♟ Al-Aqsa Flood 144 ème jour : 65 000 tonnes d'explosifs sur Gaza, plus de 30 000 morts & tant de blessés, de victimes sous les ruines ou de famine ...
Comment pouvons-nous comprendre le caractère abstrait de "cinq Hiroshima" ? La souffrance du peuple palestinien n’est pas lisible dans les statistiques d’explosion ou les photos de décombres.
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Proposer à celles et ceux qui lisent ce blog toute une kyrielle d'articles énumérant les innombrables atrocités de ce génocide 2.0 ne serait pas d'un grand intérêt puisque vous suivez tous très certainement le calvaire innommable du peuple palestinien via les réseaux sociaux grâce auxquels nous pouvons encore être à peu près être correctement informés.
L'immolation d'Aaron Bushnell méritait toutefois d'être relayée, sous la plume acerbe de Caitlin Johnstone & de Sam Husseini de même que la journée internationale des journalistes palestiniens évoquée.
Voici donc un panel de divers articles dénichés ici et là au sein de médias proposant de découvrir de nouveaux auteurs ainsi qu'une vision approfondie abordée sous différents angles et plus large du drame qu'endure la courageuse population palestinienne tandis que l'Occident continue imperturbablement de détourner le regard et nier l'évidence. L'ordre international fondé sur les règles n'est que foutaises !
Le sommaire vous permet de prendre votre temps pour parcourir ces articles et d'y revenir quand bon vous semble. Alors, bonne lecture à tous … Mais auparavant, quelques chiffres horrifiants pour illustrer l'horreur.
Nombres de Palestiniens tués depuis le 7 octobre
Source : Ministère de la Santé de Gaza - *NC : Non Communiqués
Jour 1 : 198
Jour 2 : 58
Jour 3 : 180
Jour 4 : 329
Jour 5 : 290
Jour 6 : 148
Jour 7 : 506
Jour 8 : 506
Jour 9 : 235
Jour 10 : 358
Jour 11 : 198
Jour 12 : 472
Jour 13 : 307
Jour 14 : 352
Jour 15 : 248
Jour 16 : 266
Jour 17 : 436
Jour 18 : 704
Jour 19 : 755
Jour 20 : 482
Jour 21 : 298
Jour 22 : 377
Jour 23 : 302
Jour 24 : 301
Jour 25 : 219
Jour 26 : 280
Jour 27 : 256
Jour 28 : 196
Jour 29 : 231
Jour 30 : 282
Jour 31 : 230
Jour 32 : 328
Jour 33 : 241
Jour 34 : 249
Jour 35 : 260
Jour 36 : 51
Jour 37 : 51
Jour 38 : 60
Jour 39 : 80
Jour 40 : 180
Jour 41 : 500
Jour 42 : NC
Jour 43 : 300
Jour 44 : 700
Jour 45 : 300
Jour 46 : 828
Jour 47 : 404
Jour 48 : 322
Jour 49 : 146
Jour 50 : NC
Jour 51 : NC
Jour 52 : NC
Jour 53 : NC
Jour 54 : NC
Jour 55 : NC
Jour 56 : 110
Jour 57 : 97
Jour 58 : 316
Jour 59 : 376
Jour 60 : 349
Jour 61 : 579
Jour 62 : 350
Jour 63 : 310
Jour 64 : 213
Jour 65 : 297
Jour 66 : 208
Jour 67 : 207
Jour 68 : 196
Jour 69 : 179
Jour 70 : 13
Jour 71 : 217
Jour 72 : 218
Jour 73 : 218
Jour 74 : 214
Jour 75 : 130
Jour 76 : 130
Jour 77 : 130
Jour 78 : 201
Jour 79 : 166
Jour 80 : 250
Jour 81 : 241
Jour 82 : 195
Jour 83 : 210
Jour 84 : 187
Jour 85 : 165
Jour 86 : 150
Jour 87 : 156
Jour 88 : 207
Jour 89 : 128
Jour 90 : 125
Jour 91 : 162
Jour 92 : 122
Jour 93 : 113
Jour 94 : 249
Jour 95 : 126
Jour 96 : 147
Jour 97 : 112
Jour 98 : 239
Jour 99 : 135
Jour 100 : 125
Jour 101 : 132
Jour 102 : 185
Jour 103 : 163
Jour 104 : 172
Jour 105 : 142
Jour 106 : 165
Jour 107 : 178
Jour 108 : 190
Jour 109 : 195
Jour 110 : 210
Jour 111 : 200
Jour 112 : 183
Jour 113 : 174
Jour 114 : 165
Jour 115 : 215
Jour 116 : 114
Jour 117 : 150
Jour 118 : 118
Jour 119 : 112
Jour 120 : 107
Jour 121 : 127
Jour 122 : 113
Jour 123 : 107
Jour 124 : 123
Jour 125 : 130
Jour 126 : 107
Jour 127 (10 février 2024) : 117
Total : 28 064 au 10 février 2024
Israël a largué 65 000 tonnes d'explosifs sur Gaza. Cela équivaut à 28 kilogrammes d’explosifs sur Gaza pour chaque civil, hommes,femmes et enfants.
#FreePalestine !
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Gaza a quelque chose à nous dire …
"La situation est désastreuse à un point tel que l'esprit humain ne peut même imaginer ou comprendre.
Jamais nous n'aurions imaginé qu'en tant que nation islamique et arabe, nous en arriverions là, à voir notre peuple et nos frères mourir de faim sans pouvoir rien faire. De quoi êtes-vous faits ? Mais qui êtes-vous donc ?
Les peuples de Jordanie et d'Égypte ne sont-ils pas en mesure de faire pression pour que l'aide entre dans la bande de Gaza ?
À Rafah, 1,4 million de personnes se trouvent à la frontière égyptienne. Quelqu'un ne peut-il pas faire passer ne serait-ce qu'une bouteille d'eau ou la laisser entrer. Que voulez-vous voir de plus ?
N'avez-vous donc ni Dieu, ni religion, ni culte, ni traditions, ni coutumes, rien. De quoi êtes-vous faits ? Qui restera ? Qui n'offrira pas son âme, son sang, son argent, sa terre, un peu de tout ce qu'il possède pour Gaza ?"
- Relayé par le Dr Marwan Asmar via Counter Currents.
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SOMMAIRE :
1 - Aaron Bushnell, un aviateur américain s'immole devant l'ambassade d'Israël à Washington - 3 articles : Caitlin Johnstone, Révolution Permanente & Sam Husseini
2 - 26 février : Journée internationale des journalistes palestiniens - Fédération Internationale des Journalistes
3 - La Palestine éclaire la voie à suivre - Walden Bello
4 - La Palestine fait partie de la question de la menace nucléaire - Pourquoi Hiroshima reste-t-il silencieux ? - Rebecca Maria Goldschmidt
5 - Les informations manquantes sur Gaza - Alexei Sisulu Abrahams
6 - Les crimes commis à Gaza dans les médias israéliens - Nitzan Perelman
7 - Against Erasure,"testament visuel de la société palestinienne" : un nouveau livre de photographies très convaincant - Chris McGréal
8 - Le péché originel d'Israël : L'héritage de Yosef Weitz - Stefan Moore
9 - Les prophéties de Malcolm X : le sionisme est une nouvelle forme de colonialisme - Sam Husseini
10 - Le ministre irlandais des affaires étrangères dénonce le droit de veto de cinq États au Conseil de sécurité des Nations unies, qui n'a pas sa place au 21ème siècle - The Palestine Chronicle
11 - Israël - Palestine : Les experts de l'ONU sont consternés par les violations des droits de l'homme commises à l'encontre des femmes et des filles palestiniennes - United Nations Human Rights
12 - Audio du 7 février 2024 : Entretien avec Rony Brauman - Gaza : 30 000 tonnes de bombes, 30 000 morts - Là-bas si j'y suis
Pour aller plus loin
13 - Axe de la résistance : du Donbass à Gaza - Pepe Escobar
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1- ➤ Aaron Bushnell, un aviateur américain s'immole devant l'ambassade d'Israël à Washington
Les immolations sont comme des canaris en détresse... Nous vivons dans une culture pathologique fonctionnant comme à la manière d'un psychopathe criminel, qui échappe à tout contrôle & se dirige vers l'anéantissement.
Le son de la voix de Bushnell disant "Free Palestine", puis le vociférant, passant ensuite à des hurlements sans paroles lorsque la douleur devient trop écrasante, puis forçant un dernier "Free Palestine" avant de ne plus pouvoir s'exprimer. Le son du policier qui lui ordonne en hurlant de se mettre à terre, encore et encore. Le son d'un secouriste intimant aux policiers d'arrêter de pointer leurs armes sur le corps en flammes de Bushnell et d'aller plutôt chercher des extincteurs.
3 articles :
◾️ Aaron Bushnell, un aviateur américain pour que le monde lève les yeux vers Gaza
Par Caitlin Johnstone, le 26 février 2024, Substack
J'ai regardé la vidéo non censurée de l'aviateur américain Aaron Bushnell s'immolant devant l'ambassade d'Israël à Washington en criant "Free Palestine". J'ai hésité à la regarder parce que je savais qu'une fois qu'elle serait inscrite dans mon esprit, elle y restait pour le reste de ma vie, mais je me suis dit que je lui devais bien ça.
J'ai l'impression d'avoir été soulevée et ébranlée, ce qui, je suppose, était à peu près le but recherché par Bushnell. Quelque chose qui secoue le monde pour que celui-ci prenne enfin conscience de la réalité de ce qui se passe. Quelque chose qui nous sorte de la stupeur du lavage de cerveau et de la distraction de la dystopie occidentale et qui nous pousse à porter notre regard sur Gaza.
Les sons et les bruits restent plus longtemps en mémoire que les images. Le son de sa voix douce et juvénile, semblable à celle de Michael Cera, alors qu'il se dirige vers l'ambassade. Le son du conteneur métallique cylindrique dans lequel il a stocké l'accélérateur, qui s'amplifie au fur et à mesure qu'il roule vers la caméra. Le son de la voix de Bushnell disant "Free Palestine", puis le vociférant, passant ensuite à des hurlements sans paroles lorsque la douleur devient trop écrasante, puis forçant un dernier "Free Palestine" avant de ne plus pouvoir s'exprimer. Le son du policier qui lui ordonne en hurlant de se mettre à terre, encore et encore. Le son d'un secouriste intimant aux policiers d'arrêter de pointer leurs armes sur le corps en flammes de Bushnell et d'aller plutôt chercher des extincteurs.
Aaron Bushnell est resté debout pendant un temps incroyable alors qu'il brûlait. Je ne sais pas où il a trouvé la force nécessaire pour cela. Il s'est tenu debout longtemps après avoir cessé de vocaliser.
Il a été transporté à l'hôpital, où la journaliste indépendante Talia Jane rapporte qu'il est décédé. C'est la mort la plus atroce qu'un être humain puisse connaître, et elle a été conçue pour l'être.
Peu avant son dernier acte dans ce monde, Bushnell a posté le message suivant sur Facebook :
Beaucoup d'entre nous aiment se demander : "Que ferais-je si j'étais encore en vie à l'époque de l'esclavage ? Ou du temps des lois Jim Crow dans le Sud (lois nationales et locales issues des Black Codes imposant la ségrégation raciale aux États-Unis et promulguées par les législatures des États du Sud de 1877 à 1964) ? Ou de l'apartheid ? Que ferais-je si mon pays commettait un génocide ?
"La réponse est que vous êtes en train de le faire. En ce moment même."
Aaron Bushnell a apporté sa propre réponse à ce défi. Nous apportons tous la nôtre en ce moment même.
Je ne ferais jamais ce que Bushnell a fait, et je ne recommanderais à personne de le faire non plus. Cela dit, je ne peux pas non plus nier que son action produit l'effet escompté : attirer l'attention sur les atrocités qui se produisent à Gaza.
Je sais que tout cela est avéré, car chaque fois que je vois Aaron Bushnell faire l'objet d'une discussion en ligne, je constate un déluge massif de trolls pro-israéliens inondant frénétiquement les commentaires dans une course effrénée pour manipuler l'histoire. Tous comprennent à quel point il est destructeur pour les intérêts américains et israéliens en matière d'information que les internautes voient un reportage international sur un membre de l'armée de l'air américaine s'immoler devant une caméra en hurlant "Free Palestine", et ils font tout ce qu'ils peuvent pour atténuer ces dommages.
À l'heure où j'écris ces lignes, il est absolument certain que des personnes sont en train de creuser l'histoire de Bushnell à la recherche d'éléments qui pourraient être présentés comme des preuves qu'il était une mauvaise personne, souffrait d'une maladie mentale, avait été dévoyé par des activistes pro-palestiniens et des médias dissidents - tout ce qu'ils peuvent essayer de faire passer. S'ils trouvent quelque chose, littéralement n'importe quoi, les diffamateurs et les propagandistes s'en donneront à cœur joie pour l'exploiter au maximum.
C'est ce qu'ils choisissent de faire à ce stade de l'histoire. C'est ce qu'ils auraient fait durant l'esclavage, ou le Jim Crow dans le sud, ou l'apartheid. C'est ce qu'ils font alors que leur pays se livre à un génocide en ce moment même. L'attitude des gens montre comment ils auraient réagi à Gaza et à l'auto-immolation d'Aaron Bushnell.
Je ne vais pas mettre de lien vers la vidéo ici ; la regarder est une décision personnelle sur laquelle vous devriez probablement faire vos propres recherches pour vous assurer que c'est vraiment ce que vous voulez. Que vous la regardiez ou non, cette vidéo est bien réelle, tout comme la destruction totale de Gaza est en train de se produire en ce moment même. Chacun d'entre nous est responsable de sa réaction personnelle devant cette réalité. C'est ce que nous sommes.
📰 Lien de l'article original :
◾️ Un soldat américain s’immole à Washington pour protester contre le génocide à Gaza
Aaron Bushnell, soldat-ingénieur stationné au Texas, s’est immolé par le feu, ce dimanche, devant l’ambassade israélienne à Washington. Diffusant son acte de protestation en direct, il a déclaré qu’il "ne souhaitait plus être complice du génocide". Il est décédé, à la suite de ses blessures, dans la nuit.
Par Enzo Tresso, le 26 février 2024, Révolution Permanente
Aaron Bushnell, soldat de l’US Air Force, s’est immolé par le feu, dimanche 25 février, devant l’ambassade d’Israël à Washington. Le soldat, âgé de 25 ans, a déclaré, pendant qu’il diffusait son action sur Twitch, qu’il ne "souhaitait plus être complice du génocide" alors que Tsahal menace d’envahir Rafah.
