♟ Croire que les USA lâcheront un jour Israël est totalement illusoire
Les États-Unis tiennent le monde en otage, non seulement en contrôlant son pétrole, son gaz et son énergie, mais aussi en contrôlant ses finances. Netanyahou est le Zelensky israélien.
◾️ ◾️ ◾️
SOMMAIRE :
5 articles révélateurs
1 - Pourquoi les États-Unis soutiennent-ils si vigoureusement Israël ? Analyse géopolitique menée par l'économiste Michael Hudson
2 - Le Manifeste de Gaza : Pourquoi l'ancien Moyen-Orient de l'Amérique s'effondre
3 - La trahison des régimes arabes
4 - Les États-Unis et Israël prêts à ouvrir le Front du Liban
5 - Le chef de l'armée israélienne fait l'éloge des collaborateurs de l'AP en Cisjordanie occupée
◾️ ◾️ ◾️
1- ♟ Pourquoi les États-Unis soutiennent-ils si vigoureusement Israël ? Analyse géopolitique menée par l'économiste Michael Hudson
L'économiste Michael Hudson en discute avec le journaliste Ben Norton.
Par Ben Norton, le 12 novembre 2023, Geo Political Economy Report
Ben Norton, a interviewé l’économiste Michael Hudson afin d’explorer les raisons pour lesquelles Israël est un élément si important de la politique étrangère américaine et de la tentative de Washington de dominer non seulement la région du Moyen-Orient, mais vraiment la planète.
Il est crucial de souligner qu’Israël est une extension du pouvoir géopolitique américain dans l’une des régions les plus importantes du monde.
En fait, c’est l’actuel président américain Joe Biden, en 1986, alors qu’il était sénateur, qui a déclaré que, si Israël n’existait pas, les États-Unis devraient l’inventer :
Si nous regardons le Moyen-Orient, je pense qu’il est temps que nous nous arrêtions, ceux d’entre nous qui appuient, comme la plupart d’entre nous, Israël dans cette instance, de présenter des excuses pour notre soutien à Israël
Il n’y a aucune excuse à présenter. Aucune. C’est le meilleur investissement de 3 milliards de dollars que nous ayons fait.
Si Israël n'existait pas, les États-Unis d’Amérique devraient inventer un Israël pour protéger ses intérêts dans la région; les États-Unis devraient sortir du pays et aller créer un Israël.
Je suis avec mes collègues qui siègent au Comité des relations étrangères, et nous nous inquiétons beaucoup de l’OTAN; et nous nous inquiétons du flanc est de l’OTAN, de la Grèce et de la Turquie, et de son importance. Ils font pâle figure en comparaison…
Ils sont dérisoires par rapport aux États-Unis d’Amérique.
Tout d’abord, il va sans dire que le soi-disant Moyen-Orient, ou l’Asie de l’Ouest qui est un meilleur terme, compte certaines des plus grandes réserves mondiales de pétrole et de gaz, et toute l’infrastructure économique dans le monde dépend des combustibles fossiles.
Le monde s’oriente progressivement vers de nouvelles sources d’énergie, mais les combustibles fossiles demeurent absolument essentiels à l’ensemble de l’économie mondiale. Et l’objectif de Washington a été de s’assurer sa capacité à maintenir des prix stables sur les marchés mondiaux du pétrole et du gaz.
Mais il s’agit de quelque chose de bien plus vaste que simplement le pétrole et le gaz. La politique déclarée de l'armée américaine depuis les années 1990, depuis la fin de la guerre froide et le renversement de l'Union soviétique, est que les États-Unis tentent de maintenir leur contrôle sur toutes les régions du monde.
Cela a été déclaré très clairement par le Conseil de sécurité nationale des États-Unis en 1992 dans la doctrine dite Wolfowitz. Le Conseil de sécurité nationale américain a écrit :
L'objectif [des États-Unis] est d'empêcher toute puissance hostile de dominer une région essentielle à leurs intérêts et de renforcer ainsi les barrières contre la réapparition d'une menace mondiale pour les intérêts américains et ceux de leurs alliés. Ces régions comprennent l'Europe, l'Asie de l'Est, le Moyen-Orient et le golfe Persique, ainsi que l'Amérique latine. Un contrôle consolidé et non démocratique des ressources d'une région aussi cruciale pourrait constituer une menace importante pour notre sécurité.
Puis, en 2004, le gouvernement américain a publié sa stratégie militaire nationale, dans laquelle Washington soulignait que son objectif était de "dominer l'ensemble du spectre - la capacité de contrôler n'importe quelle situation ou de vaincre n'importe quel adversaire à travers toute la panoplie des opérations militaires".
Historiquement, en ce qui concerne le Moyen-Orient, les États-Unis se sont appuyés sur une stratégie dite des "deux piliers". Le pilier ouest était l'Arabie saoudite et le pilier est l'Iran. Jusqu'à la révolution de 1979 en Iran, le pays était gouverné par un dictateur, un shah, un monarque, qui était soutenu par les États-Unis et servait les intérêts américains dans la région.
Mais, avec la révolution de 1979, les États-Unis ont perdu l'un des piliers de leur stratégie à deux piliers, et Israël est devenu de plus en plus essentiel pour les États-Unis afin de maintenir leur contrôle sur cette région d'une importance stratégique cruciale.
Il ne s'agit pas seulement des énormes réserves de pétrole et de gaz de la région ; il ne s'agit pas seulement du fait qu'un grand nombre des principaux producteurs de pétrole et de gaz du monde se trouvent en Asie occidentale.
C'est aussi le fait que certaines des routes commerciales les plus importantes de la planète passent par cette région.
On ne saurait trop insister sur l'importance du canal de Suez en Égypte. Celui-ci relie le commerce du Moyen-Orient à l'Europe, de la mer Rouge à la Méditerranée, et environ 30 % de tous les conteneurs maritimes du monde transitent par le canal de Suez. Ce qui représente environ 12 % de l'ensemble des échanges mondiaux de marchandises.
Ensuite, directement au sud du canal de Suez, là où la mer Rouge pénètre dans la mer d'Arabie, se trouve un point d'étranglement géostratégique crucial, le détroit de Bab al-Mandab, au large des côtes du Yémen. Plus de 6 millions de barils de pétrole y transitent chaque jour.
Historiquement, les États-Unis ont toujours cherché à dominer cette région afin de garder le contrôle non seulement des approvisionnements en énergie, mais aussi des routes commerciales mondiales sur lesquelles repose l'ensemble du système économique néolibéral mondialisé.
Et comme l'influence américaine dans la région s'est affaiblie dans un monde de plus en plus multipolaire, Israël est devenu de plus en plus précieux pour les États-Unis qui tentent de garder le contrôle.
Nous le constatons parfaitement dans les discussions sur les prix du pétrole au sein de l'OPEP, l'Organisation des pays exportateurs de pétrole, qui a été élargie et est désormais connue sous le nom d'OPEP+ afin d'y inclure la Russie.
Désormais, l'Arabie saoudite et l'ennemi juré de Washington, la Russie, jouent un rôle clé dans la détermination des prix mondiaux du pétrole.
Historiquement, l'Arabie saoudite était un fidèle mandataire des États-Unis, mais de plus en plus, Riyad maintient une politique étrangère moins alignée. L'une des principales raisons en est que la Chine est désormais le principal partenaire commercial de nombreux pays de la région. Depuis une décennie, la Chine est le premier importateur de pétrole et de gaz du golfe Persique.
En outre, grâce à son projet d'infrastructure globale, l'initiative Belt and Road, la Chine est en train de ramener le centre du commerce mondial vers l'Asie. Et dans l'initiative Belt and Road, le "road" (route) en particulier est une référence à la New Silk Road ou Nouvelle Route de la Soie.
Pouvez-vous deviner quelle région est absolument cruciale pour la nouvelle route de la soie et l'initiative Belt and Road ? Eh bien, évidemment, c'est le Moyen-Orient - ou, encore une fois, il serait plus approprié de parler de l'Asie occidentale, et ce terme explique en fait beaucoup mieux l'importance géostratégique de cette région, puisqu'elle relie l'Asie à l'Europe.
Cela explique également pourquoi les États-Unis ont été si désespérés d'essayer de défier la Belt and Road avec leurs propres tentatives de construire de nouvelles routes commerciales. En particulier, les Américains essaient de créer une route commerciale allant de l’Inde au golfe Persique, puis passant par Israël.
Dans tous ces projets, Israël joue donc un rôle majeur, en tant qu'extension de la puissance impériale américaine dans l'une des régions les plus importantes du monde. C'est pourquoi Biden a déclaré en 1986 que si Israël n'existait pas, les États-Unis devraient l'inventer.
C'est également pour cette raison qu'il l'a répété lors d'une réunion à la Maison Blanche avec le président israélien Isaac Herzog le 27 octobre 2022 :
"Nous allons également discuter de l'engagement sans faille - et je le répéterai 5000 fois dans ma carrière - de l'engagement sans faille des États-Unis envers Israël, fondé sur nos principes, nos idées, nos valeurs ; ce sont les mêmes valeurs.
Et j'ai souvent dit, Monsieur le Président [Herzog], que si Israël n'existait pas, nous devrions en inventer un."
Et pas plus tard que le 18 octobre 2023, Joe Biden a réitéré ses propos lors d'un discours prononcé en Israël: "J'ai longtemps dit que si Israël n'existait pas, il nous faudrait l'inventer".
Dans ce discours prononcé en 2023, Biden s'est rendu en Israël pour soutenir le pays alors qu'il menait une campagne de bombardements sauvages à Gaza et procédait à un nettoyage ethnique des Palestiniens dans le cadre de ce que de nombreux experts du monde entier ont qualifié de "cas d’école de génocide".
Les plus grands experts des Nations unies ont prévenu que le peuple palestinien était menacé de génocide par Israël.
Et les États-Unis ont toujours soutenu Israël, parce qu'une fois de plus, comme l'a dit Joe Biden, Israël est une extension de la puissance impériale américaine en Asie occidentale ; et s'il n'existait pas, Washington devrait l'inventer.
Ce qui suit est la transcription de l'entretien que Ben Norton, rédacteur en chef du Geo Political Economy Report, a mené avec l'économiste Michael Hudson, auteur de nombreux livres, dont Super Imperialism: The Economic Strategy of American Empire.
🎙 Ben Norton : Michael, merci d'être à mes côtés aujourd'hui. Nous sommes le 9 novembre, et le dernier bilan de la guerre à Gaza fait état de plus de 10 000 Palestiniens tués par Israël.
Les Nations Unies ont qualifié Gaza de "cimetière pour enfants". Plus de 4 000 ont en effet été tués. Ils représentent 40 % des victimes.
Et les États-Unis continuent d'apporter leur soutien à Israël, non seulement diplomatiquement et politiquement, non seulement en opposant, par exemple, leur veto aux résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU appelant à un cessez-le-feu, mais en outre, en envoyant des milliards de dollars à Israël.
Non seulement les 3,8 milliards de dollars que les États-Unis donnent chaque année à Israël en aide militaire, mais aussi des dizaines de milliards de dollars de bonus supplémentaire.
