❖ Comprendre les véritables contours de l'actuel assaut américano-israélien contre l'Iran
Les USA, le RU & Israël ont développé la SAVAK comme un miroir de leurs propres agences de renseignement. Hélas, la presse laisse poursuivre l'agenda de conquête occidentale & de contrôle universel.
Cinq articles essentiels dont le second particulièrement décapant.
SOMMAIRE :
1 - La Realpolitik de l'Iran : comment la stratégie l'emporte sur l'idéologie dans le monde - Shariq Us Sabah
2 - Les parrains du régime de torture de la SAVAK enfument le monde pour favoriser le changement de régime via la guerre en Iran - Jeffrey S. Kaye
3 - Comment les États-Unis & Israël se sont servi de Rafael Grossi pour détourner l'AIEA & déclencher une guerre contre l'Iran - Medea Benjamin & Nicolas J.S. Davies
4 - L'assaut contre l'Iran : Une guerre pour l'avenir du Moyen-Orient & de la Palestine - Jeremy Salt
5 - L'Iran est désormais la première ligne de défense des BRICS et des pays du Sud - Pepe Escobar
1- La Realpolitik de l'Iran : comment la stratégie l'emporte sur l'idéologie dans le monde
La mythologie de l'exportation de la révolution s'est évanouie il y a longtemps. L'Iran n'entend pas recréer la République islamique à l'étranger, elle veut de l'influence, la sécurité et des moyens de négociation. Son programme nucléaire n'est pas seulement une question d'énergie ou d'armement ; il s'agit de récupérer le droit de décider de son propre avenir, comme l'Égypte l'a fait avec le canal de Suez et comme l'Iran elle-même l'a fait avec le pétrole sous Mossadegh.
Par Shariq Us Sabah, le 20 juin 2025, Counter Currents
Dans l'ombre des tensions croissantes entre l'Iran et Israël, avec les frappes de missiles et les assassinats qui menacent de remodeler le Moyen-Orient, il est facile de dépeindre l'Iran comme un monolithe théocratique, un État rigidement défini par le zèle religieux et la ferveur révolutionnaire. Mais considérer la République islamique de cette manière, c'est méconnaître l'architecture de sa survie.
Comme le souligne de manière convaincante le professeur Vali Nasr dans son nouveau livre Iran's Grand Strategy : A Political History (La grande stratégie de l'Iran : Une histoire politique), la force motrice de la politique étrangère iranienne n'est pas une idéologie aveugle, mais une quête de souveraineté profondément rationnelle et enracinée dans l'histoire. L'Iran que nous voyons aujourd'hui n'est pas le produit d'une pensée mystique, mais d'un calcul stratégique froid, forgé au cours de siècles d'humiliation impériale, de guerre et de vulnérabilité existentielle.
Une nation seule
L'identité de l'Iran est unique dans la région : Perse, pas arabe ; chiite, pas sunnite. Cet isolement - linguistique, culturel et sectaire - a engendré une solitude stratégique persistante. Depuis l'adoption du chiisme par la dynastie safavide pour se différencier des Ottomans sunnites jusqu'aux pertes de territoires au profit de la Russie et de la Grande-Bretagne au 20ème siècle, l'Iran a intériorisé une vision du monde selon laquelle la survie dépend de l'autosuffisance. Les dirigeants iraniens voient le monde à travers un prisme historique - une nation encerclée, trahie et victime d'interventions répétées.
Même l'ayatollah Khomeini, souvent dépeint comme un religieux dogmatique, considérait l'indépendance comme le principal accomplissement de la révolution. Lorsque les révolutionnaires laïques lui ont présenté un projet de gouvernance future de l'Iran promettant à la fois la démocratie et l'islam, il a griffonné un troisième principe non négociable : l'indépendance. Plus tard, il déclarera à un journaliste pakistanais : "Toutes les décisions seront désormais prises à Téhéran".
La résistance comme doctrine d'État
Cette obsession de l'autonomie a donné naissance à une stratégie connue sous le nom de moghavemat - résistance. Il ne s'agit pas d'une résistance pour le plaisir, mais d'un moyen de protéger la souveraineté. Les gardiens de la révolution iraniens, vétérans de la guerre dévastatrice Iran-Irak qui a duré huit ans, ont adopté une doctrine : aucune puissance étrangère ne nous protégera, nous devons nous défendre nous-mêmes.
C'est ce qui explique la montée en puissance du modèle iranien par procuration : le Hezbollah au Liban, les milices chiites en Irak, les Houthis au Yémen. C'est ce qui explique explique l'investissement de l'Iran dans les missiles balistiques et les drones. Il ne s'agit pas d'outils impériaux, mais de couvertures stratégiques contre une vulnérabilité perçue. Lorsque les États-Unis ont envahi l'Irak, Téhéran l'a interprété non pas comme une libération, mais comme un prélude à sa propre invasion future. Sa réponse ? Saigner les Américains par l'intermédiaire de mandataires à Bagdad, en veillant à ce que la guerre soit trop coûteuse pour être étendue à l'Iran.
De la révolution à la realpolitik
La mythologie de l'exportation de la révolution s'est évanouie il y a longtemps. L'Iran n'entend pas recréer la République islamique à l'étranger, elle veut de l'influence, la sécurité et des moyens de négociation. Son programme nucléaire n'est pas seulement une question d'énergie ou d'armement ; il s'agit de récupérer le droit de décider de son propre avenir, comme l'Égypte l'a fait avec le canal de Suez et comme l'Iran elle-même l'a fait avec le pétrole sous Mossadegh.
Le dossier nucléaire - souvent interprété à tort dans les capitales occidentales comme étant motivé par la religion - est enraciné dans le nationalisme. Le refus du guide suprême Ali Khamenei d'abandonner l'enrichissement de l'uranium n'est pas une question d'eschatologie, mais de fierté, de souveraineté et d'histoire. "Qui êtes-vous pour nous dicter ce que nous pouvons ou ne pouvons pas faire ?", a-t-il déclaré un jour, faisant davantage écho à l'éthique anti-impérialiste des années 1950 qu'à une décision cléricale.
L'effondrement du modèle de procuration
Mais le sol sous l'Iran est en train de bouger. L'ancienne architecture de dissuasion basée sur la menace du Hezbollah ou du Hamas se fissure. Après le 7 octobre, les frappes directes d'Israël sur le territoire iranien, y compris son consulat à Damas, ont marqué le début d'une nouvelle ère. L'Iran ne riposte plus par l'intermédiaire de mandataires, mais directement à partir de son territoire. Il s'agit d'un changement tectonique.
Sur le plan national, les débats font rage entre les partisans de la ligne dure et les pragmatiques. Alors que les gardiens de la révolution préconisent de doubler les missiles et la militarisation, les voix réformistes - historiquement mises à l'écart - affirment que la véritable force nationale réside dans le développement économique et la normalisation des relations. Le peuple iranien, las de l'isolement et du déclin économique, se range de plus en plus du côté des réformistes.
La voie à suivre
Le changement de cap de l'Iran ne dépendra pas des ultimatums américains ou des frappes aériennes israéliennes, mais de la manière dont le régime évaluera les coûts de sa position actuelle. Si les missiles s'avèrent plus efficaces que les milices, les budgets et les stratégies changeront. Si la résistance devient trop coûteuse à supporter, même pour les gardiens de la révolution, un pivot pourrait se produire, un peu comme celui de l'Égypte de Nasser à Sadate, ou celui de la Chine de Mao à Deng.
Il n'y a aucune garantie. L'effondrement du régime reste improbable et, même dans ce cas, tout successeur serait issu du même écosystème d'élite, voire des gardiens de la révolution eux-mêmes.
L'Occident DOIT revoir sa façon de voir les choses. L'Iran n'est pas irrationnel. Elle n'est pas suicidaire. Elle n'est pas, malgré les slogans, vouée à l'apocalypse. Elle est stratégique. Elle est marquée. Et surtout, elle est déterminée à ne plus jamais se laisser dominer.
Pour traiter avec l'Iran, nous devons nous intéresser non pas à ses slogans, mais à son histoire.
Shariq Us Sabah est un écrivain et un observateur politique qui s'intéresse à l'Asie occidentale et à l'évolution de la dynamique du nationalisme, de la stratégie et du pouvoir de l'État.
📰 https://countercurrents.org/2025/06/irans-realpolitik-how-strategy-outlives-ideology/
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2- Les parrains du régime de torture de la SAVAK enfument le monde pour favoriser le changement de régime via la guerre en Iran
Sous le Shah d'Iran, la CIA et le Mossad ont transformé la SAVAK en une machine à torturer et à tuer. L'une de ses victimes a été l'actuel guide suprême de l'Iran, Ali Khamenei.

Par Jeffrey S. Kaye, le 21 juin 2025, Blog Personnel
Une attaque conjointe des États-Unis et d'Israël contre l'Iran serait le point culminant d'une série d'attaques contre l'Iran remontant au renversement par les États-Unis et le Royaume-Uni, en 1953, du Premier ministre iranien élu, Mohammad Mossadegh, lors d'un coup d'État fomenté par la CIA et le MI6, les services de renseignement anglais. La CIA a refusé d'admettre son implication dans l'opération pendant soixante ans ! Les États-Unis et l'Occident n'ont aucune autorité morale pour dicter à l'Iran ce qu'il doit faire ou comment se comporter.
À l'heure actuelle, Donald Trump, le grossier président des États-Unis âgé de 79 ans et futur méchant de bande dessinée, a déclaré reporter de deux semaines sa décision de se joindre ouvertement à la guerre d'Israël contre l'Iran. Ceci après que Trump ait exigé que l'Iran évacue sa capitale, Téhéran, et sa reddition inconditionnelle à Israël.
En Iran, rares sont ceux qui n'ont pas remarqué l'ironie amère de voir les États-Unis et Israël - dont les services militaires et de renseignement, la CIA, la NSA, le FBI et le Mossad entre autres, ont contribué à la mise en place d'un régime de surveillance et de torture de masse en Iran de 1953 à 1979 - prétendre aujourd'hui se poser en sauveurs de l'Iran.
Tandis que la presse occidentale et sa machine de propagande débitent et fait circuler des histoires sur l'opposition de l'homme ou de la femme de la rue au régime islamique iranien - et il ne fait aucun doute que certains, voire beaucoup, s'y opposent -, ils ne demandent pratiquement jamais (surtout ces dernières années) si des Iraniens se souviennent de la dépendance du régime précédent à l'égard de la répression politique exercée par le Shah à l'échelle de la société, avec l'aimable autorisation des services de renseignement occidentaux et israéliens.