Avant de s’immoler, le jeune soldat a motivé son action : "Je suis en train de m’engager dans un acte extrême de protestation. En comparaison de ce que les gens subissent en Palestine de la main des colonisateurs, ce n’est pas du tout extrême. C’est ce que nos classes dirigeantes fascistes ont rendu normal". Après avoir mis le feu à ses vêtements, le soldat a crié plusieurs fois "Free Palestine".
Le soldat, qui était mobilisé comme ingénieur sur la base de San Antonio au Texas, est mort à la suite de ses blessures dans la soirée, après son transfert à l’hôpital, comme le confirme la journaliste indépendante Talia Jane, qui est en contact avec la famille du jeune homme.
En réaction, l’armée étatsunienne a tenté de vider cet acte extrême de protestation de son caractère politique. Le porte-parole des services secrets, Joe Routh a ainsi déclaré auprès du Times Magazine, que "l’individu était sans doute dans un état mental d’urgence médicale". Alors que le mouvement contre le génocide à Gaza mobilise fortement la jeunesse nord-américaine, cet acte extrême de protestation témoigne du désespoir dans lequel l’impérialisme étatsunien plonge une partie de la jeunesse.
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◾️ Ignorer les immolateurs, c'est endormir la société : Aaron Bushnell devant l'ambassade d'Israël : "FREE PALESTINE !"
Dans une société un tant soit peu saine, les paroles d'Aaron et la vidéo de son immolation seraient diffusées par tous les grands médias et des milliers de personnes se trouveraient devant l'ambassade israélienne génocidaire pour la faire fermer.
Par Sam Husseini, le 26 février 2024, Substack
Mise à jour : Voici la vidéo complète, non éditée, de l'auto-immolation d'Aaron Bushnell. Il est maintenant 2 heures du matin et c'est approprié, comme le note cet article ci-dessous, après l'auto-immolation de Mohamed Bouazizi, les gens criaient "Dignité ! Dignité !" par leurs fenêtres à 2 heures du matin.
Nous devrions voir la terrible réalité des atrocités et du génocide perpétrés par Israël à l'encontre du peuple palestinien. Et nous devrions voir l'agonie qu'un Aaron déterminé a endurée pour tenter d'y mettre fin. (voir dans l'article original si vous le souhaitez)
Aaron Bushnell s'est identifié dans la vidéo diffusée en direct, alors qu'il se dirigeait vers l'ambassade d'Israël, comme "un membre actif de l'armée de l'air américaine", ajoutant : "Je ne serai plus complice d'un génocide". Il s'est ensuite enflammé et a crié "FREE PALESTINE !" à plusieurs reprises. Il est décédé.
Alors qu'il s'enflammait, le personnel en uniforme lui a ordonné en hurlant de se mettre à terre. L'un des officiers a pointé son arme sur lui jusqu'à ce qu'il s'effondre.
Un autre officier a fini par dire :
"Je n'ai pas besoin d'armes, mais d'extincteurs !".
Avant de s'enflammer, Aaron s'est aspergé la tête d'un liquide provenant d'une gourde en métal et a revêtu sa casquette militaire. Il s'est ensuite saisi d'un briquet et s'est efforcé de s'enflammer.
"Je m'apprête à commettre un acte de protestation extrême. Mais comparé à ce que les gens vivent en Palestine aux mains de leurs colonisateurs, ce n'est pas du tout un acte extrême. C'est ce que notre classe dirigeante a décidé de considérer comme la normalité", a-t-il déclaré posément alors qu'il se dirigeait vers l'ambassade.
Le moine bouddhiste Thich Nhat Hanh parle de l'auto-immolation :
"Je pense que nous devons essayer de comprendre ceux qui se sont sacrifiés. ... C'est fait pour nous réveiller".
Mais on a tant fait pour nous endormir à nouveau. Les grands médias n'ont couvert l'événement que de manière marginale et certains d'entre eux ont estimé que l'auteur de l'immolation pouvait représenter un danger pour les autres.
CNN a cité un porte-parole de l'ambassade d'Israël qui a déclaré qu'"aucun membre du personnel de l'ambassade n'a été blessé et est en sécurité". Le New York Times a rapporté sans sourciller que "la police a également enquêté sur un véhicule suspect situé à proximité, à la recherche d'explosifs". Comme si Aaron pouvait, de manière plausible, représenter un danger pour quiconque.
C'est la seconde auto-immolation dont j'ai connaissance aux États-Unis à propos de la Palestine depuis qu'Israël a commencé son massacre actuel. Une femme s'est immolée en décembre au consulat israélien d'Atlanta. Je ne connais toujours pas son nom, ni même si elle a survécu. Cette femme est une inconnue.
Dans son cas, la couverture médiatique a probablement été pire. ABC a cité un responsable israélien : "Il est tragique de voir la haine et l'incitation à l'égard d'Israël s'exprimer d'une manière aussi horrible". Et, comme je l'ai dit, nous ne connaissons toujours ni son nom ni si elle est décédée.
Aaron a cependant diffusé en livestream son acte, ce qui le rend plus difficile à ignorer et à oublier, sinon les gens pourraient avoir à s'immoler pour obtenir les noms d'autres personnes qui se sont immolées.
Talia Jane, la principale source d'information concernant Aaron, a publié une photo de l'immolation, qui donne presque l'impression qu'il sourit alors qu'il est en train de partir en flammes. Elle a ensuite posté la vidéo, mais avec une image floutée de l'immolation (alors qu'elle avait initialement publié une image figée du début de l'immolation ; elle a laissé entendre que le floutage correspondait à la volonté de la famille d'Aaron ; il est évident que ce n'est pas ce qu'Aaron souhaitait).
Alors que la photo du moine bouddhiste Thich Quang Duc s'immolant a aidé à réveiller les gens sur l'oppression du gouvernement sud-vietnamien soutenu par les États-Unis, l'image floue de l'auto-immolation d'Aaron aidera clairement à endormir les gens sur le génocide israélien soutenu par les États-Unis.
Apparemment, nous ne devons voir la violence que lorsqu'elle est romancée et que nous payons Hollywood pour ce plaisir. Il est interdit de voir la réalité.
Dans une société un tant soit peu normale, les paroles d'Aaron et la vidéo de son immolation seraient diffusées par tous les grands médias et des milliers de personnes se trouveraient aujourd'hui devant l'ambassade israélienne génocidaire, pour la faire fermer complètement.
L'immolation de Mohamed Bouazizi en Tunisie a contribué à déclencher les soulèvements arabes de 2011. Alors que Bouaziz était à l'hôpital, les Tunisiens entendaient leurs voisins crier depuis leurs fenêtres "Dignité ! Dignité !" à 2 heures du matin.
Aux États-Unis, ceux qui s''immolent n'ont pas cette chance.
Il y a des années, j'ai écrit un article sur Gregory Levey, qui s'est immolé pour tenter de faire stopper la guerre d'Irak en 1991. Je déplorais qu'il ait été ignoré alors que Bouazizi ne l'avait pas été.
J'ai reçu une note de Brian Willson, qui a été bouleversé par l'immolation de Norman Morrison le 2 novembre 1965, devant la fenêtre du bureau de Robert McNamara au Pentagone.
Brian m'a dit que d'autres personnes dont je n'avais jamais entendu parler s'étaient immolées pour s'opposer à la première guerre d'Irak :
Je n'ai que peu d'informations sur Timothy T. Brown. Je n'ai pratiquement rien sur Raymond Moules.
Brown avait 48 ans, était un vétéran du Viêt Nam et possédait une entreprise locale d'affûtage de couteaux desservant des restaurants depuis sa camionnette, mais il vivait sur une péniche près d'Isleton, en Californie, un minuscule village de pêcheurs sur le delta Sacramento-San Joaquin, à environ 70 miles au nord-est de San Francisco.
Il était considéré comme un homme tranquille, mais optimiste et aimable, n'ayant pas de convictions politiques particulières. Mais il a laissé un mot :
"Moi, Tim Brown, vétéran du Viêt Nam, déclare que mon acte d'auto-immolation est une protestation directe contre la politique de guerre américaine au Moyen-Orient... Amérique, ne pars pas en guerre. Amérique, ne répète pas l'erreur du Viêt Nam. N'attendez pas que la guerre commence pour protester. Protestez maintenant pendant qu'il est encore temps".
Son immolation s'est produite le dimanche 9 décembre 1990 à Isleton.
Celle de Raymond Moule a eu lieu à Springfield, MA, le jeudi 21 février 1991. Il avait 33 ans. Je n'ai trouvé aucune autre information à son sujet.
Une chose remarquable à propos d'Aaron est qu'il était militaire actif.
Beaucoup de vétérans se suicident.
Discrètement.
Tragiquement.
Aaron a au moins porté ses griefs à la connaissance de criminels plutôt que de mourir en solitaire dans un désespoir silencieux.
Les mesures extrêmes qu'il a prises illustrent à quel point les gens manquent de voix :
Le personnel militaire peut être soumis à des contraintes particulières :
Brian m'a écrit :
"On pourrait dire que les immolations sont comme des canaris en détresse... Nous vivons dans une culture pathologique qui fonctionne à la manière d'un psychopathe criminel, qui échappe à tout contrôle et se dirige vers l'anéantissement."
En novembre 2006, le musicien Malachi Ritscher s'est immolé à Chicago.
"Peut-être que certains seront assez effrayés pour se réveiller de leur état de songerie ambulante. Lorsque j'entends parler de nos jeunes hommes et femmes qui sont envoyés à la guerre au nom de Dieu et de leur pays, et qui sacrifient leur vie pour une cause qui n'a rien de rationnel, j'ai le cœur brisé. ... La moitié de la population est sous médication parce qu'elle ne peut pas faire face au stress quotidien de la vie dans la nation la plus riche du monde.... Les troubles violents déclenchés par l'invasion militaire de l'Irak par les États-Unis engendreront des siècles de massacres, si la race humaine perdure aussi longtemps", écrivait-il.
Je me souviens avoir été consterné par l'absence de couverture médiatique de la mort de Ritscher. Même des émissions comme Democracy Now n'en parlaient pas.
L'empathie d'Aaron pour le peuple palestinien est très profonde.
Et elle provient d'un sentiment similaire.
Comme je l'ai écrit dans l'article ci-dessous :
"Un refus de vivre dans un assujettissement permanent - une liberté par la mort - et l'espoir qu'en sortant de cet assujettissement par la mort, une vie digne pourrait être atteinte pour d'autres personnes que l'on chérit".
Il est grand temps de se réveiller.
Article récent et intéressant de Miguel A. Cruz Díaz : "Sur la honte de vivre une époque de génocide".
Correction : Thich Quang Duc s'est immolé pour réveiller les gens sur l'oppression du gouvernement sud-vietnamien soutenu par les États-Unis, et non sur la guerre du Viêt Nam.
Lire l'article précédent sur ce sujet de déc. 2023 : Révélation sur l'immolation - La vie est honorée d’entendre ceux qui s’immolent, car personne ne sait ce qui pourrait renaître de leurs cendres.
📰 Lien de l'article original :
2 - ➤ 26 février : Journée internationale des journalistes palestiniens
Quatre mois depuis le début de la guerre à Gaza, en Palestine, le 7 octobre, 100 journalistes ont été tués. Ce massacre est aussi horrible que sans précédent. Rejoignez la Fédération internationale des journalistes (FIJ), la Fédération des journalistes arabes (FAJ) et leurs affiliés le 26 février pour une Journée internationale de soutien aux journalistes palestiniens.
Par la FIJ, le 26 février 2024
Alors que la guerre à Gaza approche de son cinquième mois, la FIJ, la Fédération des journalistes arabes (FAJ) et de nombreux affiliés à travers le monde se mobilisent par des actions publiques pour soutenir les journalistes et les professionnels des médias en Palestine, notamment ses membres du Syndicat des journalistes palestiniens ( PJS).
Cent journalistes ont été tués en quatre mois, soit l'équivalent de sept par semaine. Ce massacre est une tragédie terrible et injustifiée.
Les besoins de nos collègues travaillant à Gaza sont devenus critiques. En plein hiver, nos sœurs et frères et leurs familles manquent de tout et surtout de l'essentiel : vêtements, couvertures, tentes, nourriture, eau... La rareté de ces produits de première nécessité dans ce petit territoire de 40 km de long et 5 km de large. , qui fait l'objet d'un blocus, entraîne une flambée des prix. Les produits de base, là où ils sont disponibles, ne sont plus abordables.
La FIJ est également alarmée par la faible couverture internationale du conflit, conséquence de l'exclusion des médias mondiaux de l'enclave par Israël. Partout dans le monde, nous méritons de savoir ce qui se passe à Gaza. Ce déni délibéré du droit d’informer constitue un abus de la liberté des médias. En concertation avec le PJS, nous vous invitons à mobiliser les membres de votre syndicat, les journalistes des rédactions, mais aussi les organisations nationales de travailleurs, lundi 26 février , pour ce qui sera la Journée internationale des journalistes palestiniens.
Téléchargez le visuel de la campagne (en anglais , espagnol et français ) et l'annonce ici
Suggestions d'activités pour marquer cette journée : Rassemblements, discours, réunions publiques, fils de discussion sur les réseaux sociaux, toutes les occasions sont nécessaires pour rappeler à tous les citoyens que la liberté d'informer a un prix, à Gaza plus qu'ailleurs. N'oublions jamais que depuis quatre mois, ce sont les journalistes de Gaza qui font des reportages au monde car ces quelques kilomètres carrés sont totalement fermés.
Rejoignez-nous pour une minute de silence le 26 février à midi pour commémorer les journalistes tués depuis le 7 octobre
Envoyez vos photos, vidéos, documents, messages de solidarité publiés dans la journée au Secrétariat Général à Bruxelles, nous les partagerons largement : communication@ifj.org
Identifiez-nous sur les réseaux sociaux pour que nous puissions relayer vos actions :
X @IFJGlobal
Facebook @FédérationInternationaledesJournalistes
Instagram @ifj_journalistes
Linkedin @Fédération Internationale des Journalistes
Utilisez #SupportPalestinianJournalists sur vos réseaux sociaux
Faites un don au Fonds de sécurité de la FIJ avec la communication « PJS » pour soutenir vos collègues à Gaza et leur fournir de la nourriture, des vêtements chauds, des batteries externes et du matériel de travail.
