❖ OUI, c'est un génocide : 200 jours de génocide mais 76 ans de résistance & de résilience
Ce n'est pas seulement d'une guerre contre Gaza, ni contre les enfants de Gaza, mais d'une attaque en règle contre l'humanité elle-même. Le monde ne sera plus jamais le même.
Déclaration de Benjamin Netanyahou
"Nous entrerons à Rafah et le tribunal de La Haye ne nous intéresse pas, parce qu'il est antisémite.
Nous entrerons dans Rafah parce que nous n'avons pas d'autre choix. Nous y détruirons les bataillons du Hamas, nous remplirons tous les objectifs de la guerre, y compris le retour de toutes les personnes capturées.
De nombreuses forces tentent de nous en empêcher. Récemment, une autre de ces forces les a rejoints : la Cour pénale internationale de La Haye. Ce tribunal n'a aucune autorité sur l'État d'Israël. Le fait qu'il puisse émettre des mandats d'arrêt pour crimes de guerre à l'encontre de commandants de Tsahal et de dirigeants de l'État est un scandale d'une ampleur historique.
Ce sera la première fois qu'un pays démocratique, qui lutte pour sa survie selon toutes les règles du droit international, sera accusé de crimes de guerre. Si cela se produit, la tache sur l'humanité entière sera indélébile. Il s'agirait d'un crime de haine antisémite sans précédent, un crime qui alimenterait l'incitation à l'antisémitisme qui fait déjà rage dans le monde.
Je tiens à ce qu'une chose soit claire : aucune décision, ni à La Haye ni ailleurs, ne portera atteinte à notre détermination à atteindre tous les objectifs de la guerre - la libération de tous nos otages, une victoire complète sur le Hamas et la promesse que Gaza ne constituera plus une menace pour Israël, ainsi que le rétablissement de la sécurité et des habitants dans le nord du pays."
Source Twitter X : https://x.com/Megatron_ron/status/1785337223409217873
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Introduction : 200 jours de génocide - Les statistiques choquantes (mi-avril)
– 200 jours de guerre génocidaire
– 3 025 massacres commis par les forces israéliennes
– 41 183 personnes tuées et disparues
– 34 183 personnes tuées, sont arrivées dans les hôpitaux
– 14 778 enfants tués
– 30 enfants tués par la famine
– 9 752 femmes tuées
– 485 personnels médicaux tués
– 67 agents de la protection civile tués
– 140 journalistes tués
– 7 000 personnes disparues
– 77 143 blessés
– 72% des victimes sont des femmes et des enfants
– 17 000 enfants vivant sans un ou les deux parents
– 11 000 blessés devant se déplacer pour se faire opérer
– 10 000 patients atteints de cancer menacés de mort et nécessitant un traitement
– 1 090 000 personnes souffrant de maladies infectieuses dues au déplacement
– 8 000 cas d’hépatites virales dus aux déplacements
- 60 000 femmes enceintes en danger à cause du manque de soins de santé
- 350 000 patients chroniques en danger parce que les médicaments ne peuvent entrer sur le territoire.
– 5 000 détenus de la bande de Gaza durant cette guerre génocidaire
– 310 personnels soignants détenus
– 20 journalistes détenus dont les noms sont connus
– 2 millions de déplacés dans la bande de Gaza
– 181 sièges gouvernementaux détruits
– 103 écoles et universités entièrement détruites
– 309 écoles et universités partiellement détruites
– 239 mosquées entièrement détruites
– 317 mosquées partiellement détruites
– 3 églises ciblées et détruites
– 86 000 logements entièrement détruits
– 294 000 logements partiellement détruits et inhabitables
– 75 000 tonnes d’explosifs larguées sur Gaza
– 32 hôpitaux mis hors service
– 53 centres de santé mis hors service
– 160 établissements de santé ciblés
– 126 ambulances ciblées par les forces israéliennes
– 206 sites archéologiques et patrimoniaux détruits
– 30 milliards de dollars de pertes directes préliminaires dues à la guerre génocidaire dans la bande de Gaza
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SOMMAIRE :
1 - Mon coup de gueule dominical : 200 jours de génocide mais 76 ans de résistance - Rachael Swindon
2 - "Oui, c'est un génocide", déclare un spécialiste israélien de l'Holocauste - Mehdi Hasan
3 - Oui, c'est un génocide - Pr Amos Goldberg
4 - Ne détournez pas le regard : journal d'un génocide - Ramona Wadi
5 - Nasser & al-Shifa : Témoignages de l'impensable & de l'innommable - Tareq S. Hajjaj
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1- ➤ Mon coup de gueule dominical : 200 jours de génocide mais 76 ans de résistance
Par Rachael Swindon, le 28 avril 2024, The Canary
Deux cents jours et soixante-seize ans.
200 jours sans eau potable, sans nourriture, sans électricité, sans médicaments salvateurs, sans salle de bain, sans intimité, ou tout simplement sans un lieu de refuge que l'on puisse appeler son chez-soi.
200 jours de massacres sans retenue, de famine, de déshydratation, de déplacements, de tortures, d'arrestations massives et 200 jours de déshumanisation acharnée.
200 jours de génocide, rendu possible et financé par les élites occidentales et brutalement exécuté par le colonisateur en chef, Benjamin Netanyahou.
200 jours de génocide en chiffres
Volker Turk, le responsable des droits de l'homme des Nations unies, a déclaré qu'un enfant de Gaza était tué ou blessé "toutes les 10 minutes". Un pourcentage stupéfiant de 72 % des victimes d'Israël sont des femmes et des enfants.
7 000 personnes au moins restent portées disparues. Israël utilise des bombes thermobariques pour pulvériser littéralement les civils palestiniens.
75 000 tonnes d'explosifs au moins ont été larguées sur Gaza par les forces israéliennes. Les civils ont été intentionnellement pris pour cible et Israël veut construire de nouvelles colonies sur le cimetière d'enfants qu'est Gaza.
30% au moins des enfants de Gaza souffrent de malnutrition aiguë et, pour 10 000 habitants, au moins deux adultes ou quatre enfants meurent chaque jour de faim pure et simple ou d'une combinaison de malnutrition et de maladie.
Au moins 180 membres du personnel de l'UNRWA ont été tués par Israël entre octobre et mars, et pas moins de 196 travailleurs humanitaires depuis le 7 octobre.
350 professionnels de la santé au moins ont été tués depuis le 7 octobre et au moins 520 ont été blessés. Tlaleng Mofokeng, rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à la santé, affirme que ces chiffres sont "largement sous-estimés".
Le "droit à l'autodéfense" d'Israël ? Allez vous faire voir.
34 262 Palestiniens au moins ont été massacrés par l'État colonial raciste d'Israël depuis le 7 octobre, soit au moins 171 personnes assassinées chaque jour par une armée dotée de l'arme nucléaire se targuant d'être l'armée la plus morale du monde qui, en réalité, se livre ouvertement au plus odieux des crimes contre l'humanité de notre temps.
Voilà à peu près où nous en sommes après 200 jours de génocide et de nettoyage ethnique, et pourtant les extrémistes détraqués de la Knesset veulent PLUS d'enfants morts, PLUS de déplacements forcés, PLUS de dévastation et de destruction pour la population palestinienne innocente.
Je suis désolée de le dire, mais si vous continuez à blâmer le Hamas pour les actions de la machine de guerre israélienne, et si vous continuez à parler du droit d'Israël à "se défendre", malgré les preuves de plus en plus nombreuses illustrant clairement le plus brutal des génocides, vous êtes un vrai con.
Ne serait-ce pas un tant soit peu hypocrite de suggérer qu'Israël a tout à fait le droit de se défendre, mais pas la Palestine ? Un État occupé est tout à fait en droit de se défendre et de résister, tant sur le plan moral que juridique, que vous approuviez ou non ses méthodes.
Netanyahou : désormais, tout est antisémite
Vous aurez sans doute remarqué le magnifique chaos qui s'est emparé des campus américains à la suite des manifestations d'étudiants pro-palestiniens qui ont gagné les universités de tout le pays.
Les manifestations ont débuté à l'université de Columbia, à New York, où les étudiants ont installé le 17 avril le Gaza Solidarity Encampment (campement de solidarité avec Gaza).
Des centaines d'étudiants anti-génocide et pro-humanité ont été arrêtés par des policiers américains typiquement autoritaires qui considèrent toute couleur de peau autre que blanche comme une menace pour leurs "valeurs" américaines.
