❖ Voix gazaouies & voix du monde pour ne pas oublier les Palestiniens (2)
Le "non au génocide" n'est pas une option. En l'absence d'une prise de conscience radicale & immédiate par des soulèvements de masse à travers le monde, le mot "génocide" sera notre épitaphe.
L'armée d'occupation israélienne a volé la sculpture du cheval de Jénine et l'a emportée en Israël.
Ce cheval est l'œuvre de l'artiste allemand Thomas Kilpper, réalisée à partir des restes d'une ambulance ciblée par l'occupation à Jénine en 2002.
Lien Twitter X ميلاد Melad
https://x.com/m9l6/status/1835401002121654437
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POÈME
Sous les décombres
Que se passe-t-il si votre maison est bombardée
et que vous êtes enterré vivant sous les décombres ?
Des éclats de remblai pèsent lourdement sur vos yeux.
Le temps, est votre ennemi :
Tic-tac, tic-tac
Sous le trou béant du plafond de votre chambre,
que vous aviez peint de couleurs vives,
votre corps frêle lutte pour pouvoir bouger.
Tic-tac, tic-tac
Un silence figé - comme si
comme si vous étiez pris,
pris dans un piège
au milieu d'une forêt inaccessible.
Quelqu'un tentera-t-il de vous secourir ?
Vous n'entendez rien d'autre que l'écho de votre respiration effrénée.
Vos mains désespérées se mettent à tâtonner.
Vos doigts s'approchent de votre œil entrouvert et
et sentent le sang couler tel l'encre s'échappant d'un encrier.
Tic-tac, tic-tac
L'obscurité est partout, aucune ombre.
Vous voulez crier
mais votre voix reste étouffée dans votre gorge.
Tic-tac, tic-tac
Vos oreilles ne détectent aucun son.
Vos larmes, mêlées de sang, dégoulinent de vos yeux
qui se referment lentement.
Tic-tac, tic-tac
Le soleil ne se lèvera pas aujourd'hui,
ni ne se couchera.
Tic-tac,
tic tac,
tic-t
- Lubna Ahmad Abu Dahrouj, étudiante palestinienne qui vit dans la bande de Gaza. Elle aime écrire en anglais et se passionne pour la poésie.
"Je prie Dieu jour et nuit pour que je devienne une poète mémorable, car je veux qu'on se souvienne de moi pour avoir fait quelque chose de bien dans ma vie", dit-elle. Elle aspire à devenir traductrice et rêve d'obtenir un master dans une université britannique.
https://wearenotnumbers.org/under-the-rubble/
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SOMMAIRE :
Voix du monde
1 - Ex-otage de la Résistance palestinienne, je refuse de soutenir un génocide - Catherine Hodes
2 - "Notre âme est ici" - Cara MariAnna
3 - La Palestine nous définit - Tom Suarez
Voix palestiniennes
4 - Lettre d'amour à Gaza : réflexions depuis l'exil - Yasmin Abusayma
5 - "Jusqu'à notre dernier souffle" - Sharif Abdel Kouddous
6 - Grandir en temps de guerre - Shahd Ahmad Alnaami
7 - Euro-Med documente les fosses communes aléatoires les plus importantes à Gaza à la lumière du génocide en cours - Counter Currents
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Pour rappel, vous pouvez retrouver le premier volet Voix gazaouies & voix du monde pour ne pas oublier la Palestine (1).
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1- Ex-otage de la Résistance palestinienne, je refuse de soutenir un génocide
Le seul moyen de mettre fin à ce cauchemar récurrent est de reconnaître la culpabilité d'Israël et d'y faire face, et non de recourir à la vengeance.
Par Catherine Hodes, le 18 septembre 2024, Truthout
J'ai été prise en otage en 1970, à l'âge de 13 ans, au milieu d'événements mondiaux qui dépassaient mes capacités de compréhension, détenue avec ma jeune sœur pendant une semaine dans des conditions difficiles. Tout a commencé lorsque le Front populaire de libération de la Palestine a réquisitionné notre avion peu après notre départ de Francfort, une escale de notre voyage d'Israël à New York, où nous vivions. J'avais rendu visite à des parents proches à Tel Aviv six fois dans ma courte vie, généralement pendant les vacances d'été. Ce voyage de retour a commencé comme tous les autres, mais s'est rapidement transformé en une odyssée traumatisante, qui a commencé par les cris des passagers lorsqu'un homme s'est précipité vers le cockpit en brandissant une arme.
Plusieurs heures terrorisantes plus tard, nous avons atterri dans le désert de Jordanie en tant que captifs. Par le hublot de l'avion dans lequel nous étions piégés, je pouvais voir des camions équipés de mitrailleuses, des tentes et des fournitures, ainsi que des individus portant treillis et keffiehs. Deux autres avions détournés ont atterri à côté de nous. Le lendemain, j'ai vu de la dynamite dans la cabine de l'avion ; un homme à l'ai sérieux m'a interrogé sur les raisons de mon séjour en Israël et m'a demandé de me défaire de mon passeport américain. J'avais chaud, j'étais sale, j'avais faim et peur. Je me suis concentrée sur ma jeune sœur qui semblait engourdie et pâle de choc. Durant mes jours passés dans le désert, les passagers juifs ont été séparés et un groupe restreint de non-Juifs libéré. Les bébés pleuraient, les passagers priaient, y compris ceux qui portaient des Tefillin (objets de culte propres au judaïsme) dans les allées, se balançant en priant. Les commandos palestiniens en charge des avions ont apporté des médicaments aux otages malades, joué à la corde à sauter avec les enfants, nourri des centaines de personnes et nous ont raconté leurs histoires (qualifiées de propagande par les médias).
Ma sœur et moi avons été libérées six jours après le début de notre épreuve. Avec la plupart des autres otages (certains sont toutefois restés captifs), nous avons été conduits dans de petits camions à travers le désert, vers la ville d'Amman, puis transférés par avion à Chypre pour y être traités, avant d'être finalement ramenés chez nous, auprès de notre famille, de notre école et de nos amis. Malgré les cauchemars et les perturbations, il ne m'est jamais venu à l'esprit que quelqu'un devait payer pour ce qui nous était arrivé. Je me suis au contraire demandé pourquoi cela s'était produit.
J'avais été élevée dans une famille juive laïque, sans Bat Mitzvah, sans plantation d'arbres en Israël et ne célébrant Pessah que lorsqu'on m'invitait aux Seders des autres. Mais comme la plupart des juifs new-yorkais ayant des racines dans l'Europe ashkénaze, j'ai assimilé la notion d'État juif aussi naturellement que le fait de boire de l'eau ou de respirer. Les visites que j'ai rendues dans mon enfance à des parents israéliens étaient synonymes de plages, d'aventures, de bons repas, d'une nouvelle langue et d'enfants avec qui courir et jouer. J'étais également consciente de la présence de parents en treillis militaire portant des armes, de la pose de ruban adhésif sur les fenêtres et des indications concernant les abris antiatomiques ; des choses auxquelles un jeune enfant n'aurait peut-être pas pensé trop profondément. Mais bien sûr, j'ai grandi, j'ai commencé à me souvenir de ces images et à y réfléchir.
Je me souviens parfaitement d'une discussion que j'ai eue dans ma vingtaine avec un ami proche, lui aussi juif, qui affirmait que l'Holocauste exigeait la création de l'État d'Israël. Bien qu'à l'époque, je n'aurais pu discuter du concept alternatif de diaspora juive, je me souviens avoir dit : "Pourquoi la création d'un lieu sûr pour les Juifs signifie-t-elle nous rassembler tous dans une petite zone, comme si d'autres lieux ne devaient pas être sûrs pour nous ? Et pourquoi les habitants de cette région, qui n'ont rien à voir avec l'Holocauste, doivent-ils être éradiqués ? Comment la sécurité des Juifs peut-elle conduire à la destruction de tout un autre peuple ?".
Plus tard, j'ai approfondi mes connaissances. J'ai appris que les pirates de l'air qui retenaient 300 otages dans trois avions dans le désert n'étaient pas des fanatiques religieux. Le Front populaire de libération de la Palestine était un groupe laïc à l'idéologie marxiste-léniniste, dont l'objectif était d'établir un État palestinien démocratique et socialiste. Il s'agissait de révolutionnaires politiques, qui cherchaient à obtenir justice, à se faire entendre et à rentrer chez eux. Mais ce n'est que lors de la seconde Intifada, en 2000, qui m'a permis de comprendre les provocations et les agressions perpétrées par Israël, son objectif de saper un État palestinien indépendant en multipliant les colonies armées et illégales, en provoquant de plus en plus de morts parmi les civils et en rasant des milliers de fermes et d'habitations. Le meurtre de l'Américaine Rachel Corrie en 2003, ainsi que les violentes représailles d'Israël à l'encontre des Palestiniens protestant contre l'injustice, ont encore renforcé la raison pour laquelle j'avais été pris en otage 30 ans plus tôt - un minuscule acteur dans un paysage vaste et sanglant d'occupation, de colonialisme et de génocide, que je commençais douloureusement à saisir.
Six otages ont été retrouvés morts dans un tunnel le 1er septembre dernier. J'ai le cœur brisé pour les otages d'aujourd'hui. Je sais ce que mes parents ont enduré pendant ma captivité. Ce que les familles des otages d'aujourd'hui endurent est indescriptiblement douloureux. Trouveront-elles du réconfort dans la mort de dizaines de milliers de personnes au nom de leurs proches ? Mon propre père voulait se rendre en Jordanie pour nous libérer. Notre captivité a certes été très éprouvante. Mais jamais il n'a exprimé de désir de vengeance ou de représailles. Les seuls mots dont je me souvienne étaient des expressions de tristesse face à l'insolubilité de la politique mondiale et au nombre toujours croissant de personnes tuées en Palestine. L'expérience angoissante de la prise d'otage me fait entrer en résonance avec le verrouillage de la bande de Gaza, ces familles qui y sont piégées et les Palestiniens pris en otage par la politique israélienne et détenus dans les geôles israéliennes.