Je me demande donc si vous pourriez nous fournir votre analyse des raisons pour lesquelles, selon vous, les États-Unis investissent autant de ressources pour soutenir ce pays alors qu’il commet clairement des crimes de guerre.
Michael Hudson : Eh bien, l'Amérique Eh bien, il appuie indéniablement Israël, mais il ne le fait pas parce que c’est un acte altruiste.
Pour les États-Unis, Israël est le porte-avions débarqué au Proche-Orient. Israël est le point de départ de l’Amérique pour contrôler le Proche-Orient.
Et dès qu'il a été question de créer un Israël, il a toujours été entendu qu'Israël serait un avant-poste, d'abord de l'Angleterre, puis de la Russie, et enfin des États-Unis au Proche-Orient.
Et je peux vous raconter une anecdote. Le principal conseiller à la sécurité nationale de Netanyahou ces dernières années a été Uzi Arad. J'ai travaillé à l'Hudson Institute pendant environ cinq ans, de 1972 à 1976. Et j'y ai travaillé en très étroite collaboration avec Uzi.
Uzi et moi avons fait deux voyages en Corée et au Japon pour parler de finance internationale. Nous avons donc eu une bonne occasion de faire connaissance. Lors d'un voyage, nous nous sommes arrêtés à New York, puis à San Francisco. Et à San Francisco, il y avait une fête ou un rassemblement pour que les gens nous rencontrent.
Et l'un des généraux américains est venu, a tapé Uzi dans le dos et lui a dit : Vous êtes notre porte-avions débarqué là-bas. Nous vous aimons.
J'ai vu Uzi se crisper et se sentir très embarrassé, mais n'avait pas grand-chose à dire. Mais les États-Unis ont toujours considéré Israël comme leur base militaire étrangère, et non comme Israël.
Alors évidemment, ils tiennent à sécuriser cette base militaire.
Mais lorsque l'Angleterre a adopté pour la première fois la loi stipulant qu'il devait y avoir un État d'Israël, la déclaration Balfour, c'était parce que la Grande-Bretagne voulait contrôler le Proche-Orient et ses réserves de pétrole.
Lorsqu'Israël a été créé au sein des Nations unies, le premier pays à le reconnaître fut Staline et la Russie, qui pensaient que les Russes allaient avoir une influence majeure sur Israël.
Ensuite, bien sûr, lorsque Truman est arrivé, les militaires ont immédiatement vu que l'Amérique remplaçait l'Angleterre en tant que maître du Proche-Orient. Et ce, même après le combat, le renversement du gouvernement de Mossadegh en Iran en 1953.
Pour les États-Unis, ce n'est donc pas Israël qui tire les ficelles, bien au contraire. Vous avez dit que l'Amérique soutenait Israël. Vous avez mentionné que l’Amérique soutient Israël. Je ne pense pas que l'Amérique soutienne Israël, pas plus que la plupart des Israéliens ou des démocrates.
L'Amérique soutient Netanyahou. Elle soutient le Likoud, pas Israël. La majorité des Israéliens, en tout cas les Israéliens non religieux, le noyau dur de la population d'Israël depuis sa fondation, s'oppose au Likoud et à ses politiques.
Ce qui se passe en réalité, c'est que pour les États-Unis, Netanyahou est la version israélienne de Zelensky en Ukraine.
Et l'avantage d'avoir une personne aussi antipathique, opportuniste et corrompue que Netanyahou, qui est sous le coup d'une inculpation pour corruption, est précisément que toute l'attention du monde entier, qui est si consterné par les attaques qui se déroulent à Gaza, ne blâme pas les États-Unis.
Ils blâment Israël. Ils accusent Netanyahou et Israël, alors que ce sont les États-Unis qui envoient avion après avion chargé de bombes et d'armes. Ce sont 22 000 mitrailleuses, fusils automatiques, interdits à la vente aux États-Unis, que l'Amérique envoie aux colons pour qu'ils les utilisent en Cisjordanie.
Il y a donc un faux-semblant de bon flic, mauvais flic. Blinken dit à Netanyahou : Lorsque vous bombardez des hôpitaux, assurez-vous que vous le faites dans le respect des règles de guerre. Et quand vous tuez 100 000 enfants de Gaza, assurez-vous que c'est légal et dans le cadre de la guerre. Et lorsque vous parlez de nettoyage ethnique et d'expulsion d'une population, veillez à ce que tout cela soit fait dans la légalité.
Bien sûr, ce ne sont pas les règles de guerre et des crimes de guerre sont commis, mais les États-Unis font semblant de dire à Netanyahu et au gouvernement israélien, utilisez des bombes plus petites. Soyez plus délicats lorsque vous bombardez les enfants à l'hôpital, alors qu'en réalité, tout cela n'est que de la poudre aux yeux.
Les États-Unis tentent de dire qu'ils ne sont là que pour aider un allié. Le monde entier a remarqué que les Américains disposent désormais de deux porte-avions en Méditerranée, juste à proximité des côtes du Proche-Orient, et d'un sous-marin atomique près du golfe Persique.
Pourquoi sont-ils là ? Le président Biden et le Congrès disent qu'il n'est pas question que des troupes américaines combattent le Hamas à Gaza. Nous n'allons pas nous impliquer. Eh bien, si les troupes ne vont pas s'impliquer, pourquoi sont-elles là ?
Nous savons ce que font les avions américains. Hier, ils ont bombardé un autre aéroport ainsi qu'un dépôt de carburant en Syrie. Ils bombardent la Syrie. Et il est très clair qu'ils ne sont pas là pour protéger Israël, mais pour combattre l'Iran.
Encore et encore, tous les journaux américains, lorsqu'ils parlent du Hamas, affirment que le Hamas agit pour le compte de l'Iran. Lorsqu'ils parlent du Hezbollah, et qu'ils se demandent s'il va y avoir une intervention du Liban contre le nord d'Israël, ils déclarent que le Hezbollah est la marionnette de l'Iran.
Chaque fois qu'ils parlent d'un dirigeant du Proche-Orient, c'est pour dire que tous ses dirigeants sont des marionnettes de l'Iran, tout comme en Ukraine et en Europe centrale, ils qualifient la Hongrie et d'autres pays de marionnettes de Poutine en Russie.
En réalité, l'Amérique n'essaie pas de se battre pour protéger l'Ukraine. Elle se bat pour que le dernier Ukrainien soit épuisé dans ce qu'elle espérait être l'épuisement de l'armée russe. Cela n'a pas fonctionné.
C'est la même chose en Israël. Si les États-Unis poussent Israël et Netanyahou à l'escalade, à l'escalade, et encore à l'escalade, à faire quelque chose qui, à un moment donné, amènera Nasrallah à dire finalement, d'accord, nous n'en pouvons plus. Nous allons intervenir et aider à sauver les habitants de Gaza et surtout à sauver la Cisjordanie, où les combats sont tout aussi intenses. Nous allons intervenir.
C'est alors que les États-Unis se sentiront libres d'agir non seulement contre le Liban, mais aussi contre l'Iran en passant par la Syrie et l'Irak.
Ce que nous voyons aujourd'hui à Gaza et en Cisjordanie n'est que le catalyseur, le déclencheur du fait que les néoconservateurs disent que nous n'aurons jamais une meilleure chance que maintenant de conquérir l'Iran.
C'est donc le point de départ de l'épreuve de force : si l'Amérique veut contrôler le pétrole du Proche-Orient, et en contrôlant le pétrole du Proche-Orient, en le plaçant sous le contrôle des États-Unis, elle peut contrôler les importations d'énergie d'une grande partie du monde.
Cela donne donc aux diplomates américains le pouvoir de fermer le robinet du pétrole et du gaz et de sanctionner tout pays qui tente de jouer la carte de la multipolarité, tout pays qui tente de s'opposer au contrôle unipolaire des États-Unis.
🎙 Oui, Michael, je pense que vous touchez un point vraiment important, à savoir qu'il s'agit de l'une des régions les plus géostratégiques du monde, surtout lorsqu'il s'agit d'hydrocarbures.
L'ensemble de l'économie mondiale reste très fortement tributaire du pétrole et du gaz, surtout si l'on considère que les États-Unis ne font pas partie de l'OPEP, et surtout si l'on considère que l'OPEP s'est essentiellement élargie à l'OPEP+ et qu'elle inclut désormais la Russie.
Cela signifie que l'Arabie saoudite et la Russie peuvent essentiellement contribuer à contrôler les prix mondiaux du pétrole. Nous l'avons d'ailleurs constaté aux États-Unis ces dernières années avec l'augmentation de l'inflation des prix à la consommation.
Nous avons vu que l'administration Biden était préoccupée par les prix de l'essence, en particulier à l'approche des élections de mi-mandat. Et l'administration Biden a libéré beaucoup de pétrole des réserves stratégiques de pétrole américaines.
Nous pouvons également observer ce type de déclarations en particulier lorsque nous revenons en arrière et que nous examinons l'administration Bush. De nombreuses personnes impliquées dans l'administration Bush et dans la soi-disant "guerre contre le terrorisme" ont ouvertement parlé de l'importance pour Washington de dominer cette région.
Je pense notamment à Wesley Clark, le plus haut gradé des généraux américains et commandant de l'OTAN, qui a révélé en 2007 que l'administration Bush avait prévu de renverser sept pays en l'espace de cinq ans. Il s'agissait de pays d'Afrique du Nord et d'Asie occidentale.
Plus précisément, il a révélé, lors d'un entretien avec la journaliste Amy Goodman dans l'émission Democracy Now, que les plans de Washington consistaient à renverser les gouvernements de l'Irak, de la Syrie, du Liban, de la Libye, de la Somalie, du Soudan et, pour finir, de l'Iran :
Wesley Clark : Une dizaine de jours après le 11 septembre, je suis passé par le Pentagone et j'ai vu le secrétaire Rumsfeld et le secrétaire adjoint Wolfowitz. Je suis descendu saluer certains membres de l'état-major interarmées qui travaillaient pour moi.
L'un des généraux m'a appelé et m'a dit : "Monsieur, il faut que vous veniez me parler un instant".
J'ai répondu : "Vous êtes trop occupé". Il m'a répondu : "Non, non". Il m'a dit : "Nous avons pris la décision ; nous entrons en guerre contre l'Irak".
C'était vers le 20 septembre. J'ai demandé : "Nous allons faire la guerre à l'Irak, pourquoi ?" Il m'a répondu : "Je ne sais pas". Il a ajouté : "Je suppose qu'ils ne savent pas quoi faire d'autre".
Je lui ai alors demandé s'ils avaient trouvé des informations reliant Saddam à Al-Qaïda. Il m'a répondu : "Non, non". Il n'y a rien de nouveau de ce côté-là. Ils viennent de prendre la décision d'entrer en guerre contre l'Irak".
Il a ensuite dit : "Je suppose que c'est comme si nous ne savions pas quoi faire au sujet des terroristes, mais que nous avions une bonne armée et que nous pouvions renverser des gouvernements".
Et il a ajouté : "Je suppose que si le seul outil dont vous disposez est un marteau, chaque problème doit ressembler à un clou".