Netanyahou a réagi aux manifestations de masse en déclarant que tout et tout le monde était antisémite et que cela rappelait ce qui s'était passé dans les universités allemandes dans les années 1930.
C'est ce même Netanyahou, assassin d'enfants, qui a ordonné la destruction de toutes les universités de Gaza.
L'université islamique de Gaza, l'université Al-Azhar, l'université libre d'Al-Quds, l'école supérieure des sciences appliquées, l'université de Palestine, l'université Al-Israa, l'université de Gaza, l'université Al-Aqsa, l'école technique de Palestine, l'école supérieure d'infirmières de Palestine et l'école supérieure des sciences appliquées ont toutes été bombardées par les terroristes de Tel-Aviv.
Pourtant, ce putain d'abominable être humain raté veut réprimer des manifestations tout à fait légitimes dans les universités des États-Unis ?
Je suis dure ? Je ne le crois pas.
Il ne s'agit pas seulement d'une guerre contre Gaza, ni d'une guerre contre les enfants de Gaza, mais d'une attaque en règle contre l'humanité elle-même, et ce génocide du peuple palestinien aurait été impossible sans le soutien et la caution des impérialistes occidentaux.
Netanyahou, le despote qui a détourné le judaïsme, pourrait faire un million de fois l'aller-retour dans les flammes de l'enfer, que cela ne suffirait même pas à compenser le chaos qu'il a fait régner au Moyen-Orient.
Cruelle ? Je ne le pense pas, putain.
Ce qui est cruel, c'est de dire à une population civile de fuir vers une zone sûre tout en lui tirant dessus en chemin et en la bombardant à son arrivée.
Ce qui est cruel, c'est de mourir de faim alors que des camions remplis d'aide humanitaire sont à portée immédiate, mais que des colons extrémistes refusent de laisser passer l'aide.
Harsh est détenu par l'armée israélienne sans inculpation ni procès et subit quotidiennement des violences physiques, sexuelles et psychologiques. La torture est monnaie courante, des chiens sont utilisés pour mordre les enfants. Des soldats israéliens complètement givrés urinent sur les hommes, les femmes et les enfants.
La découverte effroyable de charniers dans les hôpitaux Al-Shifa et Nasser à Gaza est particulièrement atroce. Des centaines de corps ont été exhumés, certains décapités, beaucoup torturés, d'autres amputés de membres ou d'organes. Des patients ont été exécutés les mains liées.
Lumière sur les zones d'ombre du pouvoir
Comment diable sommes-nous censés coexister avec ces putains de trous du cul barbares d'Israéliens ? Les scènes apocalyptiques qui se sont déroulées dans les hôpitaux Al-Shifa et Nasser au cours de la semaine écoulée sont pires que tout ce que l'on peut voir dans un film d'horreur.
Je terminerai cette semaine en mentionnant un nouveau rapport d'anciens fonctionnaires américains et d'experts en droits de l'homme exprimant de "profondes inquiétudes" quant aux transferts d'armes de l'administration Biden vers Israël.
Vous ne trouverez aucune mention de ce rapport dans les médias traditionnels, mais c'est là tout le mérite des médias indépendants tels que le Canary.
Nous sommes heureux d'éclairer les zones d'ombre du pouvoir. Nous n'avons aucun actionnaire à satisfaire et ne devons rendre de comptes ni aux sionistes pro-israéliens, ni aux forces du mal qui les soutiennent. Nous n'avons pas de carcan.
Le rapport étouffé, soumis au gouvernement américain le 19 avril, indique que les auteurs ont constaté
un schéma évident de violations du droit international, de manquements à l'application des meilleures pratiques en matière de limitation des dommages aux civils et de restrictions de l'aide humanitaire, par le gouvernement d'Israël et les FDI, qui utilisent souvent des armes fournies par les États-Unis.
Rappelons qu'en mars dernier, Israël a présenté au gouvernement américain une assurance écrite selon laquelle les armes fournies par les États-Unis étaient utilisées dans le respect du droit humanitaire international.
76 ans d'occupation
Le groupe d'experts - dont l'objectif était d'informer les départements d'État et de la défense des États-Unis de ses conclusions en vue de la préparation d'une évaluation finale pour le Congrès prévue le 8 mai - a déclaré avoir examiné des milliers de rapports sur les violations du droit international par Israël, notant une frappe israélienne le 9 octobre sur le camp de réfugiés de Jabalia qui a détruit plusieurs bâtiments à plusieurs étages et tué au moins 39 personnes, qui, selon les Nations unies, ne semblait avoir aucun objectif militaire spécifique.
Le rapport accablant poursuit en ces termes :
Le groupe de travail conclut que ces incidents ne sont que les plus facilement identifiables parmi un ensemble de violations du droit international, de manquements à l'application des meilleures pratiques en matière d'atténuation des dommages causés aux civils et de restrictions de l'aide humanitaire, de la part du gouvernement israélien.
En résumé, Joe Biden baigne dans le sang du peuple palestinien jusqu'au cou, et l'argument de la responsabilité atténuée ne suffira pas lorsque l'histoire jugera de sa complicité dans le génocide.
Les preuves qui s'accumulent désormais devant l'administration Biden apparaissent bien pâles en comparaison de la crise humanitaire qui afflige les Palestiniens de Gaza.
200 jours de génocide en direct et 76 ans d'occupation : le monde ne sera plus jamais le même.
Rachael Swindon est décrite par Buzzfeed comme "la femme qui dirige l'armée Twitter de Jeremy Corbyn" et considérée comme l'un des militants en ligne les plus influents pendant la campagne des élections générales de 2017.
📰 https://www.thecanary.co/opinion/2024/04/28/swindonssundaysermon-200-days-of-genocide/
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2- ➤ "Oui, c'est un génocide", déclare un spécialiste israélien de l'Holocauste
Mémo de Mehdi sur Gaza, plan britannique pour le Rwanda et nouveau podcast de Zeteo
Par Mehdi Hasan, le 29 avril 2024, Zeteo
Génocide.
C'est le mot en G que bon nombre de cercles politiques et médiatiques libéraux occidentaux n'osent pas prononcer. Depuis des mois, depuis que le gouvernement sud-africain a accusé Israël de génocide à Gaza, représentants des gouvernements occidentaux et experts des médias font chorus pour dénoncer l'accusation comme étant, entre autres, "sans fondement" et "méprisable". Le New York Times, selon une note interne obtenue par The Intercept (ndr : traduit sur ce blog), a conseillé aux journalistes couvrant le conflit à Gaza de limiter l'utilisation du terme "génocide". Les partisans les plus fanatiques d'Israël ont même affirmé qu'accuser le seul État juif du monde de commettre un génocide était une nouvelle "diffamation du sang" à l'encontre du peuple juif.
Pourtant, dès le début de ce conflit, alors que les grands médias détournaient le regard, les propres spécialistes juifs de l'Holocauste en Israël mettaient en garde contre un génocide à Gaza.
Raz Segal, professeur agrégé d'études sur l'Holocauste et les génocides et titulaire d'une chaire sur l'étude des génocides modernes à l'université de Stockton, a qualifié l'assaut israélien sur Gaza, après le 7 octobre, de "cas d'école de génocide" (article du 13 octobre 2023).
L'historien Omer Bartov, de l'université Brown, "l'un des plus grands spécialistes mondiaux du génocide", a signé (ndr : le 17 octobre 2023) une déclaration publique sonnant "l'alarme sur la possibilité d'un crime de génocide perpétré par les forces israéliennes contre les Palestiniens de la bande de Gaza".
Et à présent, au cours du week-end dernier, l'éminent spécialiste de l'Holocauste Amos Goldberg, professeur d'histoire de l'Holocauste à l'Université hébraïque de Jérusalem, a signé un essai cinglant dans lequel il affirme que la violence actuelle à Gaza n'a pas besoin de ressembler à l'Holocauste pour être classée comme un génocide. (ndr : la traduction de cet essai vous est proposée après cet article)
Voici comment il débute son article :
Oui, c'est un génocide. Il est si difficile et douloureux de l'admettre, mais malgré tout, et malgré tous nos efforts pour penser autrement, après six mois de guerre brutale, nous ne pouvons plus éviter cette conclusion. L'histoire juive sera désormais souillée de la marque de Caïn pour "le plus horrible des crimes", laquelle ne pourra être effacée de son front. C'est ainsi qu'elle sera considérée dans le jugement de l'histoire pour les générations à venir.