Le soutien occidental et israélien au Shah a profité à deux groupes principaux : l'armée et les forces de sécurité. Ces dernières étaient principalement centrées sur le sinistre Sâzemân-e Ettelâ'ât va Amniat-e Kešvar, ou Bureau du renseignement et de la sécurité de l'État (سازمان اطلاعات و امنیت کشور), connu sous l'acronyme SAVAK.
La presse pose rarement des questions sur l'histoire de l'oppression et de la torture en Iran, soutenues par les États-Unis, parce qu'il est de son devoir d'enterrer la conscience du passé historique, pour mieux poursuivre l'agenda actuel de conquête occidentale et de contrôle universel. Il est certain que de nombreux Iraniens se souviennent de la longue histoire du soutien des États-Unis et d'Israël à la torture dans leur pays, ou en ont fait l'expérience directe. (Israël et les États-Unis ont leur propre histoire documentée en matière de pratique de la torture).
De temps à autre, entre les condamnations du régime clérical iranien, la presse évoque l'héritage du régime de torture du Trône du Paon en Iran, soutenu par les États-Unis et Israël, un régime renversé par la révolution de 1978-1979 contre le Shah Reza Pahlevi. La presse alternative a fait un peu mieux. Le mois dernier, Max Blumenthal a publié un remarquable reportage vidéo intitulé "Inside Iran's Savak torture museum" sur le site The Greyzone.
La torture de l'ayatollah Ali Khamenei
De temps à autre, un article d'actualité mentionne que le dirigeant iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a été torturé dans les prisons du Shah. On ne peut qu'imaginer à quel point cette expérience a été formatrice. Si l'on considère que les tortures ont été infligées par des policiers et des geôliers formés et/ou soutenus par les États-Unis, la Grande-Bretagne et Israël, la propagande occidentale sur Khamenei prend une couleur différente.
Certes, le guide suprême Khamenei n'a pas été le premier dirigeant à être torturé par des forces de sécurité soutenues par les États-Unis. Il y a eu de nombreux cas de ce genre en Amérique latine au fil des ans, notamment d'anciens présidents brésilien, uruguayen et chilien. En outre, il est important de rappeler que feu l'ancien président de la Grèce, Christos Sartzetakis, a été arrêté et torturé en tant que juriste par la junte grecque soutenue par les États-Unis dans les années 1960. L'ensemble de ce dossier met en évidence la barbarie de l'imperium américain.
La propre histoire de Khamenei à cet égard n'est généralement pas relatée en profondeur. Sa page Wikipedia en anglais n'en fait pas mention. Mais les récits que j'ai vus montrent que, sous le régime répressif du Shah, Khamenei a été soumis au minimum à l'isolement, à la privation sensorielle, à la flagellation et au fouet, ainsi qu'à l'obligation d'entendre les bruits d'autres personnes torturées.
Selon le site web de l'ayatollah Khamenei, il a été arrêté deux fois en 1963 et arrêté à nouveau à l'âge de 25 ans environ, en janvier 1964, puis "embarqué à Téhéran par avion pour y passer deux mois à l'isolement, pendant lesquels il a été torturé".

Un article (ndr : lien erroné, page non trouvée) paru en 2021 sur Iranwire, qui détaille les accusations concernant le prétendu recours actuel à la torture par le régime iranien, examine l'histoire de la torture d'Ali Khamenei aux mains de la SAVAK qui relate l'arrestation de l'ayatollah par la SAVAK en septembre 1971 :
"Je n'avais jamais vu une pièce aussi petite jusqu'à ce jour-là", a déclaré [Khamenei] à propos de cette période en prison. "De forme carrée, d'un mètre cinquante de côté, sans aucune ouverture, elle baignait dans une obscurité absolue...."
"Parallèlement, il a été fouetté et torturé - en partie pour l'humilier, en partie pour le faire avouer".
[Le récit de l'écrivain] Hedayatollah Behboudi sur la flagellation est le suivant : "Il a perdu l'équilibre, mais a rapidement repris sa position initiale, lorsqu'un deuxième coup est venu le projeter sur le lit se trouvant à côté de lui. Il a voulu se lever, mais l'un d'eux a vociféré : "Ne bouge pas, tu es au bon endroit !". Ils lui ont attaché les jambes au lit. En face de lui, des fouets étaient accrochés au mur... L'un d'eux s'en ai saisi et a visé la plante de ses pieds. Il a commencé à frapper... un autre est venu, lui a pris le fouet et l'a battu si fort qu'il a dû céder. Un troisième homme a repris le flambeau. Il s'est également lassé de frapper, et un quatrième a pris la relève. Tous les tortionnaires de la pièce ont eu l'occasion de se reposer et de reprendre son souffle, à l'exception de Khamenei. Certains d'entre eux ont mouillé le fouet pour frapper le corps du prisonnier". [Les ellipses dans le dernier paragraphe ci-dessus sont dans l'original].
Les coups portés sur la plante des pieds sont une forme de torture souvent pratiquée par les policiers et les gardiens de prison. Elle est connue sous le nom de falanga, falaka ou bastinado cette pratique peut souvent entraîner une "douleur persistante et un handicap lié à la douleur" pendant des années après la torture.
Khamenei a été arrêté à plusieurs reprises par la SAVAK et/ou d'autres policiers iraniens. On ne sait pas exactement combien de fois il a été torturé, ni quelle a été l'ampleur des tortures. Selon la biographie figurant sur son site web, Khamenei a été arrêté en juin 1963 et a passé "dix jours en prison dans des conditions difficiles". Les conditions elles-mêmes ne sont pas précisées. Mais selon l'article d'Iranwire cité ci-dessus, l'ayatollah a décrit certains aspects de son emprisonnement pour un documentaire.
Les prisonniers "étaient régulièrement soumis à des interrogatoires. Il y avait des hurlements forts, v chaque fois sans exception", a rappelé Khamenei. L'article se poursuit : "Selon Khamenei, une fois par semaine, les prisonniers étaient alignés les yeux bandés et avaient droit à 10 minutes pour se laver. Le bruit des coups, des cris et des coups de fouet est omniprésent en arrière-plan tout au long du film".
Autres récits de torture pratiquée par la SAVAK
L'article de l'Associated Press de février 2019 intitulé "Torture still scars Iranians 40 years after revolution" (La torture continue de marquer les Iraniens 40 ans après la révolution) est l'un des articles de la presse grand public qui remonte à un passé pas si lointain. L'article nous rappelle que "l'actuel guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, et le défunt président Akbar Hashemi Rafsanjani" ont été emprisonnés et torturés dans les prisons de la SAVAK.

"Ahmad Sheikhi, un ancien révolutionnaire de 63 ans qui a été torturé" par la SAVAK, a décrit aux journalistes de l'AP les tortures qu'il a subies de la part des agents de la SAVAK lorsqu'il avait 19 ans. D'après mes calculs, c'était en 1975.
Emprisonné, Sheikhi avait "passé environ trois mois dans cette prison et 11 mois dans une autre après avoir été détenu pour avoir distribué des déclarations anti-chah de Khomeini, alors en exil".
"J'ai été torturé à quatre reprises en deux jours consécutifs, à chaque fois pendant environ dix minutes", a-t-il raconté. "Ils ont utilisé des câbles électriques et des fils pour me fouetter (les pieds) alors que j'avais les yeux bandés. Le premier coup était très efficace ; on avait l'impression que le cœur et le cerveau explosaient".
Le dispositif de torture que les interrogateurs et les prisonniers appelaient "Apollo", du nom du programme lunaire américain, était encore plus effrayant. Les personnes torturées étaient assis sur une chaise et avaient un seau métallique attaché sur la tête, comme un casque spatial, ce qui intensifiait leurs cris.
"Ils me mettaient les doigts et les orteils entre les mâchoires des étaux, me fouettaient la plante des pieds avec des câbles et me mettaient un seau en métal sur la tête", a déclaré Sheikhi. "Mes propres cris résonnaient et s'amplifiaient dans le seau, ce qui me faisait délirer et me donnait des maux de tête. Ils frappaient aussi sur le seau avec ces câbles".
Il existe également des articles plus anciens. Time Magazine (10 décembre 1979) a rapporté comment le poète iranien Reza Baraheni a décrit sa captivité de 102 jours par la SAVAK à "William J. Butler, un avocat new-yorkais qui a enquêté sur la SAVAK pour la Commission internationale des juristes à Genève" (p. 6) :
Baraheni a raconté avoir vu dans les salles de torture de la SAVAK "des fouets de toutes tailles" et des instruments conçus pour arracher les ongles des victimes. Il a décrit les souffrances de certains codétenus : "Ils vous pendent tête en bas, puis quelqu'un vous frappe avec une masse sur les jambes ou sur les parties génitales, ou ils baissent/remontent (puisque vous êtes tête en bas) votre pantalon et l'un d'entre eux essaie de vous violer alors que vous êtes encore suspendue la tête en bas. Baraheni lui-même a été battu et fouetté, et n'a été libéré qu'après avoir accepté de faire une déclaration à la télévision condamnant le communisme.
Entraînement de la SAVAK par la CIA
Selon une enquête menée en 1978 par le New York Magazine, "depuis la création de la SAVAK en 1956, la CIA a entraîné, équipé et conseillé les officiers de la SAVAK. Un porte-parole du département d'État a confirmé que 175 SAVAK suivent actuellement une formation dans les installations de la CIA à McLean, en Virginie. Ce chiffre est en baisse par rapport à la moyenne des cinq dernières années, qui était de 400 par an" (p. 5).
L'article du New York Magazine décrit "une vaste campagne de surveillance et de harcèlement des dissidents iraniens et des opposants américains au shah dans ce pays" (p. 2). Des pots-de-vin ont été versés aux partis politiques par l'intermédiaire de la SAVAK et, des années avant le scandale Epstein, "le recours à des prostituées et aux drogues lors de soirées auxquelles assistaient des membres du Congrès" a été utilisée pour maintenir les hommes politiques américains sous le contrôle de la SAVAK.
Le gouvernement américain a collaboré avec la presse pour contrôler la plupart des révélations. Un an avant les révélations du New York Magazine, Herbert E. Hetu, assistant du directeur des affaires publiques de la CIA, a écrit au directeur de la CIA, Stansfield Turner, sur la manière de traiter les demandes de renseignements sensibles de la presse concernant la SAVAK et d'autres services de renseignement étrangers associés à la CIA (par exemple, la KCIA).