À 13 ans, je pensais que les États-Unis seraient capables de larguer des bombes sur les pirates de l'air qui nous détenaient. En fait, des années plus tard, j'ai appris que c'était le plan de Nixon, découragé par Melvin Laird, son secrétaire à la défense. Enfant, j'avais autant peur des bombes américaines que des explosifs de mes ravisseurs. Il n'y avait pas de différence. Je ne voulais pas mourir, je ne voulais pas que quelqu'un meure. Je voulais rentrer chez moi, retrouver ma famille, ma communauté. D'après mon expérience comme celle des otages israéliens actuels et de leurs familles, les appels à la vengeance et à la force écrasante créent un danger supplémentaire et ne font qu'intensifier les conditions qui ont causé la prise d'otages en premier lieu.
Les Juifs ne trouveront jamais la sécurité ni ne respecteront nos valeurs en revendiquant une petite et ancienne bande de terre, non pas déserte et mal-aimée comme l'ont affirmé les sionistes, influencés par les colonisateurs européens, mais peuplée de personnes, de fermes et de villages qui portent des noms. Les Juifs ont leur place partout. Partout où nous vivons, partout où nous apportons notre contribution, y compris là où nous avons été exilés et assassinés. Vivre en diaspora tout en gardant le contact avec notre culture et notre identité est la façon dont les Juifs ont traversé les millénaires en conservant intactes leurs valeurs et leur humanité.
Sans le génocide perpétré en notre nom au cours des 75 dernières années, peut-être vivrions-nous également en paix et de manière productive en Palestine.
Catherine Hodes vit actuellement dans l'ouest du Massachusetts où elle travaille avec des victimes de violences domestiques.
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Cet article est placé sous licence Creative Commons (CC BY-NC-ND 4.0), et libre de le partage et de republication selon les termes de la licence.
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2- "Notre âme est ici"
La judaïsation de Jérusalem.
Par Cara MariAnna, artiste et écrivaine, le 30 août 2024, Substack de l'auteure
30 août - Un taxi m'a déposé dans une rue animée à l'extérieur de la porte de Jaffa, près de la vieille ville de Jérusalem. Il fait déjà nuit. Je venais d'arriver à l'aéroport Ben-Gourion pour commencer à travailler sur "Palestinian Voices". Fatiguée par le voyage et transpirant abondamment sous la chaleur, j'ai traîné ma valise sur le pavé de pierre rugueux et à travers l'arche massive qui encadre l'ancien portail.
C'était la semaine de la Pâque. Tout autour de moi, des groupes familiaux de Juifs affluaient dans la ville et se dirigeaient vers le Mur occidental. Les femmes portaient des jupes et des mitpachats (ndr : turban porté par les femmes juives), nombre d'entre avec des poussettes. Les hommes étaient vêtus de costumes noirs. Les enfants portaient eux aussi des vêtements sombres. Le vacarme incessant était saisissant.
Quelque part devant moi se trouvait le New Imperial Hotel, "juste derrière la porte de Jaffa", d'après la description du site booking.com. Mais où ? J'avançai timidement cherchant une enseigne d'hôtel. Alors que je m'enfonçais dans la vieille ville, un homme sortit de l'obscurité et s'approcha.
"New Imperial Hotel ?", me demanda-t-il.
"Oui", répondis-je, encore plus troublée.
"Par ici". Il a pris ma valise.
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Jacob m'avait remarqué dans l'ombre alors qu'il s'affairait à fermer son chariot de jus de fruits. Arabe israélien chrétien, il était tout désigné pour jouer le rôle du bon samaritain. Avec la dignité tranquille que je reconnaîtrais aux nombreux Arabes rencontrés tout au long de mon voyage, il m'a escorté dans une ruelle sombre jusqu'à la porte d'entrée de mon hôtel.
"Savez-vous où je peux trouver un falafel pour le dîner ?", lui ai-je demandé avant d'entrer dans le hall. Il m'a répondu : "Retrouvez-moi ici dans dix minutes. Je t'emmènerai manger un shawarma", un wrap moyen-oriental farci de viande marinée grillée et garni d'un assortiment de légumes.
Dix minutes plus tard, son chariot de jus de fruits lavé et fermé pour la nuit, Jacob et moi nous sommes rendus à pied dans les quartiers arabes, juste à l'extérieur de la porte de Damas. Il m'a accompagnée dans un restaurant arabe typiquement animé - à peine plus qu'un trou dans le mur avec un long comptoir, une rangée de condiments et une glacière avec des bouteilles d'eau et des boissons non alcoolisées. Il a pris un shawarma. J'ai mangé un falafel.
Plus tard, alors que nous parcourions le long chemin du retour à l'hôtel, Jacob m'a montré comment utiliser les transports publics locaux et m'a indiqué le distributeur automatique de billets le plus proche offrant les meilleurs taux de change. Aux États-Unis, un tel déploiement de gentillesse aurait suscité la méfiance. J'ai surtout ressenti curiosité et gratitude.
Au cours des jours suivants, j'ai eu l'occasion de rendre visite à Jacob et de l'observer dans son travail, et j'ai compris que son attention aux autres, sa serviabilité et sa générosité étaient des expressions naturelles de sa foi chrétienne.
Et plus encore, maintenant que j'y pense : Ces mêmes qualités étaient une affirmation de sa propre humanité et de sa valeur. Et donc aussi un acte profond de résistance à sa condition de citoyen de seconde zone au sein de "l'État juif", ainsi qu'à l'hostilité et à la violence omniprésentes qui entourent la Ville sainte. Jacob n'a pas professé ses croyances, il les a incarnées.
Lorsque j'étais à Jérusalem et que je me préparais à passer en Cisjordanie, je passais devant le chariot de Jacob plusieurs fois par jour en allant et en revenant de l'hôtel. Les vendeurs de jus de fruits sont courants dans la vieille ville de Jérusalem, mais les préparations colorées de Jacob étaient tout sauf ordinaires : betterave, gingembre, curcuma, carotte, pomme, navet. De la grenade pure. J'en ai commandé plusieurs par jour.
"Faire le jus le plus sain possible est une façon d'aider les gens", explique-t-il, alors que nous sommes assis à l'ombre de l'allée par une chaude après-midi. "C'est ce que je suis censé faire en tant que chrétien. Aider les gens. C'est le travail auquel Dieu me destine".
Le chariot de jus de Jacob se trouvait à l'entrée de la ruelle du New Imperial, à l'autre bout de laquelle son frère tenait un restaurant qui débouchait sur une petite place. Tout en s'occupant de son propre commerce, Jacob aidait fréquemment au restaurant. Les deux frères se débattaient en plein marasme d'une économie qui s'est plus ou moins effondrée depuis que les Israéliens ont imposé des restrictions paralysantes aux mouvements des Palestiniens de Cisjordanie, tout en renforçant simultanément le système d'apartheid en Israël, à la suite des événements du 7 octobre.
Il était difficile de posséder une entreprise dans la vieille ville. Les commerçants arabes, tributaires du tourisme, s'étaient progressivement remis de la dévastation économique causée par la pandémie de Covid avant le 7 octobre. Le tourisme avait repris, mais depuis l'éclatement de la crise de Gaza, il s'est à nouveau arrêté. De nombreux commerçants parviennent à peine à survivre.
Mon hôtel, comme je l'ai découvert le lendemain, était presque vide de clients.
Idéalement situé - et à un prix abordable dans une ville notoirement chère - le New Imperial Hotel est l'un des préférés des touristes de Terre Sainte venus des États-Unis et d'Europe. D'épais murs de pierre assurent fraîcheur et confort à l'intérieur de l'hôtel, alors que les journées dépassent les 35 degrés. Des photographies et des gravures accrochées au hasard sur les murs représentent la vieille ville avant la Nakba. Les détails historiques confèrent à l'hôtel, vieillissant et désuet, un air de dignité et de grâce. Ma chambre, la n° 7, à peine assez grande pour un lit qui occupait la plus grande partie de l'espace, donne directement sur la porte de Jaffa. Ayant choisi l'hôtel à l'aveuglette sur Internet, je n'aurais pu être mieux placée.
Le matin de mon arrivée, je suis allée prendre mon petit-déjeuner dans la salle à manger de l'hôtel et j'ai expliqué l'objet de ma visite à une belle femme arabe d'âge moyen qui se trouvait derrière le comptoir de la réception.
"Je suis écrivaine", ai-je expliqué. "Je suis venue ici pour en savoir plus sur la vie des Palestiniens sous l'occupation".
Son visage était réservé et impossible à lire. Les Arabes israéliens n'ont jamais cessé d'être ou de s'identifier comme étant des Palestiniens. Mais ils sont forcément prudents. Une seule erreur peut conduire un Arabe en prison. J'ai l'intention de publier une série d'articles dans le cadre d'un projet intitulé "Palestinian Voices".
"Vous devriez parler à mon père", a-t-elle suggéré. "Il sera dans son bureau à dix heures". Elle indiqua une porte fermée à gauche de la réception. "Il gère l'hôtel".
Peu après dix heures, je frappai à une porte en bois usée et parfaitement cirée, légèrement entrouverte. Derrière le bureau, un Arabe a levé les yeux et a souri : "Entrez, je vous en prie". Il avait une vingtaine d'années et n'était manifestement pas le père de la femme que je venais de rencontrer.
Je suis entrée dans le bureau et j'ai pénétré au cœur d'une véritable histoire byzantine de corruption, d'escroquerie et de vol de terres.
Un homme d'environ 70 ans s'est levé pour m'accueillir. Ses cheveux étaient blancs et son visage très marqué. Il s'était assis à un petit bureau niché dans un coin de la pièce et sur lequel s'entassaient une multitude de papiers. Bien qu'il paraisse fatigué - j'ai appris plus tard qu'il dormait rarement - son expression dégageait du caractère et son sourire chaleureux rejoignait son regard.
"Soyez la bienvenue. Je m'appelle Abu el-Walid Dajani. Je suis le père de Rania", m'a-t-il dit en parlant du concierge, "et voici mon neveu, Adi Dajani". Il a fait un geste vers le plus jeune. "Je vous en prie, asseyez-vous ici", me dit Abu el-Walid Dajani en me faisant signe de m'asseoir.
Comme l'histoire que je vais raconter a été largement rapportée au fil des ans dans la presse israélienne et européenne, mais rarement aux États-Unis - le New York Times n'a parlé du scandale qu'une seule fois, lorsqu'il a éclaté pour la première fois en 2005 -, je cite ici des noms authentiques.
Je me suis présentée en retour etai expliqué la raison de mon voyage en Palestine. Sans la réserve dont sa fille avait fait preuve, Abu el-Walid Dajani a entamé un récit qui s'est étalé sur plusieurs jours d'une conversation qui m'a donné le vertige.
