❖ Pourquoi l’extrême droite mondiale rêve de revanche au Venezuela
Sans faux-fuyant, invisibilisés par la presse, Maduro est clair. Le pays est mis à l'épreuve. Le peuple poursuivra-t-il le processus bolivarien ou reviendra-t-il au terrible passé de l'oligarchie ?
ndr : Sur le même sujet, traduit et publié sur ce blog le 25 juin dernier (l'article d'Alan MacLeod) Maduro vs. Ingérence américaine dans les élections : Une bataille pour l'avenir du Venezuela
En seconde partie, un article en lien intitulé Femmes, communardes, parmi tant d'autres vous est proposé.
Pourquoi l’extrême droite mondiale rêve de revanche au Venezuela
"Ce dimanche, le Venezuela est mis à l'épreuve"
Par Vijay Prashad, le 26 juillet 2024, Revista De Frente
"Une étude du Washington Post révèle que le gouvernement américain impose actuellement des sanctions unilatérales illégales à un tiers des pays du monde, dont 60 % des pays les plus pauvres. Ces sanctions américaines, appliquées pour la première fois en 2005 pour renverser le gouvernement d'Hugo Chávez, affectent lourdement l'économie vénézuélienne. Il fut un temps où l'État vénézuélien dépendait des revenus du pétrole pour 90 % de ses finances. À la mi-2014, le boom pétrolier a pris fin avec l'effondrement des prix du pétrole brut, amplifié par les sanctions américaines accrues et les menaces d'attaque armée contre le Venezuela. L'impact des sanctions annexes contre les institutions financières et les compagnies maritimes a tari les revenus du Venezuela et contraint l'État à prendre des mesures d'urgence pour maintenir les besoins de base du projet bolivarien."
ndr : Cette traduction inclue les ajouts de certains détails renforçant le texte original traduit en français par Thierry Deronne, cinéaste, universitaire, licence en communication sociale qui vit au Venezuela depuis 1994.
Ce 28 juillet, le peuple vénézuélien se rendra aux urnes pour participer à la sixième élection présidentielle depuis l'approbation par les électeurs de la Constitution bolivarienne de 1999. Les deux élections précédentes (2013 et 2018) ont été remportées par Nicolás Maduro Moros, le président sortant. Celui-ci brigue un troisième mandat, qui débuterait en 2025 et durerait six ans. Le président actuel est à la tête d'une large alliance de partis de gauche et de partis démocratiques qui se sont unis pour défendre la révolution bolivarienne, en cours depuis près de 25 ans. Depuis la victoire électorale de Hugo Chávez en décembre 1999, le Venezuela a organisé 35 élections en 24 ans, dont un référendum sur la nouvelle Constitution. Le chavisme a perdu deux élections nationales. La transparence du système électoral vénézuélien, à double vérification, électronique et imprimée, a fait dire dès 2012 à Jimmy Carter qu’"en le comparant aux 92 processus électoraux que j’ai observés dans le monde entier, c’est le meilleur du monde". Les élections les plus récentes (2021) ont été validées par l’ensemble des observateurs internationaux. (1)
Maduro a dû diriger à la fois le Venezuela et le processus révolutionnaire bolivarien depuis la mort d’Hugo Chávez, la figure légendaire qui a brisé la mainmise de l’oligarchie sur la politique vénézuélienne. Il l'a fait depuis l'effondrement des prix du pétrole en 2015, ainsi que depuis la volonté croissante des États-Unis d'étouffer l'agenda bolivarien, qui ont privé l’État et les services publics de 95% de leurs ressources comme le rappelle l’économiste Rafael Correa. Maduro a sans aucun doute l’une des tâches les plus difficiles de la planète, puisqu’il doit succéder au charismatique Chávez et diriger le navire dans les eaux turbulentes créées par les États-Unis. Tout porte à croire que Maduro l’emportera dimanche, en grande partie à cause du caractère abominable de l’opposition.