Face à une demande d'interview d'un journaliste du U.S. News and World Report, en juin 1977, sur la question de savoir si les États-Unis avaient des "accords ou des ententes tacites avec des agences de renseignement étrangères leur permettant d'opérer dans ce pays", Hetu a conseillé de mentir, en disant à Turner :
"Je ne suis pas convaincu qu'une interview serait utile parce qu'il voudra des réponses détaillées à des questions très précises. Je pense que nous pourrions remédier à la situation en lui donnant une déclaration générale similaire à celle que vous avez donnée à [l'éditeur exécutif du Washington Post] Ben Bradlee au petit-déjeuner hier matin, par exemple : "il n'existe aucun accord entre la CIA et les services de renseignements étrangers d'autres pays concernant leurs opérations dans ce pays ou nos opérations dans leurs pays". Si la CIA avait connaissance d'activités illégales menées par des services de renseignement étrangers dans ce pays, elle en informerait immédiatement le ministère de la Justice, le FBI et d'autres personnes ou agences appropriées du gouvernement américain."
Collaboration britannique avec la SAVAK
Le journaliste britannique Mark Curtis a mis en ligne une série de citations extraites de documents qu'il a obtenus des archives nationales britanniques concernant le partenariat entre le Royaume-Uni et la SAVAK. La collection des archives nationales documente la collaboration des différents services gouvernementaux britanniques, en particulier le tristement célèbre Information Research Department (IRD), une branche du Foreign Office britannique spécialisée dans la propagande et les coups fourrés.
La SAVAK a été intégrée dans des organisations de "défense" multinationales britanniques, telles que le CENTO (Central Treaty Organization), qui impliquait la Turquie, la Grande-Bretagne, le Pakistan et l'Iran dans une alliance de type OTAN dominée par le Royaume-Uni au Moyen-Orient. D'ailleurs, selon le département d'État, les États-Unis ont participé au CENTO "en tant qu'observateur et ont pris part aux réunions du comité".
Un extrait de Curtis, tiré d'une "minute" du 7 décembre 1964 rédigée par Ann Elwell, fonctionnaire de l'IRD, décrit la façon dont la SAVAK a été intégrée dans les alliances militaires de haut niveau et même dans les opérations nationales :
"Depuis quelques années, l'IRD collabore avec la SAVAK... à la fois dans le cadre du CENTO et sur le plan bilatéral... La SAVAK a une longue histoire de travail fructueux contre le parti Tudeh (communiste iranien), utilisant des techniques sophistiquées de contre-espionnage et de contre-propagande... Le comité de contre-subversion [du CENTO] dirige les activités d'un organe permanent à Ankara, le Bureau de contre-subversion, dont le secrétaire général adjoint est le représentant iranien, le colonel Negahbani, membre de la SAVAK.... Dans notre ambassade à Téhéran, l'assistant chargé de l'information est responsable du travail de l'IRD en consultation avec l'un des adjoints du général Pakravan [directeur de la SAVAK], le Dr Zehtab, qui a passé dix jours au Royaume-Uni aux frais de l'IRD en octobre de cette année et à qui l'on a montré une grande partie des activités de l'IRD... " (1)

La SAVAK a également fait l'objet de rapports de la part d'ONG. Un rapport d'Amnesty International de novembre 1976, intitulé "Human Rights Abuses in Shahist Iran" (Violations des droits de l'homme dans l'Iran chahiste), décrit les opérations de la SAVAK. "Il y a, dans chaque capitale provinciale et dans chaque grande ville, des prisons du Comité mixte de la SAVAK et de la police qui sont utilisées pour les interrogatoires", écrit Amnesty. "La discipline est sévère et, en cas d'indiscipline, les prisonniers peuvent être placés à l'isolement pendant une période pouvant aller jusqu'à trois ou quatre mois. Les mauvais traitements et la torture ne cessent pas toujours après le procès et, dans certains cas, les prisonniers considérés comme difficiles sont renvoyés à la prison du Comité ou à celle d'Evin pour y être à nouveau torturés".
"Les yeux du Shah"
Il n'est pas facile de trouver des documents de base décrivant l'histoire de la collaboration entre les États-Unis et l'ASVAK, car ils sont généralement supprimés. Mais il en existe quelques-uns. Ce mémorandum non daté (probablement de 1976) du conseiller américain à la sécurité nationale Brent Scowcroft à l'ex-chef de la CIA, et alors ambassadeur en Iran, Richard Helms, décrit l'acheminement d'argent liquide et de " 900 000 livres Sterling d'armes légères et de munitions non attribuables" à la SAVAK pour qu'elle les distribue aux forces kurdes soutenues par les États-Unis en Irak, dirigées par Mustafa Barzani (voir p. 4).
Un article archivé publié initialement en juillet 2017, intitulé "How CIA, Mossad helped form Savak" (Comment la CIA et le Mossad ont contribué à la création de Savak), donne un bref aperçu de la manière dont la CIA et le Mossad ont contribué à la création de la SAVAK (2).
Un article publié en 2023 par l'éducateur Braedon McGhee, intitulé "the Contradictory Nature of SAVAK and The U.S.-Iran Cliency Relationship" (La nature contradictoire de la SAVAK et la relation de confiance entre les États-Unis et l'Iran), souligne qu'en dépit de tous les articles et livres écrits sur le régime du Shah et le parrainage de celui-ci par les États-Unis, "peu de recherches ont été effectuées sur le rôle de l'agence de renseignement du Shah dans le renforcement de l'autonomie du Shah vis-à-vis de son peuple par le biais de la relation de clientèle entre les États-Unis et l'Iran" (p. 35).
McGhee note que "les informations sur les actions de la SAVAK pendant le règne du Shah sont limitées en raison de la nature clandestine de l'organisation elle-même ; la plupart des informations recueillies sur les actions secrètes de la SAVAK reposent sur les aveux d'anciens membres, les témoignages de victimes et l'analyse croisée de documents déclassifiés de la CIA. Les révolutionnaires iraniens qui ont pris d'assaut l'ambassade des États-Unis en 1979 ont découvert des documents déchiquetés de la CIA, publiés plus tard dans "The True Nature of The Great Satan", qui exposaient le vaste réseau de liaison de la SAVAK en Iran et sa collaboration avec des agences de renseignement étrangères telles que la CIA et le MOSSAD" (p. 35-36).

Le travail de McGhee est essentiel pour comprendre les véritables contours de l'actuel assaut américano-israélien contre l'Iran. Le recours aux tactiques alarmistes concernant les armes nucléaires iraniennes sert à dissimuler le programme réel de l'Occident vis-à-vis de l'Iran.
Selon l'essai scientifique de McGhee, après le coup d'État contre Mossadegh, "les États-Unis ont apporté à leur client une aide militaire, un développement des infrastructures et, surtout, des renseignements, qui ont conduit à la création du tristement célèbre Sâzemân-e Ettelâ'ât va Amniat-e Kešvar (SAVAK) du Shah en 1957. Surnommée les yeux du Shah, la dépravation de la SAVAK a attiré l'attention d'organisations de défense des droits de l'homme telles qu'Amnesty International. Les États-Unis ont développé la SAVAK comme un miroir de leurs propres agences de renseignement, la CIA et le FBI, qui avaient des contacts directs avec le Shah et formaient le personnel de la SAVAK" (p. 38-39).
Brève histoire de la SAVAK

Voici un bref aperçu de l'histoire pertinente, tiré de l'article de McGhee (3) :
Le premier objectif de la SAVAK après sa consolidation était de prendre le contrôle de l'opposition la plus redoutable du Shah, le parti Tudeh [communiste - JK] ..... La SAVAK n'a pas hésité et a prestement mis en œuvre des tactiques répressives contre la classe ouvrière iranienne, les membres du Tudeh ont perdu leur emploi et beaucoup ont été emprisonnés. Les membres du Tudeh emprisonnés étaient détenus pour des durées indéterminées et généralement torturés pour obtenir des informations (p. 41) ....
À son apogée, la [SAVAK] employait environ 7 000 personnes à temps plein et entre 20 000 et 40 000 informateurs à temps partiel. L'agence était organisée en huit départements différents.... Selon Alimardan Azimpour, ancien membre de la SAVAK, le septième département, celui des opérations secrètes, "s'occupait des affaires du Moyen-Orient qui étaient contrôlées par le MOSSAD d'Israël" (p. 42) ....
Les emprisonnements illégitimes sont devenus l'un des nombreux outils utilisés par la SAVAK pour instaurer la peur au sein de la société iranienne ; on estime qu'en 1976 seulement, il y avait entre 25 000 et 100 000 prisonniers politiques en Iran (p. 44) ....
Outre son pays protecteur, les États-Unis, le partenaire le plus important de la SAVAK était l'agence israélienne MOSSAD.... En 1965, lorsque le Shah a exilé [le premier chef de la SAVAK, le général Teymur] Bakhtiar pour avoir conspiré contre lui, de nombreux agents de la CIA ont également été renvoyés aux États-Unis. Peu après, des agents du MOSSAD ont pris leur place à Téhéran pour former les membres de la SAVAK à la surveillance intérieure et aux techniques d'interrogatoire (p. 46). ....
En janvier 1978, de nouvelles informations ont été révélées par une correspondance entre Aryeh Neir (né en 1937), directeur exécutif de l'American Civil Liberties Union, et le secrétaire d'État Cyrus Vance (1917-2002), selon laquelle le FBI avait identifié des étudiants iraniens soupçonnés d'émeutes et les avait signalés à la SAVAK (p. 48). ....
Après l'arrestation d'étudiants iraniens aux États-Unis en 1978, le sénateur Birch Bayh (1928-2019) a écrit au directeur du FBI, William Webster (né en 1924), pour lui faire part de ses soupçons quant aux relations entre le FBI et la SAVAK. Webster a informé Bayh que le département de la police de Chicago avait, en fait, collaboré avec la SAVAK et que les relations étroites du FBI méritaient sa suspicion et constituaient, selon les termes de Bayh, une "conduite inappropriée" (p. 49).
Je pourrais continuer longtemps, mais je pense que mes lecteurs ont compris les points essentiels.
L'absence de responsabilité en matière de torture a ouvert la voie à la guerre
Le 13 juin 2025, Israël a lancé ce qu'il espérait sans doute être une frappe de décapitation, avec l'assassinat de hauts gradés de l'armée iranienne et de scientifiques nucléaires. En outre, selon le New York Times, "quatre responsables iraniens ont déclaré qu'Israël avait attaqué au moins une douzaine de bases militaires, de dépôts de missiles, de bases nucléaires et de bases de missiles, dans plusieurs villes d'Iran, dont Téhéran, Tabriz, Ispahan, Kermanshah et Arak".