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"Notre famille possédait de nombreux biens et maisons à Jérusalem avant 1948. Tout a été détruit et nous a été enlevé. Lorsque les violences ont commencé, nous nous sommes réfugiés dans la vieille ville. Les Israéliens pensaient que nous ne survivrions pas, mais notre âme est ici".
L'ancien Dajani parlait d'une voix grave et avec un accent arabe mélodieux que j'ai appris à reconnaître au cours de mes voyages. Son anglais était parfait.
"En 1949, après la Nakba, mon père a loué cet hôtel à l'Église orthodoxe grecque. Le patriarcat grec était le deuxième propriétaire foncier d'Israël. L'Église possède encore un millier de maisons et de magasins dans la vieille ville. Y compris cet hôtel".
Dajani fait une pause dans son récit. "Voulez-vous un café ?" a-t-il demandé. Par respect pour la culture palestinienne de l'hospitalité, je n'ai jamais refusé un café arabe, ni d'ailleurs quoi que ce soit d'autre qui m'était proposé, que je le veuille ou non. Mon "oui" de ce matin-là a établi une habitude que j'allais conserver tout au long de mes voyages.
Mon hôte est revenu quelques minutes plus tard avec un plateau sur lequel se trouvaient trois tasses d'expresso. Il l'a posé, a allumé une cigarette et a poursuivi son récit.
"En 2005, j'ai reçu une lettre des avocats d'une société dont je n'avais jamais entendu parler. Il s'agissait de la Richard Martin Corporation, située dans les îles Vierges. La lettre identifiait cette société comme le détenteur légal du bail. Elle disait que j'avais besoin d'un nouveau contrat pour le bail de notre famille sur l'hôtel".
La Richard Martin Corporation s'avérera plus tard être une société écran servant de façade à une organisation de colons israéliens d'extrême droite.
Pour Abu el-Walid Dajani, homme d'affaires avisé qui avait géré l'hôtel avec succès pendant des décennies, cette lettre n'avait aucun sens sur le plan juridique. Le bail des Dajani, datant de 1950, était conclu avec l'Église orthodoxe grecque.
"Les avocats m'ont dit qu'ils m'accorderaient un nouveau bail, mais seulement si je pouvais prouver au tribunal que notre contrat initial avec l'Église était légitime. Ce fut le premier signe des problèmes à venir et le début de près de deux décennies de batailles juridiques."
La famille Dajani, qui est musulmane, a une longue histoire en tant que gardienne de la Terre sainte. Au 16ème siècle, le souverain ottoman Soliman le Magnifique a proclamé le cheikh Ahmed Dajani et ses descendants gardiens héritiers de la tombe du roi David sur le mont Sion. Cette décision a été prise par décret afin de mettre un terme aux violences qui éclataient périodiquement entre chrétiens et juifs pour le contrôle du site.
En reconnaissance de cet honneur, le nom Daoudi a été ajouté à Dajani. Pendant quatre siècles, la famille Dajani Daoudi s'est occupée du tombeau, responsabilité à laquelle elle a été contrainte de mettre fin en 1948, lorsque le nouvel État sioniste s'est emparé du site.
La famille a ensuite pris en charge la garde du Nouvel Hôtel Impérial.
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À l'insu d'Abu el-Walid Dajani et de l'ensemble de la communauté palestinienne, y compris les chrétiens grecs, l'Église grecque a discrètement vendu des terres et des baux à des organisations juives de droite. Ces ventes constituaient une sorte de façade commerciale dans le cadre de la dépossession continue des terres palestiniennes et de l'intensification de la judaïsation de Jérusalem, y compris la vieille ville.
Il y a dix ans à peine, le tombeau du roi David a été vandalisé à plusieurs reprises dans le cadre d'un processus continu de judaïsation des lieux saints et d'effacement de toute présence musulmane. Il s'agit désormais d'une synagogue juive. La vente secrète du bail des Dajanis sur le Nouvel Impérial à une organisation de colons israéliens d'extrême droite, Ateret Cohanim, a été un coup dur pour le quartier chrétien de la Vieille Jérusalem, qui a dorénavant perdu sa présence historique à la Porte de Jaffa, l'entrée principale de la Vieille Ville.
Comme l'a rapporté le Times of Israel, en juin 2022 :
En 2004, dans des circonstances fortement contestées, le Patriarcat, qui possède le bâtiment [le New Imperial Hotel] et le terrain sur lequel il a été construit, a vendu des baux à long terme pour l'Imperial Hotel (pour 1,25 million de dollars), le Petra Hostel voisin (500 000 dollars) ainsi qu'une troisième propriété dans le quartier chrétien appelée Muzamiya House (55 000 dollars) à trois sociétés écrans enregistrées dans les îles Vierges britanniques et liées à l'Ateret Cohanim.
Ateret Cohanim est une organisation religieuse sioniste qui s'est engagée à installer des Juifs dans des bâtiments appartenant à des non-Juifs dans la vieille ville et ses environs.
Les baux ont été vendus pour une fraction de leur valeur réelle. Personne ne saura jamais avec certitude pourquoi. Mais la cupidité et la vénalité ont certainement joué un rôle.
"Ce fut une transaction foncière réalisée en pleine nuit", a dit Dajani.
Il n'a pas hésité à donner son avis sur les raisons qui ont poussé l'Église à vendre trois baux de grande valeur pour une bouchée de pain. Lors d'une conversation de suivi le lendemain, Dajani a fait allusion à la faiblesse humaine et à l'appétit des hommes qui les rend vulnérables à la manipulation. Il n'a pas employé ces mots, mais je vais le faire : corruption, chantage et intimidation. En dehors de la corruption et du chantage - ce dernier étant une tactique israélienne bien établie - il n'y avait aucune raison démontrable, ni aucun avantage, pour que l'Église cède essentiellement les baux.
Il n'y a aucun doute quant à l'intimidation officielle, sans parler de l'intimidation officieuse, qui a eu lieu. Comme l'a rapporté NPR en 2017, l'Église a subi des pressions croissantes de la part des tribunaux et du gouvernement israéliens, avec des menaces d'amendes de plusieurs millions de dollars et d'expropriation d'un monastère historique, pour qu'elle vende des terrains supplémentaires, dont une grande partie dans des quartiers très convoités. Tout cela est évoqué dans un rapport de 2017 de la NPR :
... ces dernières années, les dirigeants de l'église ont discrètement vendu plusieurs propriétés à des investisseurs anonymes, par l'intermédiaire de sociétés enregistrées dans des paradis fiscaux très éloignés. Des hommes d'affaires israéliens et juifs ont ensuite été identifiés comme étant certains des acheteurs.
Et encore,
D'autres propriétés de l'église ont été vendues, soit pour générer des revenus, soit pour se débarrasser de propriétés qui avaient causé des problèmes à l'église, a-t-il [un fonctionnaire] déclaré. L'une d'entre elles a été vendue après que l'église a été jugée en violation du bail et qu'un tribunal israélien lui a ordonné de payer des millions de dollars de dommages et intérêts, menaçant même Israël d'exproprier un monastère grec orthodoxe situé dans une partie politiquement sensible de Jérusalem-Est, a poursuivi le fonctionnaire.
Ateret Cohanim, l'investisseur qui a acquis anonymement le bail de Dajani - dont une grande partie du soutien et du financement provient de riches juifs américains - est une organisation ouvertement raciste et suprémaciste juive qui prône la judaïsation de la vieille ville de Jérusalem. Sur son site Internet, le groupe se présente comme "la principale organisation de récupération des terres urbaines à Jérusalem, qui travaille depuis plus de 40 ans à restaurer la vie juive au cœur de l'ancienne Jérusalem".
La "récupération" et la "rédemption" des terres, comme les Israéliens appellent ces opérations, sont des euphémismes bien établis utilisés depuis la Nakba pour décrire la confiscation de terres palestiniennes par les Juifs - par la violence, les colonies illégales ou les achats quasi-légaux, tels que l'accord sournois qui a exproprié Abu el-Walid Dajani de son bail à long terme. Nous sommes témoins de violences et d'agressions armées quotidiennes en Cisjordanie. Il s'agit d'une variante, menée de manière tout aussi virulente, mais à l'abri des regards et sur le papier.
Le contrat des Dajani avec l'Église accordait à la famille un bail de 99 ans débutant en 1950, avec une clause tacite de reconduction. Ils bénéficiaient également d'une "occupation protégée" en vertu de la législation israélienne adoptée en 1972. Mais qu'importe. Les tribunaux israéliens, profondément corrompus par les pressions politiques et l'idéologie sioniste, statuent invariablement contre les Palestiniens.
Abu el-Walid Dajani a mené son combat juridique jusqu'à la Cour suprême qui, sans surprise, a statué, en 2022, en faveur d'Ateret Cohanim. La famille Dajani risque aujourd'hui d'être expulsée de l'hôtel et de devoir payer des arriérés de loyer (jusqu'en 2004), soit un total de 10 millions de shekels (2,9 millions de dollars américains), à Ateret Cohanim, les propriétaires légalement reconnus du bail. Ils doivent également faire face à la saisie de tous les comptes bancaires de chaque membre de la famille. En un mot, la ruine totale d'une branche de l'une des familles arabes les plus importantes de Jérusalem depuis des siècles.
Leur défaite au tribunal est plus qu'une tragédie pour une famille palestinienne. Comme me l'a dit Dajani le jour où nous nous sommes entretenus dans son bureau, "c'est une perte pour l'héritage chrétien de la porte de Jaffa". Abu el-Walid Dajani prend cette perte très à cœur. C'est l'une des raisons pour lesquelles il ne dort pas la nuit.
Le bureau d'Abu el-Walid Dajani est un véritable mémorial de son combat pour la justice. Il est truffé de photographies de lui en compagnie des patriarches grec et jordanien et des nombreux fonctionnaires rencontrés au cours des deux décennies ou presque durant lesquelles il a mené cette bataille - dans la presse et devant les tribunaux israéliens corrompus - pour protéger les quartiers chrétiens de la vieille ville et mettre un terme à l'effacement incessant de l'histoire et de l'héritage chrétiens et musulmans.