L'essai de Goldberg est une intervention importante dans le débat houleux sur le mot commençant par G. Au cours du week-end, d'éminents partisans en ligne d'Israël ont également partagé avec jubilation un extrait d'une interview accordée à la BBC par Joan Donoghue, ancienne présidente de la Cour internationale de justice, dans laquelle elle déclare que l'ordonnance de la CIJ dans l'affaire de l'Afrique du Sud soulignait effectivement "qu'il existait un risque de préjudice irréparable pour le droit des Palestiniens à être protégés contre le génocide, mais la formule abrégée qui apparaît souvent, à savoir "il existe un cas plausible de génocide", n'est pas ce qu'a décidé la Cour".
Outre le fait qu'il n'est pas approprié qu'un juge discute des délibérations en cours de la CIJ dans une interview télévisée et que cette dernière n'a pas le droit de parler au nom de tous les autres juges de la CIJ (toujours en fonction), de nombreux analystes juridiques ont fait remarquer que les propos "tirés par les cheveux" de Donoghue n'ont fait qu'embrouiller le débat, au lieu de l'éclaircir.
Dans un long fil de discussion détaillé et utile sur Twitter, Alonso Gurmendi, du King's College, affirme que le "point juridique très nuancé de Donoghue n'apporte pas de clarté, mais plutôt de la confusion", ajoutant : "Ainsi, bien qu'il s'agisse du jargon juridique correct, dans la pratique, cela ne nous amène pas à un endroit différent de celui d'où nous sommes partis. Ce que fait Israël met plausiblement en danger le droit de ne pas être génocidé" n'est pas réellement différent de "il y a un cas plausible de génocide".
L'avocate palestino-américaine Noura Erekat, de Rutgers, m'a dit qu'elle pensait que Donoghue, ancienne conseillère au département d'État d'Hillary Clinton, "tentait essentiellement de se créer une voie pour rester en faveur des décideurs américains à même de lui décerner des distinctions, de l'inviter à siéger à des conseils d'administration... tout en ne jetant pas le reste du panel [de la CIJ] sous le boisseau". Néanmoins, selon Erekat, Donoghue continue de dire que "les faits sont les mêmes, le préjudice irréparable est le même... mais au lieu de dire qu'il s'agit "plausiblement d'un génocide", elle a juste dit qu'il est "plausible que les Palestiniens aient besoin d'être protégés d'un génocide". La ligne est si ténue, vraiment si mince... mais cela ne change pas le poids de la décision de la CIJ".
Permettez-moi de conclure en revenant à Amos Goldberg, l'historien israélien, qui répond aux arguments juridiques d'une manière très puissante et convaincante :
"Il faudra plusieurs années avant que la Cour de La Haye ne rende son verdict, mais nous ne devons pas nous limiter à examiner cette situation catastrophique d'un point de vue purement juridique. Ce qui se passe à Gaza est un génocide parce que le niveau et le rythme des meurtres aveugles, des destructions, des expulsions massives, des déplacements, de la famine, des exécutions, de l'anéantissement des institutions culturelles et religieuses, de l'écrasement des élites (y compris l'assassinat de journalistes) et de la déshumanisation générale des Palestiniens dressent le tableau d'ensemble d'un génocide, d'un anéantissement délibéré et conscient de l'existence des Palestiniens à Gaza."
Lire la suite sur l'imprudence de Rishi sur les réfugiés et le Rwanda en cliquant sur le lien ci-dessous.
📰 Lien de l'article original :
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3- ➤ Oui, c'est un génocide
Dans la plupart des cas de génocide, de la Bosnie à la Namibie, du Rwanda à l'Arménie, les auteurs du massacre ont déclaré agir en état de légitime défense. Le fait que ce qui se passe à Gaza ne ressemble pas à l'Holocauste, écrit Amos Goldberg, spécialiste de l'Holocauste, ne signifie en aucun cas qu'il ne s'agit pas d'un génocide.
Par Amos Goldberg, le 17 avril 2024, Mekomit
Le professeur Amos Goldberg est un spécialiste de l'Holocauste et du génocide à l'Université hébraïque, dont le livre VeZcharta - And Thou Shalt Remember : Five Critical Readings in Israeli Holocaust Remembrance sera publié par Resling dans les prochaines semaines.
Oui, c'est un génocide. Il est si difficile et douloureux de l'admettre, mais malgré tout, et malgré tous nos efforts pour penser autrement, après six mois de guerre brutale, nous ne pouvons plus éviter cette conclusion. L'histoire juive sera désormais souillée de la marque de Caïn pour "le plus horrible des crimes", laquelle ne pourra être effacée de son front. C'est ainsi qu'elle sera considérée dans le jugement de l'histoire pour les générations à venir.
D'un point de vue juridique, on ne sait pas encore ce que la Cour internationale de justice de La Haye décidera, mais à la lumière des décisions préliminaires rendues jusqu'à présent et des rapports de plus en plus nombreux de juristes, d'organisations internationales et de journalistes d'investigation, la trajectoire du futur jugement semble assez claire.
Dès le 26 janvier, la CIJ a statué à une écrasante majorité ( 14 voix contre 2) qu'Israël pourrait être en train de commettre un génocide à Gaza. Le 28 mars, après qu'Israël a délibérément affamé la population de Gaza, la Cour a rendu de nouvelles ordonnances (cette fois par 15 voix contre 1, la seule dissidence émanant du juge israélien Aharon Barak) appelant Israël à ne pas priver les Palestiniens de leurs droits, qui sont protégés par la convention sur le génocide.
Le rapport bien argumenté du rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l'homme dans les territoires palestiniens occupés, Francesca Albanese, est parvenu à une conclusion quelque peu plus tranchée et constitue un autre élément permettant de comprendre qu'Israël se livre bel et bien à un génocide. Le rapport détaillé et périodiquement mis à jour de l'universitaire israélien Lee Mordechai [Heb], qui recueille des informations sur le niveau de violence israélienne à Gaza, est lui aussi parvenu à la même conclusion. D'éminents universitaires tels que Jeffrey Sachs, professeur d'économie à l'université de Columbia (et juif à l'attitude chaleureuse à l'égard du sionisme traditionnel), que les chefs d'État du monde entier consultent régulièrement sur les questions internationales, parlent du génocide israélien comme d'une évidence.
D'excellents rapports d'enquête tels que ceux [Heb] de Yuval Avraham dans Local Call, et en particulier sa récente enquête (ndr : traduite sur ce blog) sur les systèmes d'intelligence artificielle utilisés par l'armée pour sélectionner les cibles et procéder aux assassinats, renforcent encore cette accusation. Le fait que l'armée ait autorisé, par exemple, le meurtre de 300 innocents et la destruction d'un quartier résidentiel entier pour éliminer un commandant de brigade du Hamas montre que les cibles militaires sont des cibles presque accessoires pour tuer des civils et que chaque Palestinien de Gaza est une cible à abattre. Cette logique est celle du génocide.
Oui, je sais, tous sont des antisémites ou des juifs qui se haïssent eux-mêmes. Seuls nous, Israéliens, dont les esprits sont nourris par les communiqués du porte-parole des FDI et exposés uniquement aux images passées au crible par les médias israéliens, voyons la réalité telle qu'elle est. Comme si une littérature interminable n'avait pas été écrite sur les mécanismes de déni social et culturel des sociétés qui commettent de graves crimes de guerre. Israël est véritablement un cas paradigmatique de ces sociétés, un cas qui sera encore enseigné dans tous les séminaires universitaires du monde traitant de ce sujet.
Il faudra plusieurs années avant que la Cour de La Haye ne rende son verdict, mais nous ne devons pas nous limiter à examiner cette situation catastrophique d'un point de vue purement juridique. Ce qui se passe à Gaza est un génocide parce que le niveau et le rythme des meurtres aveugles, des destructions, des expulsions massives, des déplacements, de la famine, des exécutions, de l'anéantissement des institutions culturelles et religieuses, de l'écrasement des élites (y compris l'assassinat de journalistes) et de la déshumanisation générale des Palestiniens dressent le tableau d'ensemble d'un génocide, d'un anéantissement délibéré et conscient de l'existence des Palestiniens à Gaza.
Au sens où nous entendons habituellement ces concepts, la bande de Gaza palestinienne en tant que complexe géographique, politique, culturel et humain n'existe plus. Le génocide est l'anéantissement délibéré d'une collectivité ou d'une partie de celle-ci, et non de tous ses membres. Et c'est précisément ce qui se passe à Gaza. Le résultat est incontestablement un génocide. Les nombreuses déclarations d'extermination faites par de hauts responsables du gouvernement israélien et le ton généralement exterminateur du discours public, souligné à juste titre par la chroniqueuse du Haaretz Carolina Landsman, indiquent que telle était également l'intention.