Depuis l'attaque initiale, l'Iran a répondu par une offensive de drones et de missiles contre Israël, qui a été assez efficace, bien que la censure gouvernementale et les usines de propagande des deux côtés obscurcissent les réalités militaires.
Israël a affirmé avoir attaqué pour empêcher l'Iran de mettre au point une bombe nucléaire, supposée imminente. Mais les commentateurs ont fait remarquer que, premièrement, Israël bêle ce faux appel à l'action depuis des décennies ; deuxièmement, c'est Israël qui ne respecte pas les traités internationaux en disposant de son propre arsenal nucléaire non reconnu/caché, développé avec l'aide volontaire ou involontaire de la France et d'éléments de la Central Intelligence Agency américaine.

Israël a demandé aux États-Unis de se joindre à sa guerre, bien qu'en réalité, les États-Unis aient déjà été impliqués, même s'ils l'ont nié. Trump envisage une escalade majeure dans la guerre d'Israël, alors que l'Iran a refusé les appels à la reddition lancés par Washington. Israël aurait menacé d'assassiner le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei.
Pendant ce temps, les deux pays échangent des attaques de missiles, et toute cette affaire se déroule dans l'ombre indéniable de l'escalade du génocide israélien à Gaza et de l'intensification des attaques contre les Palestiniens en Cisjordanie.
Grâce à des années d'exposition, de nombreux Américains et autres Occidentaux sont au fait des efforts conjoints des États-Unis et du Royaume-Uni en 1953 pour renverser les dirigeants élus de l'Iran et installer un faux "Shah" d'Iran, Mohammad Reza Pahlavi. Ce dont on ne parle pas beaucoup, surtout en ce moment, c'est de la manière dont les États-Unis et Israël ont contribué à la création de l'agence de sécurité intérieure iranienne, la SAVAK.
La presse et le gouvernement américains ont généralement minimisé l'horreur que représentait le régime du Shah soutenu par la SAVAK. Si l'on se rend dans les "salles de lecture" FOIA du FBI, de la NSA et du département d'État américain4, on ne trouve pratiquement rien sur la SAVAK. Même un dépôt d'archives universitaires comme les National Security Archive de l'université George Washington affiche "0 résultat" si l'on effectue une recherche sur "SAVAK".
D'une manière générale, les États-Unis minimisent tout ce qui a trait à la torture, et la presse s'en accommode le plus souvent. Il n'y a jamais eu de comptes à rendre pour les programmes de torture de la CIA et du Pentagone après le 11 septembre, et il n'est donc nullement surprenant qu'il y ait peu de comptes à rendre pour la complicité des États-Unis et du Mossad dans la promotion de la torture sous le régime du Shah.
Aux États-Unis, la torture est dissimulée. Un rapport du Sénat de 2014 sur le programme de torture de la CIA a été largement soustrait à la publication. Des preuves matérielles - des vidéos de tortures américaines - ont été détruites par la CIA sans conséquences juridiques. En outre, une agence de surveillance des Nations unies a harcelé les États-Unis au sujet du recours continu de la torture par privation sensorielle et de sommeil dans le cadre de leur "manuel de campagne de l'armée" officiel. Aucun organe de presse ou journaliste américain n'a repris cette histoire depuis que l'Associated Press a publié un article à ce sujet en mars 2016, date depuis laquelle la position des États-Unis n'a pas changé.
Il est intéressant de noter que la CIA dispose d'un grand nombre d'informations sur la SAVAK dans sa salle de lecture électronique, y compris des reproductions d'articles écrits sur la SAVAK à l'époque. Par exemple, une coupure de presse de mars 1966 du journal The Sun décrit la surveillance et la terreur exercées par la SAVAK sur les "étudiants et techniciens iraniens" en Allemagne de l'Ouest.

L'article du Sun indiquait, par exemple, ceci : "l'été dernier, un étudiant iranien a disparu de Cologne dans des circonstances mystérieuses. Peu de temps après, son corps à moitié calciné a été retrouvé près de Bruxelles. Ses associés ont prétendu qu'il avait été tué par la SAVAK".
Un autre document publié par la CIA est un numéro du 25 mai 1961 de la revue Current Weekly Review de la CIA, qui contient une discussion top secrète sur une tentative potentielle de coup d'État par le chef de la SAVAK de l'époque, Teymur Bakhtiar. Au cours de cette période, le chef adjoint de la SAVAK, le général de brigade Alavi-Kia, alias Hassan Alavikia, a été temporairement relevé de son commandement et envoyé en "vacances" en Israël. L'année suivante, Alavikia a été affecté à Cologne en tant que chef des opérations européennes de la SAVAK. (Alavikia aurait-il pu ordonner ou organiser la mort de l'étudiant iranien décrit dans le paragraphe précédent, qui a "disparu" de Cologne en 1966 alors qu'Alavikia y était responsable).
Il faudrait beaucoup de temps pour scanner l'ensemble des centaines de documents de la CIA, mais je soupçonne que les papiers et les dossiers de la CIA décrivant des ordres de première main pour que la CIA forme les tortionnaires de la SAVAK ne s'y trouveront pas. La CIA couvre ses arrières lorsqu'elle en a besoin.
L'essentiel est que le manque d'information et d'attention à l'égard de l'intervention des États-Unis, du Royaume-Uni et d'Israël dans l'Iran de l'après-coup d'État a contribué à réhabiliter politiquement l'Occident comme une sorte de bon acteur dans ses relations avec l'Iran. En réalité, les efforts déployés par l'Occident en Iran pendant des décennies ont abouti à la mise en place d'un appareil répressif massif de police secrète dans ce pays, qui a emprisonné, torturé et tué des centaines de milliers de personnes. Cet appareil a bénéficié d'une couverture politique de la part de la propagande occidentale et des agences gouvernementales associées.
Comme l'indique un article paru en octobre 1976 dans la New York Review of Books, "la CIA a recréé la monarchie, construit la SAVAK et formé tous ses membres éminents, et a soutenu le Shah et sa police secrète en tant que leur puissant allié. L'Iran est devenu l'État policier qu'il est aujourd'hui [en 1976 - JK]".
L'article du NYRB, écrit par le poète iranien Reza Baraheni, dont la torture a été décrite quelques paragraphes plus haut, continue :
Plus de 300 000 personnes sont entrées et sorties de prison au cours des dix-neuf dernières années d'existence de la SAVAK, en moyenne, 1 500 sont arrêtées chaque mois. Dans un cas, les troupes anti-insurrectionnelles de l'armée iranienne et de la SAVAK, entraînées par les Américains, ont tué plus de 6 000 personnes le 5 juin 1963. Selon le rapport annuel d'Amnesty International pour 1974-1975, "le nombre total de prisonniers politiques a été signalé à plusieurs reprises tout au long de l'année [1975] comme étant compris entre 25 000 et 100 000".
Le cauchemar infernal que l'Occident et Israël ont contribué à créer en Iran a conduit directement à la révolution de 1978-1979 qui a renversé le Shah et chassé l'Occident du pays. Aujourd'hui, l'Occident et Israël veulent en reprendre le contrôle.
Les raisons de s'opposer aux attaques d'Israël contre l'Iran sont nombreuses. Les réponses de l'Iran sont des actions légitimes d'autodéfense. Même ceux qui s'opposent au cléricalisme des dirigeants iraniens devraient reconnaître qu'il n'y a aucun avantage à soutenir les frappes agressives d'Israël contre l'Iran, soutenues par l'Occident. Ceux qui soutiennent matériellement Israël en ce moment sont eux-mêmes coupables de crimes de guerre, car Israël, dans une apparente tentative de détourner l'attention de son génocide intensifié à Gaza, a métastasé son expansion militaire dans une grande partie du Moyen-Orient, et a amené le monde au bord d'une Troisième Guerre mondiale nucléaire.
Notes
1. Pour en savoir plus sur le Royaume-Uni et la SAVAK, voir l'article de thèse de Chickara Hashimoto de 2013, "British Intelligence, Counter-Subversion, and 'Informal Empire' in the Middle East, 1949-63" (Renseignement britannique, contre-subversion et 'empire informel' au Moyen-Orient, 1949-63).
Voir également l'article de Mark Curtis du 8 novembre 2022 sur Declassified UK, "When Britain Backed Iran's Dictator" (Quand la Grande-Bretagne a soutenu le dictateur iranien). Curtis écrit : "L'IRD fournissait directement à la SAVAK du matériel destiné à la presse et à la radio. Cela comprenait des dépenses pour "la traduction de livres, des articles pour la presse et des travaux de propagande contre-subversive de toutes sortes", a écrit Ann Elwell, fonctionnaire de l'IRD, en décembre 1964.
2. L'article indique qu'après le coup d'État de 1953, "les Américains ont lancé [une] campagne pour créer l'unité d'anti-intelligence [c'est-à-dire de contre-espionnage - JK] dans l'armée, qui revêtait une grande importance pour eux. Ils ont travaillé dur pour créer des antis pour le renseignement central et les renseignements des trois branches et de leurs unités. Ils ont choisi des Tadjbakhs, que nous considérions particulièrement, comme chef de l'anti-intelligence. Ils ont beaucoup travaillé et aidé à préserver cette organisation, en raison de la grande importance qu'elle revêtait pour eux....."
"En tant que base de l'Amérique dans la région, l'Iran avait besoin d'une puissante organisation de renseignement. De plus, l'URSS et ses voisins représentaient une menace sérieuse pour les intérêts des États-Unis. La CIA a non seulement contribué à la fondation de la Savak, mais le FBI a aussi beaucoup aidé à sa création et à son développement. Néanmoins, la National Security Agency, qui était spécialisée dans l'espionnage électronique, a également entretenu des relations avec la Savak."
"Les États-Unis ont également envoyé des groupes à Téhéran pour éduquer Savak. Juste après le coup d'État, un général de l'armée américaine s'est rendu en Iran et a commencé à former des commandants d'unités de renseignement au gouvernorat militaire."
"Deux ans plus tard, une délégation de haut rang, composée de cinq officiers de la CIA, l'a remplacé et est restée en Iran pendant six ans."
"Pendant ces années, les consultants américains s'immisçaient totalement dans le traitement quotidien des informations. Ces hommes formaient la Savak à l'anti-intelligence."