La Nakba n'a jamais pris fin. La dépossession des terres palestiniennes se poursuit en Cisjordanie, à Jérusalem et partout où les Palestiniens vivent et possèdent encore des maisons et des terres. Israël ne s'arrêtera pas tant que l'effacement des Arabes ne sera pas complet et qu'il n'y aura plus de terres à voler.
Quatre générations de Dajanis ont géré, habité et travaillé dans le célèbre hôtel où j'ai séjourné à mon arrivée. Le New Imperial est l'un des plus anciens de la ville fortifiée. Ce que feront les Dajanis lorsqu'ils seront expulsés sera une autre histoire. Abu el-Walid Dajani ne se prononce pas sur l'avenir. "Nous sommes sous la protection de Dieu".
📰 Lien de l'article original :
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3- La Palestine nous définit
Par Tom Suarez, le 8 septembre 2024, Mondoweiss
Les citoyens des nations du passé qui se sont livrées à des génocides se réveillaient chaque matin en se concentrant sur les défis de la vie quotidienne, et non sur ceux des peuples que leurs dirigeants massacraient. Les victimes pouvaient se trouver sur plusieurs continents ou au sein d'une même population, de sorte que la conscience du massacre variait, mais la propagande et la déshumanisation étaient le baume omniprésent pour les consciences embarrassées et pour assurer une couverture politique. Ceux qui s'élevaient au-dessus du lavage de cerveau étaient limités dans leur capacité à défier leurs dirigeants, et devaient faire face à des conséquences - souvent brutales - s'ils le faisaient.
Pourtant, à des degrés divers, la postérité a tenu le pays dans son ensemble pour moralement responsable. Quelles que soient les circonstances atténuantes, la postérité a jugé le "nous ne savions pas" avec scepticisme.
Imaginez-vous donc, en tant que doctorant en histoire en 2124, en train de rechercher les archives de cette tache sombre sur l'ancien Empire occidental connue simplement sous le nom de génocide palestinien. Que trouveriez-vous ?
Le génocide actuel n'est pas perpétré par une nation renégate individuelle, ni par un empire au sens traditionnel du terme, mais par un consortium dirigé par les États-Unis. Nous aussi, citoyens du consortium, nous nous réveillons chaque matin avec nos propres problèmes, pas avec ceux des peuples qui sont massacrés en notre nom. Nous aussi, nous sommes manipulés par une propagande raciste destinée à faire de nous des complices volontaires de ce crime consommé, depuis les mensonges grossiers de Fox News jusqu'à la manipulation insidieuse du New York Times et l'arrogance bien-pensante de PBS. Et nous aussi, nous sommes prisonniers des structures de pouvoir dans lesquelles nous vivons.
Mais il y a une différence qualitative entre les génocides du passé - la Belgique assassinant les Congolais, les Ottomans les Arméniens, les Nazis les Juifs et bien d'autres - et celui d'aujourd'hui, le meurtre ou l'effacement de toute personne qui n'est pas juive dans la Palestine historique. Nous ne pouvons prétendre à aucune équivoque. Ce génocide nous appartient de plein droit. Et aussi impitoyable que puisse être le retour de bâton, s'y opposer n'est pas une condamnation à mort, comme c'était le cas, par exemple, dans l'Allemagne des années 1930.
Contrairement aux génocides passés, nous regardons le nôtre se dérouler en temps réel sur nos téléphones. Mais nous assistons à notre génocide depuis le début. L'État israélien est fondé sur une idéologie suprématiste dont la fin inévitable est le génocide, ses hommes politiques les plus francs confirment sans détour cette intention, et l'histoire de l'État est une preuve continue, ininterrompue, depuis 76 ans.
Mais nous - le soi-disant "Occident" et surtout les États-Unis - restons passifs à travers l'illusion de la liberté et de la démocratie, et du sentiment d'assurance morale qu'elles procurent. Quels que soient nos défauts, nous sommes une société ouverte et moderne, guidée par un débat éclairé et une structure politique fondée sur le droit.
Pour nous plonger dans cette illusion, nous autorisons la liberté d'expression dans un spectre artificiel calibré pour exclure tout ce qui est susceptible de la remettre en cause. Alors que les Palestiniens sont massacrés, nous nous réjouissons de pouvoir dire tout ce que nous voulons, d'un extrême à l'autre de ce spectre artificiel. La vérité qui se trouve au-delà n'est pas censurée en soi ; elle n'existe tout simplement pas. Le fait que ceux qui s'aventurent à ses limites les plus élevées soient victimes d'abus et de carrières détruites sous la hache de guerre de l'"antisémitisme" confirme l'illusion que leurs propos se situaient aux limites de ce qui pouvait être.
Ainsi, pendant 76 ans, nous avons été occupés à braver ce plafond prescrit. Nous parlons des actions d'Israël, de ce que l'État fait, déplorant les ravages de la maladie tout en protégeant la maladie elle-même. Les pourvoyeurs de génocide sont ravis, car il est impossible de parler de sa cause réelle - l'existence de l'État israélien lui-même, un État dont le fondement même est génocidaire.
Nous nous engageons dans notre système politique avec la même malhonnêteté, un monopole bipartite présenté comme une "démocratie". Quel genre de génocide préférez-vous ? Préférez-vous le génocide Woke, ou la menace de la démocratie elle-même ?
La Palestine est loin d'être le seul péché commis par les États-Unis et consorts, mais c'est l'injustice déterminante qui englobe toutes les autres. Il ne s'agit pas d'un incident, d'un coup d'État, d'une action militaire, d'une guerre, d'une politique étrangère, d'un bourbier politique, mais d'une obsession messianique qui imprègne notre psyché, d'une addiction au génocide pour laquelle nous nous détruisons volontairement. Pour une grande partie du monde, la Palestine est la "ligne dans le sable" de notre stupéfiante hypocrisie. Ce génocide nous appartient. Il nous définit. Il est nous.
Novembre 2024, mois des élections, marquera le 107ème anniversaire de la déclaration Balfour de la Grande-Bretagne et le 77ème anniversaire de l'adoption par les États-Unis de la résolution 181 (Partition) de l'Assemblée générale des Nations unies. Dans les deux cas, il était bien entendu que ces documents étaient vides de sens et que nous étions en train d'institutionnaliser le nettoyage ethnique, et au bout du compte le génocide, de la population autochtone de la Palestine, du fleuve à la mer.
Maintenant que le génocide est passé à la vitesse supérieure, nous redoublons d'illusions bien-pensantes : Le "non au génocide" n'est pas une option au menu des élections américaines de novembre, et les informations véridiques sur la Palestine ne sont pas non plus une option dans les grands médias. En l'absence d'une prise de conscience radicale et immédiate par des soulèvements de masse à travers le pays et le monde, le mot "génocide" sera notre épitaphe.
📰 https://mondoweiss.net/2024/09/palestine-defines-us/
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4- Lettre d'amour à Gaza : réflexions depuis l'exil
Je suis vraiment désolée de t'avoir considérée comme acquise, ma Gaza bien-aimée. Je n'ai pas ressenti un seul instant de sécurité depuis que je t'ai quittée.
Par Yasmin Abusayma, le 14 septembre 2024, Mondoweiss
Yasmin, les explosions se rapprochent. Il serait bon que tu partes sans plus tarder. L'air est saturé de fumée et le sol secoué par chaque explosion. Fuis tant que tu le peux. Ce n'est plus une question de rêve ou d'opportunité, c'est un combat pour la survie. Le danger est imminent et chaque instant compte. Tu dois courir pour sauver ta vie et celle de tes enfants. Cours avant qu'il ne soit trop tard.
Ces pensées ont résonné dans mon esprit lorsque j'ai décidé de quitter Gaza. Je suis mère de jumeaux et traductrice de l'anglais vers l'arabe, et mon réconfort réside dans l'écriture. Je n'ai jamais voyagé de ma vie. J'ai fêté mon anniversaire en dehors de Gaza pour la première fois à l'âge de 30 ans.
Gaza a façonné mon existence - son côté chaleureux, ses contradictions, ses blessures, ses joies éphémères, ses défis, ses réussites et ses souvenirs doux-amers.
J'ai quitté la ville de Gaza une semaine après le début de la guerre, après que l'armée israélienne a émis des ordres d'évacuation, nous enjoignant de partir vers le sud. Croyant que nous allions bientôt revenir, je n'ai emporté que quelques documents essentiels et quelques vêtements. Deux mois plus tard, j'ai découvert que notre quartier avait été rasé, y compris ma maison et tous mes biens avec. Ayant perdu tout ce qui comptait, j'ai décidé d'échapper à l'horreur de la guerre et de quitter la bande de Gaza avec ma famille pour l'Égypte. Nous avons franchi la frontière le 15 avril avec des sentiments mitigés à l'idée de quitter ce qui était autrefois une vie bien remplie. Partir vers l'inconnu, alors que les vies que nous avions laissées derrière nous s'effondraient, a été plus dévastateur que je ne saurais le décrire.
J'avais toujours rêvé de quitter Gaza, estimant que le blocus et les escalades récurrentes m'avaient privé de nombreuses opportunités et de nombreux rêves. Mon père avait l'habitude de dire : "Crois-le ou non, ma chérie, tu ne trouveras jamais un endroit meilleur que ta patrie".
En tant que Gazaouie moyenne, j'aspirais à voyager dans le monde entier, à voir un aéroport et à prendre l'avion. Je me demandais ce qu'il y avait au-delà du point de passage de Rafah et comment était la vie de l'autre côté. Enfant, je rêvais d'aller au cinéma, de faire un bonhomme de neige ou encore d'aller dans un grand parc d'attractions, que je n'avais vu qu'à la télévision. En grandissant, j'ai réalisé que j'aspirais à une vie normale, comme n'importe qui. Au fur et à mesure que le temps passait à Gaza, j'aspirais à une vie sans la présence constante des drones. Je me suis toujours demandé ce que cela ferait d'avoir de l'électricité 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Malgré ces difficultés, je me suis rendu compte que Gaza restait un endroit que j'aimais profondément.
En Égypte, la vie est normale. Tout ce que je voulais autrefois est possible et facile d'accès. Après sept longs mois de conditions insupportables, même les plus petites choses, comme une douche chaude ou un repas chaud, semblent étranges. J'ai vu les visages de mes enfants s'illuminer de joie lorsqu'ils ont bu un lait chocolaté et savouré des fruits frais pour la première fois depuis des mois. Mais je ne peux profiter pleinement du luxe d'avoir de la bonne nourriture alors que mon peuple doit se battre pour l'obtenir. La brise froide de l'air conditionné me semble perverse. Il est difficile de se détacher de la vie que j'ai vécue à Gaza et de recommencer à zéro.