Lire les messages de solidarité des affiliés de la FIJ aux journalistes palestiniens : ici
Pour plus d'informations, veuillez contacter la FIJ au +32 2 235 22 16
La FIJ représente plus de 600 000 journalistes dans 146 pays
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3- ➤ La Palestine éclaire la voie à suivre
Remercions la Palestine d'avoir ouvert la voie, d'avoir éclairé le reste du monde.
Par Walden Bello, le 23 février 2024, CounterPunch
Lorsque le premier Forum social mondial s'est tenu à Porto Alegre, au Brésil, en 2001, il se voulait un contrepoint au Forum économique mondial de Davos, en Suisse. Davos était le monde des 1%, Porto Alegre celui du reste d'entre nous. Aujourd'hui, Katmandou, le site du seizième Forum social mondial, est le monde du reste d'entre nous.
Le Forum social mondial était censé exprimer notre résistance au capitalisme mondial et à ses déprédations. Il se voulait également une affirmation de la solidarité de toutes les personnes et de tous les réseaux qui luttent pour la justice sociale et la paix. C'était aussi l'occasion de se réunir pour planifier l'avenir, un avenir où, comme le disait le slogan du Forum social mondial, un autre monde est possible.
Dans son roman sur les vies mêlées à la Révolution française, le romancier Charles Dickens a dit que c'était la meilleure et la pire des époques.
Ces jours-ci sont assurément ceux de la pire des époques. La catastrophe climatique menace la planète. Le néolibéralisme a connu un échec retentissant, mais reste encore plus ancré en tant qu'idéologie et politique. Nous assistons à la montée du fascisme partout dans le monde - en effet, juste au sud du Népal, nous venons de voir le fascisme relever sa tête hideuse en Inde. Nous assistons à deux génocides. L'un se déroule au Myanmar, où l'élite militaire s'accroche désespérément au pouvoir en massacrant sans discernement toute opposition, une tâche impossible puisque la résistance contrôle désormais 60 % du pays. Le plus grand génocide est perpétré à Gaza, où les Israéliens ont déjà tué quelque 29 000 Palestiniens, dont 70 % de femmes et d'enfants. Ils s'apprêtent à présent à entrer dans la ville de Rafah, promettant davantage de massacres et de souffrances.
Je n'ai pas eu une seule nuit correcte de sommeil depuis l'invasion israélienne de la bande de Gaza. En effet, il est impossible de savourer un moment de bonheur personnel alors qu'un carnage massif se déroule quelque part dans le monde. Cette capacité d'empathie pour les souffrances d'autrui est la base de la solidarité humaine. Elle découle de notre humanité commune.
Nous nous demandons pourquoi Israël est si déterminé à détruire totalement les Palestiniens en tant que peuple. Nous nous demandons pourquoi les États-Unis sont si déterminés à fournir les armes et les munitions nécessaires au génocide. Nous nous demandons pourquoi l'Europe, qui nous a dit un jour, dans le Sud, qu'elle était le pinacle de la civilisation, soutient la barbarie.
Oui, nous vivons la pire des époques. Mais peut-elle pour autant devenir la meilleure des époques ? Cela dépend de chacun d'entre nous.
Sommes-nous prêts à relever les grands défis de notre époque ?
Sommes-nous prêts à déployer tous les efforts nécessaires pour sauver la planète de la catastrophe climatique créée par le capitalisme mondial ?
Continuerons-nous à mener la lutte politique et idéologique pour déraciner et démanteler le néolibéralisme ?
Sommes-nous prêts à risquer notre corps contre l'avancée du fascisme ?
Allons-nous tout donner à la lutte pour arrêter le génocide à Gaza et ailleurs ?
Permettez-moi de conclure en citant un extrait d'une interview que j'ai réalisée à Beyrouth en 2004 avec Usamah Hamdan, le représentant du Hamas au Liban. Je lui ai demandé s'il ne craignait pas pour sa vie, étant donné qu'il est un dirigeant très en vue de l'organisation. Voici sa réponse :
Je suis sur deux listes [de personnes à assassiner], l'une comportant six noms et l'autre 12. Mais je vis ma vie normalement. Je prends mon petit-déjeuner avec mes enfants, j'essaie toujours de le faire parce que c'est le moment où je peux échanger avec eux et leur demander ce qu'ils ont fait de leur journée et de leurs projets. Je rends visite à mes amis et mes amis viennent aussi me voir. Récemment, je suis sortie avec mes enfants pour une baignade dans la mer. On ne meurt qu'une fois, que ce soit d'un cancer, d'un accident de voiture ou d'un assassinat. Face à ces choix, je préfère l'assassinat.
L'esprit reflété dans la réponse de Hamdan est, à mon sens, la raison pour laquelle les Palestiniens, même confrontés à un génocide, finiront par triompher. Puissions-nous nous inspirer de cet esprit. La Palestine a besoin de nous. Mais nous avons aussi besoin de la Palestine. Et remercions la Palestine d'avoir ouvert la voie, d'avoir éclairé le reste du monde.
Walden Bello, chroniqueur pour Foreign Policy in Focus, est l'auteur ou co-auteur de 19 livres, dont le dernier en date est Capitalism's Last Stand ? (Londres : Zed, 2013) et State of Fragmentation : the Philippines in Transition (Quezon City : Focus on the Global South et FES, 2014).
📰 https://www.counterpunch.org/2024/02/23/palestine-lights-the-way-forward/
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4- ➤ La Palestine fait partie de la question de la menace nucléaire - Pourquoi Hiroshima reste-t-il silencieux ?
Par Rebecca Maria Goldschmidt, le 23 février 2024, CounterPunch
Le 13 octobre 2023, CounterPunch a publié mon article Ceci est un génocide : tous ensemble pour mettre fin à la guerre contre Gaza, dans lequel je tirais la sonnette d'alarme sur les actions génocidaires de l'État israélien selon mon point de vue de juive de couleur vivant à Hiroshima. Depuis, les citoyens d’Hiroshima organisent chaque soir une veillée aux chandelles devant le Dôme de la Bombe Atomique dans le Parc de la Paix, honorant la vie du peuple palestinien et encourageant les visiteurs à rester informés, à s’exprimer et à agir. La semaine dernière, des membres des citoyens concernés de la communauté de veille d’Hiroshima-Palestine ont remis en main propre une lettre d’enquête à la mairie d’Hiroshima posant aux responsables du gouvernement local une série de questions nécessitant une réponse : Pourquoi Hiroshima est-il resté silencieux sur la Palestine ?
Nous exhortons le gouvernement de la ville à se montrer à la hauteur de ses propres normes en tant que Ville internationale de la culture de la paix et à rejoindre les 227 autres villes et préfectures du Japon qui ont déjà publié des résolutions ou des déclarations de cessez-le-feu. Une semaine après le début de la guerre en Ukraine, le gouvernement de la ville a publié une déclaration condamnant la violence, mais à ce jour, aucune déclaration de ce type sur la Palestine après quatre longs mois, n’a été faite.
Le 22 février, la ville a répondu à notre lettre enquête par une réponse médiocre, révélant son propre désintérêt à agir et rejetant la responsabilité des questions internationales sur les décideurs politiques de Tokyo. En réponse, nous avons lancé une pétition sur change.org pour faire pression afin que la ville adopte enfin une résolution de cessez-le-feu et prenne d'autres mesures en son pouvoir pour répondre au besoin urgent d'aide humanitaire à Gaza. Ces signatures seront remises à la ville le 29 février. Nous appelons la communauté internationale à se joindre à nous pour demander à Hiroshima de mettre à profit son histoire, sa responsabilité et son pouvoir afin d’être de sérieux défenseurs et initiateurs d’un véritable rétablissement de la paix appelant à un cessez-le-feu immédiat et permanent en Palestine.
Hiroshima se prétend partisan des initiatives de paix antinucléaires, mais n’a pas abordé la Palestine comme une question nucléaire. Israël, bien que menant une politique d’"opacité nucléaire", possède une centaine d’armes nucléaires. Au moins deux responsables du gouvernement israélien, le ministre du Patrimoine Amichai Eliyahu et le membre de la Knesset Revital "Tally" Gotliv , ont ouvertement appelé à l’utilisation d’une arme nucléaire contre Gaza. Joshua Frank, rédacteur en chef de Counterpunch, expose les détails de l'histoire nucléaire d'Israël dans son article complet, Israel's Nuclear Threat (également disponible en japonais).
Depuis novembre, les médias ont utilisé des comparaisons visuelles et statistiques entre Hiroshima et Gaza, le Middle East Monitor rapportant qu'au 5 janvier 2024, 65 000 tonnes de bombes avaient été largués sur Gaza en 89 jours, soit près de 5 fois plus que le tonnage de bombes sur Hiroshima. Ce type de comparaison est à la fois inexact, étant donné les effets supplémentaires durables et dévastateurs de l’empoisonnement par les radiations des armes nucléaires, et incompréhensible – comment pouvons-nous comprendre le caractère abstrait de "cinq Hiroshima" ? La souffrance du peuple palestinien n’est pas lisible dans les statistiques d’explosion ou les photos de décombres. Mais ces comparaisons ne doivent pas être ignorées ou négligées, en particulier par les citoyens d'Hiroshima qui connaissent très bien les histoires individualisées des hibakusha (survivants de la bombe atomique). Alors que nous essayons de comprendre l'immensité des dégâts causés sur un territoire aussi petit et densément peuplé que Gaza, nous devons également créer nos propres récits de connexion à travers le temps et l'espace pour expliquer pourquoi la Palestine importe à Hiroshima sur le plan humain, et pas simplement en raison de l'ampleur de la destruction.
La communauté de veille d'Hiroshima-Palestine fait un travail d'éducation à la paix et de solidarité avec la Palestine devant le dôme depuis octobre. Nous nous sommes engagés dans diverses formes d'actions de protestation : art, musique, manifestations, performances, écrits, dépliants et banderoles, campagnes BDS et réseaux sociaux. Nous avons collaboré avec des organisateurs à travers le Japon et dans le monde entier, de Berlin au Mexique, en passant par Hawaï et les États-Unis, sur des actions coordonnées. Nous collectons et affichons les messages de paix des visiteurs du Parc de la Paix et des artistes du monde entier. Nous avons eu des conversations difficiles avec des Israéliens, des soldats américains stationnés sur la base militaire voisine d’Iwakuni, des Allemands qui ne peuvent considérer la critique d’Israël comme autre qu’antisémite, et des Hiroshimans qui protègent le silence sacré du Parc de la Paix.
L'organisation et la solidarité intercommunautaires ont joué un rôle essentiel dans la sensibilisation et le soutien à notre mouvement. En novembre, nous avons été rejoints par une communauté de musiciens punk et de musiciens acoustiques anti-guerre et antinucléaires qui organisent notre veillée artistique hebdomadaire du samedi et nos concerts de bienfaisance mensuels. À l'occasion du troisième anniversaire du coup d'État militaire au Myanmar, nous avons accueilli la communauté Hiroshima Myanmar pour un séminaire d'information sur la situation au Myanmar. Nous avons reçu la visite de la chorale de la paix de l'organisation Hibakusha, World Friendship Center, et nous nous sommes associés à l'Alliance d'Hiroshima pour l'abolition des armes nucléaires (HANWA) en vue de concevoir de grands messages exprimés à l'aide de milliers de bougies allumées, dont le plus récent : LIBÉREZ LA PALESTINE ! PAS D'ARMES NUCLÉAIRES ! PAS DE GUERRE ! Lors de notre conférence de presse, nous avons été rejoints par le syndicat local des employés des postes, qui a également publié une déclaration demandant au conseil municipal d'adopter une résolution sur le cessez-le-feu.
Nous avons célébré Hanoukka (pour le cessez-le-feu), annulé Noël (tout comme l'appel de Bethléem) et célébré le Nouvel An avec une manifestation. Nous avons discuté de la destruction sioniste des oliviers à Tou B'shvat, l'anniversaire juif des arbres, et avons marché par deux en faisant du bruit et en brandissant des pancartes autour du quartier commerçant de Hondori le jour de la Saint-Valentin. Nous avons distribué des milliers de dépliants éducatifs, fait paraître dans d'innombrables articles de journaux et clips télévisés, et continuons de recevoir des messages d'empathie et de soutien de la part de la communauté locale d'Hiroshima, du Japon et de la communauté internationale. Nous avons reçu des drapeaux palestiniens, des keffiehs, des pin's faits à la main, des écussons et même un paquet de 1000 grues en origami, le symbole d'Hiroshima, plié par une personne âgée de Kure qui souhaitait apporter son soutien à Peace for Gaza. Tout le monde n'a pas le temps ou la possibilité de se tenir à nos côtés chaque jour, mais nous ressentons l'amour et le soutien de nos communautés élargies à travers Hiroshima et le monde.
Notre participation au boycott à l'échelle du Japon d'ITOCHU et de Nippon Aircraft Supply (NAS), des fabricants japonais qui ont conclu un protocole d'accord avec la société d'armement israélienne Elbit Systems, a été la victoire la plus satisfaisante de nos nombreuses actions collectives. Alors que la plupart des médias grand public ont cité la décision de la CIJ comme raison de l'annulation, Ali Abunimah d'Electronic Intifada a reconnu le rôle du mouvement BDS japonais de base comme étant le pivot de la décision d'ITOCHU et de NAS d'annuler leur protocole d'accord. Il ne fait aucun doute que les protestations constantes devant le siège d'ITOCHU à Tokyo, les Loud Standings hebdomadaires avec tambours et chants punk hardcore au bureau de Nagoya, et nos représentations de l'usine de bébés morts devant le bureau d'Hiroshima ont causé un embarras considérable pour l'image de marque de l'entreprise. Avec le boycott discipliné des magasins de proximité en Indonésie et en Malaisie de FamilyMart, une filiale d'ITOCHU, les deux entreprises ont cédé à la pression internationale au cours de la même semaine.