Je suis donc revenu le voir quelques semaines plus tard, et à ce moment-là, nous bombardions l'Afghanistan.
Je lui ai demandé si nous allions toujours faire la guerre à l'Irak. Il m'a répondu : "Oh, c'est pire que ça".
Il s'est penché sur son bureau, a saisi un bout de papier et a dit : "Je viens de recevoir ça d'en haut", c'est-à-dire du bureau du secrétaire à la défense aujourd'hui, et il a ajouté : "C'est un mémo qui décrit comment nous allons éliminer sept pays en cinq ans, en commençant par l'Irak, puis la Syrie, le Liban, la Libye, la Somalie, le Soudan, et en terminant par l'Iran".
J'ai demandé : "C'est confidentiel ?" Il m'a répondu : "Oui, monsieur". J'ai dit : "Eh bien, ne me le montrez pas".
Je l'ai revu il y a environ un an et je lui ai dit : "Vous vous souvenez de ça ?" Il m'a répondu : "Désolé, je ne vous ai pas montré ce mémo ! Je ne vous l'ai pas montré !"
Amy Goodman : Je suis désolée, comment avez-vous dit qu'il s'appelait ? (rires)
Wesley Clark : Je ne vais pas vous donner son nom. (rires)
Amy Goodman : Alors, citez à nouveau les pays.
Wesley Clark : En commençant par l'Irak, puis la Syrie et le Liban, puis la Libye, puis la Somalie et le Soudan, et enfin l'Iran.
Depuis lors, nous avons bien sûr assisté à la guerre des États-Unis contre l'Irak. Nous avons également assisté à la guerre par procuration en Syrie, qui se poursuit à bien des égards. Les États-Unis occupent un tiers du territoire syrien, y compris les régions riches en pétrole.
Le président Donald Trump lui-même s'est vanté, lors d'une interview accordée en 2020 à l'animatrice de Fox News Laura Ingraham, de laisser les troupes américaines en Syrie pour s'emparer du pétrole :
Donald Trump : Et ils disent ensuite : "Il a laissé des troupes en Syrie". Vous savez ce que j'ai fait ? J'ai laissé des troupes pour prendre le pétrole. J'ai pris le pétrole. Les seules troupes que j'ai sont en train de prendre le pétrole. Elles protègent le pétrole.
Laura Ingraham : Nous ne prenons pas le pétrole. Nous ne le prenons pas.
Donald Trump : Peut-être que nous le ferons, peut-être que nous ne le ferons pas.
Laura Ingraham : Ils protègent les installations.
Donald Trump : Je ne sais pas, peut-être que nous devrions le prendre. Mais nous avons le pétrole. Pour l'instant, ce sont les États-Unis qui ont le pétrole.
Alors ils disent : "Il a laissé des troupes en Syrie". Non, je me suis débarrassé de toutes les troupes, sauf que nous protégeons le pétrole ; nous possédons le pétrole.
Nous avons également vu les États-Unis imposer des sanctions au Liban, ce qui a contribué à l'hyperinflation et à la destruction de l'économie libanaise. Et ce, en grande partie parce que le Hezbollah fait partie du gouvernement, et que les États-Unis ont fait pression sur le gouvernement libanais pour qu'il crée un nouveau gouvernement sans le Hezbollah.
Nous avons également vu, bien sûr, que l'OTAN a détruit l'État libyen en 2011. La Somalie est également un État en déliquescence. Et le Soudan a été divisé en grande partie grâce aux États-Unis et à Israël qui ont soutenu le mouvement séparatiste du Sud-Soudan sur des bases ethno-religieuses, en utilisant le sectarisme religieux.
Si vous regardez la liste des pays cités par Wesley Clark en 2006, les sept pays en cinq ans, c'est-à-dire l'Irak, la Syrie, le Liban, la Libye, la Somalie, le Soudan et enfin l'Iran, le seul pays qui a vraiment réussi à maintenir la stabilité de l'État, qui n'a pas été complètement dévasté par les États-Unis, c'est l'Iran.
Bien sûr, cela a pris plus de cinq ans, mais les États-Unis ont plutôt bien réussi. Et bien sûr, Israël a joué un rôle majeur dans l'objectif américain de déstabiliser les gouvernements de la région.
Voyons comment cela s'est passé. Souvenez-vous, après l'attaque du 11 septembre, il y a eu une réunion à la Maison Blanche, et tout le monde savait que les pilotes étaient saoudiens, et que certains d'entre eux avaient séjourné à l'ambassade saoudienne à Los Angeles, me semble-t-il, aux États-Unis.
Mais après le 11 septembre, il y a eu une réunion du cabinet, et Rumsfeld a dit aux personnes présentes de chercher et de trouver tout lien possible avec l'Irak, d'oublier l'Arabie saoudite, cela ne pose pas de problème, l'Irak est la clé. Il leur a demandé de trouver le lien, et le 11 septembre est devenu le prétexte pour attaquer non pas l'Arabie saoudite, mais l'Irak, et poursuivre dans cette voie.
Il fallait une crise similaire en Libye. Ils ont dit qu'en Libye, il y avait quelques fondamentalistes, si je me souviens bien, dans les banlieues de l'une des [villes], pas la capitale, qui causaient des problèmes. Il faut donc "protéger" les innocents contre [Mouammar Kadhafi], et on entre pour s'emparer de toutes leurs réserves d'or, de tout leur argent, et on s'empare du pétrole au nom du monopole pétrolier de la France.
Tel est le rôle des combats qui se déroulent aujourd'hui à Gaza. La lutte de Netanyahou contre Gaza sert de prétexte à l'Amérique pour y envoyer ses navires de guerre, ses sous-marins, et pour bombarder, avec Israël, l'aéroport syrien afin que les Syriens ne soient pas en mesure d'acheminer des armes ou un quelconque soutien militaire au Liban, à l'ouest, ou à l'Iran, à l'est.
Il est donc évident que tout ce que à quoi nous assistons a pour but d'amadouer l'opinion publique et de lui faire comprendre que, tout comme nous avons dû envahir l'Irak à cause du 11 septembre, nous devons maintenant combattre et détruire les raffineries de pétrole de l'Iran ainsi que ses instituts scientifiques et tous les laboratoires où ils pourraient se livrer à de la recherche atomique.
L'Iran en est conscient. La semaine dernière, la télévision iranienne a rapporté que le ministre de la défense avait déclaré qu'en cas d'attaque contre l'Iran, que ce soit par Israël ou par n'importe qui d'autre, les États-Unis et leurs bases à l'étranger seraient durement touchés.
L'Iran, la Russie et la Chine ont tous examiné la situation à Gaza non pas comme s'il s'agissait d'une action israélienne, mais comme une action américaine. Ils comprennent tous qu'il s'agit de l'Iran, et la presse américaine se contente de dire que lorsqu'elle parle de Gaza, du Hamas, du Hezbollah ou de tout autre groupe, il s'agit toujours de l'outil iranien untel ou untel.
Ils diabolisent l'Iran de la même manière que les néoconservateurs ont diabolisé la Russie pour préparer l'Amérique à mener une guerre non déclarée contre l'Iran. Et ils pourraient même déclarer la guerre.
Hier soir, le 8 novembre, les Républicains ont eu leur débat présidentiel sans Trump, et Nikki Haley a dit, vous savez, nous devons combattre l'Iran, nous devons conquérir ce pays. Et DeSantis, de Floride, a ajouté : "Oui, tuons-les tous". Il n'a pas dit de qui il s'agissait. S'agit-il du Hamas ? De tous les habitants de Gaza ? De tous les Arabes du Moyen-Orient ?
Et nous assistons ici à quelque chose qui ressemble beaucoup aux Croisades. Il s'agit d'une véritable lutte pour savoir qui va contrôler l'énergie, car, encore une fois, la clé, c'est que si vous pouvez contrôler le flux mondial d'énergie, vous pouvez faire au monde entier ce que les États-Unis ont fait à l'Allemagne l'année dernière en faisant exploser les pipelines Nord Stream.
Vous pouvez réduire à néant son industrie, son industrie chimique, son industrie sidérurgique, toutes ses industries à forte intensité énergétique, si les pays n'acceptent pas le contrôle unipolaire des États-Unis. C'est pourquoi les Américains veulent contrôler ces régions.
Le joker est l'Arabie saoudite. Dans deux jours, je pense que le président iranien se rendra en Arabie saoudite et nous verrons ce qui se passera.
Mais l'Arabie saoudite estime que, même si son rôle est essentiel, elle pourrait simplement dire qu'elle n'exportera pas plus de pétrole tant que l'Amérique ne se retirera pas du Proche-Orient. Mais toutes les économies monétaires de l'Arabie saoudite sont alors investies aux États-Unis.
Les États-Unis tiennent le monde en otage, non seulement en contrôlant son pétrole, son gaz et son énergie, mais aussi en contrôlant ses finances. C'est comme si vous aviez votre argent dans une banque mafieuse ou dans le fonds de placement en crypto-monnaies de Bankman-Fried. Ils peuvent en faire ce qu'ils veulent.
Je pense donc qu'il est très peu probable que l'Arabie saoudite rompe ostensiblement avec les États-Unis parce que ceux-ci tiendraient ce pays en otage.
Mais je pense qu'il en résulterait ce dont on parle depuis les années 1960, lorsque des problèmes similaires se sont posés avec l'Iran. L'atout de l'Iran a toujours été sa capacité à couler un navire dans le détroit d'Ormuz, où le pétrole transite par un petit détroit très étroit. Si vous y coulez un pétrolier ou un navire de guerre, vous bloquerez tout le commerce maritime avec l'Arabie saoudite.
Cela permettrait à l'Arabie saoudite de ne plus avoir à dire qu'elle n'y peut rien. Bien sûr, nous aimerions exporter du pétrole, mais nous ne pouvons pas le faire parce que les voies maritimes sont toutes bloquées parce que vous, l'Amérique, avez attaqué l'Iran et qu'ils se sont défendus en coulant le navire. Vous ne pouvez donc pas envoyer vos porte-avions et vos sous-marins attaquer l'Iran. C'est tout à fait compréhensible.
Mais les États-Unis provoquent une crise mondiale.
Il est évident que les États-Unis savent que cela va se produire, car on en parle littéralement depuis 50 ans. Lorsque je travaillais à l'Institut Hudson sur la sécurité nationale, on discutait de ce qu'il faudrait faire lorsque l'Iran coulerait un navire dans le détroit d'Ormuz.
Les États-Unis se sont dit que les prix du pétrole allaient augmenter. Et si l'Iran riposte de cette manière, nous aurons alors le pouvoir de faire au monde ce que nous avons fait à l'Allemagne en 2022 en lui coupant le robinet du pétrole. Mais dans ce cas, nous ne porterons pas le chapeau.
Nous dirons que nous n'avons pas bloqué le commerce du pétrole saoudien et arabe. C'est l'Iran qui l'a bloqué, et c'est pourquoi nous allons bombarder l'Iran, en supposant qu'ils puissent le faire.
Voilà, à mon avis, le plan d'urgence. Et tout comme l'Amérique avait un plan d'urgence de ce type, attendant une occasion, comme le 11 septembre, ils avaient besoin d'un déclencheur, et Netanyahou l'a fourni. Et c'est pourquoi les États-Unis ont soutenu Netanyahou.