Nous vivons non loin de l'aéroport du Caire. Même le bruit des vols commerciaux nous effraie et nous rappelle les bombes. Une fois, j'ai eu un appel vidéo avec mon père, toujours à Gaza. J'ai été surprise par la connexion internet stable qui nous a permis d'avoir une conversation claire. Même si tout semblait parfait à ce moment-là, je ne pouvais me défaire du sentiment que quelque chose manquait. Je savais que j'avais besoin de temps pour comprendre cette sensation de vide.
J'ai alors réalisé, tardivement, que des choses tellement simples suffisent à nous rendre heureux. Je les ai toujours considérées comme allant de soi, car il ne m'était jamais venu à l'esprit que je les perdrais à jamais. Acheter du café en grains fraîchement moulus dans un petit café dans les rues animées de ma ville natale, écouter mes morceaux préférés le matin, ou même m'asseoir au bord de la mer en méditant sur la beauté du ciel bleu et de la plage - ce sont maintenant des choses que je ne peux plus vivre que comme des souvenirs.
Lorsque je savoure un café aujourd'hui, je me souviens tantôt de ces jours magnifiques et simples, tantôt des journées frénétiques que j'ai passées à fuir d'un endroit à l'autre. Je ne sais pas quels souvenirs sont les plus douloureux à revivre. J'ai pris l'habitude de ne boire que du thé trop sucré en exil, une façon de laisser à mon corps la possibilité de réagir différemment, d'éviter de se voir rappeler quelque chose de traumatisant ou de familier devenu obsolète. Mais j'ai beau essayer, je continue à me souvenir, et le fait de savoir que le reste de ma famille est toujours à Gaza, toujours en train de lutter, continue à envahir mes matins.
La nourriture de Gaza me manque, surtout les falafels, qui ne ressemblent à aucun autre avec leur mélange unique d'épices et leur extérieur croustillant et doré. Je me languis de la simplicité de la vie, de la façon dont les matins commencent avec l'agitation des rues bondées, le bruit familier des klaxons, les scènes animées des marchés. Les rues étroites et cahotiques qui serpentent à travers la ville, bordées de petites boutiques et d'échoppes.
Le vendredi, je passais un nombre incalculable d'heures avec mes enfants à construire des châteaux de sable sur la plage. J'admirait le coucher de soleil, lorsque le ciel se teintait de nuances orangées, révélant la beauté de notre mer. L'odeur du maïs grillé sur la plage et les cerfs-volants dans le ciel étaient les joies les plus simples que l'on puisse avoir, mais chaque instant en valait la peine. Nous avions l'habitude de nous réunir autour d'une petite table sur la plage et de parler de la vie. Mes enfants continuaient à rire autour de nous, jouant à cache-cache. C'est étrange que j'évite maintenant les couchers de soleil. Cela n'a plus d'importance.
Si Gaza a souvent été synonyme de tristesse et de décadence, l'espoir qu'elle suscite est partout présent. Les habitants nettoient les rues au milieu des décombres de leurs quartiers dévastés et repeignent leurs maisons sinistrées dans le but de les reconstruire. Cet esprit inébranlable de réhabilitation et d'adaptation témoigne de la capacité de Gaza à renaître de ses cendres, tel un phénix.
Gaza est plus qu'un lieu, c'est une mémoire vivante et une profonde expression d'amour et d'appartenance. Même en exil, mon cœur reste à Gaza.
Te reverrai-je un jour, ma chère Gaza ? Pourras-tu un jour panser tes plaies ?
Je suis tellement désolée de t'avoir considérée comme acquise, ma Gaza bien-aimée. Je t'ai mal jugée. Voilà seulement que je réalise à quel point tu me manques. Je ne me suis jamais sentie en sécurité depuis que je t'ai quittée. Je t'appartiens et à toi seule.
Yasmin Abusayma est une journaliste et traductrice palestinienne de 30 ans, titulaire d'une licence en éducation et littérature anglaises de l'université Al-Azhar de Gaza. Passionnée par la narration et désireuse de partager les expériences de sa communauté, elle a construit un portefeuille diversifié en tant que journaliste indépendante, contribuant à des plateformes renommées telles que The Electronic Intifada et We Are Not Numbers.
Son travail couvre des sujets variés, notamment des histoires sociales et humaines, ainsi que des récits profondément personnels qui reflètent les luttes et la résilience des Palestiniens. Pour Yasmin, l’écriture est une forme de thérapie, un moyen de traiter et de transmettre les complexités de la vie à Gaza. Ses articles poignants et percutants ont trouvé un écho auprès de nombreuses personnes, mettant en lumière les réalités nuancées de son pays natal.
En reconnaissance de son talent, Yasmin a remporté un concours d'écriture organisé par l'Institut Tamer, consolidant ainsi sa réputation d'écrivaine talentueuse. Motivée par le rêve de publier son propre livre, elle continue d'écrire des histoires qui inspirent et informent.
Yasmin est à la recherche active de nouvelles opportunités et est ouverte à l'emploi. Vous pouvez la contacter à l'adresse suivante : Yasmin.abusayma@gmail.com
📰 https://mondoweiss.net/2024/09/a-love-letter-to-gaza-reflections-from-exile/
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5- "Jusqu'à notre dernier souffle"
Le journaliste Anas al-Sharif raconte comment il a documenté le génocide israélien à Gaza quotidiennement pendant onze mois consécutifs. Le correspondant d'Al Jazeera a refusé de quitter le nord de Gaza, alors même qu'Israël l'a menacé et a tué ses collègues.
Par Sharif Abdel Kouddous, le 11 septembre 2024, Drop Site
Anas al-Sharif est devenu l'un des visages les plus reconnaissables de la télévision dans le monde arabe. Au cours des onze derniers mois, le correspondant d'Al Jazeera, 27 ans, a réalisé des reportages depuis les premières lignes de l'assaut génocidaire d'Israël contre Gaza, aujourd'hui l'endroit le plus meurtrier pour les journalistes dans l'histoire moderne. Selon certains chiffres, plus de 160 journalistes ont été tués à Gaza depuis octobre, soit un journaliste tous les deux jours depuis près d'un an. Al-Sharif a personnellement fait l'objet de menaces de mort et son domicile a été la cible d'une attaque israélienne qui a tué son père.
Al-Sharif est l'un des rares reporters à être resté dans le nord de la bande de Gaza depuis le 7 octobre, une zone où, quelques jours seulement après le début de la guerre, le gouvernement israélien a ordonné à 1,1 million de personnes d'évacuer et qui a subi les bombardements les plus intenses de la part d'Israël. Un journaliste a déclaré à Drop Site News qu'il ne restait qu'une trentaine de journalistes en activité dans le nord de la bande de Gaza aujourd'hui.
La présence d'Al-Sharif a été quasi constante tant à la télévision qu'en ligne, rendant compte presque quotidiennement des frappes aériennes, des bombardements, des massacres, des déplacements, de la famine, des morts et des mutilations - et, chaque fois qu'il le peut, des lueurs d'espoir et de la résilience des Palestiniens. Prenez le temps de parcourir les messages qu'il a postés sur Twitter X ou Instagram au cours des derniers jours, ou regardez ce reportage vidéo du 10 septembre à titre d'exemple (avertissement : scènes explicites).
Comme de nombreux Palestiniens de Gaza, al-Sharif a été contraint d'endurer l'inimaginable. En novembre, il a déclaré avoir reçu de nombreux appels d'officiers de l'armée israélienne lui ordonnant de cesser sa couverture et de quitter le nord de Gaza. Il a également dit avoir reçu des messages et des notes vocales sur WhatsApp révélant sa position. Dans son rapport, il termine en disant :
"Je suis l'un des rares journalistes dans le nord à couvrir ce qui se passe. Malgré les menaces, je ne quitte pas le terrain et je continuerai à faire des reportages dans le nord de Gaza".
Moins de trois semaines après avoir été appelé par l'armée israélienne, la maison familiale située dans le camp de réfugiés de Jabalia a été bombardée, tuant son père Jamal al-Sharif, âgé de 90 ans. Al-Sharif effectuait des reportages en continu et n'était pas rentré chez lui depuis 60 jours. Le Comité pour la protection des journalistes a déclaré à l'époque à propos de l'assassinat de son père :
"Le CPJ est profondément alarmé par le fait que les journalistes de Gaza reçoivent des menaces et que, subséquemment, les membres de leur famille soient tués".
Al-Sharif a de nouveau été menacé le mois dernier après avoir diffusé le carnage d'une attaque aérienne israélienne le 10 août sur une école de la ville de Gaza où des milliers de Palestiniens déplacés cherchaient refuge, tuant plus de 100 personnes.
"Je ne peux décrire ce qui se passe", a-t-il déclaré, "il s'agit de près de 100 personnes qui ont été tuées par les bombardements israéliens. "Nous parlons de près de 100 martyrs dans l'école de Tabaeen, dans la ville de Gaza, un énorme massacre".
En réponse à un autre journaliste d'Al Jazeera qui a salué la courageuse couverture d'al-Sharif, l'armée israélienne a publié une déclaration ciblant son travail.
"Il couvre les crimes du Hamas et du Jihad [islamique] qui s'abritent dans les écoles. Je suis convaincu qu'il connaît les noms d'un grand nombre de terroristes du Hamas parmi ceux qui ont été tués dans l'école", a répondu en langue arabe le porte-parole de l'armée, Avichay Adraee, sur Twitter X. "Mais il présente un mensonge dont la motivation n'a rien à voir avec les habitants de Gaza".
Ces commentaires ont incité Al Jazeera à condamner ce que la chaîne a appelé "l'acte flagrant d'intimidation et d'incitation" d'Israël à l'encontre d'al-Sharif, et le CPJ à publier une déclaration dans laquelle il se dit "profondément inquiet" pour sa sécurité.
Les journalistes et les médias occidentaux sont restés relativement silencieux face au funeste record du nombre de journalistes palestiniens tués. Dans certains cas, Israël a ouvertement admis avoir tué des journalistes et les a accusés d'être membres du Hamas.