Les Israéliens pensent à tort que pour être considéré comme tel, un génocide doit ressembler à l'Holocauste. Ils imaginent des trains, des chambres à gaz, des fours crématoires, des fosses meurtrières, des camps de concentration et d'extermination, et la persécution systématique jusqu'à la mort de tous les membres du groupe de victimes, jusqu'au dernier. Ce genre de situation ne s'est pas produit à Gaza. À l'instar de ce qui s'est passé lors de l'Holocauste, la plupart des Israéliens imaginent également que le collectif des victimes n'est pas impliqué dans une activité violente ou un conflit réel, et que les meurtriers les exterminent en raison d'une idéologie folle et insensée. Ce n'est pas non plus le cas à Gaza.
L'attaque brutale du Hamas du 7 octobre est un crime odieux et terrible. Quelque 1 200 personnes ont été tuées ou assassinées, dont plus de 850 civils israéliens (et étrangers), parmi lesquels de nombreux enfants et personnes âgées, quelque 240 Israéliens en vie ont été enlevés à Gaza, et des atrocités telles que des viols ont été commises. Cet événement a eu des effets traumatiques profonds, catastrophiques et durables pendant de nombreuses années, certainement pour les victimes directes et leur entourage immédiat, mais aussi pour la société israélienne dans son ensemble. L'attaque a contraint Israël à répondre en légitime défense.
Cependant, bien que chaque cas de génocide ait un caractère différent, en ce qui concerne l'ampleur et l'aspect des meurtres, le dénominateur commun de la plupart d'entre eux est qu'ils ont été perpétrés en vertu d'un authentique sentiment d'autodéfense. Juridiquement, un événement ne peut être à la fois un acte de légitime défense et un génocide. Ces deux catégories juridiques s'excluent mutuellement. Mais historiquement, la légitime défense n'est pas incompatible avec le génocide, elle en est généralement l'une des causes principales, sinon la principale.
À Srebrenica - où le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie a établi à deux niveaux différents qu'un génocide avait eu lieu en juillet 1995 - "seulement" environ 8 000 hommes et jeunes musulmans bosniaques, âgés de plus de 16 ans, ont été assassinés. Les femmes et les enfants avaient été expulsés plus tôt.
Les forces serbes de Bosnie sont responsables de ces meurtres, leur offensive ayant eu lieu au milieu d'une guerre civile sanglante, au cours de laquelle les deux parties ont commis des crimes de guerre (bien que les Serbes en aient commis beaucoup plus) et qui a éclaté à la suite d'une décision unilatérale des Croates et des Musulmans de Bosnie de se séparer de la Yougoslavie et d'établir un État bosniaque indépendant, dans lequel les Serbes étaient une minorité.
Les Serbes de Bosnie, ayant un passé sombre de persécutions et de meurtres datant de la Seconde Guerre mondiale, se sont sentis menacés. La complexité du conflit, dans lequel aucune des parties n'était innocente, n'a pas empêché la CPI de reconnaître le massacre de Srebrenica comme un acte de génocide, qui dépassait les autres crimes de guerre commis par les parties, ces crimes ne pouvant justifier un génocide. La Cour a expliqué que les forces serbes ont intentionnellement détruit, par les meurtres, les expulsions et les destructions, l'existence des Bosno-musulmans à Srebrenica. Aujourd'hui, d'ailleurs, les musulmans bosniaques y vivent à nouveau et certaines des mosquées qui avaient été détruites ont été rétablies. Mais les descendants des bourreaux et des victimes sont toujours hantés par le génocide.
Le cas du Rwanda est totalement différent. Pendant longtemps, dans le cadre de la structure de contrôle coloniale belge, fondée sur le principe « diviser pour régner », le groupe minoritaire tutsi a gouverné et opprimé le groupe majoritaire hutu. La situation s'est toutefois inversée dans les années 1960 et, après l'indépendance de la Belgique en 1962, les Hutus ont pris le contrôle du pays et adopté une politique d'oppression et de discrimination à l'encontre des Tutsis, cette fois encore avec le soutien des anciennes puissances coloniales.
Peu à peu, cette politique est devenue intolérable et une guerre civile sauvage et sanglante a éclaté en 1990, débutant par l'invasion d'une armée tutsie, le Front patriotique rwandais, composée principalement de Tutsis ayant fui le Rwanda après la chute de la domination coloniale. En conséquence, aux yeux du régime hutu, les Tutsis ont été collectivement identifiés à un véritable ennemi militaire.
Pendant la guerre, les deux camps ont commis des crimes graves sur le sol rwandais, ainsi que sur le sol des pays voisins auxquels la guerre s'est étendue. Aucune des deux parties n'était absolument innocente ou absolument diabolique. La guerre civile s'est terminée par les accords d'Arusha, signés en 1993, censés impliquer les Tutsis dans les institutions gouvernementales, l'armée et les structures de l'État.
Mais ces accords ont échoué et, en avril 1994, l'avion du président hutu du Rwanda a été abattu. À ce jour, on ne connaît pas les auteurs de l'attentat, et l'on pense qu'il s'agit en fait de combattants hutus. Cependant, les Hutus étaient convaincus que le crime avait été commis par des résistants tutsis, ce qui était perçu comme une véritable menace pour le pays. Le génocide des Tutsi était en marche. La justification officielle de l'acte de génocide était la nécessité d'éliminer une fois pour toutes la menace existentielle que représentaient les Tutsis.
Le cas des Rohingyas, que l'administration Biden a récemment reconnu comme un génocide, est à nouveau très différent. Au départ, après l'indépendance du Myanmar (anciennement Birmanie) en 1948, les Rohingyas musulmans étaient considérés comme des citoyens égaux et faisaient partie de l'entité nationale majoritairement bouddhiste. Mais au fil des ans, et surtout après l'instauration de la dictature militaire en 1962, le nationalisme birman s'est identifié à plusieurs groupes ethniques dominants, principalement bouddhistes, dont les Rohingyas ne faisaient pas partie.
En 1982 et par la suite, des lois sur la citoyenneté ont été promulguées, privant la plupart des Rohingyas de leur citoyenneté et de leurs droits. Ils étaient considérés comme des étrangers et comme une menace pour l'existence de l'État. Les Rohingyas, parmi lesquels il y a eu par le passé de petits groupes rebelles, se sont efforcés de ne pas se laisser entraîner dans une résistance violente, mais en 2016, beaucoup ont estimé ne pas pouvoir empêcher leur privation de droits, la répression, la violence de l'État et de la foule à leur encontre, ainsi que leur expulsion progressive, et un mouvement rohingya clandestin a attaqué des postes de police du Myanmar.
La réaction a été brutale. Les raids des forces de sécurité du Myanmar ont expulsé la plupart des Rohingyas de leurs villages, beaucoup ont été massacrés et leurs villages ont été complètement détruits. Lorsqu'en mars 2022, le secrétaire d'État Antony Blinken a lu la déclaration au musée de l'Holocauste à Washington 2022 reconnaissant que ce qui avait été fait aux Rohingyas était un génocide, il a déclaré qu'en 2016 et 2017, environ 850 000 Rohingyas avaient été déportés au Bangladesh et qu'environ 9 000 d'entre eux avaient été assassinés. Cela a suffi pour reconnaître que ce qui a été fait aux Rohingyas constituait le huitième événement de ce type que les États-Unis ont considéré comme un génocide, en dehors de l'Holocauste. Le cas des Rohingyas nous rappelle ce que de nombreux spécialistes du génocide ont établi en termes de recherche et qui est très pertinent pour le cas de Gaza : un lien entre le nettoyage ethnique et le génocide.
Le lien entre les deux phénomènes est double, et tous deux s'appliquent à Gaza, où la grande majorité de la population a été expulsée de son lieu de résidence, et où seul le refus de l'Égypte d'absorber les masses de Palestiniens sur son territoire les a empêchés de quitter Gaza. D'une part, le nettoyage ethnique témoigne de la volonté d'éliminer le groupe ennemi à tout prix et sans compromis, et glisse donc facilement vers le génocide ou en fait partie. D'autre part, le nettoyage ethnique crée généralement des conditions favorisant ou provoquant (par exemple, la maladie et la famine) l'extermination partielle ou totale du groupe de victimes.