Ce désinvestissement public de la technologie d'armement israélienne par les conglomérats d'entreprises japonais, qui admettent avoir subi des pressions de la part des Forces japonaises d'autodéfense pour s'engager avec Elbit, a également des implications au-delà de la Palestine. Comme l'écrit Saul J. Takahashi, professeur de droits de l'homme et d'études sur la paix à Osaka, pour Al Jazeera : "La décision d'Itochu de rompre ses liens avec Elbit Systems pourrait marquer le début d'une nouvelle tendance et un grand pas en arrière dans la remilitarisation du Japon et sa pleine intégration dans le groupement militaire anti-Chine des États-Unis en Asie de l'Est". Alors que le Japon poursuit ses dépenses militaires "record" pour devenir la troisième puissance militaire derrière les États-Unis et la Chine, l'annulation du protocole d'accord fait des vagues, bien que subtiles, dans les efforts de militarisation apparemment illimités déployés dans l'ensemble du Pacifique.
Le succès de l'organisation communautaire mondiale, des campagnes BDS, des actions directes menées par des groupes tels que Palestine Action au Royaume-Uni et de la mobilisation des syndicats pour stopper les livraisons d'armes à Israël montre que les mouvements populaires visant à démanteler le complexe militaro-industriel sont efficaces s'ils sont coordonnés, cohérents et collaboratifs. Associées à des campagnes efficaces de pression politique, comme nous l'avons vu lorsque des villes telles que Chicago et San Francisco ont adopté leurs résolutions de cessez-le-feu, nous ne pouvons qu'espérer que nos actions contribueront à faire pression sur les fissures pour faire tomber l'État et l'armée israéliens. À tout le moins, nous espérons que nos actions apporteront une lueur d'espoir à nos concitoyens assiégés en Palestine, qui sont également attentifs à la manière dont le monde réagit à leur cauchemar de génocide quotidien et sans fin.
En octobre dernier, aucun d'entre nous n'aurait pu imaginer l'ampleur que prendraient ces événements. Pourtant, nous restons impuissants alors que les Palestiniens se contentent de manger de la nourriture pour animaux et de réconforter leurs enfants dans des tentes sous les frappes aériennes dans la "zone de sécurité" de Rafah. Des millions de personnes défilent chaque semaine dans les rues du monde entier. Des pays entiers - l'Afrique du Sud, la Colombie, la Bolivie, entre autres - ont rompu leurs liens diplomatiques officiels avec Israël. Mais aujourd'hui, après presque cinq mois de bombardements, 100 000 civils palestiniens tués, blessés ou disparus, un procès historique pour génocide devant la Cour internationale de justice et d'innombrables heures d'images et de témoignages les plus graphiques et les plus stupéfiants que nous ayons jamais vus ou entendus, les institutions internationales refusent toujours d'empêcher Israël de commettre crime de guerre après crime de guerre contre le peuple palestinien.
Pour Hiroshima, est-il possible d'être une "ville de la paix" et de rester silencieux sur la plus grande question de paix de notre temps ? En tant que juif, descendant de survivants et de victimes de l'Holocauste, et citoyen de cette ville, je refuse de me taire, et je refuse les bombes sur Gaza. Avec mes concitoyens d'Hiroshima, nous continuons à nous tenir chaque soir sur le site de la première bombe atomique et du premier génocide nucléaire pour appeler les habitants d'Hiroshima à s'exprimer et à AGIR. Nous le chantons, nous le crions, nous le lisons, nous l'écrivons, nous le jouons et nous le tweetons. Si nous ne pouvons pas le FAIRE, alors qu'est-ce que la paix ? S'opposer à la guerre est une ACTION. Pour être un artisan de la paix, il faut FAIRE la paix. Notre veillée est un acte d'AMOUR pour le peuple palestinien et pour l'humanité elle-même.
Nous vous invitons à vous joindre à nous pour demander au gouvernement d'Hiroshima de rendre compte de sa responsabilité en tant que ville internationale de la paix. Signez et partagez notre pétition ici avant le 29 février.
Rebecca Maria Goldschmidt est une artiste et travaille dans le domaine culturel, elle est engagée dans des projets d'art et de recherche basés sur le lieu. Ses travaux récents reflètent les études sur les pratiques culturelles et foncières de ses ancêtres juifs et philippins. Elle est co-fondatrice de LAING Hawai'i, une organisation de préservation des langues patrimoniales, et directrice de programme pour le projet Queer Mikveh. Elle a obtenu son MFA de l'Université d'Hawaï à Mānoa à Honolulu en 2020 et poursuit ses études doctorales en tant que boursière MEXT en sculpture à l'Université de la ville d'Hiroshima au Japon.
📰 https://www.counterpunch.org/2024/02/23/palestine-is-a-nuclear-issue-why-is-hiroshima-silent/
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5- ➤ Les informations manquantes sur Gaza
Pour comprendre la Palestine et Israël, nous avons besoin d'une plus grande couverture de la violence structurelle quotidienne de l'occupation.
Par Alexei Sisulu Abrahams, le 26 février 2024, The Nation
Les violences qui se sont déroulées en Palestine et en Israël au cours des quatre derniers mois ont été accompagnées d'un déluge d'informations en temps quasi réel. Certaines de ces informations sont fausses et les vérificateurs de faits ont eu fort à faire. Mais au-delà de la question de la désinformation (trafic de faussetés),
Petite vidéo de 2’ dans l'article original
En tant que chercheur dans le domaine des médias et spécialiste de longue date de la lutte palestinienne, je crains que la décontextualisation (présentation sélective des vérités) ne soit la menace la plus omniprésente et la plus insaisissable qui pèse sur notre compréhension collective.
La désinformation implique le mensonge par commission. La décontextualisation, quant à elle, consiste à mentir par omission. Si l'on a beaucoup parlé de la différence de couverture entre les souffrances des Palestiniens et celles des Israéliens au cours des derniers mois, l'asymétrie est de loin la plus importante lorsqu'on compare la couverture des semaines de violence cinétique après le 7 octobre à celle des décennies de violence structurelle qui l'ont précédée. La raison de cette asymétrie est bien plus profonde que les agendas politiques.
Les chaînes d'information couvrent les attentats à la bombe, les fusillades et les autres formes de violence cinétique parce qu'il s'agit d'événements forts et ponctuels qui captent notre attention. En revanche, la violence structurelle quotidienne de l'occupation et de l'apartheid israéliens est comparativement sans relief. Au lieu d'une perte, elle inflige une absence. Au lieu de tuer, elle fait tout simplement avorter. Ses premières victimes sont les rêves et les destins. Même ses victimes ne peuvent en rendre compte, car comment manquer ce dont on a toujours été privé ? Pourtant, les deux sont inextricablement liés. Des décennies de violence structurelle donnent lieu à des semaines et des mois de violence cinétique. Couvrir cette dernière en négligeant la première, c'est, en un mot, décontextualiser : montrer au public les symptômes en le privant des causes sous-jacentes.
Toutes les histoires colportées par le gouvernement israélien pour justifier son bombardement meurtrier de la bande de Gaza s'appuient essentiellement sur les faits du 7 octobre. Et bien que certains embellissements aient à juste titre attiré l'attention, ces faits essentiels ne sont jamais contestés, et ils sont suffisamment terribles en eux-mêmes pour offrir une crédibilité prima facie aux récits de guerre d'Israël.
Le problème ne réside pas tant dans les informations présentées que dans celles qui sont absentes. À l'aide de Media Cloud, une base de données qui suit l'actualité mondiale depuis une dizaine d'années, j'ai trouvé tous les articles publiés par des organes de presse américains, canadiens ou britanniques en 2023 qui mentionnaient soit "Gaza", soit la "Cisjordanie", et j'en ai généré ce tableau :
La couverture de Gaza et de la Cisjordanie après le 7 octobre éclipse tout ce qui a été publié au cours des neuf mois relativement stables qui l'ont précédé. Celle de Gaza après le 7 octobre dépasse systématiquement celle de la Cisjordanie, où la violence cinétique s'est également produite, mais à un niveau bien inférieur à celui de son territoire jumeau.
Je parle de "violence cinétique" pour la distinguer de son concept complémentaire, la violence structurelle. Alors que les attentats à la bombe ou les fusillades sont des exemples de violence cinétique, la violence structurelle est illustrée par des murs, des clôtures de barbelés ou des systèmes de lois discriminatoires. Lorsqu'une bombe explose, il s'agit d'un événement ponctuel qui peut être rapporté ou commenté. Les structures de violence, en revanche, sont des éléments continus qui divisent la réalité en deux.
Pour avoir un aperçu de ce que cela signifie pour les Palestiniens d'être les victimes d'une violence structurelle, nous pouvons nous tourner vers le grand écrivain palestinien Ghassan Kanafani, qui a écrit un jour que "nos vies sont comme une ligne droite qui défile dans la honte et le silence à côté de la ligne de notre destin ; mais les deux sont parallèles et ne se rencontreront jamais". Dans le récit de Kanafani, la vie que les Palestiniens étaient censés vivre, hante chacun de leurs pas. Elle est parallèle à leur vie réelle, et s'impose à leur imagination, comme un rappel et une humiliation quotidiens, à côté desquels ils peinent en silence et dans la honte. Comme l'a formulé le poète national palestinien Mahmoud Darwish, vivre à l'ombre d'un mur, du mauvais côté d'une clôture ou à l'extrémité d'un système discriminatoire, c'est vivre "en présence de l'absence", être hanté par le fantôme de son moi potentiel, la personne que l'on aurait pu devenir s'il n'y avait pas eu ce mur, cette clôture, cette loi, cette structure.
Telle est l'agonie de la violence structurelle avec laquelle les Palestiniens ont vécu tout au long de l'année 2023, et pendant les longues années et décennies qui l'ont précédée. Les blocus et les occupations militaires entraînent une baisse du PIB ou de l'emploi, ce qui semble ennuyeux et statistique et n'a rien à voir avec l'horreur viscérale d'un attentat-suicide ou d'une frappe aérienne. Mais derrière ces pourcentages se cachent de vraies personnes dont les rêves ont été anéantis et qui peuvent succomber à la dépression, à la toxicomanie et à la mort bien des années avant l'heure. Mais tout cela est considéré comme tellement indirect, obscur et probabiliste que cela n'a pas une résonance aussi forte auprès du public.
L'asymétrie avec laquelle la violence cinétique est couverte par rapport à la violence structurelle a des implications sur la manière dont les publics internationaux perçoivent le conflit israélo-palestinien et d'autres conflits civils. Après de nombreuses années d'indignité et de frustration quotidiennes, un point de rupture est atteint et une rébellion émerge. Les rebelles sont toutefois beaucoup plus faibles que l'État et ne peuvent exercer de violence structurelle. Leur principal outil est donc la violence cinétique. Et comme la violence cinétique est digne d'intérêt, la première fois que les observateurs extérieurs prêtent vraiment attention au conflit, c'est lorsqu'ils voient des rebelles armés et masqués tuer et terroriser la population. En effet, si vous analysez la couverture des tirs de roquettes et des frappes aériennes au-dessus de la bande de Gaza à la fin des années 2000 et au début des années 2010, vous constaterez à maintes reprises que ce sont généralement les militants palestiniens qui semblent avoir rompu le "calme". Pourtant, en y regardant de plus près, on s'aperçoit que la quasi totalité des tirs de roquettes ont été précédés de provocations israéliennes - destruction de vergers et de structures, restrictions à la liberté de circulation, etc.
La violence cinétique du 7 octobre ne peut être comprise sans la violence structurelle du 6 octobre et de chacun des jours qui ont précédé. Si l'on brûle inconsidérément des combustibles fossiles pendant des décennies, on s'expose à des ouragans et à des incendies de forêt. Et si l'on reporte indéfiniment le processus politique visant à soulager la violence structurelle, on s'expose à des flambées de violence cinétique. Pour toutes ces raisons, la décontextualisation est un énorme défi pour notre compréhension. Pour y remédier, il faudra plus qu'une simple vérification des faits. Nous devrons faire preuve de compassion et de patience, et réfléchir à nos propres préjugés et angles morts. Nous aurons besoin de tous ces instruments pour percevoir l'absence.
Alexei Sisulu Abrahams dirige l'équipe chargée des traces numériques à l'Observatoire de l'écosystème des médias de l'Université McGill.
📰 https://www.thenation.com/article/world/the-missing-news/
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6- ➤ Les crimes commis à Gaza dans les médias israéliens
Les victimes des nombreux crimes commis à Gaza sont pratiquement absentes des médias israéliens. Les informations sur le nombre de personnes tuées et blessées, sur la famine accrue de la population, sur les amputations qui se font sans anesthésie sont inexistantes dans les médias israéliens. Ce qu’on y trouve ce sont plutôt des articles déshumanisant les Palestiniens de Gaza, décrivant l’attaque menée par l’armée israélienne comme héroïque et morale, ainsi que des appels à la recolonisation de ce territoire.
Par Nitzan Perelman, membre du comité de rédaction de Yaani, le 24 février 2024
Dans un entretien avec Yaani, la journaliste palestinienne Hanin Majadli explique que les médias israéliens sont "des médias impliqués dans la propagande, qui […] négligent le principe de base : rendre compte de l'intégralité de la réalité. Ils considèrent que leur rôle consiste à remonter le moral des gens...". Si ces médias avaient bien avant le 7 octobre 2023 un rôle important dans l’ignorance de la société israélienne des crimes commis par leurs dirigeants contre les Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie, depuis le 7 octobre la situation ne fait qu’empirer. Des journalistes des médias mainstream, accusés par la droite israélienne d’être "trop gauchistes", soutiennent devant la caméra des actes génocidaires, tels que le fait d’affamer volontairement la population palestinienne de Gaza, en entravant l’acheminement de l’aide humanitaire.
C’est le cas de Nir Dvori, journaliste de la chaîne 12, la plus regardée du pays, qui déclare le 6 février : "Je pense que l’État d’Israël doit prendre la décision d’enfreindre les règles, de créer une crise planifiée [à Gaza], de faire entrer un nombre important de soldats, d’arrêter l’aide humanitaire. Il faut créer une crise qui va stresser tout le monde. […] En un mot, on doit devenir fous !". Dany Koushmarou, l'un des journalistes les plus appréciés par les Israéliens, qui travaille dans la même chaîne, affirme quelques mois plus tôt, le 31 octobre : "Il ne faut rien leur donner, même pas une cuillère d’eau, une guerre c’est une guerre". Un journaliste de la chaîne concurrente, la chaîne 13, Tzvi Yekhezkeli, dit le 19 décembre 2023 : "Je pense que l’armée aurait pu débuter cette attaque de manière plus massive, avec 100 000 morts".
