❖ Première apparition publique de Julian Assange : Il témoignera sur son emprisonnement politique pour avoir pratiqué le journalisme
La question de l'emprisonnement politique d'Assange s'inscrit dans le cadre d'un examen plus large par l'assemblée des menaces accrues qui pèsent sur les journalistes & les lanceurs d'alerte en Europe
Assange témoignera sur son emprisonnement politique pour avoir exercé son métier de journaliste
Il s'agira du premier témoignage public de Julian Assange depuis son arrestation et son expulsion de l'ambassade de l'Équateur à Londres en 2019.
Par Kevin Gosztola, le 24 septembre 2024, The Dissenter
Le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, se rendra à Strasbourg, en France, pour témoigner devant la commission des questions juridiques et des droits de l'homme du Conseil de l'Europe le 1er octobre. Il s'agira de sa première déposition publique depuis qu'il a été arrêté et expulsé de l'ambassade de l'Équateur à Londres en 2019.
La commission fait partie de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, un organe international composé de parlementaires de chaque État membre de l'Union européenne. Assange apportera son témoignage sur la nature politique des poursuites engagées à son encontre par le gouvernement des États-Unis, qui se sont conclues par un accord de plaidoyer en juin.
La question de l'emprisonnement politique d'Assange s'inscrit dans le cadre d'un examen plus large par l'assemblée des menaces accrues qui pèsent sur les journalistes et les lanceurs d'alerte en Europe, et a été initiée alors qu'Assange était encore détenu à Belmarsh.
Les 13 et 14 mai, Mme Ævarsdóttir (ndr : députée du Parti Pirate) s'est rendue au Royaume-Uni pour rendre visite à Julian Assange à la prison de Sa Majesté Belmarsh. Elle s'est entretenue avec lui durant deux heures et a également rencontré sa femme Stella Assange, son avocat Gareth Peirce, David Morris, président de la délégation britannique à l'Assemblée, et Jeremy Corbyn, membre de l'Assemblée. Elle a en outre eu une entrevue avec plusieurs anciens fonctionnaires de l'ONU, des avocats, des journalistes, des psychiatres, des défenseurs des droits de l'homme ainsi que des représentants de la société civile.
Bien que le ministère de l'intérieur britannique ait approuvé la demande d'extradition d'Assange, il a refusé de mettre un représentant à disposition pour une rencontre avec Mme Ævarsdóttir.
Þórhildur Sunna Ævarsdóttir, rapporteure générale pour les prisonniers politiques et députée islandaise siégeant à la commission des affaires juridiques et des droits de l'homme, a rédigé un rapport sur Assange concluant qu'il répondait à la définition de prisonnier politique telle que définie par l'Assemblée.
"L'inculpation de Mr Assange au titre de la loi américaine sur l'espionnage pour des activités journalistiques essentielles, telles que l'obtention et la publication d'informations d'un grand intérêt public, constitue une atteinte manifestement disproportionnée à sa liberté d'expression. Je suis en outre convaincue que les poursuites engagées contre lui aux États-Unis et sa longue détention au Royaume-Uni ont été motivées par l'intention de dissimuler des actes répréhensibles du gouvernement et de dissuader d'autres personnes de suivre l'exemple de Mr Assange", a affirmé Mme Ævarsdóttir.
"Ainsi, la détention de Mr Assange a été principalement motivée par des considérations de nature politique."
Un projet de résolution reproche au gouvernement américain d'avoir "abusé" de la loi sur l'espionnage de 1917 pour poursuivre Assange. Ce projet indique que les charges retenues contre Assange
"ont eu un effet dissuasif dangereux, dissuadant les éditeurs, les journalistes et les lanceurs d'alerte d'exposer les fautes commises par le gouvernement, portant ainsi gravement atteinte à la liberté d'expression et ouvrant la voie à d'autres abus de la part des autorités de l'État ".
Il est recommandé au gouvernement américain de réformer la loi sur l'espionnage et de
"conditionner son application à la présence d'une intention malveillante de nuire à la sécurité nationale des États-Unis ou d'aider une puissance étrangère" et "d'exclure l'application de la loi sur l'espionnage aux éditeurs, journalistes et lanceurs d'alerte qui divulguent des informations classifiées dans l'intention de sensibiliser le public et d'informer sur des crimes graves, tels que le meurtre, la torture, la corruption ou la surveillance illégale".