Dans le cas de Gaza, les "zones de sécurité" sont souvent devenues des pièges mortels et des zones d'extermination délibérée, et dans ces refuges, Israël affame délibérément la population. C'est pourquoi de nombreux observateurs estiment que le nettoyage ethnique est l'objectif des combats à Gaza.
Le génocide des Arméniens pendant la Première Guerre mondiale s'inscrivait également dans un contexte. Pendant les années de déclin de l'Empire ottoman, les Arméniens ont développé leur propre identité nationale et demandé l'autodétermination. Leur caractère religieux et ethnique différent, ainsi que leur situation stratégique à la frontière entre les empires ottoman et russe, en faisaient une population dangereuse aux yeux des autorités ottomanes.
D'horribles flambées de violence à l'encontre des Arméniens ont eu lieu dès la fin du 19ème siècle, expliquant la sympathie de certains Arméniens pour les Russes, qu'ils considéraient comme des libérateurs potentiels. De petits groupes arméno-russes ont même collaboré avec l'armée russe contre les Turcs, appelant leurs frères de l'autre côté de la frontière à se joindre à eux, renforçant ainsi le sentiment d'une menace existentielle aux yeux du régime ottoman. Ce sentiment de menace, qui s'est développé au cours d'une crise profonde de l'empire, a été un facteur majeur dans le développement du génocide arménien, lequel a également amorcé un processus d'expulsion.
Le premier génocide du 20ème siècle a également été perpétré dans un esprit d'autodéfense par les colons allemands à l'encontre des Herero et des Nama dans le sud-ouest de l'Afrique (l'actuelle Namibie). En raison de la répression sévère exercée par les colons allemands, les habitants de la région se sont rebellés et, lors d'une attaque brutale, ont assassiné quelque 123 hommes non armés (peut-être plus). Le sentiment de menace au sein de la petite communauté de colons, qui ne comptait que quelques milliers de personnes, était réel, et l'Allemagne craignait d'avoir perdu son pouvoir de dissuasion vis-à-vis des autochtones.
La réponse a été fonction de la menace perçue. L'Allemagne a envoyé une armée dirigée par un commandant sans retenue, et là aussi, par sentiment d'autodéfense, la plupart de ces tribus ont été assassinées entre 1904 et 1908 - certaines par assassinat direct, d'autres dans des conditions de famine et de soif imposées par les Allemands (à nouveau par déportation, cette fois dans le désert d'Omaka) et d'autres encore dans des camps d'internement et de travail cruels. Des processus similaires ont eu lieu lors de l'expulsion et de l'extermination des peuples indigènes en Amérique du Nord, en particulier au cours du 19ème siècle.
Dans tous ces cas, les auteurs du génocide ont ressenti une menace existentielle, plus ou moins justifiée, et le génocide est venu en réponse. La destruction du collectif des victimes n'était pas contraire à un acte d'autodéfense, mais à un authentique motif d'autodéfense.
En 2011, j'ai fait publier dans Haaretz un court article [Heb] sur le génocide en Afrique du Sud-Ouest, concluant par les mots suivants : Nous pouvons apprendre du génocide des Herero et des Nama comment la domination coloniale, basée sur un sentiment de supériorité culturelle et raciale, peut déborder, face à une rébellion locale, vers des crimes atroces tels que l'expulsion de masse, le nettoyage ethnique et le génocide. Le cas de la rébellion des Herero devrait servir de signal d'alarme terrifiant pour nous, ici en Israël, qui avons déjà connu une Nakba dans notre histoire.
📰 https://www.mekomit.co.il/ps/134005/
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4- ➤ Ne détournez pas le regard : journal d'un génocide
La survie est l'objectif premier, et ceux qui restent tentent d'aider les autres à déterrer leurs proches enterrés sous les décombres.
Book Author(s):Atef Abu Seif
Publisher:Fasila (Imprint of Comma Press)
ISBN-13:9781912697946
Préface de Chris Hedges
Par Ramona Wadi, le 15 janvier 2024, Middle East Monitor
Alors qu'Israël cherche à se soustraire aux accusations de génocide en faisant valoir son argumentaire sécuritaire devant la Cour internationale de justice (CIJ), les récits déchirants de la vie à Gaza sous les bombardements génocidaires d'Israël sont accessibles à tous pour que chacun puisse en prendre connaissance et les assimiler. Don't Look Left : A Diary of Genocide (Fasila, 2023) d'Atef Abu Seif relate au jour le jour les 60 premiers jours de la dernière offensive militaire israélienne contre les Palestiniens de Gaza.
L'auteur est le ministre de la culture de l'Autorité palestinienne. Il était en visite à Gaza avec son fils pour trois jours lorsque les frappes aériennes israéliennes ont été lancées après l'incursion du Hamas le 7 octobre. L'occasion idyllique de se baigner dans la Méditerranée s'est rapidement transformée en chaos lorsque les bruits normalisés des explosions ont retenti sur la plage. À la mi-journée, alors qu'il rejoignait des journalistes à la maison de la presse de Rimal, dans la bande de Gaza, la première nouvelle des frappes aériennes israéliennes a été annoncée et l'inquiétude s'est installée, car à ce moment-là, comme l'écrit Abu Seif, "la seule chose sur laquelle nous pouvons être d'accord, c'est que nous n'avons aucune idée de la direction que cela va prendre".
Les carnets d'Abu Seif sont imprégnés de la perte résultant des actions génocidaires d'Israël. Parents, amis et collègues sont assassinés par les frappes aériennes israéliennes ; des familles et des quartiers sont totalement anéantis. Le début d'une famine qui n'en a que le nom, l'absence de fournitures médicales pour soigner les blessés et les opérations effectuées sans anesthésie pour tenter de sauver la vie de personnes mutilées à vie. Qu'est-ce que la survie, en fin de compte ? Abu Seif se souvient d'une question qui lui a été posée par un journaliste en 2014, après l'opération Bordure protectrice, notant qu'en plaisantant, le journaliste lui a demandé qui avait gagné. Abu Seif a répondu que c'était lui, puisqu'il avait survécu. "Je ne suis pas sûr que ma réponse puisse être la même à la fin de cette guerre", nous dit-il. "Les pertes subies sont trop importantes".
L'intensification des bombardements s'accompagne d'une lutte pour trouver un endroit sûr où s'abriter. Israël oblige les Palestiniens à fuir du nord au sud de la bande de Gaza, et les organisations internationales suivent le mouvement. Cependant, l'État d'occupation bombarde également les itinéraires et les zones supposés sûrs que les Palestiniens sont censés emprunter. "Je place divers articles de première nécessité sur une kufiyah que j'emballe ensuite", écrit Abu Seif. "Je me demande si c'est à cela que ressemblait la Nakba".
La réalité du déplacement forcé est une image perpétuelle dans le livre, faisant écho à la Nakba de 1948, lorsque Gaza est devenue l'hôte des réfugiés palestiniens de toute la Palestine à la suite de la création de l'État sioniste d'Israël dans leur patrie. Aujourd'hui, alors que les populations se déplacent d'un endroit à l'autre, il n'est plus facile de demander son chemin, car il est plus courant de rencontrer des personnes ayant quitté d'autres régions que de trouver les habitants ayant décidé de rester sur place.
Ceux qui sont restés, comme l'auteur, savent que rien n'est sûr à Gaza. Comme le fait remarquer Abu Seif, des amis qui ont obéi aux ordres d'évacuation d'Israël ont été tués en route vers le sud de la bande de Gaza. Face à l'anéantissement total, l'auteur se demande ce qu'il reste à accomplir. "Par l'écriture, nous pouvons garder des lieux vivants, nous pouvons coucher sur le papier nos souvenirs des rues aujourd'hui devenues décombres, des maisons rasées. Nous pouvons non seulement empêcher qu'ils ne tombent dans l'oubli, mais aussi dresser une carte de la manière dont il faudrait les reconstruire. Tels qu'ils étaient, quel que soit l'endroit où nous nous trouvons".
Le génocide israélien a forcé les Palestiniens à s'identifier à la mort. Que se passe-t-il s'ils sont tués ? Abu Seif raconte que des enfants marquent leurs bras et leurs jambes de leurs données personnelles, au cas où ils seraient assassinés, pour faciliter la possibilité d'être identifiés et pleurés par leurs familles : "L'idée de mourir et de n'être pleuré par personne est insupportable", note-t-il. Plus loin dans le livre, il fait remarquer que la méthode d'identification consistant à écrire des détails sur les bras et les jambes "peut sembler macabre, mais elle est aujourd'hui parfaitement logique : la façon logique de penser à la mort est de penser comme un mort".