Dans les grands médias d’informations en ligne, les propos sont de même nature. Seule exception : le journal Haaretz qui couvre de plus en plus la réalité du côté palestinien à Gaza, bien que cela n'ait pas été le cas au cours du mois d’octobre. Hormis ce journal, l’attaque israélienne à Gaza est présentée comme héroïque, juste et morale, tout en déshumanisant les Palestiniens. Dans les médias de droite, s’ajoute un élément : l’appel récurrent à recoloniser Gaza et à soutenir l’expulsion forcée des Palestiniens de Gaza vers l’extérieur. Dans ce texte, seront analysés des articles récents publiés entre le 28 janvier et le 8 février dans trois principaux médias israéliens.
La déshumanisation des Palestiniens
Les images de Palestiniens dans les médias israéliens sont rares, en particulier celles les montrant subir les bombardements, la guerre et survivre au quotidien de la guerre. Depuis le 7 octobre, la situation n'a pas changé. Aucune photographie rendant compte des victimes de crimes israéliens, de la famine et des massacres en cours n’est publiée, à moins que ce ne soit pour mettre en avant "le succès" de l’armée et l'ampleur de son attaque.
Les Palestiniens de Gaza sont souvent présentés comme des terroristes, "des impliqués" (méoravim en hébreu) et des collaborateurs du Hamas, même s'il s'agit d'un enfant, d’une femme ou d’une personne âgée. Cette image, véhiculée par les médias comme par les politiciens israéliens, ne signifie qu'une seule chose pour les Israéliens : toute la population de Gaza doit être visée, car coupable, et tous les moyens sont bons pour y parvenir.
Dans un article d’Israël Hayom (Israël aujourd’hui), le journal pro-Likoud et le plus lu dans le pays, couvrant une manifestation du 8 février appelant à "gagner à tout prix" la guerre à Gaza, cette idée est clairement exposée dans une citation d’un des organisateurs de la manifestation : "Face au problème gazaoui, il n’y a qu’une seule équation : il faudra opposer à la force avec beaucoup plus de force. […] L'État d'Israël - il est temps de vaincre l'ennemi, sans compromis, sans pitié, sans répit". La population habitant Gaza n’est donc qu’un "problème" à résoudre, oubliant qu’à Gaza, il y a des êtres humains.
Dans le contexte de la déshumanisation des Palestiniens, les données sur le nombre de civils tués ou blessés sont également peu nombreuses. Toujours dans Israël Hayom, ces données ne sont mentionnées que dans un article de la catégorie "sport" exposant la critique adressée au fils d’Ismaïl Haniyeh, leader du Hamas, pour avoir assisté à la coupe d’Asie. Plus précisément, le chiffre apparaît dans une citation d’une personne critiquant Haniyeh : "30 mille personnes sont tuées à Gaza – et lui, il est en train de profiter !". Non seulement ce chiffre n’apparaît nulle part ailleurs, mais il est mobilisé afin de critiquer une autre entité qu’Israël. Par ailleurs, le même article, publié le 8 février, débute par la phrase suivante : "L’ennemi trouve une autre raison pour se plaindre, mais cette fois-ci à propos de ses dirigeants".
Dans Makor Rishon (première source), le principal journal des sionistes religieux, les mêmes éléments apparaissent. Un article publié le 4 février attire particulièrement l’attention. Un journaliste accompagne l’armée israélienne dans Gaza, ce qui est très fréquent chez les journalistes israéliens, et partage ses impressions de la "visite" : "L’ampleur de la destruction est inimaginable. […] Personne ne pourrait revenir vivre ici dans un avenir proche. […] Tous les régimes nazis doivent savoir que c’est ce qui les attend pour leurs villes, leurs maisons, leurs quartiers et leurs citoyens s'ils osent encore une fois massacrer les Juifs".
Tout comme Israël Hayom, Makor Rishon ne couvre généralement pas la situation catastrophique des Palestiniens de Gaza. Cependant, le 1er février, un article publié est titré : "L'Organisation mondiale de la Santé : la population à Gaza est "affamée"". Le premier étonnement de la couverture du journal sur la famine à Gaza disparaît aussitôt après avoir cliqué sur l’article : "Le Hamas prend le contrôle de la plupart des camions entrant à Gaza et l’aide n’arrive pas aux habitants". Bien évidemment, l’article ne mentionne pas la responsabilité d’Israël dans l’entrave à l’acheminement de l’aide humanitaire.
Une opération héroïque et morale
En plus de la déshumanisation des Palestiniens, les médias israéliens participent activement à la justification de l’attaque israélienne à Gaza, ainsi que de son ampleur et de ses conséquences. Pour ce faire, ils la présentent non seulement comme héroïque, mais aussi comme morale. Dans ce cadre, des photographies des destructions "impressionnantes" de Gaza sont constamment publiées dans les médias, tout comme des vidéos et des photos de Palestiniens humiliés, en caleçon et les yeux bandés, parfois blessés, les deux étant présentés comme preuves du succès considérable de l'armée. En fait, l’armée est fière de ses actes et veut montrer à la population israélienne l’ampleur de l’attaque. De plus, des récits personnels des combats des soldats sont fréquemment partagés, exposant des histoires "héroïques" de sacrifice et de grand courage.
Pour prouver l'aspect juste du combat de l'armée "la plus morale au monde", selon les Israéliens, deux principales stratégies sont mises en place. Premièrement, de nombreux documents et livres en arabe et des photos sont publiés sur le terrain afin de prouver que le Hamas utilise les civils comme "bouclier humain" et les lieux non militaires pour leurs actions, ce qui justifie le choix de viser l'intégralité de la population et tout le territoire sans faire de distinctions. Un article d'Israël Hayom du 2 février traitant d'un document "prouvant l'usage que fait le Hamas des mosquées" relate cette idée : "[Le Hamas] utilise les mosquées pour encourager le terrorisme et pour stocker des armes de manière à utiliser les fidèles comme boucliers humains, ce qui constitue un usage inacceptable des institutions religieuses à des fins militaires".
Deuxièmement, de nombreuses vidéos et images sont également publiées pour prouver l'éthique des soldats sur le terrain et leur respect envers la population. Plusieurs articles des médias partagent les photographies de tracts distribués par l'armée appelant la population à se déplacer, présentés comme un acte de grande gentillesse et d'importante moralité, sans mentionner l'impossibilité pour certains de se déplacer, le fait que la population n’y a pas consenti ou le fait que les bombardements sur l’ensemble du territoire sont indiscriminés, même dans les zones définies comme "sécurisées", comme cela est le cas de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza.
Un article de Ynet, le site d’informations le plus consulté par les Israéliens, publié le 31 janvier et couvrant l’évacuation "humanitaire" de 100 000 personnes par l’armée, expose plusieurs vidéos montrant la gentillesse des soldats qui donnent de l’eau aux passants ainsi que les paroles de plusieurs Palestiniens qui, selon le journaliste, "bénissent les soldats de Tsahal" et prouvent que "les Gazaouis détestent le Hamas, qui est la seule cause de toutes les souffrances et destructions dans la bande de Gaza". Même si les vidéos semblent être vraies, leur instrumentalisation dans le but de créer une image morale et éthique de l’attaque israélienne, avec le manque flagrant d’images et de vidéos exposant la souffrance qu’elle entraîne, signifie un usage cynique de ces moments exceptionnels. Il s’agit d’une tentative de justification des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis à Gaza.
"Le retour à Gaza"
Le dernier élément qui apparaît souvent dans les médias, notamment ceux associés à la droite, est le discours sur le retour à Gaza et l’évacuation de la zone de ses habitants palestiniens. Le sujet a particulièrement été traité après le rassemblement organisé le 28 janvier par le parti de l’extrême droite, Otzma Yehudit, appelant à recoloniser la bande de Gaza. Durant cet événement, auquel ont participé onze ministres du Gouvernement de Netanyahu et de nombreux parlementaires de la Knesset issue de partis gouvernementaux, plusieurs orateurs ont parlé de la nécessité d'encourager l'émigration des Palestiniens de Gaza, le présentant comme "un acte humanitaire et moral" .
Pour Makor Rishon, les discours tenus lors du rassemblement ne sont pas étrangers, car depuis le début de la guerre, le sujet du « retour à la maison », ou plutôt l’implantation de nouvelles colonies dans la bande de Gaza, après celles évacuées et détruites par Israël en 2005, est constamment mentionné dans ce journal. La réparation de "l'erreur" que constitue le désengagement de 2005 fait partie intégrante de la ligne idéologique du journal, ainsi que des aspirations des sionistes-religieux en général. Dans une tribune publiée par un colon rabbin dans le journal le 28 janvier, il déclare : "Peu de gens comprennent que nous n'avons que deux options pour Gaza : soit elle redevient juive et donc prospère, soit elle redevient arabe et donc meurtrière. Tout le monde oublie que le plus important est de s’installer à Gaza".
Ynet publie également une tribune qui relate cette idée, d'un ancien président d'un collège d'enseignement général dans le nord du pays. Il exprime son opinion sur la question qui préoccupe les Israéliens, "le jour d'après" : "Regardez Gaza, que nous avons quittée et leur avons livrée. Ils ne développent aucune des terres sur lesquelles ils vivent parce qu'ils ne constituent pas un groupe national qui se sent responsable de la terre. Ils préfèrent toujours brûler la terre. [...] Israël doit résolument exiger le retrait volontaire des Palestiniens de Gaza, y compris une aide financière. La plupart des habitants de Gaza préféreraient quitter la région. Toute autre proposition [...] ne résoudra pas le problème".
Pour conclure, les médias israéliens, actifs dans la propagande de l’État, jouent également un rôle majeur dans l'ignorance de la société concernant les crimes génocidaires en cours à Gaza. Cependant, il serait réducteur de considérer que leur contribution à cette ignorance est uniquement le fruit de leur propre volonté. Les Israéliens ne veulent pas connaître la réalité de ce qui se passe à Gaza, tout comme ils préfèrent ignorer les conséquences de l’occupation menée par leur État. Plus préoccupant encore est le constat que sur les réseaux sociaux, où des informations sur Gaza sont accessibles, contrairement aux médias traditionnels, chaque publication en hébreu exposant les horreurs se voit inondée de centaines de commentaires justifiant les actions de l'armée, voire demandant leur intensification. Bien que les médias jouent un rôle important dans cette dynamique, il ne faut pas sous-estimer le racisme ancré dans la société israélienne et sa négligence généralisée à l'égard de la souffrance des Palestiniens.
📰 https://www.yaani.fr/post/les-crimes-commis-%C3%A0-gaza-dans-les-m%C3%A9dias-isra%C3%A9liens
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7- ➤ Against Erasure, un "testament visuel de la société palestinienne" - Un nouveau livre de photographies très convaincant
Le nouveau livre Against Erasure montre "l'étendue et la richesse" de la Palestine avant la Nakba de 1948, lorsque 750 000 personnes ont été chassées de chez elles.
Par Chris McGréal, le 22 février 2024, The Guardian
Vingt membres de la famille al-Farra sont réunis pour la photo, mais personne ne sourit devant l'objectif.
La scène est faussement tranquille alors qu'ils sont assis autour d'une table en bois nu sous les arbres du monastère Stella Maris sur le mont Carmel, au-dessus du port de Haïfa. Mais nous sommes en avril 1948 et, sous eux, la ville est assiégée et bombardée par la Haganah, la principale organisation paramilitaire sioniste qui deviendra plus tard le noyau de l'armée israélienne.
Une grande partie de la population arabe de Haïfa s'est enfuie, mais les al-Farras sont restés au monastère. Après la chute de la ville et son intégration dans le nouvel État d'Israël le mois suivant, ils sont retournés dans leur maison et ont découvert qu'elle avait été occupée par une famille juive.
Le nouveau livre Against Erasure : a Photographic Memory of Palestine Before the Nakba (Contre l'effacement : une mémoire photographique de la Palestine avant la Nakba) ne nous apprend rien de plus sur le sort des al-Farras après 1948. Mais nous avons des aperçus de la vie de famille dans les années qui ont précédé la Nakba (catastrophe en arabe), au cours de laquelle environ 750 000 Arabes ont été chassés à jamais de leurs maisons pendant la guerre qui a suivi la partition de la Palestine et a conduit à la naissance de l'Israël moderne.
Against Erasure n'est pas la première collection de photos datant de l'époque de la domination turque puis britannique. Mais au milieu de l'attaque israélienne la plus sanglante contre les Palestiniens depuis la Nakba, avec des civils représentant la majorité des 28 000 morts à Gaza, 2 millions de personnes chassées de leurs maisons et des quartiers entiers détruits y compris des écoles, des hôpitaux et des usines, le livre est la preuve de la vie d'une Palestine dont beaucoup en Israël veulent prétendre qu'elle n'a jamais existé.
Against Erasure a été publié pour la première fois à Madrid par deux femmes espagnoles ayant une expérience du conflit israélo-palestinien - Sandra Barrilaro, photographe, et Teresa Aranguren, journaliste - afin de s'opposer à une version israélienne de l'histoire qui non seulement efface la société palestinienne, mais s'efforce également d'en effacer la mémoire. Le titre original en espagnol se traduit par Against Forgetting (Contre l'oubli), mais ce titre était déjà pris par un livre de poésie. Les éditeurs anglophones ont opté pour Against Erasure.
Ce titre semble plus pertinent non seulement en raison de la guerre actuelle à Gaza, mais aussi après des années de ce que les groupes israéliens de défense des droits de l'homme décrivent comme le régime de suprématie juive en Cisjordanie, destiné à effacer toute possibilité d'un État palestinien viable. Un système qui s'est efforcé de faire en sorte que les Palestiniens vivent sous occupation, confinés derrière la vaste et sinueuse barrière de Cisjordanie ou enfermés dans la bande de Gaza, sans être visibles par les Israéliens ordinaires, excepté lorsqu'ils sont appelés à effectuer leur service militaire périodique pour faire respecter l'occupation.
La version du livre en anglais et en arabe a été commandée par Róisín Davis pour Haymarket.
"La plupart des gens n'apprennent pas la Nakba à l'école. Ils n'apprennent pas l'histoire de cette terre, de ce peuple. Et ils n'ont certainement pas une idée de ce à quoi ressemblait la Palestine.
Ce livre est un témoignage visuel de la société palestinienne, de ce qui a existé. La force de ce livre réside dans les photos représentant l'étendue et la richesse de la société palestinienne avant la Nakba, avant 1948. Elles montrent une société pleine, une société riche et une terre abondante. Elles montrent également la diversité de la société, ce qui contribue grandement à contrer le discours sioniste selon lequel il s'agissait d'une terre sans peuple, pour un peuple sans terre", a-t-elle déclaré.