"Vers 1961, les Américains ont laissé leur place à Israël et au Mossad. Alors que le Mossad commençait à s'intéresser à la Savak, l'infiltration des États-Unis s'est atténuée dans une certaine mesure, pour revenir à une forte intervention après une dizaine d'années, lorsque la CIA a déplacé son commandement pour le Moyen-Orient en Iran. À peu près à la même époque, l'ancien chef de la CIA Richard Holmes [Helms - JK] a été nommé ambassadeur des États-Unis en Iran."
Voir également cette vidéo de 50 minutes d'une interview de Reza Pahlavi par CBS 60 Minutes en 1976, "SAVAK : Fathered by the CIA". Le Shah déclare à Mike Wallace que la SAVAK pratiquait la torture physique dans le passé, mais que cela a pris fin à un moment donné. Il a déclaré qu'ils utilisaient des méthodes d'interrogatoire plus "psychologiques" au moment de l'interview.
3. Pour son essai, McGhee se réfère à plusieurs reprises à un livre publié en 1991 par Mark Gasiorowski, U.S. Foreign Policy and the Shah : Building a Client State in Iran (Cornell University Press). Ce livre peut être consulté sur Internet Archive.
4. Le FBI et la NSA n'ont obtenu aucun résultat pour une recherche de documents mentionnant la SAVAK, et ce malgré le fait que tous deux aient participé à l'entraînement et aux opérations de la SAVAK au fil des ans. Le FBI aurait également enquêté sur les opérations de la SAVAK aux États-Unis. Une recherche sur "SAVAK" dans la "salle de lecture virtuelle" du département d'État américain n'a donné qu'un seul résultat, une série de télégrammes de novembre 1978 adressés par l'ambassade américaine en Iran au secrétaire d'État américain, Cyrus Vance, nommé par Jimmy Carter. L'Iran était alors en proie à des troubles politiques considérables. La SAVAK a été mentionnée à deux reprises, notamment lors d'une controverse sur la question de savoir si la SAVAK détenait à ce moment-là 600 ou 900 prisonniers politiques dans ses geôles. La SAVAK a également été mentionnée comme étant impliquée dans l'organisation de "bagarreurs de rue progovt [pro-gouvernement]" en Iran.
Jeffrey S. Kaye est psychologue, chercheur, auteur à la retraite.
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3- Comment les États-Unis & Israël se sont servi de Rafael Grossi pour détourner l'AIEA & déclencher une guerre contre l'Iran
Par Medea Benjamin & Nicolas J.S. Davies, le 23 juin 2025, Blog Personnel
Rafael Grossi, directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), a permis à l'AIEA d'être utilisée par les États-Unis et Israël - un État non déclaré détenteur de l'arme nucléaire qui viole depuis longtemps les règles de l'AIEA - pour fabriquer un prétexte de guerre contre l'Iran, malgré la conclusion de son agence selon laquelle l'Iran n'avait pas de programme d'armement nucléaire.
Le 12 juin, sur la base d'un rapport accablant de Grossi, une faible majorité du Conseil des gouverneurs de l'AIEA a voté en faveur du non-respect par l'Iran de ses obligations en tant que membre de l'AIEA. Sur les 35 pays représentés au Conseil, seuls 19 ont voté en faveur de la résolution, 3 ont voté contre, 11 se sont abstenus et 2 n'ont pas voté.
Les États-Unis ont contacté huit gouvernements membres du Conseil le 10 juin pour les persuader de voter en faveur de la résolution ou de ne pas voter. Des responsables israéliens ont déclaré qu'ils considéraient le bras-de-fer des États-Unis en faveur de la résolution de l'AIEA comme un signal significatif du soutien des États-Unis aux plans de guerre d'Israël, révélant à quel point Israël appréciait la résolution de l'AIEA en tant que couverture diplomatique pour la guerre.
La réunion du conseil de l'AIEA a été programmée pour le dernier jour de l'ultimatum de 60 jours lancé par le président Trump à l'Iran pour négocier un nouvel accord nucléaire. Alors même que le conseil de l'AIEA votait, Israël chargeait armes, carburant et réservoirs de largage sur ses avions de guerre pour le long vol vers l'Iran et informait ses équipages sur leurs cibles. Les premières frappes aériennes israéliennes ont touché l'Iran à 3 heures du matin cette nuit-là.
Le 20 juin, l'Iran a déposé une plainte officielle contre le directeur général Grossi auprès du secrétaire général et du Conseil de sécurité des Nations unies pour avoir porté atteinte à l'impartialité de son agence, à la fois pour n'avoir pas mentionné l'illégalité des menaces et des recours à la force d'Israël contre l'Iran dans ses déclarations publiques et ne s'être concentré exclusivement que sur les violations présumées de l'Iran.
La source de l'enquête de l'AIEA qui a conduit à cette résolution était un rapport de 2018 des services de renseignement israéliens selon lequel leurs agents avaient identifié trois sites non divulgués en Iran où l'Iran avait procédé à l'enrichissement de l'uranium avant 2003. En 2019, Grossi a ouvert une enquête et l'AIEA a finalement pu accéder aux sites et y a détecté des traces d'uranium enrichi.
Malgré les conséquences fatales de ses actes, Grossi n'a jamais expliqué publiquement comment l'AIEA pouvait être sûre que l'agence de renseignement israélienne, le Mossad, ou ses collaborateurs iraniens, tels que les Mojahedin-e-Khalq (ou MEK), n'avaient pas eux-mêmes placé l'uranium enrichi dans ces sites, comme l'ont suggéré les responsables iraniens.
Alors que la résolution de l'AIEA qui a déclenché cette guerre ne portait que sur les activités d'enrichissement de l'Iran antérieures à 2003, les responsables politiques américains et israéliens se sont rapidement tournés vers des affirmations non fondées selon lesquelles l'Iran était sur le point de fabriquer une arme nucléaire. Les agences de renseignement américaines avaient précédemment indiqué qu'un processus aussi complexe prendrait jusqu'à trois ans, avant même qu'Israël et les États-Unis ne commencent à bombarder et à dégrader les installations nucléaires civiles existantes de l'Iran.
Les enquêtes précédentes de l'AIEA sur les activités nucléaires non déclarées en Iran ont été officiellement achevées en décembre 2015, lorsque le directeur général de l'AIEA, Yukiya Amano, a publié son "Évaluation finale des questions en suspens passées et présentes concernant le programme nucléaire iranien".
L'AIEA a estimé que, bien que certaines des activités passées de l'Iran aient pu avoir un rapport avec les armes nucléaires, elles "ne sont pas allées au-delà des études de faisabilité et des études scientifiques, et de l'acquisition de certaines compétences et capacités techniques pertinentes". L'AIEA "n'a trouvé aucune indication crédible de détournement de matières nucléaires en rapport avec les éventuelles dimensions militaires du programme nucléaire iranien".
Lorsque Yukiya Amano est décédé avant la fin de son mandat en 2019, le diplomate argentin Rafael Grossi a été nommé directeur général de l'AIEA. Grossi avait occupé le poste de directeur général adjoint sous Amano et, avant cela, de chef de cabinet sous le directeur général Mohamed ElBaradei.
Les Israéliens ont une longue expérience de la fabrication de fausses preuves sur les activités nucléaires de l'Iran, comme les fameux "documents de l'ordinateur portable" remis à la CIA par le MEK en 2004 et dont on pense qu'ils ont été créés par le Mossad. Douglas Frantz, qui a rédigé un rapport sur le programme nucléaire iranien pour la commission sénatoriale des affaires étrangères en 2009, a révélé que le Mossad avait créé en 2003 une unité spéciale chargée de fournir des informations secrètes sur le programme nucléaire iranien, en utilisant des "documents provenant de l'intérieur de l'Iran et d'ailleurs".
Pourtant, Grossi a collaboré avec Israël pour poursuivre ses dernières allégations. Après plusieurs années de réunions en Israël, de négociations et d'inspections en Iran, il a rédigé son rapport au Conseil des gouverneurs de l'AIEA et a programmé une réunion du Conseil coïncidant avec la date prévue pour le début de la guerre d'Israël.
Israël a effectué ses derniers préparatifs de guerre sous les yeux des satellites et des agences de renseignement des pays occidentaux qui ont rédigé et voté la résolution. Il n'est pas étonnant que 13 pays se soient abstenus ou n'aient pas voté, mais il est tragique que davantage de pays neutres n'aient trouvé ni la sagesse ni le courage de voter contre cette résolution insidieuse.
L'objectif officiel de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) est de "promouvoir l'utilisation sûre, sécurisée et pacifique des technologies nucléaires". Depuis 1965, l'ensemble de ses 180 pays membres sont soumis aux garanties de l'AIEA afin de s'assurer que leurs programmes nucléaires ne sont pas "utilisés de manière à servir un but militaire quelconque".
Le travail de l'AIEA est évidemment compromis lorsqu'il s'agit de pays déjà dotés de l'arme nucléaire. La Corée du Nord s'est retirée de l'AIEA en 1994 et de toutes les garanties en 2009. Les États-Unis, la Russie, le Royaume-Uni, la France et la Chine ont conclu avec l'AIEA des accords de garanties qui ne reposent que sur des "offres volontaires" pour des sites non militaires "sélectionnés". L'Inde a conclu un accord de garanties en 2009 qui l'oblige à séparer ses programmes nucléaires militaires et civils, et le Pakistan a conclu dix accords de garanties distincts, mais uniquement pour des projets nucléaires civils, le dernier datant de 2017 et couvrant deux centrales électriques construites par la Chine.
Israël, quant à lui, ne dispose que d'un accord de garanties limité datant de 1975 pour un accord de coopération nucléaire civile conclu en 1955 avec les États-Unis. Un addendum de 1977 a prolongé l'accord de garanties de l'AIEA pour une durée indéterminée, même si l'accord de coopération avec les États-Unis qu'il couvrait a expiré quatre jours plus tard. Ainsi, par une parodie de conformité à laquelle les États-Unis et l'AIEA se sont prêtés pendant un demi-siècle, Israël a échappé au contrôle des garanties de l'AIEA tout aussi efficacement que la Corée du Nord.