Et bien sûr, l'Iran dit, eh bien, nous avons la capacité d'anéantir Israël. Au Congrès, le général Miley et les autres ont tous dit, bien, nous savons que l'Iran pourrait anéantir Israël. C'est pourquoi nous devons attaquer l'Iran.
Mais en attaquant l'Iran, vous envoyez ses missiles vers Israël et, une fois encore, Israël finira par être l'équivalent de l'Ukraine au Proche-Orient. Voilà en quelque sorte le plan, et je pense que beaucoup d'Israéliens en sont conscients, et ce sont eux qui s'inquiètent et s'opposent à Netanyahou en essayant de l'empêcher de déclencher toute une série de confrontations militaires auxquelles Israël ne sera pas en mesure de résister.
Et même si l'Iran, j'en suis sûr, peut bombarder certaines régions du pays, maintenant que la Russie et la Chine soutiennent l'Iran par l'intermédiaire de l'Organisation de coopération de Shanghai, les lignes sont tracées très, très clairement.
Il semble donc que ce scénario soit inévitable, car Mearsheimer a souligné qu'il était impossible d'obtenir une solution négociée ou un règlement entre Israël et la Palestine. Il a déclaré qu'il ne pouvait y avoir de solution à deux États parce que l'État palestinien serait comme une réserve indienne en Amérique, divisée et isolée, et ne constituerait pas réellement un État.
Et il ne peut y avoir d'État unique, car un État unique est un État théocratique. C'est comme, encore une fois, c'est comme les États-Unis dans le Far West au 19ème siècle.
Et je pense que la façon de mettre les choses en perspective est de réaliser que ce que nous voyons aujourd'hui dans la tentative de diviser le monde ressemble beaucoup, excusez-moi, énormément à ce qui s'est passé au 12ème et 13ème siècle avec les Croisades.
🎙 Oui, Michael, vous soulevez de nombreux points très importants. Je sais que vous voulez parler davantage des croisades et de l'analogie historique. Et je pense que vous avez fait une excellente remarque sur le fait que l'empire américain se présente comme les nouveaux croisés.
Mais avant que vous ne vous éloigniez de la discussion politique plus contemporaine, je voulais souligner deux points très importants que vous avez mis en exergue.
Il ne s'agit pas seulement des réserves d'hydrocarbures du Moyen-Orient, qui sont si importantes pour l'économie mondiale et pour la tentative des États-Unis de maintenir leur contrôle sur les approvisionnements en pétrole et en gaz et, en particulier, sur les coûts de l'énergie.
Des élections se profilent pour 2024, et les États-Unis s'inquiètent des prix du gaz et de l'inflation. Et bien sûr, les intrants énergétiques sont un facteur clé de l'inflation.
En outre, cette région est stratégique en raison des routes commerciales. Bien sûr, le canal de Suez, d'après les données du Forum économique mondial, représente 30 % du volume mondial des conteneurs de transport maritime et 12 % de l'ensemble du commerce mondial concerne des marchandises qui transitent par le canal de Suez.
Nous l'avons vu en 2021, lors du grand scandale médiatique qui a suivi l'enlisement d'un navire américain dans le canal de Suez. Bien entendu, cela s'est produit au moment où le monde sortait d'une pandémie et où la chaîne d'approvisionnement subissait de nombreux chocs.
On voit donc à quel point l'économie mondiale est sensible aux moindres problèmes de la chaîne d'approvisionnement mondiale. Et quand on parle de routes maritimes, on ne parle pas seulement du canal de Suez, mais aussi de la mer Rouge, vers le sud.
Il y a aussi le Bab al-Mandab. Il s'agit d'un détroit très important au large des côtes du Yémen. Lors de la guerre au Yémen, qui a débuté en 2014 et 2015, une grande partie des combats menés par les États-Unis se sont déroulés dans le sud, au large de Bab al-Mandab, car il s'agit d'un détroit majeur par lequel transitent chaque jour des millions de barils de pétrole.
Cela me rappelle aussi, Michael, que vous avez parlé du contexte historique. Si vous remontez à 1956, Israël a envahi l'Égypte. Et pourquoi ? Israël a envahi l'Égypte parce que le président égyptien de gauche, Nasser, avait nationalisé le canal de Suez.
À ce moment-là, ce qui est très intéressant, c'est que le Royaume-Uni et la France soutenaient fermement Israël dans cette guerre contre l'Égypte parce qu'ils étaient également préoccupés par la nationalisation du canal de Suez par Nasser. À ce moment-là, les États-Unis n'étaient pas aussi profondément pro-israéliens qu'ils le sont devenus par la suite.
Bien sûr, en 1967, lors de la guerre des six jours, Israël a attaqué les États arabes voisins et a occupé une partie de l'Égypte, le Sinaï, et ce qui est devenu Gaza. Israël a occupé le plateau du Golan en Syrie, qui reste aujourd'hui un territoire syrien illégalement occupé. Et Israël a occupé la Cisjordanie, ce que nous appelons aujourd'hui la Cisjordanie.
Mais un autre détail important est qu'après la guerre de 1967, Israël est devenu de plus en plus un allié des États-Unis.
Alors que la première génération de dirigeants israéliens était davantage composée d'Européens, les dernières générations d'Israéliens ont été très américaines.
Je veux dire que quelqu'un comme Netanyahou est un Américain. Il a grandi aux États-Unis. Il est allé au lycée à Philadelphie. Il est allé au lycée avec Reggie Jackson, soit dit en passant. Il a passé ses années les plus formatrices aux États-Unis. Il a étudié au MIT (Massachusetts Institute of Technology).
Il a ensuite travaillé à Boston, avec de nombreux républicains dont il est devenu l'ami, comme Mitt Romney et Donald Trump. Puis, lorsqu'il est rentré en Israël, il a été envoyé aux États-Unis pour y devenir diplomate.
La nouvelle génération de dirigeants israéliens est donc beaucoup plus américaine.
Un autre détail que vous avez mentionné à propos de l'Iran est très important, car jusqu'à la révolution iranienne de 1979, l'Iran du Shah, la monarchie soutenue par les États-Unis, était un allié très important dans la région.
En fait, l'Arabie saoudite et l'Iran étaient connus sous le nom de "piliers jumeaux". L'Arabie saoudite était le pilier occidental et l'Iran le pilier oriental. Les États-Unis avaient l'habitude d'essayer de dominer cette région, bien sûr, avec le soutien d'Israël.
Avec la révolution iranienne de 1979, l'Amérique a perdu ce pilier oriental crucial, ce qui signifie qu'Israël est devenu encore plus indispensable du point de vue de l'impérialisme américain pour maintenir le contrôle sur cette région.
Je voulais donc simplement mentionner ces détails sur l'importance stratégique des routes commerciales, comme le détroit de Bab al-Mandab, comme le canal de Suez, et aussi le fait que la révolution iranienne a fondamentalement changé la politique des États-Unis dans la région et a rendu Israël encore plus important du point de vue de l'impérialisme américain.
Et aujourd'hui, comme vous l'avez mentionné, les États-Unis sont même en train de perdre le contrôle de l'Arabie saoudite. Ils sont donc en train de perdre leurs deux piliers, ce qui explique, une fois de plus, pourquoi Washington soutient si désespérément Israël, malgré le fait que toute la région est totalement opposée à ces politiques de colonisation et de nettoyage ethnique qu'Israël mène en ce moment même, sous les yeux du monde entier.
Pour les diplomates américains, ce que vous appelez le soutien à Israël est en réalité le soutien à la capacité des États-Unis à contrôler militairement le reste du Proche-Orient.
C'est une question de pétrole. L'Amérique ne donne pas tout cet argent à Israël parce qu'elle aime ce pays, mais parce qu'Israël est la base militaire à partir de laquelle les États-Unis peuvent attaquer la Syrie, l'Irak, l'Iran et le Liban. Par conséquent, Israël constitue une base militaire.
Et bien sûr, ils peuvent présenter cela en termes de politique pro-israélienne et pro-juive, mais cela ne sert qu'aux relations publiques du département d'État.
Si la stratégie américaine est basée sur les ressources énergétiques au Proche-Orient, Israël n'est qu'un moyen d'atteindre cet objectif. Israël n'est pas la fin en soi. C'est pourquoi les États-Unis avaient besoin d'un gouvernement israélien agressif.
On peut considérer que Netanyahou est, d'une certaine manière, une marionnette des États-Unis, tout comme Zelensky. Leurs positions sont identiques dans la mesure où ils s'appuient sur les États-Unis contre la majorité de leur propre peuple.
Vous continuez donc à parler du soutien de l'Amérique à Israël. Ce n'est pas du tout le cas. Elle rejette la majorité des Israéliens. Elle soutient l'armée israélienne, pas la société ou la culture israélienne, qui n'ont rien à voir avec le judaïsme. C'est de la pure politique militaire, et c'est ainsi que j'en ai toujours entendu parler parmi les militaires et les responsables de la sécurité nationale.
Il faut donc faire attention à ne pas se laisser abuser par cette histoire.
Il y a un autre moyen de contrôle, je pense, que nous devrions mentionner, et c'est que vous avez eu, au cours du mois dernier, toutes sortes de déclarations des États-Unis selon lesquelles, dès que la Russie aura conquis l'Ukraine et consolidé son contrôle, ils porteront plainte pour crimes de guerre, crimes contre l'humanité, contre la Russie.
L'Amérique tente d'utiliser le système judiciaire véreux. La Cour pénale internationale est une branche du Pentagone au sein du département d'État, et c'est le tribunal kangourou. L'idée est que, d'une manière ou d'une autre, le tribunal kangourou peut offrir à l'Amérique des jugements contre Poutine, puisqu'ils ont déclaré qu'il pouvait être arrêté partout où il se rend, par des personnes qui respectent le tribunal kangourou, et qu'ils peuvent imposer toutes sortes de sanctions contre les biens russes ailleurs.
Comment vont-ils justifier ces accusations de crimes de guerre contre la Russie si, au vu de ce qui se passe actuellement entre Israël et Gaza, les armes et les bombes utilisées contre Gaza sont des bombes américaines, des armes américaines. Les États-Unis alimentent tout cela.
Comment les États-Unis peuvent-ils ne pas s'accuser de crimes de guerre sur la base de ce qu'ils essaient de reprocher à la Russie ? La scission du monde à laquelle vous allez assister, que les États-Unis puissent ou non bombarder l'Iran, va se traduire par la mise en place de tribunaux parallèles et par l'isolement, non seulement des États-Unis, mais aussi de l'Europe, qui va entrer dans la danse.
Fondamentalement, il y a une lutte pour savoir qui va contrôler le monde aujourd'hui, et c'est la raison pour laquelle j'ai mentionné les Croisades.
Je voudrais dire que j'écris une histoire de l'évolution de la politique financière. J'ai déjà écrit deux volumes, l'un sur le Proche-Orient de l'âge du bronze, ...et l'effacement de leurs dettes, et l'autre sur l'antiquité classique, L'effondrement de l'antiquité. Je travaille actuellement sur le troisième volume, qui couvre les croisades jusqu'à la Première Guerre mondiale.
