La CIJ a ordonné à Israël de prévenir les actes de génocide et d'autoriser l'entrée de l'aide humanitaire dans la bande de Gaza. Israël a ignoré ces injonctions.
"Nous sommes parvenus à affirmer collectivement qu'aucun État n'est au-dessus de la loi", a souligné mercredi le ministre sud-africain des relations internationales et de la coopération, Ronald Lamola. "Le groupe de La Haye est né pour faire progresser le droit international à une époque d'impunité. Les mesures adoptées à Bogota montrent que nous prenons les choses au sérieux et qu'une action coordonnée des États est possible".
Le président colombien Gustavo Petro, dont le gouvernement a rompu l'année dernière ses relations diplomatiques avec Israël, a déclaré :
"Nous sommes venus à Bogota pour marquer l'histoire, et nous l'avons fait".
Ajoutant,.
"Ensemble, nous avons amorcé le travail visant à mettre fin à l'ère de l'impunité. Ces mesures montrent que nous ne permettrons plus que le droit international soit considéré comme facultatif ou que la vie des Palestiniens soit considérée comme sacrifiable".
Selon le ministère de la santé de Gaza, au moins 58 386 Palestiniens ont été tués par les forces israéliennes depuis octobre 2023, la plupart étant des femmes et des enfants. De nombreuses études évaluées par des pairs ont conclu que ce bilan est vraisemblablement largement sous-estimé.
Plus de 139 000 Palestiniens ont été blessés et au moins 14 000 autres sont portés disparus, présumés morts ou ensevelis sous les décombres des bâtiments bombardés. La plupart des plus de 2 millions d'habitants de Gaza ont également été déplacés de force, souvent à plusieurs reprises, car Israël poursuit une politique officielle de nettoyage ethnique sous couvert de relocalisation humanitaire.
Il incombe en fin de compte à Israël de mettre un terme à l'anéantissement de Gaza. Cependant, ni Israël - qui prétend agir en légitime défense en réponse à l'attaque menée par le Hamas le 7 octobre 2023 - ni son mécène américain inconditionnel ne reconnaissent l'autorité de la CIJ ou de la CPI, et les deux nations nient avec véhémence qu'un génocide se produise à Gaza, en dépit d'un consensus international grandissant.
Brett Wilkins est rédacteur pour Common Dreams.
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2- "Un changement révolutionnaire est en cours"
La situation des droits de l'homme dans le territoire palestinien occupé depuis 1967.
Allocution de Francesca Albanese, rapporteure spéciale des Nations unies, lors de la conférence d'urgence des États du groupe de La Haye à Bogotá, en Colombie.

Par Francesca Albanese, le 20 juillet 2025, Savage Minds
Excellences, chers amis,
Je remercie les gouvernements de Colombie et d'Afrique du Sud d'avoir convoqué ce groupe, ainsi que tous les acteurs du groupe de La Haye, ses membres fondateurs pour leur position de principe, et ceux qui les rejoignent. Puissiez-vous continuer à vous développer et à renforcer la force et l'efficacité de vos actions concrètes.
Merci également au secrétariat pour son travail inlassable et, enfin, aux experts palestiniens - individus et organisations - qui se sont rendus à Bogota depuis la Palestine occupée, la Palestine historique/Israël et d'autres lieux de diaspora/d'exil, pour accompagner ce processus, après avoir fourni au groupe de La Haye des exposés remarquables et étayés par des preuves.
Et bien sûr, vous tous qui êtes ici aujourd'hui.
Il est primordial d'être ici aujourd'hui, à un moment qui pourrait s'avérer historique. Nous espérons que ces deux jours inciteront toutes les personnes présentes à travailler ensemble pour prendre des mesures concrètes afin de mettre fin au génocide à Gaza et, espérons-le, à l'effacement des Palestiniens dans ce qui reste de la Palestine - parce que c'est le terrain d'essai d'un système dans lequel la liberté, les droits et la justice deviennent une réalité pour tous. Cet espoir, auquel des personnes comme moi s'accrochent, est une discipline. Une discipline que nous devrions tous avoir.