Un peu plus d'une semaine avant l'attentat contre l'école de Tabaeen, Ismail al-Ghoul, ami proche d'al-Sharif et collègue d'Al Jazeera, a été tué dans la ville de Gaza par un drone israélien qui a frappé sa voiture, ainsi que son caméraman Rami al-Refee et un jeune homme de 17 ans qui circulait à vélo à proximité.
La frappe a décapité al-Ghoul. En signe de protestation, les journalistes de Gaza ont jeté leurs gilets pare-balles en tas sur le sol. Al-Sharif s'est adressé à la foule, brandissant le gilet pare-balles mutilé d'Al-Ghoul, déclarant :
"Ce gilet de presse est celui dont les institutions mondiales et locales font l'apologie. Ce gilet n'a pas protégé notre collègue Ismail. Il n'a protégé aucun de mes confrères non plus. Comme vous pouvez le voir, ce gilet est maculé du sang et de la chair d'Ismail. Qu'a fait Ismail ? Qu'a-t-il donc fait ? Diffuser des images ? Diffuser la souffrance des gens ? Pardon Ismail, nous continuerons à diffuser le message après toi".
Anas al-Sharif continue de faire des reportages chaque jour depuis le nord de la bande de Gaza. Drop Site lui a demandé de réfléchir à son travail à Gaza au cours des 11 derniers mois. Il a envoyé un message vocal de 10 minutes en guise de réponse. Dans l'enregistrement, sa voix est lasse mais ferme, et il brosse un tableau dévastateur de la vie d'un journaliste à Gaza. Il brosse un tableau dévastateur de la vie d'un journaliste à Gaza.
Ces commentaires ont été traduits de l'arabe et légèrement édités pour plus de clarté.
Note d'Anas al-Sharif depuis Gaza
Notre couverture en tant que journalistes pendant cette guerre contre Gaza s'est avérée d'un genre complètement différent. Nous avons été confrontés à des difficultés extrêmes, à des menaces, nous avons été complètement déconnectés du monde extérieur en raison de la coupure du réseau Internet et des signaux téléphoniques. Nous vivons des circonstances tragiques et éprouvantes en tant que journalistes et nous avons toujours des difficultés à envoyer des messages, des rapports et tout autre matériel en général.
Bien entendu, le journaliste palestinien vit dans des conditions pénibles et difficiles, comme le reste de son peuple, entre les déplacements, les bombardements et les destructions. Un grand nombre de nos confrères journalistes ont perdu leur famille, des membres de leur famille, des parents, des amis et des êtres chers. Cela a mis une énorme pression sur leurs épaules pendant la guerre, surtout parce que l'occupation israélienne ne fait pas de distinction entre les journalistes, les enfants, les médecins, les infirmières - tout le monde est pris pour cible en permanence.
Dans le nord de Gaza en particulier, mes collègues et moi-même avons été totalement coupés du monde extérieur dès le début de la guerre. Cela a créé une énorme responsabilité, un immense problème pour nous. Il était difficile d'envoyer des rapports ou tout autre contenu. Nous devions nous rendre dans des zones extrêmement dangereuses pour envoyer nos reportages, notre contenu. Pour poursuivre notre couverture et envoyer des images et des récits, nous devions nous rendre dans de hauts immeubles pour trouver un signal Internet ou un signal téléphonique grâce à des cartes SIM électroniques et envoyer ainsi les reportages, le contenu ou les scènes que nous avions documentés, avec la qualité la plus réduite, afin de les diffuser dans le monde et de montrer au monde ce qui se passe ici, dans la bande de Gaza. Ce n'est là qu'une des difficultés que nous avons rencontrées.
Nous avons également dû faire face à des menaces constantes de la part de l'armée d'occupation israélienne. Personnellement, l'armée d'occupation israélienne m'a menacé et m'a signifié de cesser mes reportages dans le nord de la bande de Gaza et de me rendre dans le sud. Mais j'ai refusé cet ordre et je n'ai pas mis fin à mes reportages un seul instant, malgré les menaces, les bombardements et le siège. Parce que je n'ai pas arrêté et que j'ai continué à couvrir l'actualité, l'occupation israélienne a pris pour cible ma maison et celle de ma famille, conduisant au martyre de mon père, que Dieu ait pitié de lui. Les circonstances étaient cruelles, pénibles et douloureuses pour moi, et pour nous tous, mais cela n'a fait que renforcer ma détermination à poursuivre mon travail d'information. Nous avons une cause [la cause palestinienne] avant d'avoir un message à cet égard. Après cela, c'est devenu une responsabilité qui nous a été confiée, c'est devenu une responsabilité qui m'a été confiée personnellement, celle de continuer à faire des reportages, malgré tous les dangers et toutes les difficultés auxquels nous sommes confrontés.
Peut-être que le monde n'agira pas, peut-être que le monde ne nous aidera pas, mais il y a peut-être un motif pour arrêter cette guerre - chaque fois que je documente un massacre, un événement ou un bombardement, je pense que peut-être, à travers ce bombardement ou grâce à cette image, la guerre pourrait cesser et cette guerre prendrait fin.
Tous les journalistes de Gaza ont souffert de ces circonstances. Dans le cadre de nos reportages, nous sommes confrontés à d'énormes difficultés en raison du ciblage des zones dans lesquelles nous nous trouvons, du ciblage à proximité, du ciblage direct. Malgré tout cela, mes collègues et moi-même, dans le nord de la bande de Gaza, n'avons pas cessé de couvrir la situation. Bien sûr, ce n'est un secret pour personne que mes collègues et moi avons vécu des circonstances tragiques et éprouvantes. Nous avons dormi dans des hôpitaux, nous avons dormi dans des abris, nous avons dormi dans les rues et le long des autoroutes, nous avons dormi dans des véhicules. Nous avons été déplacés plus de 20 fois, d'un endroit à l'autre, d'une zone à l'autre - notre situation était la même que celle du reste de notre peuple. Nous avons été confrontés à de grandes difficultés. Bien sûr, la situation dans le nord était particulièrement compliquée pour les journalistes parce qu'il n'y avait pas de matériel disponible, pas de fournitures pour la presse. Nous avons dû nous contenter de moyens limités et de nos simples téléphones pour rapporter l'histoire, envoyer l'image et rendre compte des crimes de l'occupation israélienne.
Le travail des journalistes à Gaza est un travail ardu, épuisant et très difficile que personne ne peut supporter plus d'une heure. Le travail est de tous les instants. Nous ne dormons pas pendant des jours à cause des bombardements et des tirs d'artillerie incessants. Bien sûr, il est souvent difficile de se rendre sur le site d'un incident car on ne trouve aucun véhicule ou voiture, nous nous déplaçons en charrette ou à pied pour rejoindre un endroit qui a été pris pour cible.
Les circonstances que nous avons vécues sont des circonstances qui ne peuvent être exprimées. Je tiens à dire dans cet enregistrement que nos circonstances sont encore très cruelles et difficiles. Mes collègues et moi-même avons vécu dans l'atmosphère de la famine qui a frappé le nord de Gaza. Parfois, mes collègues et moi passons des jours sans trouver un seul repas. Nous nous déplaçons d'un endroit à l'autre pour tenter de trouver avec la plus grande difficulté ce qui devrait être facile. Tout est extrêmement cher dans le nord.
Ce dont je parle n'est qu'une petite fraction de ce que nous pouvons enregistrer, de ce que nous pouvons dire, de ce que nous pouvons documenter. Et pourtant, la souffrance est bien plus grande, la souffrance est lourde et tragique pour nous et notre peuple. Pourtant, malgré ces souffrances, nous nous sommes engagés, nous tous qui sommes journalistes, à poursuivre sur cette voie, à continuer à rendre compte au monde, et c'est ce qui nous a poussés à continuer jusqu'à aujourd'hui. Cette guerre dure depuis plus de 330 jours et les bombardements et les massacres se poursuivent sans relâche.
Et pourtant, malgré toutes ces difficultés et toutes ces circonstances tragiques, nous tous, journalistes, continuons chaque jour et chaque heure à rendre compte de ce qui se passe. C'est ce qui nous pousse à continuer, c'est notre cause. Il est du devoir du monde de voir et d'être témoin de ce que nous documentons et rapportons. Peut-être que le monde n'agira pas, peut-être que le monde ne nous aidera pas, mais il y a peut-être un motif pour arrêter cette guerre - chaque fois que je documente un massacre, un événement ou un bombardement, je pense que peut-être, à travers ce bombardement ou grâce à cette image, la guerre pourrait s'arrêter et que cette guerre prendrait fin. C'est ce qui nous pousse à poursuivre notre travail jusqu'à notre dernier souffle.
Bien sûr, comme je l'ai mentionné, l'occupation israélienne a délibérément ciblé les journalistes de manière continue et nous parlons aujourd'hui de près de 180 journalistes pris pour cible à Gaza. Il est clair que l'occupation israélienne ne veut pas que l'image circule, ne veut pas que le message circule, ne veut pas que nous documentions les crimes qu'elle perpètre contre notre peuple, comme cela est arrivé à notre cher ami et confrère, le correspondant d'Al Jazeera Ismail al-Ghoul, assassiné par l'occupation israélienne alors qu'il documentait ce qui se passait et les crimes de l'occupation israélienne - celle-ci l'a donc directement pris pour cible afin qu'Ismail ne puisse poursuivre son travail de couverture. Mais ce que l'occupation ne sait pas, c'est qu'après le martyre d'Ismail, nous, ses collègues journalistes, sommes encore plus déterminés à poursuivre la voie d'Ismail et à faire passer son message, malgré les circonstances tragiques, malgré les menaces et malgré le danger de la situation.
Nous pourrions être pris pour cible et bombardés à tout moment, mais notre situation est la même que celle de tous nos concitoyens, la même que celle des hommes, des femmes et des enfants qui sont martyrisés à chaque instant à Gaza.
Sharif Abdel Kouddous est un journaliste indépendant basé à New York et au Caire. Abdel Qader Sabbah, journaliste au nord de Gaza, a contribué à ce rapport.
📰 Lien de l'article original :
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Grandir dans la guerre
"Les héros ne pleurent pas", mais les enfants de Gaza ne peuvent s'empêcher de verser des larmes.
La résilience des enfants de Gaza.
Par Shahd Ahmad Alnaami, le 13 septembre 2024, WANN (Were Are Not Numbers)
Tandis que les enfants du monde entier dorment en toute sécurité dans leur lit, les enfants de Gaza, eux, sont contraints de dormir dans la rue. Ils sont arrachés à leurs maisons chaleureuses et laissés à leur sort, fuyant de partout mais ne se dirigeant nulle part.