Le terrible candidat de l'extrême droite
Maduro affronte Edmundo González Urrutia, le candidat de l'extrême droite. González est présenté comme une figure de grand-père, bien qu'il n'ait que 13 ans de plus que Maduro (il est né en 1962, alors que González est né en 1949). Cette image de doux grand-père de González masque un projet politique féroce et ses antécédents, plus encore que celui de Milei en Argentine, ainsi que ses antécédents personnels. González dirige la Plataforma Unitaria, créée en 2021 par Juan Guaidó. Il convient de rappeler que Guaidó est l'homme politique que les États-Unis ont arraché à l'obscurité pour en faire un prétendant à la présidence en 2019 (selon un modèle qui avait réussi aux États-Unis en Ukraine, lorsque le gouvernement américain avait placé Arseniy Petrovych Yatsenyuk au poste de premier ministre de l'Ukraine), et qui, avec l’appui des occidentaux, a organisé le vol à très grande échelle de nombreux actifs de l’État vénézuélien..
La Plataforma Unitaria, ou PU en abrégé, rassemble des politiciens d'extrême droite qui ont été financés et formés par les États-Unis (comme María Corina Machado et Leopoldo Eduardo López Mendoza). En privé, les membres du PU disent qu'ils ne peuvent pas gagner d'élections au Venezuela ; malgré les privations causées par les sanctions américaines et de l’Union Européenne (qui les ont tous deux reconduites en mai dernier pour tenter d’influencer le vote), l’emprise du chavisme sur les masses est indélébile. C’est pourquoi Corina Machado et López s’appuient sur les États-Unis pour renforcer leur arsenal contre le Venezuela, une position perfide qui leur vaut d'être bannis du processus électoral.
C'est aussi pourquoi le PU a choisi González comme candidat, mais au cours de la campagne, ni González ni ses alliés n'ont présenté un véritable projet alternatif au chavisme. En fait, leur seule affirmation est qu'ils ne sont pas Maduro et qu'ils pourraient améliorer l'économie en cédant aux exigences états-uniennes. González a largement dissimulé son propre passé, qui a été enterré derrière des affirmations selon lesquelles il n'était qu'un simple diplomate. Ceux qui se souviennent de son mandat en tant que fonctionnaire d'ambassade au Salvador ont des choses différentes à dire sur cette figure de grand-père (2). En juillet 1981, González est affecté à l'ambassade du Venezuela au Salvador, où il travaille directement sous les ordres de l'ambassadeur Leopoldo Castillo. Pendant son séjour - rapporte la diplomate colombienne María Catalina Restrepo Pinzón de Londoño - il était directement rattaché à l’ambassadeur Leopoldo Castillo, et a collaboré avec les escadrons de la mort contre les guérillas de gauche. L'une des dirigeantes de cette guérilla, Nadia Díaz, rappelle dans son autobiographie (Nunca estuve sola) que lorsqu'elle était en prison, des Vénézuéliens figuraient parmi ses tortionnaires. Díaz ne dit pas que González l'a torturée directement, mais il faisait certainement partie de ceux qui ont participé à l'opération. Voilà le caractère qui se cache derrière la figure du "doux grand-père" devenu aujourd’hui le candidat fantoche de l’extrême droite contre Maduro. Malade, évanoui plusieurs fois dans ses rares meetings tenus ces dernières semaines, il a été imposé par la candidate d’Israël et des États-Unis : l’oligarque Maria Corina Machado. Proche du Likoud, elle a écrit à Netanyahou pour lui demander de l’aider à changer le régime, et a participé depuis 2002 à tous les coups d’État et violences contre les présidents élus Chavez et Maduro (violences relookées par les médias en 2014 et en 2017 en "révoltes-populaires-contre-la-dictature"). Machado compte bien, en cas de victoire de son "poulain" en sursis vital, passer rapidement de la vice-présidence à la présidence pour appliquer un programme copié/collé de son proche allié, l’argentin Milei: détruire l’État et les services publics, privatiser les entreprises publiques, les centres de santé, revendre les millions de logements construits par la révolution, remettre l’armée sous contrôle des États-Unis et leur offrir le pétrole, sans oublier l’accord sécuritaire signé avec Israël, en cas de résistance des mouvements sociaux.