Page après page, on découvre par exemple les garçons de l'école pour aveugles d'Hébron au début des années 1940, le personnel de l'hôpital local vers la fin de la guerre ou encore les employés arabes, juifs et britanniques du service des douanes de Haïfa posent sur les marches.
Le livre présente le genre de photos qui remplissaient autrefois les journaux locaux. On y voit des équipes de football, des pièces de théâtre scolaires et des troupes de scouts aux types de coiffures diverses, aux chapeaux à larges bords et aux keffiehs.
Des membres du conseil municipal de Haïfa - juifs, arabes et britanniques - font la queue pour un portrait officiel. Un groupe de femmes pose pour une photo de classe avec leurs diplômes de l'école normale. Sur une photo tout à fait différente, datant de 1930, une femme se prélasse en robe de soirée sur un canapé.
Nous voyons le travail de Karima Abbud, la première femme photographe professionnelle palestinienne qui a dirigé des studios à Jérusalem et à Haïfa. Deux filles de Nazareth posent pour elle en 1928 avec des regards qui suggèrent une certaine méfiance à l'égard de l'appareil photo.
De nombreuses photos ont été extraites d'archives familiales par l'historien Johnny Mansour, qui vit à Haïfa et a passé des années à recueillir des récits oraux et des photographies de l'expérience palestinienne.
Mansour décrit ses parents palestiniens fuyant la guerre de 1948 et son enfance dans "l'un des quartiers les plus pauvres et les plus marginalisés de Haïfa". Depuis, il a passé sa vie à rassembler les preuves de ce qui a existé.
"Je crois fermement que si le peuple de Palestine a perdu sa terre, il refuse de perdre son histoire. En tant qu'enfant, survivant, de ce peuple, je sais à quel point notre relation avec la terre, son passé, son histoire, ses images, ses documents est sincère. Ensemble, ils nous rendent ce dont nous avons le plus besoin : notre patrie", écrit M. Mansour dans son livre.
Parallèlement, Against Erasure nous rappelle que la Palestine n'a jamais été libre. Elle a été occupée par deux empires, l'empire ottoman puis britannique, avant la Nakba.
Une photo montre deux hommes devant un panneau de l'Imperial Airways à l'aéroport de Gaza en 1935. D'autres photos montrent le côté sombre de la domination impériale et montrent que l'armée israélienne n'a pas été la première à se livrer à des punitions collectives. On y voit des ingénieurs de l'armée britannique au milieu des décombres de maisons de Jaffa détruites pour punir les familles de ceux qui avaient pris part à la révolte arabe de 1936.
Au milieu de la routine de la vie quotidienne, les Palestiniens se rendent compte qu'une tempête se prépare et que les premiers signes de la Nakba se font sentir. Des drapeaux noirs portant l'inscription "Vive la Palestine" sont accrochés dans le bazar de Jérusalem le jour de la déclaration Balfour en 1917 - l'engagement du gouvernement britannique en faveur d'un "foyer national pour le peuple juif" sur le territoire qui venait d'être repris aux Ottomans.
Des photos prises vingt ans plus tard illustrent la Grande Révolte provoquée par la forte augmentation de l'immigration juive et de la propriété foncière, ainsi que la crainte que les Britanniques ne tiennent la promesse de la déclaration (de) Balfour.
Against Erasure dresse la liste de 418 villages palestiniens dépeuplés pendant la Nakba et détruits ou repris par des résidents juifs qui leur ont donné des noms hébreux dans un acte que l'ouvrage qualifie de "sociocide" mais qui pourrait bien être décrit comme un nettoyage ethnique.
Par endroits, la population palestinienne a été assassinée, notamment à Deir Yassin. Le livre cite Jacques de Reynier, chef de la délégation du Comité international de la Croix-Rouge, qui, après une visite à Deir Yassin, décrit
le massacre d'Arabes "sans aucune raison militaire ni provocation d'aucune sorte ; vieillards, femmes, enfants, nouveau-nés ont été sauvagement assassinés à la grenade et au couteau par les troupes juives de l'Irgoun, entièrement sous le contrôle de leurs chefs".
Les al-Farras ont été épargnés par ce sort, mais la vie qu'ils ont vécue avant la Nakba, entrevue dans les pages de Against Erasure, était terminée.
La famille aimait manifestement voyager. Deux hommes sont photographiés en costume, assis raides sous des stalactites, lors d'un voyage dans les grottes libanaises de Qadisha en 1935, à l'époque où les trains reliaient encore la Palestine à Beyrouth.
À côté de leur photo se trouve la copie d'un passeport appartenant à un membre de la famille, dont les pages sont parsemées de visas et de timbres de poste frontière. Ce document constitue un testament contre l'effacement. En anglais, en arabe et en hébreu, le document indique qu'il s'agit d'un passeport palestinien et que son détenteur est un citoyen palestinien.
Against Erasure : A photographic memory of Palestine before the Nakba, publié par Haymarket Books et édité par Teresa Aranguren et Sandra Barrilaro, est désormais disponible.
Chris McGreal écrit pour le Guardian US et est un ancien correspondant du Guardian à Washington, Johannesburg et Jérusalem. Il est l'auteur de American Overdose, The Opioid Tragedy in Three Acts.
📰 https://www.theguardian.com/artanddesign/2024/feb/22/against-erasure-palestine-photo-book
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8- ➤ Le péché originel d'Israël : L'héritage de Yosef Weitz
Par Stefan Moore, le 18 février 2024, Pearls & Irritations
Depuis 1948, les sionistes invoquent l'Holocauste pour justifier l'expulsion forcée des Arabes de Palestine afin de créer un État juif, mais le projet de nettoyage ethnique avait été élaboré des années auparavant par un zélateur sioniste du nom de Yosef Weitz.
En novembre 1940 (huit ans avant l'exode forcé des Palestiniens), Weitz écrivait dans son journal :
"Il doit être clair qu'il n'y a pas de place dans le pays pour les deux peuples... Il n'y a pas d'autre moyen que de transférer les Arabes d'ici vers les pays voisins... Il ne doit pas rester un seul village, pas une seule tribu... Il n'y a pas d'autre solution".
Weitz était "la quintessence du colonialisme sioniste", écrit l'historien israélien Ilan Pappé. Né en Russie en 1890 et ayant immigré en Palestine, Weitz est devenu le chef influent du département de colonisation du Fonds national juif (FNJ), créé pour coloniser la Palestine en achetant des terres arabes. Cependant, il est vite apparu que l'achat de petits lots de propriété et l'expulsion des métayers ne suffiraient pas à réaliser le rêve des sionistes de créer un État à majorité juive.
Pour s'attaquer au problème, l'Agence juive (le gouvernement juif de facto) a créé en 1937 un "comité de transfert" chargé d'élaborer des plans plus solides pour expulser les Palestiniens et les transférer dans les pays arabes voisins. Grâce à son expérience dans le domaine de la colonisation, Weitz était un choix naturel pour diriger cet effort.
Grâce à son engagement sans faille en faveur de l'expulsion des Palestiniens, Weitz est devenu l'"architecte du transfert", un euphémisme pour désigner le nettoyage ethnique.
Invoquant l'Ancien Testament, Weitz raconte avec une ferveur messianique une tournée des villages palestiniens en juin 1941 :
"Le seul moyen est de les couper et de les éradiquer [les Arabes] à la racine. . Je commence à comprendre l'essence du MIRACLE qui devrait se produire avec l'arrivée du Messie ; le MIRACLE ne se produit pas au cours de l'évolution, mais tout d'un coup, en un seul instant".
Le projet qui a le plus enthousiasmé Weitz est celui des dossiers sur les villages, un registre détaillé de tous les villages arabes de Palestine - leur emplacement, les routes, l'accès à l'eau, les sources de revenus, l'âge des hommes et leurs affiliations politiques.
Pour les planificateurs militaires, il s'agissait d'une mine d'or - une feuille de route pour le nettoyage ethnique de la Palestine qui allait bientôt être mis en œuvre.
Le catalyseur est venu le 29 novembre 1947, lorsque l'Assemblée générale des Nations unies a adopté la résolution 181 qui divisait la Palestine en deux États très inégaux - l'un juif avec 56 % du territoire et l'autre arabe avec 42 % - même s'il y avait deux fois plus d'Arabes que de Juifs. Comme on pouvait s'y attendre, les Palestiniens ont rejeté catégoriquement le plan, mais les sionistes étaient fous de joie : leur vision d'un État juif se concrétisait et la guerre se profilait à l'horizon.
L'historien palestinien Nur-eldeen Masalha écrit :
"[Weitz] a vu dans la résolution de partage et les hostilités à venir l'occasion rêvée de mettre en œuvre des projets nourris de longue date. Son journal est rempli d'injonctions à ne pas 'manquer les opportunités offertes par la guerre'".
Le 18 avril 1948, Weitz écrit à propos de la liste des villages devant faire l'objet d'un nettoyage ethnique :
"J'ai fait un récapitulatif d'une liste de villages arabes qui, à mon avis, doivent être éliminés afin de compléter les régions juives. J'ai également fait un relevé des endroits où il y a des litiges fonciers et qui doivent être réglés par des moyens militaires".
Ilan Pappé décrit ce qui s'est passé ensuite :
"Les ordres étaient accompagnés d'une description détaillée des méthodes à utiliser pour expulser les populations par la force : intimidation à grande échelle, siège et bombardement des villages et des centres de population, incendie des maisons, des propriétés et des biens, expulsion des résidents, démolition des maisons et, enfin, pose de mines dans les décombres pour empêcher le retour des habitants expulsés..."
À la fin de l'opération, 750 000 Arabes ont été chassés de Palestine, 531 villages ont été détruits, 70 massacres de civils ont eu lieu et 10 à 15 000 Palestiniens sont morts.
En regardant la destruction d'un village, Weitz a noté :
"J'ai été surpris que rien ne me touche à la vue de ce spectacle... pas de regret ni de haine, car c'est ainsi que va le monde."
Aujourd'hui, alors que se déroule la guerre génocidaire à Gaza, le spectre de Yosef Weitz est toujours présent. Au début de l'invasion israélienne, le ministère israélien du renseignement a rédigé une proposition visant à déplacer de force les 2,3 millions d'habitants de la bande de Gaza, désormais soumis à des bombardements quotidiens et affamés, vers la péninsule égyptienne du Sinaï, où ils seraient placés dans des villages de tentes et se verraient refuser le droit de revenir.
Le projet sioniste de nettoyage ethnique de la Palestine est le péché originel d'Israël. Depuis la Nakba de 1948, les sionistes se sont servi de la mémoire de l'Holocauste pour faire taire leurs critiques et contrecarrer les droits des Palestiniens. Mais malgré les tentatives pour justifier, minimiser ou nier son passé, Israël ne pourra jamais effacer l'héritage de Yosef Weitz ni son histoire maculée de sang. Il est plus que temps de reconnaître la futilité de l'entreprise sioniste.
Stefan Moore est un réalisateur de documentaires américano-australien dont les films ont été récompensés par quatre Emmys et de nombreux autres prix. À New York, il a été codirecteur de TVG Productions, producteur de séries pour le radiodiffuseur public WNET et producteur de l'émission magazine 48 HOURS, diffusée aux heures de grande écoute sur CBS News. Au Royaume-Uni, il a travaillé comme producteur de séries à la BBC, et en Australie, il a été producteur exécutif pour la société cinématographique nationale Film Australia et ABC-TV.
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📰 https://johnmenadue.com/israels-original-sin-the-legacy-of-yosef-weitz/
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9- ➤ Les prophéties de Malcolm X : le sionisme est une nouvelle forme de colonialisme
Des décennies après son martyre et à l'approche du centième anniversaire de sa naissance, les mots d'El-Hajj Malik El-Shabazz percent encore les mensonges de l'empire.
Par Sam Husseini, le 21 février 2024, Substack
Ce n'est sans doute pas une coïncidence si Malcolm - né il y a 99 ans cette année et assassiné le 21 février 1965 - a servi de modèle à l'écrivain palestinien martyr Refaat Alareer.
En effet, lors d'une conférence en 2012, Alareer se souviendra de sa rencontre avec Malcolm :
"Je donnais un cours, et il y avait un passage étonnant sur cet homme, dont je n'avais jamais entendu parler auparavant. Ce passage était si éloquent, si articulé, si étonnant qu'il m'a attiré vers cette personnalité, ce domaine de connaissance jusque là étranger pour moi. ... Malcolm X a eu, depuis lors, une influence étonnante sur ma vie, à tel point que je le considère aujourd'hui comme mon modèle numéro un".
En effet, une grande partie de l'analyse de Malcolm reste valable des décennies plus tard, alors qu'Israël massacre quotidiennement des Palestiniens.
Peu connu, Malcolm a écrit dans The Egyptian Gazette en 1964 :
"Les sionistes israéliens sont convaincus d'avoir réussi à camoufler leur nouveau type de colonialisme. ... L'arme moderne du néo-impérialisme du 20ème siècle est le "dollarisme". Les sionistes ont maîtrisé la science du dollarisme : la capacité de venir en se faisant passer pour un ami et un bienfaiteur, en apportant cadeaux et toute autre forme d'aide économique et d'offre d'assistance technique. Ainsi, le pouvoir et l'influence de l'Israël sioniste dans de nombreuses nations africaines nouvellement "indépendantes" sont rapidement devenus encore plus inébranlables que ceux des colonialistes européens du 18ème siècle... et ce nouveau type de colonialisme sioniste ne diffère que par la forme et la méthode, mais jamais par le motif ou l'objectif".
Aux États-Unis, nous avons l'habitude de donner un visage noir à l'empire américain, comme c'est le cas de Linda Thomas-Greenfield, qui a été conseillée par Madeleine Albright et qui vient d'opposer son veto à la troisième résolution de l'ONU en faveur d'un cessez-le-feu. Malcolm a dit il y a des années :
"Ils ont un nouveau truc chaque année. Ils vont prendre l'un de leurs hommes, des hommes noirs, et le placer au sein du cabinet pour qu'il puisse se balader à Washington avec un cigare. Le feu d'un côté et la folie de l'autre. Et parce que son problème personnel immédiat aura été résolu, c'est lui qui dira à notre peuple : "Regardez les progrès que nous faisons. Je suis à Washington, je peux prendre le thé à la Maison Blanche. Je suis votre porte-parole, je suis votre leader".