Il s'agit en fait d'une tentative de Rome, qui n'avait pratiquement aucun pouvoir économique, de s'emparer des cinq évêchés chrétiens qui avaient été créés. Constantinople était vraiment la nouvelle Rome. C'était la tête du christianisme orthodoxe.
L'empereur de Constantinople était l'empereur de l'ensemble du monde chrétien. Viennent ensuite Antioche, Alexandrie et enfin Jérusalem.
Les croisades ont réellement commencé, avant d'attaquer le Proche-Orient, au 11ème siècle. Rome était finalement attaquée par les armées normandes qui venaient s'emparer de certaines parties de la France et s'étaient déplacées en Italie.
La papauté a donc conclu un accord avec les seigneurs de guerre normands : "Nous vous accorderons le droit divin de régner, nous vous reconnaîtrons comme roi chrétien et nous excommunierons tous vos ennemis, mais vous devrez nous promettre la fidélité féodale, la loyauté, et vous devrez nous laisser nommer vos évêques et contrôler les églises, qui contrôlent la majeure partie de vos terres, et vous devrez nous payer un tribut".
Tout au long du 10ème siècle, la papauté était contrôlée par un petit groupe de familles aristocratiques des environs de Rome qui traitaient la papauté comme ils traitent le maire d'une ville ou les administrateurs locaux.
L'Église était en quelque sorte dirigée par une famille. Elle n'avait rien à voir avec la religion chrétienne. Il s'agissait simplement de la propriété de l'église, et l'un de nos parents sera toujours le pape.
Les papes n'avaient pas de troupes à la fin du 11ème siècle. Ils les ont donc obtenues en concluant un accord avec les Normands, et ils ont décidé, ok, nous allons avoir un idéal, nous allons monter les Croisades, et nous allons sauver Jérusalem des "infidèles", les Musulmans.
Le problème, c'est que Jérusalem n'avait pas besoin d'être sauvée, car dans tout le monde médiéval, dans tout l'Islam, quelle que soit la religion des classes dirigeantes, il y avait une tolérance religieuse, et cela s'est poursuivi pendant des centaines d'années sous l'Empire ottoman.
Il n'y avait qu'un seul groupe qui était intolérant, et c'était les Romains, qui disaient : "Nous devons contrôler toute la chrétienté, afin d'empêcher ces familles aristocratiques italiennes de prendre à nouveau le pouvoir".
Ils ont donc organisé les croisades, nominalement contre Jérusalem, mais ils ont fini par mettre à sac Constantinople et, deux siècles plus tard, en 1291, les chrétiens ont perdu à Acre.
Toute la campagne de croisade contre le Proche-Orient a échoué.
Je pense que vous pouvez voir le parallèle que je vais faire.
La plupart des croisades n'ont donc pas été menées contre l'Islam, parce que l'Islam était trop fort.
Les croisades ont été menées contre d'autres chrétiens. Et le combat du christianisme romain était contre le christianisme originel, tel qu'il existait au cours des dix derniers siècles.
C'est un peu ce qui se passe aujourd'hui. Tout comme Rome a nommé les Normands comme dirigeants féodaux, Guillaume le Conquérant en Sicile, les États-Unis nomment Netanyahou, soutiennent les oligarques clients en Russie, soutiennent les dictateurs latino-américains.
La vision américaine du monde n'est donc pas seulement unipolaire, mais pour que les États-Unis contrôlent le monde de manière unipolaire, ils doivent traiter tous les États étrangers et tous les présidents étrangers comme des serfs féodaux qui doivent une loyauté féodale aux sponsors des États-Unis.
Et tout comme l'Inquisition a été créée au 12ème siècle pour imposer cette obéissance à Rome par opposition à la France méridionale indépendante, à l'Italie indépendante et à la science arabe en Espagne, les États-Unis utilisent aujourd'hui la National Endowment for Democracy et toutes les organisations contrôlées par Victoria Nuland avec ses biscuits, pour soutenir certaines choses.
Toute la stratégie de prise de pouvoir par les Romains, la manière dont ils allaient s'emparer d'autres pays, la manière dont ils allaient empêcher d'autres pays de devenir indépendants de Rome, est presque phrase pour phrase ce que l'on trouve dans les rapports américains sur la sécurité nationale, à savoir comment contrôler d'autres pays. Et c'est vraiment la lutte que nous observons là-bas.
Et face à cela, on trouve la lutte d'autres pays, de la majorité mondiale. Mais dans ce cas, alors que Constantinople a été pillée en 1204 et en quelque sorte détruite par la quatrième croisade, la Russie, la Chine, l'Iran et les autres pays n'ont pas été pillés.
La seule chose que les États-Unis peuvent faire à l'heure actuelle est de mettre en place un plan militaire pour attaquer l'Iran. Quel sera le rôle de l'Inde, par exemple ? L'attaque contre l'Iran et le pétrole est en même temps une attaque contre l'initiative Belt and Road menée par la Chine, la tentative de contrôler le transport, pas seulement le pétrole, mais le transport par la majorité mondiale pour la croissance mutuelle, le gain mutuel, le commerce mutuel.
Les États-Unis tentent d'élaborer un plan alternatif pour tout cela, qui partirait de l'Inde, en passant essentiellement par Israël, et en coupant à travers Gaza, qui est l'un des grands problèmes dont on discute actuellement, jusqu'au contrôle israélien de Gaza, qui contrôlerait son pétrole et son gaz en mer.
Il y a donc les jokers dans le plan américain, l'Inde, l'Arabie Saoudite, et la Turquie, parce que la Turquie a aussi un intérêt dans ce pétrole et ce gaz. Et si les pays islamiques décident qu'ils sont réellement attaqués, et que cette attaque de l'Occident chrétien contre l'Islam est vraiment une lutte à mort, alors la Turquie se joindra à l'Arabie Saoudite et à tous les autres pays, les chiites, les sunnites et les alaouites s'uniront et diront que ce que nous avons en commun, c'est la religion islamique.
Ce sera essentiellement le prolongement de la lutte de l'Amérique contre la Chine et la Russie.
Ce à quoi nous assistons, je vais essayer de le résumer maintenant, c'est que nous avons combattu la Russie jusqu'au dernier Ukrainien et que nous menaçons de combattre l'Iran jusqu'au dernier Israélien. Les États-Unis essaient d'envoyer des armes à Taïwan pour dire : Ne voudriez-vous pas combattre la Chine jusqu'au dernier Taïwanais ? Telle est la stratégie des États-Unis dans le monde entier.
Ils essaient d'inciter d'autres pays à mener des guerres pour leur propre contrôle. C'est ainsi que Rome a utilisé les armées normandes pour conquérir le sud de l'Italie, l'Angleterre et la Yougoslavie.
Israël, et ce qui fait la une des journaux avec toutes les attaques à Gaza, n'est que la première étape, le déclencheur de cette guerre, tout comme la fusillade de Sarajevo a déclenché la Première Guerre mondiale en Serbie, ce qui a tout déclenché.
🎙 Vous avez soulevé de nombreux points intéressants, Michael, et je pense que votre analyse est vraiment novatrice, unique et très perspicace. J'aurais aimé avoir plus de temps pour approfondir certains points, mais cela fait déjà près d'une heure que nous discutons.
Je pense donc que nous allons conclure. Mais je tiens à vous remercier, Michael, de vous être joint à nous. Et bien sûr, nous reviendrons très bientôt pour de nouvelles analyses.
Pour les personnes intéressées, j'ai déjà interviewé Michael dans une émission récente sur sur l'antiquité classique, Rome et la Grèce. Michael a également écrit sur l'histoire de la dette jusqu'à la création du christianisme dans son livre And Forgive Them Their Debts. Il travaille actuellement sur l'histoire politique, économique et matérialiste des croisades.
Lorsque j'ai commencé à rédiger ce livre dans les années 1980, je n'ai pas réalisé à quel point la papauté romaine était importante et à quel point le département d'État, la CIA et le blob d'aujourd'hui étaient semblables dans leurs plans de conquête du monde.
🎙 Eh bien, je suis certain qu’à l’avenir, nous aurons de nombreuses occasions de discuter de cette recherche. Bien sûr, pour ceux qui veulent obtenir plus de l’analyse très importante de Michael, je vous conseille d’écouter l’émission qu’il co-organise ici avec notre collègue de l’émission, Radhika Desai, l’heure de l’économie géopolitique.
Si vous consultez notre site Web, géopolitiqueconomie.com, ou si vous allez sur notre chaîne YouTube, vous pouvez trouver une liste de lecture de tous les différents épisodes de Geopolitical Economy Hour. Donc, merci encore, Michael, et nous revenons très bientôt.
C’était un plaisir d’être avec vous, merci beaucoup.
Ben Norton est journaliste d'investigation et analyste. Il est le fondateur et rédacteur en chef du Geo Political Economy Report. Il a vécu et travaillé en Amérique latine pendant plusieurs années et est maintenant basé à Pékin, en Chine.
📰 https://geopoliticaleconomy.com/2023/11/12/why-us-support-israel-geopolitics-michael-hudson/
◾️ ◾️ ◾️
2- ♟ Le Manifeste de Gaza : Pourquoi l'ancien Moyen-Orient de l'Amérique s'effondre
Par Ramzy Baroud, le 1er novembre 2023, CounterPunch
L'histoire ne pardonnera pas à ceux qui sont restés silencieux, ont exposé ou exprimé des positions "équilibrées" ou, pire, ont défendu le génocide en cours d'Israël dans une bande de Gaza déjà assiégée, paupérisée et surpeuplée.
Il ne s'agit pas d'une déclaration clichée, d'une tentative désespérée visant à secouer le monde, en particulier le monde occidental, pour qu'il fasse preuve d'un certain degré de moralité alors que les Palestiniens meurent par milliers, que les corps pulvérisés d'enfants sont éparpillés dans tous les quartiers de Gaza.
Non, il s'agit d'une question d'histoire.
Après les attaques terroristes du 11 septembre, Washington et ses alliés occidentaux ont voulu imposer une nouvelle page d'histoire au Moyen-Orient, en fait au monde musulman, une page d'histoire dans laquelle l'Occident mène une "guerre contre le terrorisme" civilisationnel.
Depuis lors, il a été affirmé à maintes reprises, directement ou non, que les coupables, les "méchants" dans ce scénario américain, sont les musulmans - leur religion, leurs langues, leurs cultures, leur structure sociétale même.
En réalité, il n'y avait pas d'ennemi collectif. C'est pourquoi il a fallu l'inventer. Les musulmans n'étaient pas unis. Ils avaient leurs propres conflits régionaux, politiques et même sectaires. En fait, la plupart des gouvernements musulmans étaient considérés comme des "alliés des États-Unis", soumis aux diktats et aux programmes américains, aussi destructeurs et violents soient-ils.
Dans ce monde imaginaire, le Moyen-Orient était composé d'"islamistes radicaux" qui, par pure "jalousie" du progrès et de la civilisation occidentaux, avaient signé un contrat social pour vaincre la démocratie et les lumières.