Le territoire palestinien occupé est aujourd'hui un véritable enfer. À Gaza, Israël a démantelé jusqu'à la dernière fonction des Nations unies - l'aide humanitaire - afin d'affamer délibérément, de déplacer à maintes reprises ou de massacrer une population qu'il a désignée comme devant être éliminée. En Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, le nettoyage ethnique progresse par le biais d'un siège illégal, de déplacements massifs, d'exécutions extrajudiciaires, de détentions arbitraires et de tortures généralisées. Dans toutes les régions sous domination israélienne, les Palestiniens vivent sous la terreur de l'anéantissement, diffusée en temps réel à un monde qui les regarde. Les rares Israéliens qui s'opposent au génocide, à l'occupation et à l'apartheid - alors que la majorité applaudit ouvertement et appelle à plus de violence - nous rappellent que la libération israélienne est, elle aussi, indissociable de la liberté palestinienne.
Les atrocités perpétrées au cours des 21 derniers mois ne sont pas une aberration soudaine ; elles sont l'aboutissement de décennies de politiques visant à déplacer et à remplacer le peuple palestinien.
Dans ce contexte, il est inconcevable que des forums politiques, de Bruxelles à New York, débattent encore de la reconnaissance de l'État de Palestine - non pas parce que ce n'est pas important, mais parce que, depuis 35 ans, les États bloquent, refusent la reconnaissance, prétendent "investir dans l'Autorité palestinienne" tout en abandonnant le peuple palestinien aux ambitions territoriales implacables et rapaces d'Israël, ainsi qu'à ses crimes innommables. Entre-temps, le discours politique a réduit la Palestine à une crise humanitaire à gérer à perpétuité plutôt qu'à une question politique exigeant une résolution ferme et fondée sur des principes : mettre fin à l'occupation permanente, à l'apartheid et, désormais, au génocide. Et ce n'est pas la loi qui a échoué ou failli, c'est la volonté politique qui a abdiqué.
Mais aujourd'hui, nous sommes également témoins d'une rupture. La souffrance extrême endurée par la Palestine a ouvert la voie à la possibilité d'une transformation. Même si cela ne se reflète pas (encore) pleinement dans les programmes politiques, un changement révolutionnaire est en cours - qui, s'il est maintenu, restera dans les mémoires comme un moment où le cours de l'histoire a changé.
C'est la raison pour laquelle je suis venue à cette réunion avec le sentiment d'être à un tournant historique, d'un point de vue discursif et politique.
Tout d'abord, le récit est en train de changer : il s'éloigne du "droit de se défendre" d'Israël, invoqué à l'envi, et se rapproche du droit palestinien à l'autodétermination, longtemps nié, et systématiquement invisibilisé, réprimé et délégitimé depuis des décennies. La militarisation de l'antisémitisme appliquée aux mots et aux récits palestiniens et l'utilisation déshumanisante du cadre du terrorisme pour l'action palestinienne (de la résistance armée au travail des ONG qui recherchent la justice dans l'arène internationale) ont conduit à une paralysie politique mondiale qui a été intentionnelle. Il faut y remédier. Le moment est venu de le faire.
Deuxièmement, nous assistons à l'émergence d'un nouveau multilatéralisme : fondé sur des principes, courageux, de plus en plus dirigé par la majorité mondiale - constater que les pays européens n'en fassent toujours pas partie me peine. En tant qu'Européenne, je crains ce que la région et ses institutions en soient venues à symboliser pour beaucoup : une sodalité d'États prônant le droit international mais davantage guidés par une mentalité coloniale que par des principes, agissant comme des vassaux de l'empire américain, alors même que celui-ci nous entraîne de guerre en guerre, de misère en misère et, lorsqu'il s'agit de la Palestine, du silence à la complicité.
Mais la présence de pays européens à cette réunion montre qu'une autre voie est possible. Je leur dis : le groupe de La Haye a le potentiel de marquer non seulement une coalition, mais aussi un nouveau pôle moral dans la politique mondiale. Je vous en prie, tenez-vous à leurs côtés.
Des millions de personnes nous regardent, espérant un leadership capable de donner naissance à un nouvel ordre mondial ancré dans la justice, l'humanité et la libération collective. Il ne s'agit pas seulement de la Palestine. Il s'agit de nous tous.
Les États dotés de principes doivent se montrer à la hauteur de la situation. Ils n'ont pas besoin d'allégeance politique, de couleur, de drapeau de parti politique ou d'idéologie : ils doivent être soutenus par des valeurs humaines fondamentales. Celles qu'Israël broie impitoyablement depuis 21 mois maintenant.