Alors que les frappes aériennes deviennent de plus en plus terrifiantes, la normalisation s'accentue, au point que si l'objectif principal d'Israël est "Gaza meurt", pour les Palestiniens, l'important est que la maison frappée par un missile ne soit ni la vôtre, ni celle du voisin.
La survie est l'objectif premier, et ceux qui restent tentent d'aider les autres à déterrer leurs proches ensevelis sous les décombres.
Entrecoupant le récit quotidien des bombardements génocidaires d'Israël sur Gaza, l'auteur raconte la vie dans l'enclave, l'influence de la culture et des traditions sur la construction des maisons et ce que signifie un foyer pour les Palestiniens de Gaza. Le sens de la communauté est clairement évoqué et, même face à la destruction israélienne, la communauté à Gaza reste une tradition forte qui définit les Palestiniens : aider aux efforts de sauvetage, partager la nourriture, concevoir des moyens de fournir de l'électricité, s'installer dans des zones plus sûres. La nouvelle d'une trêve parvient à l'auteur, qui déclare : "Si trêve il y a, les Israéliens accumulent toujours tout ce qu'ils ont dans la période qui précède la trêve. Ce n'est pas le calme avant la tempête, c'est la tempête avant le calme".
Gaza, quant à elle, est devenue totalement méconnaissable et il est devenu impossible de rouler en voiture en raison de la destruction des infrastructures. Les prix des produits de première nécessité sont devenus exorbitants et les files d'attente constituent le quotidien. "La totalité de la bande de Gaza ressemble à une longue file d'attente".
La lecture du journal d'Abu Seif suscite plusieurs réflexions, notamment sur l'importance et la nécessité pour les Palestiniens de partager leurs propres récits. Un génocide se produit en temps réel sur nos écrans, un spectacle macabre se déroule, et les petits détails sont négligés. Les atrocités qu'Israël nie malgré les preuves concrètes oet visuelles ont choqué le monde entier. Mais qu'en est-il des personnes vivant cette poussée vers l'extinction ? Le récit d'Abu Seif offre une perspective éclairante sur les 60 premiers jours, et aucune fin n'est en vue pour les actions génocidaires d'Israël, qui a créé les conditions de la famine et de l'inanition, et qui bombarde les populations en attente d'une maigre aide humanitaire. Comme le conclut l'auteur, "le cycle de la destruction se poursuit : il se répète, de plus en plus vite, et les endroits où nous sommes autorisés à nous abriter se réduisent toujours plus".
Ramona Wadi est chercheuse indépendante, journaliste freelance, critique de livres et blogueuse. Ses écrits couvrent un large éventail de thèmes liés à la Palestine, au Chili et à l'Amérique latine.
📰 https://www.middleeastmonitor.com/20240115-dont-look-left-a-diary-of-genocide/
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5- ➤ Nasser & al-Shifa : Témoignages de l'impensable & de l'innommable
◾️ Déroulement du massacre de l'hôpital al-Shifa : "Sortez, bande d'animaux"
Lors du massacre de l'hôpital al-Shifa, l'armée israélienne a abattu des patients dans leur lit et des médecins qui refusaient d'abandonner les malades, a séparé les gens en groupes à l'aide de bracelets de couleurs différentes et a exécuté des centaines d'employés du gouvernement civil.
Par Tareq S. Hajjaj, le 11 avril 2024, Mondoweiss
Têtes humaines dévorées par les corbeaux, parties de corps non identifiées et en décomposition, et centaines de cadavres empilés et enterrés dans des fosses communes, voilà tout ce qu'il reste des victimes du massacre de l'hôpital al-Shifa. Cette scène sinistre, digne d'un film dystopique, est le résultat du siège de deux semaines du plus grand hôpital de Gaza, qui s'est soldé par sa destruction totale.
À l'issue de la décimation d'al-Shifa, l'armée israélienne a annoncé qu'il s'agissait de l'une des opérations les plus réussies depuis le début de la guerre, affirmant qu'elle avait arrêté des centaines de membres du Hamas et du Djihad islamique palestinien dans l'enceinte médicale. Mais la question que personne n'a semblé poser est de savoir comment un nombre aussi important de soi-disant "agents" du Hamas et du PIJ s'étaient rassemblés à al-Shifa en sachant parfaitement que l'endroit avait déjà été passé au peigne fin par l'armée une fois auparavant et que la ville de Gaza était occupée par l'armée depuis lors.
Mondoweiss a contacté de nombreux survivants des événements survenus à al-Shifa. La plupart d'entre eux ont refusé de parler, craignant de dévoiler leur identité. Quelques-uns ont accepté sous couvert d'anonymat, de peur que leurs témoignages ne fassent d'eux des cibles pour l'armée israélienne et qu'ils ne soient tués par la suite. À la lumière des témoignages recueillis par notre rédaction, une image différente de ce qui s'est passé apparaît.
La fuite de renseignements
Un jeune homme ayant réussi à s'échapper de l'hôpital quelques instants avant le début de l'invasion de l'armée a rapporté qu'il y avait effectivement des centaines d'employés affiliés au Hamas et au Jihad islamique palestinien dans l'hôpital, mais qu'aucun d'entre eux n'était un agent militaire. Il s'agissait d'employés de la branche civile du gouvernement de Gaza, notamment des équipes de la défense civile, des forces de police, des services de sécurité intérieure, des employés du ministère de l'intérieur et des employés d'autres branches du gouvernement local. Tous s'étaient rassemblés pour recevoir leurs salaires gouvernementaux à al-Shifa, étant donné qu'il s'agissait de l'un des rares endroits censés être relativement à l'abri des combats.
"Une pièce dans le bâtiment des chirurgies spécialisées servait de bureau pour les branches du gouvernement qui opéraient en surface", a déclaré le jeune homme (ci-après dénommé "Z"), en faisant référence aux branches civiles du gouvernement du Hamas.
Z a également confirmé qu'un certain nombre de membres du PIJ qui occupaient des emplois non militaires s'y trouvaient aussi pour recevoir leurs salaires. "Il y avait un autre bâtiment qui faisait office de bureau pour le mouvement [PIJ], et les hommes employés par le mouvement s'y rendaient pour percevoir leurs salaires.
"Cela faisait longtemps que tous ces employés ne s'étaient pas vus. C'est pourquoi ils discutaient tous dans le complexe médical et prenaient des nouvelles les uns des autres", explique-t-il.
La description faite par l'armée israélienne de ce rassemblement est la suivante : elle a obtenu des informations confirmées par les services de renseignement faisant état d'un grand nombre d'"agents terroristes" des deux groupes à l'intérieur d'al-Shifa. Après le raid, elle a annoncé avoir arrêté 900 "suspects" et confirmé que 500 d'entre eux étaient des "agents terroristes", tout en annonçant avoir tué 200 autres "hommes armés", parmi lesquels des "hauts commandants du Hamas et du Jihad Islamique Palestinien".
Début du siège
Z a déclaré à Mondoweiss qu'il avait entendu le bruit de véhicules et de chars de l'armée s'approchant de l'hôpital quelques minutes avant l'attaque. Son collègue et lui étaient eux aussi venus à al-Shifa pour recevoir leurs salaires.
"Lorsque nous avons entendu les véhicules, j'ai dit à mon collègue que nous devions partir immédiatement, pensant qu'ils pouvaient se diriger vers l'hôpital lui-même", a déclaré Z, expliquant que toute personne employée par le gouvernement du Hamas est considérée comme recherchée par Israël. Son collègue n'a pas écouté, pensant que l'armée était en train d'envahir une zone voisine. "Il m'a dit qu'ils se dirigeaient probablement vers la zone industrielle".
Dans un premier temps, le collègue de Z a refusé de partir, mais le bruit des chars se rapprochant, ils ont tous deux décidé de partir sur-le-champ. Bien que tous deux civils sans expérience militaire, ils sont membres du mouvement Hamas.
L'invasion a commencé quelques instants plus tard. Ils ont vu les chars encercler l'enceinte et des drones quadcoptères arriver en vol stationnaire au-dessus d'eux. En un rien de temps, l'ensemble d'al-Shifa fut assiégé depuis la terre et depuis les airs.
Un autre survivant ayant pu s'échapper de l'enceinte a déclaré que la majorité des renseignements concernant les personnes rassemblées dans l'enceinte avaient été transmis à Israël par des informateurs, des collaborateurs et des espions israéliens infiltrés.