Le poids des sanctions
Les médias ont occulté les 930 sanctions contre le Venezuela pour imputer la "crise" et les exodes à la révolution. Le Washington Post admet aujourd’hui que ces sanctions ont causé "une contraction économique trois fois plus forte que la Grande Dépression aux USA". Et que "Washington applique actuellement des sanctions unilatérales illégales contre un tiers des pays du monde, dont 60 % des nations les plus pauvres. Ces sanctions états-uniennes, appliquées pour la première fois en 2005 pour renverser le gouvernement d’Hugo Chávez, définissent l’économie vénézuélienne. Il fut un temps où l’État vénézuélien dépendait des revenus du pétrole pour 90 % de ses finances. À la mi-2014, le boom pétrolier a pris fin avec l’effondrement des prix du pétrole brut, amplifié par l’augmentation des sanctions américaines et les menaces d’attaque armée contre le Venezuela. L’impact des sanctions secondaires contre les institutions financières et les compagnies maritimes a asséché les revenus du Venezuela et poussé l’État à prendre des mesures d’urgence pour maintenir les besoins de base du projet bolivarien".
Lors de plusieurs visites entre 2014 et 2024, j'ai été impressionné à la fois par l'impact impitoyable des sanctions et par la mobilisation politique du gouvernement Maduro pour expliquer la situation à la population. Les privations ont provoqué une angoisse énorme, entraînant une baisse de l'alimentation et des migrations massives. J'étais à Caracas en février 2021 lorsque la rapporteuse spéciale des Nations unies, Alena Douhan, a donné une conférence de presse sur l'impact des sanctions. Ses conclusions étaient claires : "Le manque de machines, de pièces détachées, d'électricité, d'eau, de carburant, de gaz, de nourriture et de médicaments, la pénurie croissante de travailleurs qualifiés, dont beaucoup ont quitté le pays à la recherche de meilleures opportunités économiques, en particulier le personnel médical, les ingénieurs, les enseignants, les professeurs, les juges et les policiers, ont un impact énorme sur toutes les catégories de droits de l'homme, y compris les droits à la vie, à l'alimentation, à la santé et au développement". Le Center for Economic and Policy Research (CEPR, Washington) estime qu’elles ont entrainé la mort de 100 000 patients, privés de médicaments. Si la situation s'est améliorée depuis 2021, c'est en grande partie grâce à l'accord de la Barbade signé en octobre 2023 entre le gouvernement vénézuélien et l'opposition, ainsi qu'à l'entrée d'autres pays (tels que la Chine, l'Iran, la Russie et la Turquie) dans les échanges commerciaux avec le Venezuela. Mais le chemin à parcourir est long et difficile.
Déjà, lors des élections présidentielles de 2020, les sanctions ont occupé le devant de la scène. Elles restent le principal enjeu de ces élections. Contrairement aux autres partis en lice (37 au total), l’extrême droite a annoncé qu’elle ne reconnaitrait que "ses propres résultats"… Si les élections sont considérées comme équitables par les centaines d’observateurs internationaux présents sur place, l’accord de la Barbade pourrait conduire à un assouplissement des sanctions par les États-Unis. Les États-Unis aimeraient voir plus de pétrole vénézuélien entrer sur le marché, non pas pour aider le peuple vénézuélien, mais pour fournir de l’énergie à l’Europe, compte tenu des sanctions imposées à la Russie. Mais les contradictions sont trop nombreuses. Les États-Unis nieront sans doute la légitimité des élections en cas de victoire de Maduro et permettront que les sanctions empêchent le pétrole vénézuélien de soulager les Européens. Lors des élections présidentielles de 2020, les sanctions ont occupé le devant de la scène. Elles restent le principal enjeu du scrutin.