L'Occident, y compris Israël et de nombreux autres acteurs, ont sauté sur l'occasion. Tous voulaient prendre part à cette "guerre contre le terrorisme" et profiter des nombreuses opportunités stratégiques qu'elle offrait.
Mais cette histoire a été fabriquée. L'Amérique a mené une guerre pour ses propres motivations égoïstes : le pétrole, le gaz, les manœuvres stratégiques et les grands jeux géostratégiques.
Pendant ce temps, Israël se battait contre un mouvement de libération palestinien qui existait des décennies avant le 11 septembre et qui continuera d'exister jusqu'à ce que les Palestiniens puissent se relever et regagner leur patrie colonisée.
De nombreux chauvins et racistes occidentaux, qui se sont finalement regroupés dans les formations d'extrême droite que nous connaissons aujourd'hui, ont utilisé l'Islam et les musulmans comme bouc émissaire pour justifier leur racisme existant, leur haine des immigrés et des réfugiés, et pour alimenter leur guerre politique contre les soi-disant libéraux.
Ces derniers ne s'en sont pas mieux sortis. Les déclarations justifiant le génocide israélien à Gaza prononcées par Joe Biden à Washington, Emmanuel Macron à Paris ou Olaf Scholz à Berlin se distinguent à peine de celles de n'importe quel idéologue fasciste dans leur propre pays ou ailleurs.
Telle est l'inconfortable vérité à laquelle les Américains et les Occidentaux, en général, doivent désormais faire face. Leur guerre idéologique interne n'est qu'une farce. Le libéralisme et le conservatisme n'ont de sens que lorsqu'ils sont mis à l'épreuve. Et l'ensemble de l'establishment occidental, avec ses différentes couleurs idéologiques - à quelques exceptions mineures près - a échoué au test moral concernant la Palestine, et ce de manière misérable.
Mais, heureusement pour les Palestiniens, l'Occident n'a pas toutes les cartes en main. Du moins, plus maintenant. Nous ne sommes plus en 1990-1991, ni en 2003, lorsque les États-Unis menaient des guerres majeures au Moyen-Orient, largement incontestées, et qu'ils étaient autorisés à remodeler la région pour répondre à leurs attentes comme à celles de Tel-Aviv et de Bruxelles.
Un nouveau Moyen-Orient est en train d'émerger, et il promet d'être le pire cauchemar de Washington, car ceux qui se solidarisent derrière les Palestiniens ne sont plus liés par la race, la couleur ou la confession.
Un nouveau monde islamique est en train d'émerger, un monde qui inclut les chiites et les sunnites, un monde qui ne laisse aucune place au terrorisme et à la violence aléatoire contre des innocents.
Ce nouveau Moyen-Orient fondé sur des principes s'unit aujourd'hui autour de Gaza, cette minuscule bande de terre où sévit une crise humanitaire apparemment sans fin, créée par Israël, et par Israël seul.
Lorsqu'Israël a décidé d'assiéger Gaza au lendemain des élections démocratiques palestiniennes de 2006, il ne devait pas imaginer que les Palestiniens seraient capables de tenir aussi longtemps, de riposter et de s'affirmer comme le centre de la lutte pour la liberté du peuple palestinien - en fait, de la lutte contre l'impérialisme américain dans l'ensemble de la région.
C'est ce que Gaza nous a démontré, ainsi qu'à toute personne désireuse de se libérer de décennies d'endoctrinement américain au Moyen-Orient et au-delà :
Premièrement, aucune paix, stabilité, sécurité ou prospérité n'est possible au Moyen-Orient sans justice pour la Palestine et sans liberté pour le peuple palestinien.
Deuxièmement, bien que les Arabes aient largement laissé tomber la Palestine, et continuent de le faire, les nations musulmanes trouvent un terrain d'entente autour de leur soutien au peuple palestinien. Si cette dynamique se poursuit - et elle devrait le faire - elle changera la donne.
Troisièmement, Israël est militairement faible et, malgré toutes les assurances données par Tel-Aviv au fil des ans, il n'est rien d'autre qu'un vassal, un régime client de Washington. Sa survie est liée au soutien de Washington de toutes les manières possibles.
Quatrièmement, les États-Unis n'ont plus toutes les cartes en main. Avec l'unité de la Résistance dans tout le Moyen-Orient, le poids croissant de l’Iran, le refus des pays arabes de jouer le rôle de laquais de Washington et la position forte de la Chine, de la Russie, de l'Iran, de la Turquie et d'autres, la région n'est plus un terrain de jeu pour les Américains.
Cinquièmement, la résistance armée n'est pas un fantasme, comme beaucoup l'ont cru et répété au fil des ans. Certes, Gaza ne pourra pas, à elle seule, vaincre Israël, mais la puissance combinée de la Résistance démontre qu'Israël n'est plus le pays tout-puissant qui, à lui seul - avec le soutien des États-Unis, bien évidemment -, a vaincu plusieurs armées arabes en 1967.
Sixièmement, et c'est peut-être la plus importante de toutes ces prises de conscience, Gaza a mis fin à la guerre sectaire au Moyen-Orient, un conflit qui perdure depuis des décennies et qui a été attisé par de nombreuses parties, dont les États-Unis, Israël, les gouvernements du Moyen-Orient et de nombreux groupes terroristes.
Lorsque les États-Unis ont lancé leur guerre contre l'Afghanistan en 2001, puis contre l'Irak en 2003, ils étaient loin de s'attendre à ce que le Moyen-Orient, à peine deux décennies plus tard, se réinvente au-delà des définitions et des attentes américaines.
Et penser que la toute petite Gaza est l'étincelle qui a recentré les énergies de toute la région est un miracle politique, que de nombreux politologues auront du mal à comprendre, sans parler de l'expliquer.
Ramzy Baroud est journaliste et rédacteur en chef de The Palestine Chronicle. Il est l'auteur de cinq livres. Le dernier en date est "These Chains Will Be Broken : Palestinian Stories of Struggle and Defiance in Israeli Prisons" (Clarity Press, Atlanta). M. Baroud est chercheur principal non résident au Centre pour l'islam et les affaires mondiales (CIGA) de l'université Zaim d'Istanbul (IZU). Son site web est le suivant : www.ramzybaroud.net
◾️ ◾️ ◾️
3 - ♟ La trahison des régimes arabes
Pourquoi les dirigeants musulmans ont-ils pris la peine de se réunir ?
Ces régimes aiment Israël, car la route vers Washington passe par Tel-Aviv. Ils vendraient la Palestine, le monde islamique et leurs propres grands-mères pour plaire aux États-Unis.
Par Dr Amira Abo el-Fetouh, le 14 novembre 2023, Middle East Monitor
Après 36 jours d'agression criminelle israélienne contre les Palestiniens à Gaza, et ce qui est clairement un "cas d'école de génocide", avec plus de 11 000 Palestiniens tués, des bâtiments résidentiels et gouvernementaux et des hôpitaux réduits à néant, et des fermes et des champs incendiés, les dirigeants de 58 pays arabes et islamiques se sont réunis pour prononcer des discours dépassés, que nous aurions pu leur écrire de mémoire. La réunion était une manifestation initiée par l'Arabie Saoudite pour attirer l'attention sur elle-même, siège des deux Saintes Mosquées, après que l'Iran a reçu la plus grande attention de la part du public arabe et musulman pour son soutien militaire à la résistance à Gaza, au Liban ou encore au Yémen. Rares étaient ceux qui parlaient de l’Arabie Saoudite, trop occupée par les festivals de musique et de sport pour s’inquiéter de la Palestine.
Si ces dirigeants qui ont condamné les massacres brutaux de Palestiniens innocents par l’État sioniste étaient sérieux, pourquoi se sont-ils alors contentés de papoter et n’ont-ils rien fait de concret sur le terrain ? Pourquoi les pays ayant des relations normalisées avec Israël n'ont-ils pas rompu leurs liens, ou du moins rappelé leurs ambassadeurs et expulsé les ambassadeurs israéliens, comme l'ont fait certains pays d'Amérique latine ?
Les sionistes savent que ceux qui se sont rassemblés à Riyad ne valent rien et ne les craignent donc absolument pas. En fait, ils savent que l’inverse est vrai ; ceux qui se sont réunis à Riyad craignent les sionistes. Ils ne se sont rassemblés que pour jeter de la poudre aux yeux de leur peuple mécontent et horrifié des attaques israéliennes contre les Palestiniens à Gaza. Tous les peuples arabes et musulmans soutiennent la cause palestinienne parce que c’est une cause juste ; ils éprouvent une grande compassion pour le peuple palestinien, et sans les dirigeants réunis à Riyad, Israël n’aurait pas osé attaquer Gaza. Ces derniers soutiennent les assauts, aux côtés des dirigeants occidentaux.
Laisser s’écouler 36 jours de bombardements incessants avant de convoquer une réunion en dit long sur eux. Ils ont donné à l’armée d’occupation le temps et l’espace nécessaires pour éliminer le Hamas, et lorsque la date du sommet est arrivée et que le Hamas était toujours debout, les forces d’occupation ont eu besoin de plus de temps pour atteindre l’objectif partagé avec de nombreux dirigeants de pays arabes et islamiques. Ces régimes lâches leur ont donc octroyé ce temps.
Plusieurs propositions ont été préparées avant le sommet, telles que l'interdiction de l'utilisation des bases militaires américaines et autres dans les pays arabes pour fournir à Israël des armes et des munitions ; le gel des relations diplomatiques, économiques, sécuritaires et militaires arabes avec Israël ; utiliser le pétrole et les capacités économiques arabes pour faire pression sur Israël afin qu'il cesse ses attaques ; empêcher les avions israéliens d’utiliser l’espace aérien arabe ; et former un comité arabe au niveau ministériel pour se rendre à New York, Washington, Bruxelles, Genève et Paris pour mettre fin à l'agression israélienne contre Gaza. Comme on pouvait s’y attendre, l’Égypte, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et la Jordanie se sont opposés à ces propositions faibles et minimales.
Il ne fait aucun doute que les pays arabes et islamiques disposent de nombreux atouts politiques, diplomatiques et économiques pour amener Israël à arrêter immédiatement la guerre. L’approvisionnement énergétique à lui seul pourrait suffire. Les réserves énergétiques des pays européens ne suffisent que pour deux jours ; dans les pays de l'OTAN pour seulement 15 jours ; et les pays islamiques produisent la moitié de l’énergie mondiale. Pourquoi n’a-t-on pas utilisé cela comme levier ?
Il aurait suffi que le sommet aboutisse à un seul accord pour stopper les exportations d’énergie pendant une semaine si Israël ne mettait pas fin à sa guerre et au génocide. S’ils avaient agi ainsi, l’Europe se serait mise à genoux et serait devenue le plus grand avocat des Palestiniens. Les pays les plus favorables au génocide israélien – la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne – auraient changé de position. Cependant, ils savent que les dirigeants arabes sont trop faibles parce qu’ils sont leurs agents dans la région et que leurs trônes sont entre les mains des États-Unis. Ces régimes aiment Israël, car la route vers Washington passe par Tel-Aviv. Ils vendraient la Palestine, le monde islamique et leurs propres grands-mères pour plaire aux États-Unis.