En outre, la résolution proposée exhorte le gouvernement américain à enquêter sur
"les crimes de guerre et les violations des droits de l'homme présumés révélés par WikiLeaks et Mr Assange, en demandant des comptes aux responsables et en s'attaquant à la culture de l'impunité à l'égard des agents de l'État ou de ceux qui agissent à leur demande".
Elle exige que les responsables américains coopèrent "de bonne foi avec les autorités judiciaires espagnoles" qui enquêtent sur l'opération de surveillance menée contre Assange, sa famille et son équipe juridique alors qu'il bénéficiait de l'asile politique dans l'ambassade.
En dépit de l'objection de Richard Keen, membre du Parti conservateur au Parlement britannique, le projet de résolution exprime sa consternation quant au fait que le Royaume-Uni - un État membre - a aggravé la persécution politique subie par M. Assange en ignorant les preuves de torture et d'abus.
"Les autorités du Royaume-Uni n'ont pas protégé efficacement la liberté d'expression et le droit à la liberté de Mr Assange, l'exposant à une détention prolongée dans une prison de haute sécurité malgré la nature politique des accusations les plus graves portées contre lui . Sa détention en vue d'une extradition a largement dépassé la durée raisonnable acceptable à cette fin".
"L'Assemblée regrette que la loi sur l'extradition de 2003 ait supprimé l'exemption pour infraction politique de la loi britannique sur l'extradition, exposant ainsi les dissidents et les membres de l'opposition au risque d'être extradés vers des États qui les poursuivent pour des motifs politiques", indique le projet de résolution.
Dans le cadre de la résolution, les États membres et observateurs du Conseil de l'Europe sont encouragés à protéger les lanceurs d'alerte menacés de représailles, y compris en leur offrant l'asile. Le projet de résolution recommande de ne pas extrader les personnes accusées d'activités journalistiques et d'étendre les lois de protection des lanceurs d'alerte et des reporters.
Keen a exprimé son désaccord avec le rapport sur l'emprisonnement politique d'Assange, déplorant qu'il "minimise le sort des véritables prisonniers politiques", comme ceux détenus en Russie. Il a insisté sur le fait qu'Assange n'avait pas été torturé durant sa détention à Belmarsh.
Mme Ævarsdóttir a notamment contesté un aspect de l'accord de plaidoyer qui criminalisait Assange pour avoir publié des "documents classifiés bruts".
"Plus de 13 ans se sont écoulés depuis la publication des documents non expurgés, [et] aucune preuve n'a été produite montrant que les publications de WikiLeaks ont porté préjudice à qui que ce soit".
L'accord de plaidoyer lui-même indique clairement qu'"à la date de l'accord de plaidoyer, les États-Unis n'ont identifié aucune victime pouvant prétendre à une restitution individuelle et, par conséquent, ne demandent pas d'ordonnance de restitution".
"Je trouve paradoxal qu'alors que Mr Assange a révélé des milliers de morts confirmés et non signalés auparavant aux mains des forces américaines et de la coalition en Irak et en Afghanistan, c'est lui qui a été accusé d'avoir mis de nombreuses vies en danger, sans qu'aucune preuve de cette affirmation n'ait été présentée", a-t-elle déclaré.
Mme Ævarsdóttir s'est inquiétée du fait que les procureurs américains aient insisté pour
qu'Assange "plaide coupable d'une accusation en vertu de la loi sur l'espionnage plutôt que d'accepter sa défense selon laquelle il agissait en tant que journaliste dans l'intérêt du public lorsqu'il a publié les documents classifiés".
Précédemment, des représentants du Conseil de l'Europe ont ouvertement soutenu Assange. Dunja Mijatović, qui était le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, s'est opposé à l'extradition en février 2020 ainsi qu'en janvier 2022 en raison de "l'effet paralysant mondial" qu'elle aurait sur la liberté de la presse. Pieter Omtzigt, rapporteur général de l'Assemblée sur la protection des lanceurs d'alerte, s'est exprimé sur l'affaire en septembre 2021 et janvier 2022.
En 2011, l'Assemblée a adopté une résolution qui
"salue la publication par WikiLeaks de câbles diplomatiques", lesquels confirment "la véracité des allégations de détentions secrètes et de transferts illégaux de détenus" par la CIA.
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