Le narratif de la "fraude de Maduro" est martelé depuis longtemps par l’extrême droite et par sa grande alliée : l’homogénéité médiatique. Il a suffi que Nicolas Maduro dise redouter "un bain de sang" (vu l’expérience de 24 ans) en cas de retour de l’extrême droite raciste au pouvoir, pour que de CNN à Globo ou au Figaro, un chœur parfait entonne que "Maduro-menace-d’un-bain-de-sang-en-cas-de-défaite" (3) ! Si l’extrême droite perd, les bots seront activés pour neutraliser l’opinion mondiale sur le thème "Maduro le dictateur fraude pour rester au pouvoir", et pour légitimer des violences voire une agression depuis l’extérieur. Le plan est prévisible, déjà vécu, et dangereux. Le politologue espagnol Juan Carlos Monedero, ex-dirigeant de Podemos, observe que "curieusement alors que les courants progressistes occidentaux s’élèvent contre l’extrême droite partout dans le monde, ils ne le font pas au sujet du Venezuela".
Invisibilisés par les médias (car ils détruiraient son narratif de "dictature"), les nombreux meetings de campagne de Maduro à travers le pays ont été enthousiastes et massifs. Les chavistes l’encouragent, leurs chemises rouges luisant de sueur sous le ciel chaud du Venezuela. "Nous allons gagner", affirme le président, ancien chauffeur d’autobus et syndicaliste du transport public, dont les discours humoristiques ne cachent pas les défis. Pas de faux-fuyant. Maduro est clair : le Venezuela est mis à l’épreuve. Le peuple vénézuélien poursuivra-t-il le processus bolivarien ou reviendra-t-il au terrible passé de l’oligarchie ?
Historien, éditeur et journaliste indien Vijay Prashad est le directeur du Tricontinental Institute for Social Research. Membre de la rédaction et correspondant en chef de Globetrotter. Rédacteur en chef de LeftWord Books. Il a écrit plus de 20 livres, dont The Dark Nations et The Poor Nations. Ses derniers livres sont Struggle Makes Us Human : Learning from Movements for Socialism et The Retreat : Iraq, Libya, Afghanistan, and the Fragility of American Power (avec Noam Chomsky).
📰 https://www.revistadefrente.cl/venezuela-enfrenta-una-prueba-este-domingo-por-vijay-prashad/
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Femmes, communardes, parmi tant d'autres
Les médias créent une image pauvre de la politique, simple lutte de "personnalités". Dans le cas du Venezuela, leur silence a été total sur 24 ans de construction d’un pouvoir citoyen. Comme celui de ces communardes qui "ne se sentent plus coincées dans leur cuisine".
Par Chris Gilbert & Cira Pascual Marquina, Juillet 2024, Venezuela Infos
Située à la périphérie de Biruaca, dans l’État d’Apure, Nacidos para Vencer con Chávez est une commune dirigée par des femmes dans un contexte rural marqué par une longue histoire d’oppression patriarcale. Cette commune naissante s’est emparée de l’idée communarde chère à Chávez pour aller de l’avant en ces temps difficiles, en essayant de construire une organisation de base et d’augmenter la production, et en se reliant à d’autres communes par l’intermédiaire de l’Union Communarde.
Une commune dirigée par des femmes
Abrannys Mendoza : Vers 2015, des porte-parole de quinze conseils communaux d’ici ont commencé à se réunir en vue de former une commune : nous voulions réaliser le projet de Chávez. Deux communes sont nées de ces assemblées : Los Herederos de Chávez et la nôtre. Notre commune s’appelle Nacidos Para Vencer con Chávez ("nés pour vaincre avec Chavez"). Elle a finalement été enregistrée en février 2017, constituée de sept conseils communaux et une population de plus de 2500 personnes.
Notre combat a été long, mais il en valait la peine.
Aujourd’hui, nous avons une organisation soudée qui génère des espaces de prise de décision participative et encourage la production.
Mairen Mendoza : La commune compte environ 14 000 hectares de terres productives, avec des extensions relativement importantes consacrées à l’élevage de bovins à double usage (lait et viande), tandis que les paysans du territoire cultivent également des céréales, du topocho (petit plantain), des légumineuses, des tubercules, de la canne à sucre, du cacao, de l’onoto (colorant naturel pour les aliments) et du curcuma.