Alors que notre peuple vit toujours dans les bidonvilles de Harlem. Ils reçoivent toujours la pire forme d'éducation. - "The Prospects for Freedom in 1965", au Militant Labor Forum, New York City, 7 janvier 1965. Audio de ce discours et d'autres discours ici.
Aujourd'hui, nombreux sont ceux qui font de la rhétorique ou qui s'engagent dans des actions pro-forma, mais qui n'agissent pas pour arrêter le massacre israélien, pour trouver des moyens de confronter et d'arrêter les criminels américains et israéliens :
"Mais combien de personnes assises ici en ce moment ont le sentiment qu'elles pourraient [rires] s'identifier véritablement à une lutte conçue pour éliminer les causes fondamentales qui créent les conditions existantes ? Ils ne sont pas très nombreux. Ils peuvent s'amuser, mais lorsqu'il s'agit de s'identifier à une lutte qui n'est pas approuvée par la structure du pouvoir, qui n'est pas acceptable, dont les règles de base ne sont pas établies par la société dans laquelle vous vivez, contre laquelle vous luttez, vous ne pouvez pas vous identifier à cela, vous reculez. ..."
Malcolm a également appliqué le "dollarisme" aux États-Unis, car de nombreux groupes sur de nombreuses questions sont souvent plus préoccupés par le financement et le remboursement des hypothèques que par bien d'autres choses :
"Il est facile de devenir un satellite aujourd'hui sans même s'en rendre compte. Ce pays peut séduire Dieu. Oui, il a ce pouvoir de séduction du dollarisme économique. ... Lorsqu'ils vous lâcheront ces dollars, vous plierez."
À partir du mois d'octobre, je me suis attaché à faire pression pour qu'un pays invoque la convention sur le génocide devant la Cour internationale de justice. J'ai été ému de voir que des activistes et des personnes concernées, qui voulaient vraiment changer les choses, se sont manifestées pour aider à la réalisation de ce projet. Et j'ai été écœuré par la façon dont certains experts juridiques, prétendument critiques à l'égard d'Israël, et certains médias, qui prétendaient vouloir que cela cesse, ont ignoré ou rejeté la proposition. C'est pourquoi je me suis souvenu de cette phrase de Malcolm :
"Nous devons étendre la lutte pour les droits civiques à un niveau plus élevé - au niveau des droits de l'homme. Chaque fois que vous vous engagez dans une lutte pour les droits civiques, que vous le sachiez ou non, vous vous cantonnez à la juridiction de l'Oncle Sam. ... [L]e problème des Noirs n'est jamais porté devant les Nations unies. Cela fait partie de la conspiration. Ce vieux libéral aux yeux bleus qui est censé être votre ami et le mien, censé être de notre côté, censé subventionner notre lutte et censé agir en tant que conseiller, ne vous dit jamais rien sur les droits de l'homme."
- The Ballot or the Bullet, 3 avril 1964.
Malcolm critiquait notamment les médias :
"Si vous ne prêtez pas attention, les journaux vous feront détester les gens qui sont opprimés et aimer ceux qui les oppriment".
Cette remarque est d'autant plus pertinente que la presse américaine met l'accent (ou fabrique carrément) la souffrance de certains Israéliens - souvent des militaires - tout en marginalisant le génocide littéral des Palestiniens. Ou même la souffrance imaginaire des activistes pro-israéliens qui cherchent à réduire au silence les personnes faisant leur possible pour arrêter un génocide. Vidéo d'une compilation de ses commentaires sur les médias américains.
Et il y a aussi ceci, juste avant le martyre de Malcom :
"Au cours de mon voyage, j'ai eu l'occasion de parler au Caire, ou plutôt à Alexandrie, avec [le président égyptien Gamal Abdel] Nasser pendant environ une heure et demie. C'est un homme très brillant. Je comprends pourquoi ils ont si peur de lui, et ils le craignent vraiment - ils savent qu'il peut leur couper le pétrole. Et en fait, la seule chose que le pouvoir respecte, c'est le pouvoir. ...
Il s'agit d'une société dont le gouvernement n'hésite pas à infliger la forme la plus brutale de punition et d'oppression aux personnes à la peau foncée partout à travers le monde. C'est par exemple ce qui se produit actuellement à Saigon et à Hanoi, au Congo et ailleurs. Ils sont violents lorsque leurs intérêts sont en jeu. Mais toute cette violence dont ils font preuve au niveau international, lorsque vous et moi voulons juste un peu de liberté, nous sommes censés être non-violents. Ils sont violents. Ils sont violents en Corée, ils sont violents en Allemagne, ils sont violents dans le Pacifique Sud, ils sont violents à Cuba, ils sont violents partout où qu'ils aillent. Mais lorsqu'il s'agit pour vous et moi de nous protéger contre les lynchages, ils nous disent d'être non-violents. ...
[Sur le Congo :] Et ils sont capables de prendre ces tueurs à gages, de les mettre dans des avions américains, avec des bombes américaines, et de les lâcher sur des villages africains, réduisant en charpie des hommes noirs, des femmes noires, des enfants noirs, des bébés noirs, et vous, les Noirs, assis ici, vous vous détendez comme si cela ne vous concernait même pas. Vous êtes des imbéciles. ...
Et la presse transmet ces statistiques au public, principalement au public blanc. Parce qu'il y a des personnes bien intentionnées dans le public blanc, ainsi que des personnes mal intentionnées dans le public blanc. Et quoi que fasse le gouvernement, il veut toujours avoir le public de son côté. ... Ils utilisent donc la presse pour créer des images."
- The Last Message, discours prononcé devant l'Afro-American Broadcasting Company, Detroit, Michigan, le 14 février 1965, la nuit où sa maison a été incendiée et une semaine avant son assassinat ; texte et audio ici.
Ajout : voir aussi "When Malcolm X visited Gaza in September 1964" (Quand Malcolm X s'est rendu à Gaza en septembre 1964).
📰 Lien de l'article original :
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10- ➤ Le ministre irlandais des affaires étrangères dénonce le droit de veto de cinq États au Conseil de sécurité des Nations unies, qui n'a pas sa place au 21ème siècle
Par le Palestine Chronicle, le 17 février 2024
Le droit de veto des cinq États au Conseil de sécurité des Nations unies n'a "pas sa place au 21ème siècle" et son utilisation abusive répand un "anachronisme", a déclaré samedi le ministre irlandais des affaires étrangères.
"Le droit de veto devrait disparaître, selon nous, c'est un anachronisme", a-t-il dit lors de la conférence de Munich sur la sécurité en Allemagne, en faisant référence au fait que les États-Unis ont utilisé leur droit de veto à maintes reprises pour bloquer un cessez-le-feu dans la bande de Gaza.
"Cela n'a pas sa place au 21ème siècle. Cela n'a vraiment pas lieu d'être", a affirmé Mr Martin, en promettant que "nous devons vraiment maintenir la pression sur ce point".
Poursuivant,
"Il ne fait aucun doute que le Conseil de sécurité est dysfonctionnel".
Et critiquant le "dysfonctionnement et l'abus du droit de veto au Conseil de sécurité".
Le ministre irlandais a également noté que
"le Conseil de sécurité n'a pas réussi (à publier) une déclaration, même sur l'Ukraine. C'est un échec extraordinaire", et les résolutions sur Gaza "ont été molles".
"Il y a eu plus de veto que d'action au Conseil de sécurité sur Gaza, par exemple", a-t-il déclaré.
Le 8 décembre, les États-Unis ont opposé leur veto à une résolution des Nations unies soutenue par la quasi-totalité des autres membres du Conseil de sécurité et par des dizaines d'autres pays, exigeant un cessez-le-feu humanitaire immédiat à Gaza.
Les États-Unis avaient déjà opposé leur veto à une résolution brésilienne du Conseil de sécurité appelant à un cessez-le-feu pour faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire dans la bande de Gaza assiégée.
Selon le ministère de la santé de Gaza, 28 858 Palestiniens ont été tués et 68 677 blessés dans le génocide israélien en cours à Gaza depuis le 7 octobre.
En outre, au moins 7 000 personnes sont portées disparues, présumées mortes sous les décombres de leurs maisons dans toute la bande de Gaza.
Les organisations palestiniennes et internationales affirment que la majorité des personnes tuées et blessées sont des femmes et des enfants.
L'agression israélienne a également entraîné le déplacement forcé de près de deux millions de personnes dans toute la bande de Gaza, la grande majorité des personnes déplacées étant contraintes de se réfugier dans la ville très peuplée de Rafah, au sud, près de la frontière avec l'Égypte, dans ce qui est devenu le plus grand exode de masse de la Palestine depuis la Nakba de 1948.
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11- ➤ Israël - Palestine : Les experts de l'ONU sont consternés par les violations des droits de l'homme commises à l'encontre des femmes et des filles palestiniennes
Par United Nations Human Rights, le 19 février 2024
GENÈVE (19 février 2024) - Les experts de l'ONU* ont exprimé aujourd'hui leur inquiétude face aux allégations crédibles de violations flagrantes des droits de l'homme auxquelles les femmes et les filles palestiniennes continuent d'être soumises dans la bande de Gaza et en Cisjordanie.
Selon les informations reçues, des femmes et des filles palestiniennes auraient été exécutées arbitrairement à Gaza, souvent avec des membres de leur famille, y compris leurs enfants.
"Nous sommes choqués par les informations faisant état du ciblage délibéré et de l'exécution extrajudiciaire de femmes et d'enfants palestiniens dans des lieux où ils ont cherché refuge ou alors qu'ils fuyaient. Certains d'entre eux auraient tenu des morceaux de tissu blanc lorsqu'ils ont été tués par l'armée israélienne ou des forces affiliées", ont déclaré les experts.
Les experts ont exprimé leur vive inquiétude face à la détention arbitraire de centaines de femmes et de jeunes filles palestiniennes, notamment des défenseurs des droits de l'homme, des journalistes et des travailleurs humanitaires, à Gaza et en Cisjordanie depuis le 7 octobre. Nombre d'entre elles auraient été soumises à des traitements inhumains et dégradants, privées de serviettes hygiéniques, de nourriture et de médicaments, et sévèrement battues. À une occasion au moins, des femmes palestiniennes détenues à Gaza auraient été enfermées dans une cage sous la pluie et dans le froid, sans nourriture.
"Nous sommes particulièrement bouleversés par les informations selon lesquelles les femmes et les filles palestiniennes détenues ont également été soumises à de multiples formes d'agression sexuelle, comme le fait d'être déshabillées et fouillées par des officiers masculins de l'armée israélienne. Au moins deux détenues palestiniennes auraient été violées et d'autres auraient été menacées de viol et de violence sexuelle", ont déclaré les experts.
Ces derniers ont également noté que des photos de détenues dans des conditions dégradantes auraient été prises par l'armée israélienne et mises en ligne.
Les experts se sont dits préoccupés par le fait qu'un nombre indéterminé de femmes et d'enfants palestiniens, y compris des filles, auraient disparu après avoir été en contact avec l'armée israélienne à Gaza. "Des rapports inquiétants font état d'au moins un bébé de sexe féminin transféré de force par l'armée israélienne en Israël, et d'enfants séparés de leurs parents, dont on ne sait pas où ils se trouvent", ont-ils déclaré.
"Nous rappelons au gouvernement israélien qu'il est tenu de respecter le droit à la vie, à la sécurité, à la santé et à la dignité des femmes et des filles palestiniennes et de veiller à ce que personne ne soit soumis à la violence, à la torture, aux mauvais traitements ou aux traitements dégradants, y compris la violence sexuelle", ont déclaré les experts.
Ils ont demandé qu'une enquête indépendante, impartiale, rapide, approfondie et efficace soit menée sur ces allégations et qu'Israël coopère à ces enquêtes.
"Pris dans leur ensemble, ces actes présumés peuvent constituer de graves violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire, et s'apparenter à des crimes graves au regard du droit pénal international qui pourraient faire l'objet de poursuites en vertu du Statut de Rome", ont déclaré les experts. "Les responsables de ces crimes apparents doivent répondre de leurs actes et les victimes et leurs familles ont droit à une réparation et à une justice complètes", ont-ils ajouté.
* Les experts : Reem Alsalem, Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes et les filles, ses causes et ses conséquences ; Francesca Albanese, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 ; Dorothy Estrada Tanck (présidente), Claudia Flores, Ivana Krstić, Haina Lu, et Laura Nyirinkindi, Groupe de travail sur la discrimination à l'égard des femmes et des filles.
Les experts font partie de ce que l'on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme. Les procédures spéciales, le plus grand groupe d'experts indépendants du système des droits de l'homme des Nations unies, est le nom général des mécanismes indépendants d'établissement des faits et de surveillance du Conseil. Les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales sont des experts indépendants en matière de droits de l'homme nommés par le Conseil des droits de l'homme pour s'occuper soit de situations nationales spécifiques, soit de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire ; ils ne font pas partie du personnel des Nations unies et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et travaillent à titre individuel.
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12- 🎧 7 février 2024 - Entretien avec Rony Brauman - Gaza : 30 000 tonnes de bombes, 30 000 morts
Rony Brauman, né à Jerusalem, est médecin, ancien président de MSF : "Aujourd’hui Gaza c’est l’échec du projet sioniste".
Par Là-bas si j'y suis, le 7 février 2024
Audio de 38’
Quatre mois après le sept octobre, le massacre du peuple palestinien continue jour et nuit. Malgré le soutien des États-Unis, qui ont livré près de 30 000 tonnes de bombes à Israël par bateau et par avion, la toute puissante armée israélienne ne parvient pas à "éradiquer" les forces du Hamas, ni à libérer les otages.
Dans cette guerre asymétrique, le Goliath Israël semble chanceler devant le David palestinien. "Semble" car le massacre a lieu à huis-clos, la presse internationale est interdite. Les journalistes arabes présents constituent la cible préférée des snipers israéliens. Mais au-delà de ce bras de fer, c’est une défaite morale pour le pouvoir israélien. Réunie à La Haye, la Cour Internationale de Justice (CIJ) a réuni suffisamment de preuves pour considérer qu’il y a risque de génocide dans la stratégie menée par Isräel, et qu’il convient de prendre rapidement des mesures.
La "cause palestinienne" est revenue au tout premier plan avec le soutien d’une grande partie du monde, surtout de la part des pays issus du colonialisme, rebaptisés "sud global", mais des manifestations de soutien retentissent aussi aux États-Unis dans la communauté juive qui se libère des puissantes organisations sionistes, à la différence de la France où règne la crainte d’être qualifié "d’antisémite", ce qui entrave l’information et le débat public.