Israël a commencé à travailler sur une arme nucléaire dans les années 1950, avec l'aide substantielle de pays occidentaux, dont la France, la Grande-Bretagne et l'Argentine, et a fabriqué ses premières armes en 1966 ou 1967. En 2015, lorsque l'Iran a signé l'accord nucléaire JCPOA, l'ancien secrétaire d'État Colin Powell a écrit dans un courriel ayant fait l'objet d'une fuite qu'une arme nucléaire serait inutile pour l'Iran parce qu'"Israël en a 200, toutes pointées sur Téhéran". Powell a cité l'ancien président iranien Mahmoud Ahmadinejad demandant : "Que ferions-nous d'une arme nucléaire ? La lustrer ?".
En 2003, alors que Powell tentait en vain de justifier la guerre contre l'Irak devant le Conseil de sécurité des Nations unies, le président Bush a qualifié l'Iran, l'Irak et la Corée du Nord d'"axe du mal", en raison de leur prétendue quête d'"armes de destruction massive". Le directeur égyptien de l'AIEA, Mohamed ElBaradei, a assuré à plusieurs reprises au Conseil de sécurité que l'AIEA ne trouvait aucune preuve que l'Irak était en train de mettre au point une arme nucléaire.
Lorsque la CIA a produit un document montrant que l'Irak importait du yellowcake d'uranium du Niger, tout comme Israël en avait secrètement importé d'Argentine dans les années 1960, il n'a fallu que quelques heures à l'AIEA pour reconnaître qu'il s'agissait d'un faux, ce qu'ElBaradei a immédiatement signalé au Conseil de sécurité.
Bush a continué à répéter le mensonge du yellowcake nigérien ainsi que d'autres mensonges flagrants sur l'Irak, et les États-Unis ont envahi et détruit l'Irak sur la base de ses mensonges, un crime de guerre d'une ampleur historique. La plupart des gens savaient qu'ElBaradei et l'AIEA avaient raison depuis le début et, en 2005, ils ont reçu le prix Nobel de la paix pour avoir dénoncé les mensonges de Bush, dit la vérité au pouvoir et renforcé la non-prolifération nucléaire.
En 2007, la National Intelligence Estimate (NIE) des États-Unis, réalisée par les 16 agences de renseignement américaines, a confirmé les conclusions de l'AIEA selon lesquelles l'Iran, comme l'Irak, n'avait pas de programme d'armement nucléaire. Comme l'a écrit Bush dans ses mémoires, "... après la NIE, comment pourrais-je expliquer le recours à l'armée pour détruire les installations nucléaires d'un pays dont la communauté du renseignement disait qu'il n'avait pas de programme actif d'armes nucléaires ?" Même Bush ne pouvait pas croire qu'il s'en sortirait en recyclant les mêmes mensonges pour détruire l'Iran ainsi que l'Irak, et Trump joue avec le feu en faisant de même aujourd'hui.
ElBaradei a écrit dans ses propres mémoires, The Age of Deception: Nuclear Diplomacy in Treacherous Times (L'âge de la tromperie : La diplomatie nucléaire en des temps difficiles), que si l'Iran a effectué des recherches préliminaires sur les armes nucléaires, celles-ci ont probablement commencé pendant la guerre Iran-Irak dans les années 1980, après que les États-Unis et leurs alliés ont aidé l'Irak à fabriquer des armes chimiques ayant tué jusqu'à 100 000 Iraniens.
Les néoconservateurs qui dominent la politique étrangère américaine de l'après-guerre froide considéraient le prix Nobel ElBaradei comme un obstacle à leurs ambitions de changement de régime dans le monde, et ont mené une campagne secrète pour trouver un nouveau directeur général de l'AIEA plus conciliant à l'expiration de son mandat en 2009.
Après la nomination du diplomate japonais Yukiya Amano au poste de directeur général, les câbles diplomatiques américains publiés par Wikileaks ont révélé les détails de son examen approfondi par les diplomates américains, qui ont rapporté à Washington qu'Amano "était solidement dans le camp américain pour toutes les décisions stratégiques clés, des nominations de personnel de haut niveau à la gestion du programme d'armes nucléaires présumé de l'Iran".
Après être devenu directeur général de l'AIEA en 2019, Rafael Grossi a non seulement poursuivi la soumission de l'AIEA aux intérêts américains et occidentaux ainsi que sa pratique consistant à fermer les yeux sur les armes nucléaires d'Israël, mais il a également veillé à ce que l'AIEA joue un rôle essentiel dans la marche d'Israël vers la guerre contre l'Iran.
Alors même qu'il reconnaissait publiquement que l'Iran n'avait pas de programme d'armement nucléaire et que la diplomatie était le seul moyen de répondre aux préoccupations de l'Occident à l'égard de l'Iran, Grossi a aidé Israël à préparer le terrain pour la guerre en rouvrant l'enquête de l'AIEA sur les activités passées de l'Iran. Puis, le jour même où les avions de guerre israéliens étaient chargés d'armes pour bombarder l'Iran, il s'est assuré que le Conseil des gouverneurs de l'AIEA adopte une résolution donnant à Israël et aux États-Unis le prétexte de guerre qu'ils attendaient.
Au cours de sa dernière année en tant que directeur de l'AIEA, Mohamed ElBaradei a été confronté à un dilemme similaire à celui auquel Grossi est confronté depuis 2019. En 2008, les services de renseignement américains et israéliens ont remis à l'AIEA des copies de documents semblant montrer que l'Iran menait quatre types distincts de recherche sur les armes nucléaires.
Alors qu'en 2003, le document de Bush sur le yellowcake provenant du Niger était clairement un faux, l'AIEA n'a pas pu établir si les documents israéliens étaient authentiques ou non. ElBaradei a donc refusé d'y donner suite ou de les rendre publics, malgré des pressions politiques considérables, car, comme il l'a écrit dans son livre L'âge de la tromperie, il savait que les États-Unis et Israël "voulaient donner l'impression que l'Iran représentait une menace imminente, peut-être en préparant le terrain pour le recours à la force". ElBaradei a pris sa retraite en 2009, et ces allégations faisaient partie des "questions en suspens" qu'il a laissées à Yukiya Amano pour qu'il les résolve en 2015.
Si Rafael Grossi avait fait preuve de la même prudence, de la même impartialité et de la même sagesse que Mohamed ElBaradei en 2009, il est fort possible que les États-Unis et Israël ne soient pas en guerre contre l'Iran aujourd'hui.
Mohamed ElBaradei a twitté le 17 juin 2025 : "Compter sur la force et non sur les négociations est un moyen sûr de détruire le TNP et le régime de non-prolifération nucléaire (aussi imparfait soit-il), et envoie un message clair à de nombreux pays "que leur 'sécurité ultime' est de développer des armes nucléaires !!!"".
Malgré le rôle de Grossi dans les plans de guerre américano-israéliens en tant que directeur général de l'AIEA, ou peut-être à cause de cela, il a été présenté comme un candidat soutenu par l'Occident pour succéder à Antonio Guterres au poste de secrétaire général de l'ONU en 2026. Ce serait un désastre pour le monde. Heureusement, il existe de nombreux candidats plus qualifiés pour sortir le monde de la crise dans laquelle Rafael Grossi a aidé les États-Unis et Israël à le plonger.
Rafael Grossi devrait démissionner de son poste de directeur de l'AIEA avant de compromettre davantage la non-prolifération nucléaire et de rapprocher le monde d'une guerre nucléaire. Il devrait également retirer son nom de la liste des candidats au poste de secrétaire général des Nations unies.
Medea Benjamin est cofondatrice du groupe pacifiste CODEPINK, auteure & militante pour la paix.
Nicolas J. S. Davies est un journaliste indépendant et un chercheur de CODEPINK. Il est le co-auteur, avec Medea Benjamin, de War in Ukraine : Making Sense of a Senseless Conflict, disponible chez OR Books en novembre 2022, et l'auteur de Blood On Our Hands : the American Invasion and Destruction of Iraq.
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4- L'assaut contre l'Iran : Une guerre pour l'avenir du Moyen-Orient & de la Palestine
Non pas que l'attaque contre l'Iran concerne l'armement nucléaire, mais plutôt qu'Israël cherche à détruire un État qui fait obstacle à sa pleine hégémonie régionale.

Par Jeremy Salt, le 24 juin 2025, The Palestine Chronicle
Après des siècles de domination des mondes musulman et arabe par la guerre, l'invasion, l'occupation et la subversion, l'"Occident" est proche de ce qui doit être l'apogée de sa violence débridée, insensée et raciste. Il faut bien sûr rappeler que la guerre contre les pays musulmans a toujours été un sous-ensemble de la guerre d'un demi-millénaire menée par l'Occident impérial contre le reste du monde.
L'issue de la guerre contre l'Iran redéfinira la scène pour le siècle à venir. Soit l'Iran résiste avec succès, soit le Moyen-Orient tombera sous le marteau "occidental" pour le siècle à venir.
L'Iran ne défend pas que l'Iran. Elle défend la Palestine, elle défend les espoirs et les aspirations des Arabes et des musulmans du monde entier à décider de leur propre avenir au lieu de se le voir constamment arraché. Par extension, elle défend les mêmes espoirs et aspirations de l'ensemble du Sud.
La conquête du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord a commencé avec l'invasion napoléonienne de l'Égypte en 1798. Elle s'est effondrée après quelques années, mais a déclenché la course à la domination, qui a progressivement englobé toute la région. Le prétexte avancé était la "civilisation", les moyens les armes les plus techniquement supérieures de l'époque, disponibles uniquement pour les Européens.
Ainsi, les balles enrobées de plomb tirées par les Algériens sur les Français dans les années 1830, les lances et les fusils dont disposaient les guerriers soudanais contre les canons Maxim alignés par les Britanniques à Omdurman en 1898, les "chasseurs furtifs" et les "bombes intelligentes" utilisés dans la guerre contre l'Irak en 2003, les drones armés qui tuent des femmes et des enfants au Yémen et en Palestine, les bombes "bunker buster" sur le point d'être larguées sur l'Iran et les armes nucléaires immédiatement disponibles si tout le reste échoue.
Il ne s'agit pas de la prétendue supériorité morale d'une civilisation, mais de la supériorité produite par la technologie générée par la richesse dans une société industrielle moderne. Elle ne gagne pas toujours et peut échouer lorsque l'inattendu se produit, comme lorsque le Japon a vaincu la Russie lors de la guerre de 1904-1905. Le triomphe militaire d'une puissance "asiatique" a choqué l'Occident, mais a montré que les Européens pouvaient être battus à leur propre jeu, donnant ainsi de l'espoir aux opprimés du monde entier.