En attendant, j'applaudis la convocation de cette conférence d'urgence à Bogota pour faire face à la dévastation incessante de Gaza. C'est donc sur ce point qu'il importe de se concentrer. Les mesures adoptées en janvier par le groupe de La Haye étaient symboliquement puissantes. Elles ont donné le signal du changement discursif et politique nécessaire. Mais il s'agit du strict minimum. Je vous conjure d'élargir et de renforcer votre engagement. Et de le traduire en actions concrètes, sur le plan législatif et judiciaire, dans chacune de vos juridictions. Et de réfléchir avant tout à ce que nous devons faire pour mettre fin à l'assaut génocidaire. Pour les Palestiniens, en particulier ceux de Gaza, cette question est existentielle. Mais elle s'applique aussi à notre humanité à tous.
Dans ce contexte, ma responsabilité ici est de vous recommander, sans compromis et sans détour, le remède à la cause profonde du problème. Nous avons depuis longtemps dépassé le stade du traitement des symptômes, zone de confort dans laquelle trop de gens se complaisent aujourd'hui. Et mes propos montreront que ce que le Groupe de La Haye s'est engagé à faire et envisage d'étendre n'est qu'un petit pas vers ce qui est juste et légitime au regard de vos obligations en vertu du droit international.
Il s'agit d'obligations, et non de sympathie ou de charité.
Chaque État doit immédiatement revoir et suspendre toutes ses relations avec Israël. Qu'il s'agisse de relations militaires, stratégiques, politiques, diplomatiques, économiques, d'importations ou d'exportations, et s'assurer que son secteur privé, ses assureurs, ses banques, ses fonds de pension, ses universités et autres fournisseurs de biens et de services dans les chaînes d'approvisionnement font de même. Considérer l'occupation comme une situation normale revient à soutenir ou à fournir une aide ou une assistance à la présence illégale d'Israël dans les territoires palestiniens occupés. Ces liens doivent être rompus de toute urgence. J'aurai l'occasion d'approfondir les aspects techniques et les implications lors de nos prochaines sessions, mais soyons clairs, je veux dire rompre les liens avec Israël dans son ensemble. Rompre uniquement les liens avec ses "composantes" dans les territoires palestiniens occupés n'est pas une option.
Cela est conforme à l'obligation qui incombe à tous les États en vertu de l'avis consultatif de juillet 2024, qui a confirmé l'illégalité de l'occupation prolongée par Israël, qualifiée d'équivalente à la ségrégation raciale et à l'apartheid. L'Assemblée générale a adopté cet avis. Ces conclusions sont plus que suffisantes pour justifier une action. En outre, c'est l'État d'Israël qui est accusé de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et de génocide, c'est donc à lui qu'il incombe d'assumer la responsabilité de ses actes répréhensibles.
Comme je l'ai fait valoir dans mon dernier rapport au Conseil des droits de l'homme, l'économie israélienne est structurée de manière à soutenir l'occupation et est désormais génocidaire. Il est impossible de dissocier les politiques et l'économie de l'État d'Israël de ses politiques et de son économie d'occupation de longue date. Elles sont indissociables depuis des décennies. Plus les États et les autres acteurs restent engagés, plus cette illégalité fondamentale est légitimée. C'est cela la complicité. Aujourd'hui, l'économie est devenue génocidaire. Il n'y a pas de bon Israël et de mauvais Israël.
Je vous demande d'imaginer que nous sommes assis ici dans les années 1990, en train de discuter du cas de l'apartheid en Afrique du Sud. Auriez-vous proposé des sanctions sélectives contre l'Afrique du Sud pour son comportement dans certains bantoustans ? Ou auriez-vous reconnu le système criminel de l'État dans son ensemble ? Et ici, ce que fait Israël est pire. Cette comparaison est une évaluation juridique et factuelle étayée par des procédures judiciaires internationales auxquelles beaucoup d'entre vous ont participé.
C'est ce que signifient les mesures concrètes. Négocier avec Israël sur la manière de gérer ce qui reste de Gaza et de la Cisjordanie, à Bruxelles ou ailleurs, est un affront flagrant au droit international.
Et aux Palestiniens et à tous ceux qui, aux quatre coins du monde, les soutiennent, souvent au prix de grands sacrifices, je dis que quoi qu'il arrive, la Palestine aura écrit ce chapitre tumultueux, non pas comme une note de bas de page dans les chroniques des conquérants en herbe, mais comme le dernier verset d'une saga séculaire de peuples qui se sont soulevés contre l'injustice, le colonialisme et, aujourd'hui plus que jamais, la tyrannie néolibérale.