Pour ces enfants, la guerre n'est pas seulement liée à leur mémoire, c'est une réalité permanente. Les routines ordinaires de l'enfance - aller à l'école, jouer dehors, se retrouver entre copains - sont fréquemment interrompues par des frappes aériennes, des bombardements et des incursions militaires. Cette violence constante perturbe gravement leur éducation, leur santé et leur bien-être mental.
L'histoire de Mahmoud
Parmi ces enfants il y a Mahmoud, jeune garçon de 5 ans. Il vit à côté de la maison de ma grand-mère avec sa famille ; il a deux petits frères plus jeunes que lui. Chaque fois que je voyais Mahmoud, je le trouvais en train de rire, arborant un sourire radieux et débordant de vie.
Il y a deux mois, j'ai appris que Mahmoud et sa famille avaient été blessés. Alors qu'ils dormaient, un drone a explosé près d'eux et ses éclats sont retombés sur eux. J'ai demandé à Mahmoud de me raconter son histoire, et voici comment il l'a décrite :
"Lorsque j'ai ouvert les yeux, j'étais en sang. Les voisins se sont précipités pour m'aider et j'ai demandé à l'un d'eux : "Mon oncle, est-ce que je vais mourir ?". "Non, Habibi", a-t-il répondu, "tu vas vivre". Mais je me suis souvenu de ce que ma mère m'avait dit : lorsque les petits enfants meurent, ils ne ressentent aucune douleur et se réveillent dans un endroit magnifique. Je n'étais pas mort, je souffrais et j'ai entendu les voisins qui voulaient m'emmener rapidement à l'hôpital avec ma famille. Ce n'était pas un bel endroit. J'ai beaucoup pleuré quand j'ai vu mes petits frères saigner eux aussi. Je ne devais pas pleurer parce que ma mère me disait que j'étais le héros de mes frères et que les héros ne pleurent pas".
La tante de Mahmoud m'a raconté que ses frères et lui n'ont pas été autorisés à manger ni à boire pendant sept jours ; ils n'ont pu recevoir que des solutés par intraveineuse. Ils ont crié jour et nuit pour obtenir un simple gobelet d'eau, mais leurs blessures concernaient leur abdomen et personne ne pouvait rien faire pour eux.
Aujourd'hui, après deux mois de ces terribles journées, Mahmoud et sa famille vont mieux jour après jour. Mahmoud a raconté son histoire en souriant, mais je ne sais pas si ce sourire provenait de la douleur qu'il avait endurée ou de son bonheur de commencer à guérir. Je ne sais pas combien de temps il lui faudra pour surmonter cette horrible expérience, mais je lui souhaite un avenir meilleur et empreint de paix.
L'histoire de trois frères et sœurs
Je connais trois petites princesses - Sarah, Malak et Nour - qui ont perdu leur père au quatrième mois de la guerre. La douleur qui se lit dans leurs yeux est indescriptible, mais elles continuent à vivre, le cœur lourd de questions qu'elles sont trop jeunes pour poser. J'ai entendu Nour, âgée d'à peine 4 ans, jouer avec son amie. De sa petite voix imprégnée d'innocence, elle a dit :
"Baba est parti à Jannah (ndr : désigne le paradis dans le Coran). Il est désormais heureux et je veux le rejoindre bientôt. Il me manque tellement".
Ses mots, si simples et pourtant si riches de sens, révèlent une profondeur de compréhension qu'aucun enfant ne devrait avoir à posséder. C'est un rappel déchirant de la résilience des enfants qui, d'une manière ou d'une autre, trouvent le moyen de continuer à rêver, même dans les moments les plus sombres. Ils s'accrochent à l'espoir de retrouvailles, d'un jour où ils pourront revoir leurs proches, libérés de la peur et de la peine devenues leur réalité quotidienne.
L'histoire de Rayhana
"Nous allons reconstruire notre maison", m'a dit Rayhana. Cette fillette de 7 ans, originaire du nord de Gaza, a dû être évacuée avec sa mère et ses frères et sœurs vers le sud, laissant son père derrière elle. Un jour, son père les a appelées pour leur dire que leur maison avait été bombardée, mais il leur a promis qu'il la reconstruirait.
Je me suis demandé ce que signifiait "maison" pour cette petite fille - un endroit où elle aurait dû se sentir en sécurité, où elle aurait dû pouvoir créer et chérir ses souvenirs d'enfance.
C'est là qu'elle devrait s'endormir en écoutant des histoires, et non le bruit des bombes. La maison de Rayhana était plus que des murs et un toit ; c'était un espace rempli de ses jouets préférés, de ses dessins sur les murs et de la chaleur de l'amour de sa famille.
Ils lui ont arraché sa maison ; c'était sa vie, et à présent, tout a disparu. Sa chambre, son lit, l'odeur familière de la cuisine de sa mère, tout cela n'est plus que ruines. Ils ont fait d'elle une sans-abri ; ils l'ont fait se sentir seule dans un monde trop vaste et cruel pour quelqu'un d'aussi jeune. Pourtant, même au milieu de cette dévastation, Rayhana s'accroche à la promesse faite par son père, se raccrochant à l'espoir qu'un jour, leur maison sera à nouveau debout. Même si l'endroit qu'elle appelait autrefois sa maison a disparu, Rayhana croit en la force de sa famille pour en bâtir une nouvelle, où ils pourront rire, rêver et vivre sans crainte.
Enfance perdue
Aujourd'hui, le monde des enfants tourne autour d'une seule préoccupation : trouver du bois pour allumer un feu. Ils sont devenus des experts, leurs petites mains ramassant habilement brindilles et branches comme s'il s'agissait là d'une habitude. Leurs yeux, autrefois animés par l'innocence de l'enfance, sont aujourd'hui vifs et en alerte, à l'affût de la moindre trace d'eau ou de nourriture.
La situation sanitaire s'aggrave rapidement, en particulier pour les enfants qui souffrent désormais de diverses maladies. Les affections cutanées sont très répandues en raison du manque d'hygiène et de l'absence d'eau salubre, ce qui provoque des éruptions cutanées douloureuses et des plaies ouvertes. Le système de santé fonctionne à peine, de nombreux hôpitaux ayant été détruits, privant ainsi les enfants blessés de soins adéquats. La pénurie de fournitures médicales et les conditions de vie difficiles rendent presque impossible le traitement de ces affections, qui deviennent de plus en plus graves et menacent la vie de ces enfants affaiblis.
Les écoles devraient être un havre de paix, mais elles sont fréquemment la cible d'attentats à la bombe. Plus de 300 ont été complètement détruites et plus de 500 gravement endommagées. Des dizaines de milliers d'élèves se retrouvent ainsi sans lieu d'enseignement. Leurs établissements scolaires étant réduits à l'état de ruines, nombre d'enfants ont été contraints de poursuivre leurs études sous des tentes, confrontés à des difficultés considérables. Ces abris temporaires n'offrent aucune protection contre la violence actuelle et le manque de ressources de base telles que des livres, des bureaux et un éclairage adéquat rend difficile le maintien d'un semblant d'éducation normale.
Les enfants sont privés de leur enfance, leurs rêves sont brisés par les horreurs de la guerre. C'est une souffrance qu'aucun enfant ne devrait endurer. Comme je l'ai écrit dans mon poème ci-dessous :
Ne me demandez pas mon âge
- Quel âge as-tu ? - En temps de guerre Un enfant de 5 ans n'a plus 5 ans Il a vécu 90 ans en l'espace de 4 ans Alors s'il vous plaît, ne me demandez pas mon âge Je vous en conjure.
Shahd Ahmad Alnaami est une étudiante en littérature anglaise et en traduction à l'université islamique de Gaza, originaire du camp de Maghazi. Elle confie :
"Ma passion pour les mots est le moteur de mon aspiration à créer le changement et à contribuer au récit palestinien. Pleine de vie et entourée de positivité, j'adore apprendre tout ce que je peux, capturer l'essence de l'existence dans ma vie.
En tant qu'écrivain, poète, traducteur et artiste de la voix off, ma vision dépasse les frontières de ma ville bien-aimée. Je m'engage à mettre en lumière les luttes de la Palestine à travers l'art du langage, en transformant nos histoires en un récit universel qui résonne à travers les continents.
Inspirée par la conviction que "nous écrirons jusqu'à ce que la Palestine devienne libre ou jusqu'à ce que nous mourions", je considère l'écriture à la fois comme une lueur d'espoir et comme une forme de résistance. Si nous, les conteurs et les rêveurs, ne nous exprimons pas, qui le fera ? Nos mots sont notre arme, notre voix pour la cause palestinienne et notre pont vers le monde. Par mes écrits, je m'efforce de faire en sorte que les voix de mon peuple soient entendues et que nos histoires soient racontées, car nous ne sommes pas que des chiffres."
📰 https://wearenotnumbers.org/growing-up-in-war/
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7- Euro-Med documente les fosses communes aléatoires les plus importantes à Gaza à la lumière du génocide en cours
Par Euro-Med l'Observatoire des Droits de l'Homme, le 19 septembre 2024, Counter Currents
Territoire palestinien - Des milliers de familles continuent d'enterrer leurs enfants dans des fosses communes improvisées, un phénomène provoqué par plus de 11 mois d'assassinats systématiques de Palestiniens par Israël dans chaque gouvernorat de la bande de Gaza. La situation s'aggrave du fait que l'armée d'occupation israélienne prend constamment pour cible les personnes tentant d'entrer dans ces cimetières de fortune pour y enterrer leurs proches.
Euro-Med Monitor a publié une infographie qui montre les emplacements et les dates d'environ 30 fosses communes établies au hasard dans les gouvernorats du nord, du centre et du sud de Gaza, contenant environ 3 000 victimes du génocide israélien dans l'enclave. L'infographie présente également 120 charniers aléatoires dans lesquels trois personnes ou plus sont enterrées et qui ont été créés dans la bande de Gaza entre aujourd'hui et le mois d'octobre dernier.