La déclaration de clôture du sommet était honteuse, anéantissant les espoirs des naïfs qui attendaient que le bien sorte de Riyad dans la conviction que cela soutiendrait la population de Gaza et mettrait fin au génocide sioniste. Même le Conseil de sécurité de l'ONU ne pouvait appeler à un cessez-le-feu ni protéger les Palestiniens du génocide et du nettoyage ethnique. Des mots tels que "barbarie" et "brutalité" n'ont pas suffi à effacer la tache de la réputation des dirigeants arabes et musulmans.
La déclaration du sommet a été dûment publiée et les bombes ont continué de pleuvoir sur les civils et les hôpitaux ; des enfants et des bébés ont continué à être tués, tout comme leurs mères et pères, leurs grands-mères et grands-pères. Personne n’est épargné.
Les Israéliens ne comprennent que le langage de la force, et cette force est inexistante parmi les régimes arabes sionistes. Il a été laissé à un mouvement de résistance légèrement armé de tenter de défendre l’honneur de la Oumma et la vie des Palestiniens. Les généraux et leurs soldats du monde arabe et musulman devraient avoir honte d’eux-mêmes.
Aucune action décisive ni décision courageuse n’était attendue de la part de la Ligue arabe, car les morts ne peuvent parler et l’organisation est pratiquement morte depuis des années. L’odeur de sa décadence s’est répandue après le sommet de la honte à Riyad.
Il convient de noter que la Ligue arabe a été créée dans les années 1940 sur proposition de la Grande-Bretagne afin d'éliminer l'ingérence des pays musulmans dans la guerre en Palestine, alors que les attaques terroristes juives contre les Palestiniens (et contre les Britanniques) se multipliaient. Elle a affirmé que la Palestine était une question arabe et l'a dépouillée de son aspect islamique dérivé de la mosquée Al-Aqsa.
L’Organisation de la coopération islamique, quant à elle, est essentiellement un département du ministère saoudien des Affaires étrangères. Elle est utilisée pour promouvoir les intérêts saoudiens et très peu d’autres choses, même si ses ambassadeurs ont appelé à un "élan international" en faveur d’un cessez-le-feu à Gaza.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou avait raison lorsqu'il a déclaré qu'Israël entretenait les meilleures relations de son histoire avec les gouvernements arabes, qui ne considèrent plus l'État d'apartheid comme un ennemi, mais comme un ami et un allié dans la bataille contre l'islam "militant", un euphémisme. pour tous les musulmans. Le problème réside donc dans les peuples arabes et musulmans, et non dans les étrangers sionistes qui se trouvent parmi eux.
Les régimes arabes sionistes ont donné à Netanyahou bien plus que ce que ce dernier aurait pu espérer. Heureusement, le peuple arabe libre est toujours debout et les rêves sionistes se transformeront en un cauchemar qui le hantera pendant ses heures de veille et de sommeil. La Oumma a toujours le cœur battant, malgré les efforts des dirigeants arabes sionistes, et les Palestiniens inébranlables font preuve du courage et de la résilience que les régimes arabes souhaiteraient avoir. Les Palestiniens de Gaza se sont engagés devant Dieu et Son Messager à résister à cette occupation usurpatrice, comme c'est leur droit, et à libérer la Palestine.
Si la Ligue arabe de la honte a enfoncé le dernier clou de son propre cercueil, alors les régimes enfonceront également leurs derniers clous bientôt, lorsque les peuples arabes se soulèveront à nouveau et se libéreront ainsi que leur terre des régimes sionistes et de leurs parrains sournois. Ils croient que ce moment est très lointain, mais nous pensons que cela ne saurait tarder, si Dieu le veut.
📰 https://www.middleeastmonitor.com/20231114-why-did-the-muslim-leaders-bother-to-convene/
◾️ ◾️ ◾️
4- ♟ Les États-Unis et Israël prêts à ouvrir le Front du Liban
Par MK Bhadrakumar, le 8 novembre 2023, Consortium News
L’annonce faite dimanche soir par le commandement central américain [ndr : CENTCOM - United States Central Command autrement dit Commandement central des États-Unis], dont le siège se trouve à Doha, de l’arrivée d’un sous-marin nucléaire américain de classe Ohio dans sa "zone de responsabilité" présage d’une escalade significative du conflit palestino-israélien.
Il est très rare que l’utilisation de ces sous-marins soit médiatisée. Le CENTCOM n'a fourni aucun détail supplémentaire, mais a publié une photo montrant apparemment un sous-marin de la classe Ohio à proximité du pont égyptien du canal de Suez. Il est intéressant de noter que le CENTCOM a également partagé séparément un cliché d’un bombardier B-1 à capacité nucléaire opérant au Moyen-Orient.
Considérés conjointement, ces déploiements américains, qui s'ajoutent à la formidable présence de deux porte-avions et de navires de guerre dotés de centaines de chasseurs à réaction avancés en Méditerranée orientale et en mer Rouge respectivement, visent "l'autre côté de l'équation", comme le secrétaire d'État américain Antony Blinken a pittoresquement décrit le Hamas, le Hezbollah et l'Iran lors de sa dernière visite à Tel-Aviv, vendredi dernier.
Dans un contexte peut-être connexe, le directeur de la CIA, William Burns, est arrivé dimanche en Israël pour des consultations urgentes. Le New York Times a rapporté que les États-Unis "cherchent à étendre leur partage de renseignements avec Israël".
L’explication la plus charitable du déploiement d’un sous-marin nucléaire américain, qui fait partie de la "triade nucléaire" du Pentagone – les bateaux de classe Ohio sont les plus grands sous-marins jamais construits pour la marine américaine – à proximité de la zone de guerre est sans doute que l’administration Biden se prépare à une escalade de la guerre au Liban pour faire sortir le Hezbollah, ce qui pourrait à son tour déclencher une réaction iranienne.
Dans son discours de vendredi, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a semblé anticiper précisément une telle tournure des événements lorsqu'il a explicitement averti Washington de conséquences qui ne pourraient pas être différentes de l'implication catastrophique des États-Unis dans la guerre civile au Liban au début des années 1980.
Ironiquement, c’est aussi l’année du 40ème anniversaire de l’attentat suicide contre la caserne qui abritait les forces américaines à l’aéroport international de Beyrouth en octobre 1983, au cours duquel 220 Marines, 18 marins et trois soldats ont été tués, forçant les États-Unis à se retirer du Liban (Voir mon blog Le Hezbollah prend son envol).
[Connexe : AS'AD AbuKHALIL : Nasrallah et l'avenir de la guerre]
De toute évidence, la stratégie américaine pourrait se déplacer de la diplomatie, qui quoi qu’il en soit, a perdu de son attrait. Les tentatives désespérées de Blinken pour répondre aux critiques internationales croissantes sur les crimes de guerre atroces perpétrés par Israël en détournant l’attention vers une "pause humanitaire" dans les combats ont été rejetées sans ménagement par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou.
[En relation : L'humiliation de Blinken ]
Le fait est qu’après avoir pilonné Gaza et sa population avec artillerie et bombes, l’armée israélienne est intervenue vendredi. Jusqu’à présent, elle aurait progressé jusqu’à la périphérie de la ville de Gaza, mais ne serait pas entrée dans le bastion du Hamas. De violents combats urbains sont attendus lorsque cela se produira.
Les ministres arabes exigent un cessez-le-feu
De même, la tentative précipitée de l'administration Biden de promouvoir une vague ébauche d'un Gaza d'après-guerre qui pourrait inclure une combinaison d'une Autorité palestinienne revitalisée et d'une force de maintien de la paix s'est heurtée à un manque évident d'enthousiasme lors de la réunion de Blinken ce week-end à Amman avec le Ministres arabes des Affaires étrangères – de Jordanie, d’Égypte, d’Arabie saoudite, du Qatar et des Émirats arabes unis. Ils ont plutôt exigé un cessez-le-feu immédiat, pour lequel Blinken a déclaré que Washington ne ferait pas pression.
Blinken s'est rendu à Ramallah depuis Amman où le chef de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas lui a également fait peu de cas, affirmant que l'AP ne serait prête à assumer l'entière responsabilité de la bande de Gaza que dans le cadre d'une "solution politique globale" qui inclurait la Cisjordanie, Jérusalem-Est et Gaza.
Il a ajouté que la sécurité et la paix ne peuvent être obtenues qu'en mettant fin à l'occupation des territoires de "l'État de Palestine" et en reconnaissant Jérusalem-Est comme sa capitale. La réunion a duré moins d'une heure et s'est terminée sans la moindre déclaration publique.
Pendant ce temps, la Chine et les Émirats arabes unis ont depuis appelé à une réunion à huis clos du Conseil de sécurité de l’ONU dans une nouvelle tentative de rechercher un cessez-le-feu immédiat, à laquelle l’administration Biden s’opposera très certainement. L’administration Biden se sent enfermée et la seule issue est de céder par des moyens coercitifs.
Les États-Unis observent avec frustration l’apparition de nouvelles équations régionales entre les nations musulmanes. Les ministres des Affaires étrangères de l'Iran et de l'Arabie saoudite ont eu une autre conversation téléphonique lundi. L'Organisation de la coopération islamique a annoncé plus tard qu'un sommet extraordinaire se tiendrait à Riyad le 12 novembre à la demande de son président actuel, l'Arabie saoudite, pour discuter des attaques israéliennes contre le peuple palestinien.
Il est certain que le rapprochement irano-saoudien, médiatisé par Pékin, a profondément transformé l’environnement de sécurité régional, les États de la région préférant nettement trouver des solutions à leurs problèmes sans ingérence extérieure. Les vieux schismes et la xénophobie promus par les États-Unis pour perpétuer leur domination ne trouvent plus preneur.
[Connexe : Le rapprochement sismique irano-saoudien isole les États-Unis]
Alors que le nombre de morts à Gaza dépasse les 10 000 victimes, l’émotion est effectivement vive dans le monde musulman. Le guide suprême iranien Ali Khamenei a déclaré lundi que "toutes les preuves et indications montrent l'implication directe des Américains dans la conduite de la guerre" à Gaza. Khamenei a ajouté qu’à mesure que la guerre se poursuivrait, les raisons du rôle direct des États-Unis deviendraient plus explicites.
La "politique permanente" de l’Iran
L'agence de presse Fars, proche du Corps des Gardiens de la révolution islamique, a également révélé que Khamenei avait eu une "récente réunion à Téhéran" avec Ismail Haniyeh, le chef du bureau politique du Hamas, au cours de laquelle il avait déclaré à Haniyeh que le soutien de Téhéran à la résistance groupes est sa "politique permanente".
De toute évidence, Téhéran ne voit plus de problème à reconnaître ses liens fraternels avec les groupes de résistance. Il s'agit d'un changement de paradigme révélateur d'une nouvelle dynamique de pouvoir, que les États-Unis et Israël sont obligés de contrer par le recours à la force, la diplomatie de Washington n'ayant pas réussi à isoler l'Iran.