Francesca Albanese est une avocate internationale et depuis mai 2022, la rapporteure spéciale des Nations unies sur la situation des droits de l'homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967.
📰 Lien de l'article original :
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3- Ces pays du Sud ayant interdit les transferts d'armes vers Israël
Plus de 30 délégués de tous les pays du Sud se sont réunis à Bogota, en Colombie, cette semaine pour lutter contre l'impunité d'Israël. Des États membres tels que la Colombie et l'Afrique du Sud ont ratifié des résolutions visant à interdire les transferts d'armes et à relancer les actions en justice pour mettre fin au génocide.

Par Carlos Cruz Mosquera, le 18 juillet 2025, Jacobin
Alors que les bombes continuent de pleuvoir sur le peuple palestinien et que les dirigeants occidentaux font tout leur possible pour protéger l'opération militaire israélienne, un bloc de nations s'est constitué pour faire tout ce qui est en son pouvoir afin de demander des comptes aux responsables.
Les représentants de plus de trente États du Sud se sont réunis cette semaine à Bogotá, en Colombie, pour mettre en place un plan d'urgence visant à mettre fin à l'offensive israélienne sur Gaza et la Cisjordanie. Parmi les résolutions ratifiées par le groupe figurent des mesures visant à bloquer le transfert d'armes et autres équipements militaires vers Israël via leurs territoires et à faire respecter les mandats de compétence universelle afin de garantir que justice soit rendue aux victimes des crimes perpétrés par Israël en Palestine.
La conférence a été convoquée par le Groupe de La Haye, cofondé plus tôt dans l'année par des responsables de plusieurs pays du Sud, dont l'Afrique du Sud et la Colombie. Le groupe cherche à garantir l'application des décisions rendues par la Cour pénale internationale (CPI) et la Cour internationale de justice (CIJ) à l'encontre d'Israël.
Son effort collectif contraste vivement avec la position des pays du Nord, tels que les États-Unis et les puissances d'Europe occidentale, qui se proclament si souvent leaders du monde libre et démocratique, mais qui non seulement ne soutiennent pas ces mesures, mais s'efforcent activement de les compromettre. Leurs obstructions ont notamment pris la forme de sanctions à l'encontre de responsables de la CPI et de la CIJ (tout récemment à l'encontre de représentants de l'ONU tels que Francesca Albanese), de refus de coopérer à l'exécution de mandats d'arrêt délivrés à l'encontre de responsables israéliens et d'un soutien militaire continu à Israël.
L'ancien monde unipolaire vacille aujourd'hui sous le poids du soutien effronté de ces nations au génocide israélien, tandis que les nations du Sud anciennement colonisées - en particulier les États dirigés par des leaders progressistes soutenus par des mouvements populaires - s'organisent pour en bâtir un nouveau.
Pourquoi la Colombie ?
Convoqué par Progressive International, le Groupe de La Haye a été fondé en janvier 2025. "Le Groupe de La Haye est né d'une nécessité", a déclaré sa présidente, Varsha Gandikota-Nellutla, lors de l'inauguration du groupe. "Dans un monde où les nations puissantes agissent en toute impunité, nous devons nous unir pour défendre les principes de justice, d'égalité et de droits humains".
Bien que le groupe ait adopté le nom de la ville européenne où il a été fondé, ses membres et son comité directeur sont principalement issus des pays du Sud, la Colombie et l'Afrique du Sud en assurant la coprésidence. Le rôle prépondérant de l'Afrique du Sud s'explique par le fait que ses représentants ont engagé des poursuites contre Israël devant la CIJ, motivés par leur propre expérience de l'apartheid.
Le rôle clé de la Colombie, notamment en tant que pays hôte de la dernière conférence, s'explique par le fait que le gouvernement actuel, dirigé par Gustavo Petro, a souvent été à l'origine de la condamnation internationale des actions d'Israël, en prenant des mesures concrètes contre cet État voyou.
Que la Colombie et les États d'Amérique latine contribuent à mener ces efforts visant à tenir Israël responsable de ses crimes n'est pas un hasard. La région et ses peuples ont historiquement été victimes d'agressions coloniales et impérialistes violentes. En effet, dans le contexte de l'interventionnisme de longue date des États-Unis, l'aide militaire et les armes israéliennes ont joué un rôle important dans la persécution des mouvements révolutionnaires et de gauche et de leurs dirigeants dans toute la région, en particulier en Colombie.