"La nuit de l'invasion, il y avait deux vendeurs de rue qui s'asseyaient toujours à l'entrée d'al-Shifa. L'un d'eux vendait de l'eau et l'autre des conserves. Lorsque l'invasion a eu lieu, les deux marchands se sont révélés être des soldats. Ils ont pris des armes de poing et sont entrés dans l'hôpital avec d'autres militaires, et ils leur ont indiqué où aller. Ils étaient là depuis longtemps et savaient où tout se trouvait", a déclaré le survivant à Mondoweiss.
L'enceinte médicale abritait plusieurs bâtiments, dont des maternités, des bâtiments de chirurgie spécialisée et des ailes de cardiologie. Lorsque les soldats sont entrés dans le complexe, tout le monde a reçu l'ordre d'évacuer les bâtiments. Des drones dotés de haut-parleurs ont diffusé les ordres de l'armée, indiquant aux gens qu'ils devaient sortir et se rassembler dans la cour.
"Les drones n'arrêtaient pas de dire "sortez, bande d'animaux"", a déclaré Z à Mondoweiss.
Exécutions de médecins et d'employés présumés du gouvernement
Lorsque tout le monde a quitté les bâtiments, l'armée a commencé à séparer la foule par groupes, en faisant porter à chacun d'entre eux des bracelets en plastique de couleur différente. Les soldats leur ont expliqué que ces bracelets étaient reliés à un système permettant d'alerter les tireurs d'élite de leurs moindres mouvements. Deux couleurs de bracelets ont été fixées : jaune, pour le personnel hospitalier et les personnes considérées comme civiles par l'armée, et rouge, pour les personnes incapables de se déplacer seules, comme les patients, les blessés, les amputés ou les personnes ayant des membres cassés.
L'armée a également rassemblé des personnes soupçonnées d'appartenir au Hamas ou au PIJ. Celles-ci n'ont pas reçu de bracelets, mais ont été séparées des blessés et du personnel hospitalier, envoyés dans un autre bâtiment.
Un troisième groupe, beaucoup plus important, a reçu l'ordre de quitter entièrement l'hôpital : des milliers de personnes déplacées qui s'étaient réfugiées dans l'enceinte de l'hôpital, ainsi que certains membres du personnel hospitalier. Certains membres du personnel, dont des médecins, ont refusé de partir. Leur refus de quitter l'hôpital a entraîné leur exécution immédiate et sans sommation.
L'armée a ensuite fait sortir un grand nombre d'hommes du groupe de membres et d'employés présumés du Hamas et du PIJ, et les a rassemblés au centre de la cour et a procédé à leur exécution, l'un après l'autre. Le massacre terminé, les bulldozers de l'armée ont empilé les cadavres par dizaines, les ont traînés dans le sable et les ont enfouis.
Parallèlement, d'autres soldats ont pris d'assaut différents bâtiments de l'enceinte à la recherche des personnes qui avaient refusé d'évacuer lorsque l'ordre initial avait été donné. Toute personne trouvée a été abattue, considérée comme suspecte.
Dans l'hôpital, certains ont résisté et ont tenté d'ouvrir le feu, notamment des policiers munis d'armes de poing mais leur nombre était mineur, et leur résistance ne les a pas sauvés - ils ont été tués avec ceux n'ayant opposé aucune résistance.
Une vidéo publiée sur les réseaux sociaux et filmée par un journaliste à l'hôpital montre une femme médecin, qui s'est identifiée comme Amira al-Safadi, décrivant ce qui s'est passé.
"Après le premier jour de l'attaque, qui nous a surpris à 2 heures du matin, l'armée nous a ordonné de ne pas partir lorsqu'elle est entrée. Puis, le deuxième jour, elle nous a donné les bracelets en insistant sur le fait que nous devions les porter et que toute personne quittant le bâtiment sans en porter serait immédiatement abattue", explique-t-elle.
"On nous a envoyés dans quatre bâtiments différents. Environ 16 patients blessés sont morts parce que nous n'étions pas en mesure de les soigner", poursuit-elle, expliquant qu'elle a rejoint un certain nombre d'autres médecins et infirmières avec leurs patients.
Lorsque l'armée s'est retirée d'al-Shifa, l'ensemble du complexe avait été pratiquement décimé, réduit à des décombres et à des bâtiments incendiés.
L'un des plus grands massacres de l'histoire palestinienne
L'Observatoire Euro-Med des droits de l'homme a qualifié le massacre d'al-Shifa de l'un des plus importants de l'histoire palestinienne, estimant qu'au moins 1 500 personnes ont été exécutées, blessées ou portées disparues, "les femmes et les enfants représentant la moitié des victimes"*. L'organisation confirme également qu'au moins 22 patients ont été abattus alors qu'ils se trouvaient dans leur lit d'hôpital, tandis que le nombre de personnes déplacées hébergées à l'hôpital et forcées d'évacuer vers le sud a été estimé à 25 000 personnes. Par ailleurs, 1 200 logements ont été détruits dans les environs d'al-Shifa.
Malgré les affirmations de l'armée concernant l'importance stratégique et militaire de l'opération al-Shifa et le nombre de membres présumés du Hamas et du PIJ qu'elle a arrêtés et tués, le véritable objectif de l'opération, qui était de détruire le système de santé dans le nord de la bande de Gaza et d'aggraver les conditions humanitaires déjà désastreuses, a été dissimulé. L'ensemble du complexe est désormais hors d'usage. Même la morgue, qui contenait d'innombrables corps de victimes, a été incendiée.
L'"opération" israélienne à al-Shifa a été un succès, et ce succès a consisté à mettre hors service le plus grand hôpital de Gaza et à accélérer l'effondrement social dans le nord.
* Note de l'éditeur : une version antérieure de cet article citait à tort le rapport Euro-Med comme estimant qu'au moins 1 500 personnes avaient été tuées, alors que le rapport estimait que 1 500 personnes avaient été soit tuées, soit blessées, soit portées disparues. Le texte a été corrigé le 12 avril pour refléter cette erreur.
Tareq S. Hajjaj est le correspondant de Mondoweiss à Gaza et membre de l'Union des écrivains palestiniens. Il a étudié la littérature anglaise à l'université Al-Azhar de Gaza. Il a commencé sa carrière dans le journalisme en 2015 en tant que rédacteur et traducteur pour le journal local Donia al-Watan. Il a fait des reportages pour Elbadi, Middle East Eye et Al Monitor. Suivez-le sur Twitter à l'adresse suivante @Tareqshajjaj.
📰 https://mondoweiss.net/2024/04/come-out-you-animals-how-the-massacre-at-al-shifa-hospital-happened/
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◾️ Témoignages de la fosse commune de l'hôpital Nasser : "J'ai eu l'impression d'arracher mon cœur de la terre"
Alors que les équipes de la défense civile continuent de déterrer des centaines de corps des fosses communes découvertes à l'hôpital Nasser, les Palestiniens affluent vers le complexe médical à la recherche de leurs proches disparus.
Avertissement sur le contenu : Cet article contient des images graphiques ainsi que des descriptions de carnage susceptibles de choquer.
Par Tareq S.Hajjaj, le 25 avril 2024, Mondoweiss
Les bulldozers creusent avec leurs mandibules d'acier entre les couches de sable et de terre. Les équipes de secours creusent le sol de l'autre côté de la grande cour avec de simples pelles, d'autres fouillent de leurs mains à la recherche de leur famille. L'endroit est bondé.
Le complexe médical Nasser est devenu un vaste charnier, où l'armée israélienne a enseveli les preuves d'un effroyable massacre.
Au moins 13 000 personnes sont portées disparues dans la bande de Gaza depuis le début de la guerre en octobre, et les habitants continuent de venir chercher leurs proches disparus. Même s'ils sont retrouvés morts, ils pourront peut-être savoir et dire adieu à leur proches.
Parmi les corps démembrés, les membres éparpillés et les têtes décapitées, beaucoup sont à la recherche de leur famille ou simplement là pour observer. Certains n'en peuvent plus et se tiennent à l'écart, incapables de concevoir un tel carnage.
Le charnier de l'hôpital Nasser est l'un des dizaines laissés par l'armée israélienne dans toute la bande de Gaza. Les responsables de la défense civile pensent qu'il en reste encore beaucoup à découvrir.