Dans le "grand jeu" du 19ème siècle entre la Russie et la Grande-Bretagne, l'Iran se trouvait au carrefour de l'Inde britannique et de l'Asie centrale dominée par la Russie. Les efforts des Iraniens pour se libérer de la menace de ces deux puissances et de la mauvaise gouvernance des shahs corrompus de Qajar ont commencé à la fin du 19ème siècle.
La "révolte du tabac" de 1890, au cours de laquelle les Iraniens ont refusé de fumer du tabac jusqu'à ce que le shah leur retire le contrôle total de la culture, de la récolte et de la vente du tabac qu'il avait cédé à un ressortissant britannique, a été un événement clé. Réussi, il a été suivi par la montée d'un mouvement constitutionnel soutenu par tous les secteurs de la société iranienne, dans lequel les femmes ont joué un rôle puissant, voire radical.
En 1906, des manifestations de masse ont contraint le shah à proclamer une constitution et à ouvrir un parlement. La bataille entre le peuple et le shah au sujet du gouvernement constitutionnel s'est poursuivie jusqu'à ce que le shah fasse appel à des milliers de soldats russes en 1911 et ferme les Majlis (ndr : littéralement "endroits pour s’asseoir", en savoir plus ici). Les bouleversements de la Première Guerre mondiale ont abouti à la chute des shahs Qajar et à l'installation, soutenue par les Britanniques, du premier shah Pahlavi.
Ces événements doivent être replacés dans le contexte de l'agression impériale contre d'autres terres musulmanes à l'époque, alors même que leur soif de territoires rapprochait les puissances européennes d'une guerre entre elles.
La quasi-totalité de l'Afrique avait été placée sous leur contrôle lorsque la "crise d'Agadir" de 1911 a conduit l'Allemagne et la France au bord d'un conflit ouvert. La même année, une armée italienne envahissait la Libye ottomane et, en 1912, la Grèce, la Bulgarie, la Serbie et le Monténégro envahissaient la Macédoine ottomane, avec le soutien à peine dissimulé de leurs puissants alliés impériaux.
À cette époque, la découverte de pétrole à Masjid al Sulaiman en 1908 avait fait de l'Iran un atout "occidental" indispensable à conserver, quel qu'en soit le coût pour les autres. Le pétrole, et non le charbon, était désormais la source d'énergie de la puissance militaire et industrielle "occidentale". Les pays qui en disposaient ne pouvaient pas être autorisés à être indépendants.
En 1911, un étranger, un Américain, W. Morgan Shuster, fut nommé trésorier général de l'Iran. Son travail consistait à réorganiser les finances de l'Iran, mais il s'est vu confronter aux intrigues britanniques et russes.
Il a résumé sa réaction dans son livre L'étranglement de la Perse (1912) lorsqu'il écrit combien il était difficile de "dépeindre de manière adéquate les scènes changeantes qui ont accompagné la chute de cette ancienne nation - des scènes dans lesquelles deux pays chrétiens puissants et présumés éclairés ont joué avec la vérité, l'honneur, la décence et la loi". Les mêmes expressions conviennent pour décrire les guerres sans principes et sans lois que l'Occident a lancées contre les pays musulmans depuis que le 11 septembre en a créé l'occasion. (1)
Le livre de Shuster préfigure l'intention de Trump d'assassiner l'ayatollah Khamenei. Occupant Tabriz en 1911, le gouverneur militaire russe a pendu le plus haut dignitaire religieux de la ville. Comme l'écrit Shuster, citant un journaliste britannique, "l'effet de cet outrage sur les Perses a été le même que celui que produirait sur le peuple anglais la pendaison de l'archevêque de Canterbury le jour du Vendredi saint".
En 1951, un gouvernement nationaliste dirigé par Muhammad Mossadegh nationalise le pétrole, alors aux mains de l'Anglo-Persian Oil Company. En 1953, il a été renversé lors d'une opération conjointe de la CIA et du M16. Fuyant le pays peu de temps auparavant, le Shah Reza Pahlavi a été réinstallé, cette fois déterminé à gouverner et pas seulement à régner, ce qu'il a fait en grande partie grâce à sa tristement célèbre police secrète, la SAVAK, et à son réseau de renseignements.
Le temps a finalement manqué en 1979 lorsqu'il a fui le pays avant le retour d'exil de l'ayatollah Ruhullah Khomaini, qui avait lancé des attaques ouvertes contre le régime depuis les années 1940, avait été chassé de son pays et avait aidé à orchestrer le renversement du régime à partir de la France.
Il s'agissait d'une révolution islamique iranienne. L'un des premiers actes du nouveau gouvernement a été de remettre l'ambassade d'Israël à l'OLP, ce qui nous amène au point central de l'attaque actuelle contre l'Iran : La Palestine.
Si l'Iran avait laissé tomber la question palestinienne, il aurait pu faire la paix avec les États-Unis à tout moment. C'est tout ce qu'il avait à faire. En fait, depuis l'époque du président Rafsandjani, l'Iran a clairement indiqué être disposée à travailler avec les États-Unis et à autoriser les entreprises américaines à s'installer en Iran dans des conditions favorables. Le président Khatami a tendu la même branche d'olivier en son temps, mais les sanctions ont été renforcées.
Le problème a toujours été la Palestine. L'Iran s'en tenait à la lettre du droit international et ne voulait pas bouger malgré toutes les menaces et les incitations. En outre, Israël n'a cessé de mener des attaques militaires brutales contre la population civile palestinienne et contre la quasi-totalité des pays entourant la Palestine.
L'attaque contre le Liban en 1982 a coûté la vie à 20 000 personnes et a laissé présager le pire, comme en témoignent les attaques contre Gaza jusqu'au 7 octobre 2023 et contre Beyrouth et le Sud-Liban dans l'année qui a suivi.
Durant tout ce temps, l'Iran n'a jamais dévié de sa position de principe en tant que point d'ancrage de l'"axe de la résistance". Les États-Unis ont tenté de le détruire lors de la guerre Irak-Iran de 1980-1989, mais n'y sont pas parvenus. Elle a subi de terribles pertes, mais s'est vite remise sur pied et est devenue une figure de proue des BRICS, l'équivalent contemporain du mouvement des non-alignés des années 1950.
Contrecarré, Israël a tenté d'abattre ce pays à chaque occasion, en assassinant ses scientifiques en Iran, ses commandants militaires en Syrie et en s'efforçant de provoquer le chaos par le biais de la guerre électronique et du sabotage.
Netanyahou était obsédé, mais n'a pu persuader les États-Unis de lancer une attaque conjointe. Le deuxième meilleur choix était la guerre par procuration contre la Syrie (2011-2024), qui était une tentative de l'"Occident" et d'Israël de détruire l'arc central de l'alliance stratégique entre l'Iran, la Syrie et le Hezbollah.
Cette tentative a abouti en décembre 2024, lorsque le gouvernement syrien s'est effondré et qu'une marionnette s'est installée à la présidence. À cette époque, en septembre, Israël avait tué ou mutilé des centaines de civils libanais lors de ses attaques par téléavertisseur et avait assassiné des personnalités clés de la chaîne de commandement militaire et politique du Hezbollah. Israël avait auparavant assassiné le président du Hamas, Ismail Haniyeh, alors qu'il se trouvait à Téhéran pour l'investiture du président Raisi, lui-même devant bientôt mourir dans un "accident" d'hélicoptère qui présente toutes les caractéristiques d'un assassinat par le Mossad.
Du point de vue d'Israël, ces années ont été couronnées de succès : génocide à Gaza sans que personne ne puisse l'arrêter, renversement du gouvernement syrien et paralysie de la direction du Hezbollah.
Sykes-Picot a placé le Moyen-Orient entre les mains de l'Occident pour le siècle dernier, et si l'Iran peut maintenant être démembré, il sera "sauf" pour le siècle prochain également. Le grand bénéficiaire sera Israël, libre de s'étendre jusqu'à ses frontières bibliques, aux dépens du Liban, de la Syrie, de la Jordanie, de l'Irak, de l'Arabie saoudite et peut-être même de la Turquie.
Trump semble hésiter à rejoindre Israël dans une attaque massive contre l'Iran, mais il pourrait s'agir de propagande. Les plans ont déjà été élaborés, mais s'il hésite, c'est parce qu'il n'a pas son administration, le Congrès, le peuple américain ou même son propre mouvement MAGA derrière lui. En outre, les Américains en ont assez des guerres au Moyen-Orient et ne veulent pas être pris dans une autre, surtout au nom d'un État largement reconnu aux États-Unis comme étant un État génocidaire.
Même en tenant compte de tous ces éléments, Trump semble prêt à y aller. Il préfère les mensonges de Netanyahou aux conclusions de son propre réseau de renseignement, résumées par Tulsi Gabbard, selon lesquelles l'Iran n'est pas en train de développer une arme nucléaire. Quoi qu'il en soit, l'attaque contre l'Iran n'a rien à voir avec l'armement nucléaire, mais plutôt avec la volonté d'Israël de détruire un État qui fait obstacle à sa pleine hégémonie régionale.
C'est le grand moment historique de Netanyahou, celui qu'il a planifié depuis des décennies, et il n'est pas près de le laisser filer. Il est déjà inculpé de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, mais les générations futures auront tout le temps de se demander pourquoi un criminel aussi dépravé n'a pas été arrêté avant qu'il n'entraîne le monde au désastre. L'avenir nous dira ce qu'il en sera.
Jeremy Salt a enseigné à l'université de Melbourne, à l'université du Bosphore à Istanbul et à l'université Bilkent à Ankara pendant de nombreuses années, se spécialisant dans l'histoire moderne du Moyen-Orient. Parmi ses publications récentes figure son livre de 2008, "The Unmaking of the Middle East", "A History of Western Disorder in Arab Lands" (University of California Press) et "The Last Ottoman Wars. The Human Cost 1877-1923" (University of Utah Press, 2019). Il a contribué à cet article pour The Palestine Chronicle.
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L'Iran est désormais la première ligne de défense des BRICS et des pays du Sud
La véritable guerre ? La guerre contre les BRICS.
Par Pepe Escobar, le 21 juin 2025, Zerohedge
C'est aussi grave que ça en a l'air. Passons en revue l'échiquier - du micro au macro...
L'ombre qui pleure dans la danse funèbre, La complainte bruyante de la chimère inconsolable. - T. S. Eliot, Burnt Norton
La stratégie de choc et d'effroi d'Israël contre l'Iran - directement inspirée de la stratégie américaine - a essentiellement échoué, malgré la combinaison initiale de rapidité, de planification militaire méticuleuse et d'effet de surprise, dont le piratage des communications électroniques iraniennes au sein du réseau militaire, la décapitation de la nomenklatura verticale du CGRI, la stratégie d'attaque par drone en toile d'araignée et le bombardement - finalement inefficace - des principaux nœuds de l'infrastructure nucléaire iranienne.