La violence coloniale d'Israël à l'encontre des Palestiniens est quelque chose que le Sud global comprend viscéralement. Qu'il s'agisse des blessures plus récentes qui marquent la société dans des pays comme l'Afrique du Sud ou des blessures coloniales cicatrisées subies par les Latino-Américains – dont l'héritage continue d'inspirer la rébellion dans ces régions –, celles-ci servent à les unir dans une lutte commune contre des injustices historiquement partagées.
Dans ce contexte, le président Petro affirme que ce qu'Israël et ses partisans font à Gaza s'inscrit dans le cadre d'une "expérience menée par les puissances mondiales contre les peuples du Sud". Cette expérience, écrit-il, "vise à démontrer que la puissance militaire des États-Unis, de l'Europe et d'Israël peut dominer toute rébellion des pauvres du monde".
Complicité généralisée
Les tentatives visant à mettre fin aux violences génocidaires perpétrées contre les Palestiniens coïncident avec les efforts déployés par les pays occidentaux pour protéger et soutenir Israël et les responsables de crimes de guerre. Si le soutien militaire inconditionnel des États-Unis reste le plus considérable pour Israël, une grande partie du monde occidental est également complice.
Les recherches menées par les journalistes d'investigation de Declassified UK ont révélé que le gouvernement britannique, qui prétend travailler avec les dirigeants israéliens en vue d'un cessez-le-feu, les a soutenus en effectuant pas moins de cinq cents vols de renseignement militaire au-dessus de Gaza au cours des vingt et un mois de violence.
De même, l'Allemagne a affirmé ne soutenir Israël qu'avec une aide militaire défensive, malgré des rapports démontrant qu'elle est utilisée pour des systèmes d'armes déployés à Gaza, notamment des drones et des missiles. En réalité, l'Allemagne est le deuxième exportateur d'armes conventionnelles vers Israël, derrière les États-Unis, et elle est responsable d'environ 47 % des importations totales d'Israël dans ce domaine, pour une valeur colossale de 355,3 millions de dollars rien qu'en 2023.
L'Union européenne continue d'exprimer son soutien indéfectible à Israël, limitant ses critiques timides à la manière dont le pays a géré la distribution de l'aide à Gaza. En outre, des rapports récents montrent que les fonds de l'UE, en particulier le fonds Horizon Europe, ont été affectés à des opérations militaires ainsi qu'au développement d'instruments de guerre, bien qu'indirectement.
Le soutien diplomatique et tangible largement répandu dont bénéficie Israël alors qu'il massacre les Palestiniens ne doit pas être perçu comme un échec du leadership politique occidental, une erreur de jugement dans une situation de guerre complexe. Au contraire, sa détermination à aider et à protéger Israël alors qu'il commet des crimes de guerre odieux doit être replacée dans le contexte de la longue histoire des crimes coloniaux européens.
Les mesures du Groupe de La Haye & leur leur portée potentielle
Douze des États représentés à la conférence d'urgence du Groupe de La Haye - la Bolivie, la Colombie, Cuba, l'Indonésie, l'Irak, la Libye, la Malaisie, la Namibie, le Nicaragua, Oman, Saint-Vincent-et-les-Grenadines et l'Afrique du Sud - se sont engagés à respecter six mesures votées et adoptées lors de la conférence.
Il s'agit notamment de suspendre la vente d'armes et d'autres équipements militaires à Israël, d'empêcher les navires militaires de transiter ou d'accoster sur leur territoire, d'interdire à leurs propres navires nationaux de transporter des articles militaires ou à double usage, de lancer immédiatement un examen des contrats publics susceptibles de soutenir l'occupation des territoires palestiniens, de veiller au respect des obligations de poursuivre les crimes les plus graves en vertu du droit international et de soutenir les mandats de compétence universelle afin de garantir la justice pour les victimes des crimes internationaux commis par Israël en Palestine.
Il reste à voir dans quelle mesure ces mesures seront efficaces face aux atrocités en cours et si d'autres pays se joindront à cette initiative. Si Israël, fort du soutien de certaines puissances mondiales, continue de disposer de la puissance militaire nécessaire pour opprimer et massacrer les Palestiniens, un nombre important de dirigeants du Sud ont fait preuve de la clarté morale - et, de plus en plus, de la volonté politique - nécessaires pour lutter contre l'impunité d'Israël.
Carlos Cruz Mosquera est titulaire d'un doctorat en sciences politiques et enseigne à l'université Queen Mary de Londres.
📰 https://jacobin.com/2025/07/global-south-israel-palestine-bogota
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