Jessica Laya : Une commune se développera et deviendra hégémonique dans une région si elle offre des solutions tangibles à la population. C’est pourquoi en mai 2017, peu après l’enregistrement de notre commune, nous avons commencé à travailler avec le Plan de Siembra ("Plan d’ensemencement") national [initiative gouvernementale visant à promouvoir la production agricole] pour semer plus de 200 hectares de maïs.
Mairen Mendoza : Construire une commune, c’est avoir un projet tangible, mais c’est aussi avoir sa propre "mystique" [pratiques symboliques].
C’est pourquoi nous organisons des sancochos (repas collectifs) pour favoriser la solidarité et la fraternité entre les communards ; une personne apporte les légumes (pommes de terre, manioc..), une autre l’aliño [oignon, poivron, etc.], une autre encore la viande… Nous cuisinons ensemble, nous parlons de nos problèmes et de nos espoirs. C’est une commune gérée par les femmes. Les anniversaires et les fêtes sont très importants pour nous. Je pense qu’il n’y a pas de meilleure façon de construire une commune !
Abrannys Mendoza : Autrefois, dans la région des plaines, lors des visites, les femmes étaient envoyées à la cuisine pour préparer les repas des hommes. La fête était importante, mais nous étions enfermées ! Tout cela a changé avec la révolution bolivarienne : nous ne sommes plus seulement les mères et les épouses coincées dans la cuisine. Et non seulement nous sommes sorties de la cuisine, mais nous sommes maintenant à la tête de nos communes et parfois, dirigeantes du parti socialiste [PSUV].
Bien sûr, il reste encore beaucoup à faire pour parvenir à l’égalité totale : bien que nous, les femmes, avons gagné en autonomie, c’est encore nous qui nous occupons du foyer. J’attends avec impatience le moment où les hommes et les femmes participeront à parts égales aux tâches domestiques.
La production agricole en temps de blocus
Mairen Mendoza : Nous avons récemment acheté un terrain de quatre acres (208 ares) pour le projet communal. Cependant, sur notre territoire, la plupart des terres sont entre les mains de petits paysans et d’agriculteurs de taille moyenne. Malgré cela, nous travaillons tous ensemble dans un but collectif : augmenter la production et améliorer les conditions de vie de la communauté.
L’exercice le plus intéressant en matière de production collaborative et de planification a sans doute été le Plan de Siembra de 2017, lorsque nous avons reçu les intrants nécessaires pour planter 220 hectares de maïs. Cette année-là, nous avons travaillé comme des folles ! La récolte a été excellente : 174 des 220 hectares ont produit environ 4500 kilos par hectare. Ce fut une grande année pour la commune, car elle nous a appris que nous pouvons produire plus si nous collaborons. Cependant, 2017 a été difficile pour nous aussi : la récolte a eu lieu pendant la pire période d’hyperinflation. Cela signifie qu’au moment où nous avons été payés, l’argent s’était volatilisé. Cette situation nous a conduits au bord de la faillite. C’est pourquoi nous disons que 2017 a été à la fois notre meilleure et notre pire année.
Depuis, nous avons rencontré des obstacles importants dans la production de maïs : les financements sont limités en raison du blocus, et nous devons souvent nous tourner vers le secteur privé pour louer les machines nécessaires aux semis et à la récolte. Mais nous n’avons pas l’intention de baisser les bras : nous savons que la commune est la voie à suivre !
Solutions collectives
Mairen Mendoza : Nous cherchons des alternatives au milieu de cette crise induite par le blocus. L’une des initiatives les plus importantes est notre "banque de semences" communale, qui vise à rompre la dépendance à l’égard des instances du gouvernement, mais aussi du marché capitaliste. Il y a environ un an, vingt-cinq paysans, dont moi-même, ont uni leurs efforts pour lancer un projet de semences de maïs.
Freddy Silva : Le projet de semences de maïs occupe environ un hectare de ma propriété. Nous espérons y produire des semences de maïs de haute qualité pour planter 150 hectares dans la commune.