Étant donné que de nombreuses tombes aléatoires se trouvent à l'intérieur de maisons et d'autres espaces privés et que certaines sont périodiquement déplacées vers de nouveaux emplacements, la majorité d'entre elles ne sont toujours pas répertoriées. Ainsi, le nombre et l'emplacement de ces tombes changent constamment. En outre, l'armée d'occupation israélienne détruit continuellement au bulldozer les cimetières de fortune et les tombes officielles, mutilant les corps des victimes et volant même certains d'entre eux, en violation flagrante du droit international.
Le cimetière d'Al-Batsh, situé dans le quartier d'Al-Tuffah, à l'est de la ville de Gaza, est la plus grande fosse commune documentée dans la bande de Gaza. Entre 500 et 1 000 personnes y ont été enterrées depuis la création du cimetière le 22 octobre 2023, deux semaines seulement après le début de la guerre génocidaire d'Israël contre Gaza.
Les équipes de terrain d'Euro-Med Monitor ont documenté les fosses communes et aléatoires à travers l'enclave depuis l'établissement de la première fosse commune dans le complexe médical d'Al-Shifa le 15 octobre 2023, lorsqu'il est devenu impossible de transférer les victimes mortes au cimetière officiel de la ville de Gaza en raison du grand nombre de cadavres et du danger présenté par les forces israéliennes. Au fil du temps, d'autres fosses communes ont été créées, l'une après l'autre, pour atteindre un total d'au moins 120.
Ces fosses ont été établies dans des zones résidentielles, dans les arrière-cours et les cours des maisons et des hôpitaux, aux intersections des routes publiques, dans les salles de mariage, sur les terrains de sport, dans les écoles et dans les mosquées.
"Les fosses communes aléatoires sont devenues un phénomène à Gaza", selon un enquêteur de terrain d'Euro-Med Monitor dans la ville de Gaza, dont le nom n'a pas été divulgué pour des raisons de sécurité. "On les trouve au hasard sur les routes, au niveau des îlots de circulation, [et] près des marchés et des bâtiments résidentiels".
Ilr ajoute :
"Les habitants ont recours à divers moyens pour écrire les noms des victimes sur les pierres tombales - en lieu et place du ciment et de la pierre - y compris des plateaux alimentaires en plastique, des barils en plastique ou des bidons, du bois ou du carton, et autres objets ménagers."
Les familles sont contraintes de créer ces sépultures aléatoires parce qu'il est difficile d'accéder aux tombes principales en raison des bombardements israéliens continus et du ciblage des individus, en plus de la division par Israël des gouvernorats de la bande de Gaza et de la destruction des infrastructures, de l'imposition du blocus, de la pénurie de carburant et de moyens de transport, et du fait que les tombeaux principaux sont déjà remplis de cadavres en raison du grand nombre de victimes qui ne cesse de s'accroître.
Certaines des fosses communes officiellement documentées abritent les restes de personnes non encore identifiées, enterrées il y a plusieurs mois pendant le génocide en cours.
Les équipes d'Euro-Med Monitor ont documenté 29 fosses communes aléatoires dans les différents gouvernorats de la bande de Gaza. En voici la liste :
Gouvernorat de Gaza Nord :
1/ Une fosse commune sur le marché d'Al-Awda, à côté du poste de police du camp de réfugiés de Jabalia, établi le 5 décembre 2023, contenant environ 120 corps.
2/ Une fosse commune près de l'hôpital indonésien dans le quartier de Tel al-Zaatar, au nord du camp de Jabalia, établie le 18 novembre 2023, contenant environ 200 corps.
3/ Une fosse commune dans le marché du camp de Jabalia, établie le 7 décembre 2023, contenant environ 100 corps.
4/ Une fosse commune dans la rue Al-Hudhud, qui relie le marché du camp de Jabalia au côté sud et à l'intersection de Sultan Studio, établi le 25 décembre 2023, contenant environ 28 corps.
5/ Une fosse commune dans la cour de l'école préparatoire de Jabalia (A), dans le camp de Jabalia, découvert le 28 décembre 2023, contenant plus de 55 corps.
6/ Une fosse commune dans l'école Al-Rifai, en face du registre Al-Omari à Jabalia Al-Balad, contenant plus de 70 corps.
7/ Une fosse commune à l'école Halima Al-Sadia, au sud de Jabalia Al-Nazla, contenant plus de 250 corps, dont certains ne sont toujours pas identifiés.
8/ Une fosse commune à l'hôpital Al-Yaman, dans le camp de Jabalia, établie le 11 décembre 2023, contenant environ 44 corps.
9/ Une fosse commune construite sur un îlot de circulation le long de la rue Sultan dans le bloc (2) à Jabalia, établie en novembre 2023.
Gouvernorat de la ville de Gaza :
10/ Une fosse commune dans la cour du complexe médical d'Al-Shifa, établie du 12 au 14 novembre 2023, contenant environ 179 corps.
11/ Cimetière d'Al-Sabra (1), établi le 25 novembre 2023, contenant plus de 100 corps.
12/ Cimetière de la rue Al-Istiqlal (Al-Qaws) près de l'intersection Al-Sha'biya dans le quartier Al-Daraj, contenant plus de 200 corps.
13/ Cimetière Al-Sabra (2), près de la rue Al-Dahshan, créé le 31 décembre 2023.
14/ Le cimetière Al-Batsh, dans le quartier Al-Tuffah, à l'est de la ville de Gaza, créé le 22 octobre 2023, contenant entre 500 et 1 000 corps.
15/ Une fosse commune dans la rue Al-Sahaba, près de la mosquée Ezzedine Al-Qassam dans le quartier central de la ville de Gaza d'Al-Daraj, établie en décembre 2023 et contenant 150 corps.
16/ Une fosse commune dans la rue Al-Sidra, dans le quartier central de la ville de Gaza d'Al-Daraj, établie en décembre 2023 et contenant environ 20 corps.
17/ Cimetière de Shahibar dans le quartier d'Al-Sabra, établi le 18 novembre 2023 et contenant environ 100 à 120 corps.
18/ Cimetière d'Ishtiwi dans le quartier d'Al-Zeitoun, créé le 21 novembre 2023 et contenant environ 15 corps.
19/ Une fosse commune près de la place Al-Shawa, à l'est de la ville de Gaza.
Gouvernorat de Deir al-Balah (centre de la bande de Gaza) :
20/ Une fosse commune dans une école de l'UNRWA dans le camp de réfugiés d'al-Bureij dans le centre de la bande de Gaza, établie les 14 et 15 janvier 2024.
21/ Une fosse commune dans une école préparatoire pour filles dans le camp de réfugiés d'al-Maghazi dans le centre de la bande de Gaza, établie le 9 janvier 2024, contenant environ 14 corps.
Gouvernorat de Khan Yunis (sud de la bande de Gaza) :
22/ Une fosse commune dans l'ouest de Khan Yunis, établie le 22 novembre 2023, contenant environ 111 corps.
23/ Un charnier à l'école Abdul Karim Al-Karmi dans la ville d'Abasan Al-Kabira, à l'est de Khan Yunis, établi le 14 janvier 2024, contenant environ 9 corps.
24/ Trois fosses communes à l'hôpital Nasser, établies en janvier 2023, contenant environ 392 corps.
25/ Un charnier à l'hôpital Al-Amal, établi le 29 janvier 2024, contenant environ 4 corps.
26/ Un charnier à l'université Al-Aqsa, découvert le 22 janvier 2024.
27/ Une fosse commune au collège industriel de l'UNRWA, à l'ouest de Khan Yunis, établie le 23 janvier 2024, contenant environ 14 corps.
28/ Cimetière Al-Agha, créé par la famille Al-Agha sur ses terres après que l'armée israélienne a détruit le cimetière principal de la famille dans le quartier autrichien, à l'ouest de la ville de Khan Yunis, créé le 22 janvier 2024.
Gouvernorat de Rafah (sud de la bande de Gaza) :
29/ Une fosse commune dans le quartier de Tel al-Sultan, à l'ouest de Rafah, établie en décembre 2023, contenant environ 80 corps.
Les attaques militaires continues d'Israël et le ciblage direct des civils palestiniens par des tirs d'obus, des tirs de précision ou des tirs de drones quadcoptères continuent d'empêcher les familles de se rendre dans des cimetières réguliers pour y enterrer leurs proches dans le respect de la dignité humaine, et rendent impossible le processus de comptage, d'enregistrement et d'identification de toutes les victimes.
La plupart des victimes n'étant pas décédées à la suite d'épidémies ou de maladies infectieuses, l'accumulation de cadavres ou leur mise en terre inappropriée ne présente pas de risque sanitaire grave pour la population. Toutefois, si les restes de ces corps, y compris les excréments, s'infiltrent dans les sources d'eau potable et d'eau d'usage des résidents, cela peut entraîner diverses maladies intestinales chez les vivants.
Depuis le début du génocide israélien dans la bande de Gaza, les équipes d'Euro-Med Monitor ont documenté de nombreuses attaques israéliennes contre des dizaines de cimetières par des tirs d'obus délibérés, l'exhumation et la vandalisation de tombes, et le vol de dizaines de cadavres. Ces attaques ont poussé les habitants à créer de nouveaux cimetières aléatoires et à y transférer les corps de leurs proches.
Les conditions inhumaines imposées par Israël aux habitants de la bande de Gaza constituent une grave violation des dispositions du droit international humanitaire (DIH). Le DIH garantit le respect de la dignité des morts et le traitement adéquat des cadavres, en particulier la quatrième convention de Genève de 1949, qui stipule dans son article 17 que les parties en conflit doivent "prendre les mesures nécessaires pour que les morts soient ensevelis dans la dignité et que leur honneur soit protégé".
L'Organisation mondiale de la santé et le Comité international de la Croix-Rouge doivent jouer leur rôle pour garantir la dignité des corps enterrés dans des dizaines de fosses communes à Gaza, et assurer leur inhumation conformément aux normes internationales.
En plus de faire pression sur Israël depuis l'étranger pour qu'il mette immédiatement fin à son génocide contre le peuple palestinien dans la bande de Gaza, la communauté internationale doit obliger Israël à respecter le droit international, qui stipule que les corps doivent être respectés et protégés pendant les conflits armés. Ce droit exige également qu'Israël prenne toutes les mesures raisonnables pour empêcher que les corps des victimes et des défunts ne soient mutilés et pour veiller à ce qu'ils soient enterrés comme il se doit.
Euro-Med Human Rights Monitor est une organisation indépendante basée à Genève qui dispose de bureaux régionaux dans la région MENA et en Europe.
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