Le chef d'état-major israélien, Herzi Halevi, a déclaré dimanche lors d'une réunion au Commandement du Nord :
"Nous sommes prêts à frapper dans le nord à tout moment. Nous comprenons que cela peut arriver… Nous avons un objectif clair : rétablir une situation sécuritaire bien meilleure aux frontières, et pas seulement dans la bande de Gaza."
Aucune puissance sur Terre ne peut désormais arrêter Israël dans son élan. Sa stabilité et sa défense sont inextricablement liées à cette guerre, qui garantira également l'engagement constant des États-Unis envers leur sécurité en tant que modèle clé de la stratégie globale de Washington dans un avenir proche.
Par conséquent, la meilleure chance de survie d’Israël réside dans l’extension de la guerre à Gaza au Liban – et peut-être même à la Syrie – aux côtés des Américains.
Il ne fait aucun doute que l’emplacement du sous-marin nucléaire américain à l’est de Suez est une tentative d’intimidation pour empêcher l’Iran d’intervenir, tandis qu’Israël, avec le soutien des États-Unis, ouvre un deuxième front au Liban. Les autorités israéliennes ont annoncé l'évacuation des habitants des colonies situées dans une zone allant jusqu'à cinq kilomètres de la frontière avec le Liban.
Une guerre d’une durée indéterminée est sur le point de commencer au Moyen-Orient. Alors que l’appel au jihad commence, inévitablement, on ne sait pas comment le président américain de 80 ans réagira.
Non, cela ne se transformera pas en guerre mondiale. Elle se déroulera uniquement au Moyen-Orient, mais son issue aura un impact significatif sur l’instauration d’un nouvel ordre mondial multipolaire. Ce dernier mois a montré le déclin précipité de l'influence américaine et l'environnement mondial hautement explosif depuis le début de la guerre en Ukraine en février de l'année dernière.
Le député Bhadrakumar est un ancien diplomate. Il a été ambassadeur de l'Inde en Ouzbékistan et en Turquie. Ses opinions sont personnelles.
Cet article a été initialement publié sur Indian Punchline.
Les opinions exprimées sont uniquement celles de l’auteur et peuvent ou non refléter celles de Consortium News.
📰 https://consortiumnews.com/2023/11/08/us-israel-poised-to-open-lebanon-front/
◾️ ◾️ ◾️
5- ♟ Le chef de l'armée israélienne fait l'éloge des collaborateurs de l'AP en Cisjordanie occupée
Les États-Unis, comme l'a souligné Halevi, le chef de l'armée israélienne, sont particulièrement soucieux de préserver l'Autorité palestinienne aujourd'hui. Israël est totalement dépendant des États-Unis.
Par Ali Abunimah, le 9 novembre 2023, The Electronic Intifada
Herzi Halevi, le chef de l'armée israélienne qui mène une campagne d'extermination génocidaire à Gaza, a félicité mercredi l'Autorité palestinienne pour sa collaboration avec les forces d'occupation en Cisjordanie.
Comme le résume le journal Haaretz de Tel-Aviv, Halevi a déclaré que l'Autorité palestinienne "s'est efforcée ces dernières semaines d'empêcher les manifestations et les marches de soutien au Hamas et à son massacre".
Le chef de l'armée a fait ces commentaires aux législateurs israéliens à Hakirya, le complexe du commandement militaire israélien situé au cœur d'un quartier civil de Tel Aviv.
Halevi a réfuté une affirmation de Zvi Sukkot, un législateur du parti d'extrême droite Puissance juive, selon laquelle les forces de sécurité de l'Autorité palestinienne se préparaient à se retourner contre leurs partenaires israéliens par solidarité avec le Hamas.
Selon Haaretz,
"Halevi a répondu qu'il ne voyait pas d'informations dans les renseignements recueillis pour le prouver" et a noté "que l'AP travaille quotidiennement pour empêcher les manifestations de soutien au Hamas, d'abord et avant tout en raison des intérêts de l'AP elle-même".
L'évaluation de Halevi confirme celle du ministre israélien de la défense, Yoav Gallant, qui, au début du mois, a publiquement demandé que les recettes fiscales perçues par Israël au nom de l'Autorité palestinienne soient reversées à Ramallah.
"L'État d'Israël souhaite maintenir la stabilité en Judée et en Samarie, toujours et surtout en cette période", a déclaré Gallant, utilisant la terminologie pseudo-biblique d'Israël pour désigner la Cisjordanie occupée.
"Les fonds doivent être transférés immédiatement afin qu'ils puissent être utilisés par le mécanisme opérationnel de l'Autorité palestinienne et par les secteurs de l'Autorité palestinienne qui s'occupent de la prévention du terrorisme."
Israël qualifie de "terrorisme" toute forme de protestation ou de résistance à sa dictature militaire sur les Palestiniens, même les protestations non armées, les boycotts et la défense des droits de l’homme.
Amener l'AP à Gaza sur des chars israéliens ?
Les législateurs israéliens ont demandé à Halevi pourquoi Israël ne se montrait pas encore plus brutal envers les Palestiniens de la Cisjordanie occupée.
Selon Haaretz,
"Halevi a répondu que l'IDF voulait préserver la Cisjordanie comme un front tranquille, et ne pas introduire un autre front dans les combats".
"Le chef d'état-major a également déclaré que les États-Unis avaient intérêt à maintenir le calme en Cisjordanie et à ne pas nuire à l'Autorité palestinienne à ce stade", a ajouté le journal.
L'Autorité palestinienne a été créée au début des années 1990, à la suite des accords d'Oslo, pour agir en tant qu'auxiliaire autochtone au nom de l'occupation israélienne. Elle a rempli ce rôle - que le chef de l'AP, Mahmoud Abbas, a qualifié de "sacré" - sans interruption depuis le premier jour.
"Nous avons besoin de l'Autorité palestinienne. Nous ne pouvons pas la laisser s'effondrer", a déclaré B Benjamin Netanyahou en juillet.
"Elle fait notre travail à notre place", a-t-il ajouté.
Les États-Unis, comme l'a souligné Halevi, sont particulièrement soucieux de préserver l'Autorité palestinienne aujourd'hui.
Mercredi, le secrétaire d'État Antony Blinken a suggéré qu'après une défaite de la résistance palestinienne à Gaza espérée par Israël, l'Autorité palestinienne pourrait être amenée à régner sur les ruines de Gaza au nom du régime israélien qui y commet un génocide.
Abbas semble désireux d'étendre son règne collaborationniste à Gaza également - ce qui explique sans aucun doute pourquoi ses forces de sécurité font tout ce qu'elles peuvent pour aider Israël à réprimer la résistance en Cisjordanie au génocide de Gaza.
Hussein al-Sheikh, secrétaire général de l'Organisation de libération de la Palestine contrôlée par Abbas, a déclaré cette semaine au New York Times que l'Autorité palestinienne était disposée à aider Israël à administrer Gaza, mais qu'elle souhaitait "une initiative américaine sérieuse" pour faire avancer la solution dite des deux États.
"L'administration américaine actuelle est capable de le faire", a ajouté al-Sheikh.
Le fait que l'AP continue à flatter les États-Unis alors que Washington arme Israël pour qu'il extermine des centaines de Palestiniens chaque jour souligne pourquoi le régime de Ramallah, soutenu par Israël, répugne à la grande majorité des Palestiniens à l'intérieur et à l'extérieur de leur patrie.
Selon un sondage réalisé en juin, 63 % des Palestiniens de la Cisjordanie occupée et de la bande de Gaza considèrent que le maintien de l'AP est dans l'intérêt d'Israël. Un peu plus de la moitié des personnes interrogées pensaient que l'effondrement ou la dissolution de l'AP serait dans l'intérêt des Palestiniens.
La même enquête a révélé que 80 % des Palestiniens souhaitaient que Abbas démissionne de son poste de chef de l'Autorité palestinienne, auquel il s'est accroché grâce au soutien d'Israël et des États-Unis, sans aucun mandat légal, depuis l'expiration de son mandat de cinq ans en 2009.
Dans une hypothétique élection présidentielle opposant Abbas au chef du Hamas, Ismail Haniyeh, 56 % des Palestiniens ont déclaré qu'ils voteraient pour Haniyeh, et seulement 33 % pour Abbas.
Il est peu probable que ces chiffres aient évolué dans le sens de l'Autorité palestinienne au cours des dernières semaines.
Et plus Washington et Tel-Aviv parlent d'amener les collaborateurs de l'Autorité palestinienne à Gaza à dos de chars israéliens, moins il y a de chances que cela soit jamais accepté - et ce, à supposer qu'Israël puisse imposer sa volonté à Gaza.
Israël totalement dépendant des États-Unis
Dans son exposé aux législateurs, le chef de l'armée israélienne, Halevi, a confirmé l'ampleur de la dépendance d'Israël à l'égard des États-Unis pour mener à bien son génocide dans la bande de Gaza.
"Le chef d'état-major a tenté d'expliquer l'importance de la coordination et de l'assistance américaines dans la guerre, notant que l'IDF [l'armée israélienne] est tenue d'acquérir des armes uniques que les Américains possèdent, et que la coopération en matière de renseignement avec eux est cruciale pour l'activité de l'armée", a rapporté Haaretz.
"Il est très important d'écouter les Américains ces jours-ci sur la question de la Cisjordanie", a ajouté Halevi.
À la fin du mois dernier, le secrétaire américain à la défense, Lloyd Austin, a confirmé qu'Israël restait totalement dépendant des États-Unis.
Il témoignait lors d'une audition de la commission des crédits du Sénat sur la demande de l'administration Biden de milliards de dollars de financement militaire supplémentaire pour Israël et l'Ukraine.
"Israël peut-il s'en sortir sans notre soutien ?", a demandé le sénateur Joe Manchin, démocrate de Virginie-Occidentale.
"Non, je pense que nous devons continuer à les soutenir", a répondu Austin.
Un "calme" mortel
Malgré l'affirmation de Halevi, la Cisjordanie est loin d'être "calme", avec une forte augmentation des meurtres de Palestiniens par l'armée israélienne et les colons juifs.
Depuis le début de l'année, quelque 2 000 Palestiniens ont été été expulsés de leurs maisons par des colons israéliens, soit une augmentation de plus de 40 % par rapport à 2022.
Ces attaques n'ont fait que s'accélérer depuis qu'Israël a entrepris sa campagne de bombardements à Gaza.
Depuis le 7 octobre, les soldats et les colons israéliens ont tué plus de 150 Palestiniens en Cisjordanie, dont 44 enfants.
Le nombre de morts en Cisjordanie, qui s'élève à plus de 400 depuis le début de l'année 2023, est le plus élevé depuis que l'ONU a commencé à tenir des registres en 2005.
Près de 2 400 Palestiniens ont été blessés.
Le nombre de morts en Cisjordanie a encore augmenté jeudi, lorsque les forces d'occupation israéliennes ont mené un nouveau raid meurtrier sur le camp de réfugiés de Jénine.
Au moins 10 Palestiniens ont été tués et 20 autres blessés.
Ali Abunimah est co-fondateur de The Electronic Intifada et auteur de The Battle for Justice in Palestine.
◾️ ◾️ ◾️