Il a fallu des heures aux meilleurs techniciens iraniens pour récupérer leur réseau. Une fois cela accompli, le vent a commencé à tourner, au point qu'après des tirs de missiles chirurgicaux dans la nuit de dimanche à lundi, le Corps des gardiens de la révolution islamique a annoncé sa capacité à perturber lourdement les systèmes de commandement et de contrôle d'Israël en utilisant des "renseignements améliorés", ouvrant ainsi une brèche dans le Dôme de fer (ou de papier).
Des nœuds d'infrastructure absolument essentiels ont été détruits à Tel-Aviv et à Haïfa, du complexe d'armement Rafael (spécialisé dans les missiles, les drones, la cyberguerre et les composants du Dôme de fer) à la centrale électrique et à la raffinerie de pétrole de Haïfa. Un événement historique à plus d'un titre.
Aux cris de joie poussés sur toutes les terres d'Islam s'ajoute le traumatisme psychologique massif infligé à Israël. Le mythe de l'invincibilité israélienne a été définitivement brisé. Ce n'est pas en déchaînant l'enfer depuis le ciel, en tuant des femmes et des enfants et en usant de pirouettes mensongères comme s'il n'y avait pas de lendemain que l'on gagne une guerre contre un véritable adversaire.
La stratégie modifiée du CGRI - appliquée par un leadership instantanément renouvelé - est affinée jour après jour de manière calculée et chirurgicale. Il n'est pas très difficile pour le CGRI de paralyser totalement l'économie israélienne. Israël ne possède qu'une seule raffinerie de pétrole (déjà bombardée), trois ports, dont l'un est déjà en faillite (Eilat) et l'autre en feu (Haïfa), et un aéroport (déjà en grande difficulté).
Le contrecoup de la décision désespérée, voire suicidaire, de Tel-Aviv - qui n'a rien d'un jeu d'échecs - se fait sentir. Téhéran prouve que tous les calculs de l'axe sioniste selon lesquels l'Iran pouvait être - et a été - saigné à blanc en quelques heures étaient, comme on pouvait s'y attendre, faux.
POTUS, quant à lui, est tombé dans un piège vorace. Sa base MAGA est déjà fracturée - en profondeur. Le MAGA non sioniste est l'écrasante majorité. Il a admis, dans un post infantilisant stupéfiant, savoir depuis le début tout ce qu'il y avait à savoir sur le choc et l'effroi israéliens.
Il y a moins de dix jours, lors d'une réunion à New York à laquelle participaient les milliardaires habituels, Steve Witkoff lui-même - le Talleyrand de Trump - a explicitement déclaré que les missiles balistiques iraniens constituaient "une menace pour l'Amérique". Compte tenu de leur performance au cours des dernières 48 heures, tout indique que Washington entre de facto dans la guerre chaude.
Des sources diplomatiques à Téhéran soulignent que les dirigeants travaillent selon ce scénario. C'est pourquoi ils conservent essentiellement leurs capacités et calibrent soigneusement les prochaines étapes de l'escalade. Une fois de plus : La patience stratégique iranienne à l'œuvre.
La question est donc de savoir, dans un scénario où les États-Unis sont de facto en guerre, ce qu'il faudra pour que la Russie et la Chine, en concertation, perdent leur propre patience stratégique.
La fierté des Perses - et leur confiance dans leurs propres capacités, comme je l'ai observé le mois dernier en Iran - fait qu'ils considèrent avoir toutes les ressources nécessaires pour survivre à l'axe sioniste, États-Unis y compris. Après tout, ils commencent seulement à utiliser leurs missiles vraiment avancés - du Kheybar-Shekan 2 et du Fattah-1 au Haji Qassem.
La véritable guerre : la guerre contre les BRICS
En résumé, la réponse iranienne a complètement bouleversé l'échiquier. Le maître du cirque - qui a organisé un pathétique défilé militaire à Washington - est nu. Et démasqué.
Il mène désormais non pas une, mais deux guerres par procuration : contre la Russie et contre l'Iran, avec des néo-nazis à Kiev et des génocidaires à Tel-Aviv en première ligne. Tout cela fait partie de la guerre globale, la guerre contre les BRICS.
Il est désormais clair, même pour les sourds, muets et aveugles, qu'il n'a jamais été question du programme nucléaire iranien, ni de l'"effort" pour construire un JCPOA (accord de Vienne sur le nucléaire iranien) 2.0 appartenant à Trump. Il s'agit de l'obsession de toujours de l'axe sioniste : un changement de régime à Téhéran.
C'est le Saint Graal, dont on rêve depuis la fin des années 1990, capable d'ouvrir la porte à l'Empire du Chaos, profondément troublé, des immenses richesses de l'Iran en ressources naturelles - de l'énergie aux gisements de terres rares, prolongeant ainsi la durée de vie de l'Empire endetté de plusieurs milliards de dollars.
Les bonus supplémentaires sont encore plus séduisants : couper la Chine d'une question de sécurité nationale - les importations d'énergie - et des corridors de connectivité cruciaux de la Nouvelle route de la soie, tout en ouvrant un abcès monstrueux dans le bas-ventre de la Russie. Un coup parfait, d'un seul coup, porté aux trois principaux pays des BRICS - l'Iran, la Russie et la Chine -, à l'intégration de l'Eurasie et à l'évolution vers un système de relations internationales multinodal (italiques de ma part) et multipolaire.
Même si les principaux États-civilisations font des sauts périlleux pour survivre à l'Empire du Chaos et à la volonté de ses maîtres de déclencher la Troisième Guerre mondiale, Moscou et Pékin ne se font pas d'illusions : pour faire face à ce scénario, il est impératif d'agir de manière asymétrique - avec une ruse suprême, et non de se contenter de répondre aux provocations (ce qui a été la règle du jeu prédominante de la Russie dans la guerre par procuration en Ukraine).
Les services de renseignement russes ont déjà calculé l'effet miroir de l'opération Spiderweb d'Israël, qui a utilisé exactement le même modus operandi que celui du SBU ukrainien - représentant le MI6 et le Mossad - contre les bombardiers stratégiques russes qui font partie de la triade nucléaire.
De sérieuses questions se posent quant à l'implication directe de Tel-Aviv dans le sabotage de Moscou. Des questions tout aussi sérieuses se posent à présent sur le dossier ukrainien. Les silos d'information à Moscou considèrent que le processus de "cessez-le-feu" de Trump marche et parle comme un camouflage grossier pour forcer la Russie à reculer pendant un certain temps, alors que les chihuahuas de l'OTAN, à la demande de l'État profond, préparent une première frappe (du moins dans leurs rêves déformés).
Ainsi, tôt ou tard, nous pourrions voir la Russie développer la stratégie iranienne actuelle : une guerre massive des infrastructures, plongeant l'Ukraine dans un black-out complet, métaphorique et autre - tout comme le bombardement d'une centrale électrique à Haïfa a plongé la ville dans un black-out complet.
L'importance de ne faut pas laisser l'Iran échouer
Bien entendu, la folle escalade actuelle n'existerait pas si Trump avait eu la maturité d'accepter l'offre d'Ali Shamkhani - assassiné plus tard par Israël : L'Iran pourrait se débarrasser de son uranium hautement enrichi et signer un nouvel accord nucléaire si les sanctions étaient levées. Téhéran n'enrichirait alors l'uranium qu'à de faibles niveaux pour son programme civil.
Parallèlement, Téhéran a même proposé un projet commun d'enrichissement nucléaire avec des investissements américains, ainsi qu'avec l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. Le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, l'a personnellement exposé à l'envoyé spécial américain Steve Witkoff à Oman, avant que les pourparlers ne soient interrompus.
Pendant ce temps, le Sud Global observe le ping-pong horriblement meurtrier entre Israël et l'Iran, en prenant de plus en plus conscience que l'Occident acculé est un animal toujours plus dangereux jour après jour, menant une guerre totale sous le masque bidon de la paix.
L'incendie de Tel Aviv marque le début d'une nouvelle ère. Dans leur rage, ils menacent à présent Téhéran du modèle "Beyrouth" : destruction gratuite de quartiers civils. Une fois de plus, ce qu'ils font de mieux : le terrorisme.
Et pourtant, il n'y aura plus d'impunité pour un système génocidaire. Les conséquences seront inévitablement discutées cette semaine au Forum économique de Saint-Pétersbourg, jusqu'au discours de Poutine lors de la session plénière de vendredi, et jusqu'au sommet des BRICS à Rio de Janeiro au début du mois de juillet.
En prenant le pouls du Sud global, le sentiment est que l'Iran est de facto en train de restaurer l'éthique et l'autorité géopolitique dans toute l'Asie occidentale, comme l'empire perse l'a fait pendant des siècles. C'est ce que font les États civilisateurs : leur rôle de gardiens privilégiés de leur sphère d'influence est toujours essentiel.
C'est peu probable - sous la présidence brésilienne - mais les BRICS devront tôt ou tard faire la transition stratégique d'une machine de déclaration hyper-politique pour devenir la véritable, solide et inébranlable colonne vertébrale du Sud global et de l'Axe mondial de la résistance.
Car en effet, l'Occident enragé et déconfit n'est plus en mode de guerre hybride ; il est passé en mode Totalen Krieg (guerre totale) - aussi chaude soit-elle. Par conséquent, le Sud global doit passer à un mode post-hybride, celui des rebelles engagé avec une cause.
Du Nigeria à l'Indonésie en passant par le Viêt Nam - membres et partenaires des BRICS - il existe un consensus croissant sur le fait qu'il ne faut pas laisser tomber l'Iran. C'est aussi grave que cela. Le charme du diktat occidental sans restriction a finalement été rompu : tout ce qui survivra sera "la complainte bruyante de la chimère inconsolable". Il faut un choc - raté - pour briser le dos du chameau.
📰 https://www.zerohedge.com/geopolitical/escobar-iran-now-first-line-defense-brics-global-south
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Je ne crois pas ce que nous venons de voir recemment de la aprt de ces 3 mousquetaires: Trump, Netahyahu, Khomeini!
Trump a-t-il négocié qu'il arrêterait cette guerre afin de pouvoir être nominé pour le prix Nobel de la paix ?
https://jazminew38gmailcom.substack.com/p/what-we-just-watched