Ayman, 51 ans, sa femme Jamila, 44 ans, et leur fils Abdul Karim, 22 ans, ont insisté pour se rendre au complexe médical Nasser après que la défense civile a annoncé que plus de 200 corps avaient été retrouvés en une journée. La famille était à la recherche du jeune frère d'Abdul Karim, disparu à Khan Younès depuis plus de deux mois.
Une fois arrivée aux portes de l'enceinte, Jamila n'a pas supporté la vue et l'odeur de la mort. Elle est donc restée à l'extérieur avec son fils Abdul Karim, tandis qu'Ayman est entré pour inspecter les corps.
"Je ne pouvais supporter de faire un seul pas là-bas. C'est une scène qu'on ne peut endurer : un terrible massacre, un immense bassin de sang, une fosse de corps enfouis, déchiquetés", explique Jamila à Mondoweiss, à l'entrée du complexe.
Les équipes de la défense civile de l'hôpital Nasser affirment que les fosses communes qu'elles ont découvertes ici comptent plus de 400 martyrs. Les corps ont été enfouis à l'aide de bulldozers, démembrant certains d'entre eux. Les morceaux de corps ont été mêlés aux ordures.
Ayman cherche son fils parmi les fragments de corps humains éparpillés. Certains des corps en décomposition sont déjà à l'état de squelettes, alors il tente de trouver des signes d'identification, comme les vêtements que son fils portait la dernière fois qu'il est sorti.
"Il était vêtu d'un pull bleu en laine. Je le lui avais acheté. Je sais tout ce qu'il porte et je peux l'identifier grâce à ses vêtements. Je pourrais le reconnaître même si son corps n'était plus qu'un squelette", explique Ayman, décrivant son fils alors qu'il cherche parmi les corps sortis du sable.
Au cours des derniers jours, de nouvelles familles sont arrivées, les Palestiniens continuent d'affluer dans le complexe. Chaque jour, les équipes de la défense civile annoncent la découverte de dizaines de nouveaux corps ensevelis à l'intérieur et autour du complexe. Parmi ceux qui arrivent, certains vont et viennent plusieurs fois, comme Ayman et sa famille, sans savoir ce qu'il est advenu de leur enfant disparu. D'autres sont en mesure d'identifier leurs proches et de les emmener à leur dernière demeure.
Alaa al-Arabashli, 43 ans, a identifié le corps de son fils Moaz, 19 ans, à l'hôpital Nasser. Malgré la douleur endurée lorsqu'il a dû ramasser le corps de son fils, le sortir de terre et l'enterrer de ses propres mains, il a mis fin à l'incertitude quant au sort de son fils disparu.
Il dit avoir retrouvé son fils après que les équipes de secours ont pu récupérer plus de 40 corps sur le site de la fosse. Les équipes de la défense civile ont permis aux familles de les examiner, et rien ne distinguait les corps, à l'exception des vêtements. Cela lui a suffi pour identifier son fils.
Certaines familles sont appelées à enterrer leurs enfants après que des proches les aient reconnus, et elles viennent avec des fleurs pour transporter les corps vers une toute autre sépulture. Les corps sont alignés dans l'espoir que ceux qui viendront reconnaîtront certains d'entre eux. Une fois identifiés, ils sont placés dans un nouveau sac en plastique, recouverts d'un linceul blanc avant d'être inhumés décemment.
Signes d'exécution de détenus
Les équipes de la défense civile présentes sur les lieux insistent sur le fait que l'armée israélienne a commis un massacre au sein de l'hôpital, qu'elle a cherché à dissimuler en creusant cette fosse commune.
Le colonel Yamen Abu Suleiman, directeur de la défense civile à Khan Younès, travaille sur les lieux depuis quatre jours. Il affirme que lui et ses collègues ont récupéré plus de 300 corps jusqu'à présent, confirmant qu'un grand nombre d'entre eux présentaient des signes de torture et d'exécution.
Abu Suleiman a déclaré à Mondoweiss que les forces israéliennes avaient délibérément procédé à des exécutions aveugles à l'hôpital Nasser et avaient tenté de les cacher dans des fosses communes après les avoir rassemblés dans des sacs placés les uns sur les autres. De nombreux corps ont été découpés en morceaux, certains même déchiquetés en deux, montrant des traces de chenilles de chars et de bulldozers.
"Le traitement des martyrs et des morts était dénué de toute moralité", a rapporté Abu Suleiman.
Il confirme également avoir retrouvé des corps dont les mains étaient attachées avec du ruban adhésif en plastique, que les soldats israéliens utilisaient pour ligoter leurs prisonniers. Abu Suleiman précise qu'il a également trouvé des martyrs dont les yeux et la bouche étaient bandés.
Il précise que la récupération des parties des corps n'est pas encore achevée et que le ministère de la santé organisera une conférence dans les prochains jours pour révéler d'autres détails.
Il affirme également qu'il existe des dizaines de fosses communes dans toute la bande de Gaza.
"Nous continuons à compter et à découvrir des tombes dans différents endroits en fonction de la présence de corps dans ces zones, ce qui nous amène à commencer les recherches et les excavations dans les environs jusqu'à ce que nous trouvions des fosses communes et que nous en extrayions les corps par dizaines", explique-t-il à Mondoweiss.
Poursuivant,
"Jusqu'à présent, quatre charniers ont été découverts dans le seul hôpital Nasser. Le nombre de martyrs indique un massacre, et nous en avons trouvé les martyrs avec des signes de torture, leurs estomacs et leurs poitrines ouverts et leurs crânes fracassés".
Les charniers du complexe Nasser ne sont pas les premiers découverts à Gaza. Il y a quelques semaines, des charniers similaires ont été découverts dans le complexe médical al-Shifa, dans la ville de Gaza. En effet, le nombre de corps découverts à cet endroit dépasse celui signalé jusqu'à présent à Khan Younès. Aujourd'hui encore, on découvre les corps du massacre perpétré par l'armée israélienne à al-Shifa (ndr : article traduit ci-avant), au cours d'un siège de deux semaines de l'hôpital. Avant cela, des fosses communes avaient été découvertes dans l'hôpital turc de Jabalia, dans le nord de la bande de Gaza.
Et aujourd'hui, l'armée israélienne s'est retirée après la conclusion de son assaut sur l'hôpital Nasser à Khan Younis, laissant derrière elle une scène similaire.
L'Observatoire euro-méditerranéen des droits de l'homme (Euro-Med Human Rights Monitor) a déclaré qu'il avait jusqu'à présent documenté un total combiné de 140 tombes sans nom et fosses communes dans la bande de Gaza, renfermant les corps de milliers de victimes depuis le 7 octobre. Ces tombes comprennent des cas documentés de personnes exécutées par l'occupant avant d'être enterrées.
"La découverte par les équipes de la défense civile de centaines de corps provenant de fosses communes dans le complexe médical d'Al-Shifa et l'hôpital Nasser représente un chapitre sinistre de l'histoire des violations militaires israéliennes", a déclaré l'Observatoire euro-méditerranéen des droits de l'homme (Euro-Med Human Rights Monitor).
L'Observatoire des droits de l'homme a également indiqué que les fosses communes d'Al-Shifa et de Nasser ont révélé plusieurs corps dont les mains étaient ligotées dans le dos, ce qui laisse soupçonner que l'armée a procédé à des exécutions extrajudiciaires de personnes qu'elle avait arrêtées et détenues.
De plus, l'organisation a affirmé que le processus d'exhumation a révélé "la présence de sondes urinaires ou d'attelles encore attachées aux corps de certains patients", ce qui indique que des malades et des blessés ont été exécutés à l'hôpital.
Alaa Al-Arabashli, le père qui a retrouvé son fils Moaz, a confié qu'il n'aurait jamais pu imaginer devoir chercher son fils dans une fosse jonchée de parties de corps humains. Pourtant, il a pu le retrouver et être en paix, sachant que son fils était mort en martyr.
"J'ai ramassé la dépouille de mon fils de mes propres mains et l'ai emmené à sa dernière demeure. J'ai eu l'impression d'arracher mon cœur de la terre", a-t-il dit à Mondoweiss.
Ajoutant :
"Mais je me considère comme chanceux, j'ai retrouvé mon fils. Des milliers de personnes ne savent pas où se trouvent les êtres qui leur sont chers".
Les médias grand public ont atteint un nouveau seuil en répétant sans esprit critique les mensonges du gouvernement pour justifier l'assaut israélien contre Gaza. Mondoweiss est présent depuis le début, s'opposant à cette campagne visant à fabriquer un consentement pour un génocide.
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