La variété de semences que nous produisons est la souche de maïs blanc Maquina. La semence est robuste et résistante aux inondations, qui sont fréquentes ici en hiver. Elle est également résistante aux parasites et nécessite moins d’engrais.
Mairen Mendoza : Le projet de semences de maïs nous apportera autonomie et sécurité. Les paquets de semences arrivent souvent en retard en raison d’obstacles administratifs et bureaucratiques. Maintenant, nous pourrons semer en mai et nous aurons besoin de moins d’engrais, car le sol sera prêt à recevoir les semences.
Angelys Rivas : La production de légumineuses est essentielle dans notre commune. Cette année, nous avons produit 210 tonnes de haricots. Or, comme chacun le sait, les intermédiaires privés sont le fléau des paysan(ne)s, car ils ne paient que quelques centimes pour notre production. C’est pourquoi nous avons commencé à chercher des alternatives pour réduire nos coûts. C’est dans cette optique que nous avons fabriqué une machine artisanale à décortiquer : la base est un baril de pétrole avec des chaînes de moto à l’intérieur. Le moteur peut fonctionner aussi bien au carburant qu’à l’électricité. C’est une bonne chose car nous avons souvent des pannes d’électricité. Nous sommes fier(e)s de notre décortiqueuse : elle est très efficace et peut traiter 2000 kilos par jour.
Nous avons également un trapiche (moulin à canne à sucre) que nous utilisons pour transformer la canne à sucre en melcocha [sucre candi] et en panelas (blocs de sucre brun). Bien que ces moyens de production soient situés sur notre propriété, ils sont tous deux au service de la communauté.
Mairen Mendoza : Nacidos Para Vencer con Chávez et six communes voisines (Los Herederos de Chávez, Los Hijos de Chávez, Los Guerreros de la Patria, Las Colonias del Viento, Hermandad Moritense et La Revolución en Progreso) font partie d’un circuit économique communal qui produit de la viande, du fromage, du maïs et des légumineuses. Nous voulons augmenter notre capacité de production en travaillant main dans la main avec d’autres communes. Avec ces autres organisations, nous travaillons à la création d’une entreprise de propriété sociale que nous appelons Los Soberanos. Los Soberanos sera une usine de conditionnement de haricots qui nous aidera à mettre notre production sur le marché communal, tout en évitant les intermédiaires. Nous venons d’acheter un terrain de quatre hectares qui deviendra le site de cette usine. Il a été acquis avec des fonds du Consejo Federal de Gobierno [institution gouvernementale qui finance directement les communes] à la suite du vote citoyen (consultation populaire nationale, mai 2024).
Nous devons maintenant travailler dur pour obtenir les ressources nécessaires à la construction de l’usine.
Le blocus occidental
Mairen Mendoza : Lorsque le blocus nous a frappés, la production de la commune a chuté de façon spectaculaire.
Cependant, les mesures coercitives unilatérales nous ont également rapprochés de la terre : de nombreuses personnes sont retournées dans leurs conucos (lopins familiaux) où elles cultivent maintenant du topocho, du yuca et d’autres cultures pour les besoins du ménage. Cela se traduit par une plus grande diversification du territoire : nous cultivons aujourd’hui 20 produits différents, et la production de fromage augmente également.
Bien sûr, cela ne s’est pas fait du jour au lendemain. Nous n’avons pas souffert de la faim, mais nous avons perdu de nombreux kilos au cours de ces années.
Outre le conuco familial, l’une des clés pour répondre aux besoins alimentaires de la commune est notre « Casa de Alimentación » (foyers communautaires d’alimentation), qui a ouvert ses portes en 2018 et qui nourrit plus de 200 personnes.
Le gouvernement nous fournit des produits de base, notamment de la farine de maïs, du riz et des pâtes. Nous en gardons une partie pour la Casa de Alimentación et en échangeons une autre avec des producteurs locaux, qui peuvent nous donner des pommes de terre, du manioc ou une « baba » [petit crocodile] qu’ils viennent de chasser.