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Pour aller plus loin : Du Donbass à Gaza …
13- ➤ Axe de la résistance : du Donbass à Gaza
La troisième guerre mondiale est là, se jouant de manière asymétrique sur les champs de bataille militaires, financiers et institutionnels, et le combat est existentiel. L'hégémon occidental, en vérité, est en guerre contre le droit international, et seule une "action militaire cinétique" peut le mettre au pas.
Les résistances du Donbass et de Gaza partagent une vision commune essentielle : renverser l'hégémon unipolaire qui a étouffé leurs aspirations nationales.
L'humiliation cosmique en cours de l'OTAN dans les steppes de Novorossiya est reflétée par le combo anglo-américano-sioniste somnambule dans une plus grande conflagration à travers l'Asie occidentale.
En grattant le vernis de ceux qui sont au pouvoir à Kiev et à Tel-Aviv, et de ceux qui tirent les ficelles, vous trouverez ces mêmes marionnettistes qui contrôlent l'Ukraine, Israël, les États-Unis, le Royaume-Uni et la quasi-totalité des membres de l'OTAN.
Par Pepe Escobar, le 16 février 2024, The Cradle
Au cours de mon récent voyage vertigineux dans le Donbass, où j'ai suivi des bataillons de chrétiens orthodoxes défendant leur terre, la Novorossiya, il est apparu clairement que la résistance dans ces républiques russes nouvellement libérées mène à peu près la même bataille que leurs homologues en Asie de l'Ouest.
Près de dix ans après Maïdan à Kiev et deux ans après le début de l'opération militaire spéciale de la Russie en Ukraine, la détermination de la résistance n'a fait que s'accentuer.
Il est impossible de rendre pleinement justice à la force, à la résilience et à la foi des habitants du Donbass, qui se trouvent en première ligne d'une guerre menée par procuration par les États-Unis contre la Russie. La bataille qu'ils mènent depuis 2014 s'est visiblement débarrassée de sa couverture et s'est révélée être, au fond, une guerre cosmique de l'Occident collectif contre la civilisation russe.
Comme l'a clairement indiqué le président russe Vladimir Poutine lors de son interview avec Tucker Carlson, vue par un milliard de personnes dans le monde, l'Ukraine fait partie de la civilisation russe, même si elle ne fait pas partie de la Fédération de Russie. Par conséquent, les bombardements de civils russes dans le Donbass - toujours en cours - constituent des attaques contre la Russie.
Il partage le même raisonnement que le mouvement de résistance Ansarallah du Yémen, qui décrit le génocide israélien à Gaza comme un génocide lancé contre "notre peuple" : le peuple des terres d'Islam.
Tout comme la riche terre noire de Novorossiya est le lieu où "l'ordre international fondé sur des règles" est venu mourir, la bande de Gaza en Asie occidentale - une terre ancestrale, la Palestine - pourrait finalement être le lieu où le sionisme périra. Après tout, l'ordre fondé sur des règles et le sionisme sont des constructions essentielles du monde unipolaire occidental et la clé de la promotion de ses intérêts économiques et militaires mondiaux.
Les lignes de fracture géopolitiques incandescentes d'aujourd'hui sont déjà configurées : l'Occident collectif contre l'Islam, l'Occident collectif contre la Russie, et bientôt une partie substantielle de l'Occident, même à contrecœur, contre la Chine.
Pourtant, un contre-pied sérieux est en train de se mettre en place.
Autant l'axe de la résistance en Asie occidentale continuera à renforcer sa stratégie d'"essaimage", autant ces bataillons chrétiens orthodoxes dans le Donbass ne peuvent qu'être considérés comme l'avant-garde de l'axe de la résistance slave.
Lorsque nous avons mentionné ce lien entre chiites et chrétiens orthodoxes à deux hauts commandants de Donetsk, à seulement deux kilomètres de la ligne de front, ces derniers ont souri, déconcertés, mais ont bien compris le message.
Après tout, plus que quiconque en Europe, ces soldats sont capables de saisir ce thème unificateur : sur les deux principaux fronts impériaux - le Donbass et l'Asie occidentale - la crise de l'hégémon occidental s'aggrave et son effondrement s'accélère rapidement.
L'humiliation cosmique en cours de l'OTAN dans les steppes de Novorossiya est reflétée par le combo anglo-américano-sioniste somnambule dans une plus grande conflagration à travers l'Asie occidentale - insistant frénétiquement sur le fait qu'ils ne veulent pas la guerre tout en bombardant tous les vecteurs de l'Axe de la Résistance sauf l'Iran (ils ne peuvent pas, parce que le Pentagone a joué tous les scénarios, et qu'ils sont tous voués à l'échec).
En grattant le vernis de ceux qui sont au pouvoir à Kiev et à Tel-Aviv, et de ceux qui tirent les ficelles, vous trouverez ces mêmes marionnettistes qui contrôlent l'Ukraine, Israël, les États-Unis, le Royaume-Uni et la quasi-totalité des membres de l'OTAN.
Lavrov : "Pas de perspectives" sur Israël-Palestine
Le rôle de la Russie en Asie occidentale est assez complexe - et nuancé. En surface, les couloirs du pouvoir moscovite indiquent clairement qu'Israël-Palestine "n'est pas notre guerre : Notre guerre est en Ukraine".
Dans le même temps, le Kremlin continue de se présenter comme un médiateur et un pacificateur de confiance en Asie occidentale. La Russie est peut-être la mieux placée pour jouer ce rôle : c'est une grande puissance mondiale, très impliquée dans la politique énergétique de la région, un chef de file des nouvelles institutions économiques et de sécurité mondiales, et elle entretient des relations solides avec tous les États clés de la région.
Une Russie multipolaire - avec son importante population de musulmans modérés - se sent instinctivement concernée par le sort des Palestiniens. Il y a aussi le facteur BRICS+, où l'actuelle présidence russe peut attirer toute l'attention des nouveaux membres que sont l'Iran, l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l'Égypte pour proposer de nouvelles solutions à l'énigme palestinienne.
Cette semaine à Moscou, lors de la 13ème conférence sur le Moyen-Orient du club Valdai, le ministre des affaires étrangères Sergueï Lavrov est allé droit au but, soulignant la cause, les politiques de l'hégémon, et l'effet, la poussée d'Israël-Palestine vers la catastrophe.
Il a joué le rôle de la Russie pacificatrice : nous proposons "d'organiser une réunion inter-palestinienne pour surmonter les divisions internes". Il a également montré le visage de la Russie de la Realpolitik : Il n'y a "aucune perspective de règlement israélo-palestinien à l'heure actuelle".
Un rapport détaillé de Valdai a ouvert une fenêtre cruciale pour comprendre la position russe, qui lie Gaza et le Yémen en tant qu'"épicentres de douleur".
Pour situer le contexte, il est important de rappeler qu'à la fin du mois dernier, le représentant spécial de Poutine pour les affaires de l'Asie occidentale, le vice-ministre des affaires étrangères ML Bogdanov, a reçu à Moscou une délégation d'Ansarallah dirigée par Mohammed Abdelsalam.
Des sources diplomatiques confirment qu'ils ont discuté en profondeur de tout : le sort d'un règlement global de la crise militaro-politique au Yémen, à Gaza et dans la mer Rouge. Il n'est pas étonnant que Washington et Londres aient perdu la boule.
La disparition de la question palestinienne
La table ronde la plus importante de Valdai était sans doute celle consacrée à la Palestine et à la manière d'unifier les Palestiniens.
Nasser al-Kidwa, membre du Conseil national palestinien (CNP) et ancien ministre des affaires étrangères de l'Autorité palestinienne (AP) (2005-2006), a souligné les trois positions stratégiques d'Israël, qui visent toutes à maintenir un dangereux statu quo :
Premièrement, Tel-Aviv cherche à maintenir la séparation entre Gaza et la Cisjordanie occupée.
Deuxièmement, selon Kidwa, il s'agit "d'affaiblir et de renforcer l'une ou l'autre, d'empêcher le leadership national, d'utiliser la force et uniquement la force pour supprimer les droits nationaux palestiniens et empêcher une solution politique".
Le troisième objectif d'Israël est de poursuivre activement la normalisation avec un certain nombre de pays arabes sans traiter la question palestinienne, c'est-à-dire de "faire disparaître la question palestinienne".
Kidwa a ensuite souligné la "disparition" de ces trois positions stratégiques - essentiellement parce que Netanyahou tente de prolonger la guerre "pour se sauver lui-même" - ce qui conduit à d'autres résultats probables : un nouveau gouvernement israélien, une nouvelle direction palestinienne, "qu'elle nous plaise ou non", et un nouveau Hamas.
Selon Kidwa, il existe donc quatre vastes champs de discussion : l'État de Palestine, Gaza et le retrait israélien, le changement de la situation palestinienne, un processus qui devrait être national, "pacifique" et ne comporter "aucune vengeance", et le mécanisme global à venir.
Ce qui est clair, selon Kidwa, c'est qu'il n'y aura pas de "solution à deux États". Il faudra revenir à l'essentiel, c'est-à-dire affirmer "le droit à l'indépendance nationale de la Palestine" - une question déjà ostensiblement convenue voilà trois décennies à Oslo.
En ce qui concerne le mécanisme à venir, Kidwa ne cache pas que "le Quartet est dysfonctionnel". Il place ses espoirs dans l'idée espagnole, approuvée par l'UE, "que nous avons modifiée". Il s'agit, dans les grandes lignes, d'une conférence de paix internationale en plusieurs phases, en fonction de la situation sur le terrain à Gaza.
Cela impliquera plusieurs cycles, "avec un nouveau gouvernement israélien", contraint d'élaborer un "cadre de paix". Le résultat final doit être le minimum acceptable pour la communauté internationale, sur la base des nombreuses résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies : Les frontières de 1967, la reconnaissance mutuelle et un calendrier spécifique, qui pourrait être 2027. Et surtout, il doit établir des "engagements respectés dès le début", ce que la foule d'Oslo ne pouvait pas comprendre.
Il est évident que rien de tout cela ne sera possible avec Netanyahou et l'actuelle Maison Blanche dysfonctionnelle.
Mais Kidwa admet également que, du côté palestinien, "nous n'avons pas de maestro qui réunisse ces éléments, Gaza et la Cisjordanie". Il s'agit là, bien entendu, d'une réussite stratégique des Israéliens, qui s'efforcent depuis longtemps de maintenir les deux territoires palestiniens en désaccord et qui ont assassiné tout dirigeant palestinien capable de surmonter la division.
À Valdai, Amal Abou Zeid, conseillère de l'ancien président libanais, le général Michel Aoun (2016-2022), a noté que "tout autant que la guerre en Ukraine, la guerre de Gaza a bouleversé les fondements de l'ordre régional".
L'ordre précédent était "centré sur l'économie, comme voie vers la stabilité". L'opération du 7 octobre du Hamas contre Israël a ensuite déclenché une transformation radicale. Elle a "suspendu la normalisation entre Israël et le Golfe, en particulier l'Arabie saoudite" et relancé la résolution politique de la crise palestinienne. "Sans cette résolution, a souligné Zeid, "la menace qui pèse sur la stabilité est régionale et mondiale".
Nous en revenons donc à la coexistence de deux États le long des frontières de 1967 - le rêve impossible. Cependant, Zeid a raison de dire que si le chapitre palestinien n'est pas clos, il est "impossible pour les Européens d'avoir des relations normales avec les nations méditerranéennes. L'UE doit faire avancer le processus de paix".
Personne, de l'Asie occidentale à la Russie, ne retient son souffle, d'autant plus que "l'extrémisme israélien prévaut", que l'Autorité palestinienne souffre d'un "manque de leadership" et qu'il y a une "absence de médiation américaine".
Vieilles idées contre nouveaux acteurs
Zaid Eyadat, directeur du Centre d'études stratégiques de l'Université de Jordanie, a tenté d'adopter une "perspective rationaliste". De "nouvelles dynamiques" sont en jeu, a-t-il soutenu, affirmant que "la guerre dépasse largement le Hamas et la bande de Gaza".
Mais les perspectives d'Eyadat sont sombres. "Israël est en train de gagner", insiste-t-il, contredisant l'ensemble de l'axe de résistance de la région et même la rue arabe.
Eyadat souligne que "la question palestinienne est de nouveau sur le devant de la scène, mais sans la volonté d'une solution globale. Les Palestiniens seront donc perdants".
Pourquoi ? À cause d'une "faillite des idées". Comme dans "comment transformer quelque chose d'intenable en quelque chose de plus raisonnable". Et c'est "l'ordre fondé sur des règles" qui est au cœur de ce "déficit moral".
C'est le genre de déclarations d'antan qui sont en contradiction avec les visionnaires mutlipolaires et résistants d'aujourd'hui. Alors qu'Eyadat s'inquiète de la concurrence entre Israël et l'Iran, d'un Tel-Aviv extrémiste et incontrôlé, des divisions entre le Hamas et l'Autorité palestinienne, et des États-Unis qui poursuivent leurs propres intérêts, ce qui manque dans cette analyse, c'est l'arène terrestre et l'essor du multipolarisme à l'échelle mondiale.
L'"essaim" de l'axe de la résistance en Asie occidentale vient à peine de commencer et possède encore un grand nombre de cartes militaires et économiques qui n'ont pas encore été jouées. L'axe de la résistance slave se bat sans relâche depuis deux ans et c'est seulement maintenant qu'il commence à entrevoir une lumière possible, liée à la chute d'Adveevka, au bout du tunnel (boueux).
La guerre de la résistance est une guerre mondiale, qui se joue - jusqu'à présent - sur deux champs de bataille seulement. Mais les États qui les soutiennent sont des joueurs redoutables sur l'échiquier mondial actuel et accumulent lentement les victoires dans leurs domaines respectifs. Tout cela alors que l'ennemi, l'hégémon, est en chute libre sur le plan économique, n'a pas de mandats nationaux pour ses guerres et n'offre aucune solution.
Que ce soit sur le sol noir et boueux du Donbass, sur les rives méditerranéennes de Gaza ou sur les principales voies maritimes du monde, le Hamas, le Hezbollah, le Hashd al-Shaabi et Ansarallah prendront tout le temps nécessaire pour transformer les "épicentres de douleur" en "épicentres d'espoir".
Les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas nécessairement celles de The Cradle.
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