Angelys Rivas : La pénurie d’essence et de diesel est devenue un problème il y a quelques années, ce qui a des conséquences sur la production. Les machines agricoles fonctionnent au diesel ; l’acheminement des intrants dans la commune nécessite du carburant ; et l’acheminement de notre production vers le marché nécessite de l’essence. La pénurie de carburant est un énorme problème pour les paysan(ne)s.
La pénurie de carburant a également des répercussions sur la santé. Il s’agit d’une commune rurale, donc lorsqu’une personne est malade ou sur le point d’accoucher, l’emmener à l’hôpital de San Fernando, qui se trouve à 25 kilomètres, devient une épreuve. De plus, nous avons vu l’accès aux médicaments se réduire considérablement. C’est pourquoi je dis que le blocus n’est pas seulement illégal, il est aussi criminel. Combien de personnes sont mortes depuis le début du blocus ?
Jessica Laya : L’éducation a également été affectée par le blocus. La détérioration des infrastructures scolaires rend l’enseignement et l’apprentissage plus difficiles. Dans certaines écoles, les enfants n’ont pas de chaises ou de bureaux, ils s’assoient donc par terre, et il n’y a pas d’électricité dans certaines salles de classe. En outre, il est devenu difficile d’amener les enfants à l’école en raison de la pénurie de carburant, de sorte que les écoles fonctionnent selon un horaire de trois jours par semaine.
Néanmoins, nous gardons les écoles ouvertes. Nous sommes dévoués à nos enfants et nous n’abandonnerons pas !
Mairen Mendoza : Le blocus est parfois terrifiant. Washington est déterminée à renverser notre gouvernement par tous les moyens, et ce n’est un secret pour personne que leurs politiques nous ont fait perdre des années en termes de bien-être matériel. Mais il est tout aussi vrai que les difficultés nous ont rendus plus résistants et plus engagés dans le travail d’organisation. Chávez n’avait pas tort, la commune est un bon moyen de construire un monde meilleur. Que nous soyons confrontés à des défis et à des contradictions ? Certainement, mais la commune est l’avenir, et c’est "aussi clair que la pleine lune" comme il disait dans son dernier discours.
Chávez, la commune et l’union communarde
Jessica Laya : La commune est l’héritage d’un modèle politique de Chávez pour les pauvres et les travailleurs du Venezuela. La construction des communes n’est pas facile, mais je ne peux pas imaginer ce que nous ferions sans elle. Les défis seraient encore plus grands !
Mairen Mendoza : La commune, c’est apporter de l’espoir aux gens, c’est organiser et produire ce dont nous avons besoin pour vivre dignement et en paix…. Mais les communes ne peuvent pas survivre dans l’isolement ! L’Union Communarde est une organisation nationale qui regroupe des dizaines de communes. Ensemble, nous luttons pour que le projet de Chávez reste vivant. Lorsque Juan Fernández, de la commune Pancha Vásquez, nous a parlé pour la première fois de l’Union des Communards, nous sommes tombés amoureux de l’idée et nous l’avons rejointe aussi vite que possible. Bien sûr, l’Union Communarde est une jeune organisation, il y a donc encore beaucoup à faire, mais nous mettons tous nos espoirs en elle. Nous ne pouvons pas rester isolés !
Abrannys Mendoza : En tant que jeune femme, je dirai que l’Union Communarde a été importante pour ma formation politique. Ses cours de leadership et les ateliers sur le féminisme communal m’ont beaucoup aidée. Je pense que l’Union Communarde est un outil pour construire le socialisme bolivarien. Je me souviens que dans l’un des cours, un professeur nous a dit que nous vivions encore dans un pays capitaliste. Certains de mes camarades ont été surpris et ont dit que ce n’était pas le cas… mais c’est le cas ! C’est le Président Chávez qui l’a dit, mais il faut le rappeler aux jeunes générations. Pour en finir avec les injustices, nous avons besoin de la commune !
Traduction : Thierry Deronne
📰 https://venezuelainfos.wordpress.com/2024/07/22/femmes-communardes-parmi-tant-dautres-au-venezuela/
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