❖ Le fruit maléfique de graines semées il y a longtemps - En quoi le génocide de Gaza est-il différent ?
Les preuves sont là, dans les centaines de villages détruits et dépeuplés et les personnes massacrées depuis 1967, y compris des enfants aussi doux et innocents que ceux qui ont été assassinés à Gaza.
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L'armée israélienne vient de tuer, Mohammed Ibrahim Al-Nahal, ce vieil homme palestinien connu pour son amour des chats, après l'avoir visé par drone "quadricoptère" au nord de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza.
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Introduction avec cet article de Caitlin Johstone, publié sur son blog le 14 août 2024
Il était père de deux nouveaux nés
Il était père de deux nouveaux nés. Des jumeaux. Aysal et Aser, un garçon et une fille.
Mohammad Abu Al Qumsan avait deux bébés et une femme aimante.
Aujourd'hui, il n'a plus personne.
Une frappe aérienne israélienne a tué ses deux bébés, ainsi que leur mère et leur grand-mère, alors qu'il était allé chercher leurs certificats de naissance.
Ils venaient tout juste de naître.
Une vidéo le montre en train de crier, de hurler comme n'importe lequel d'entre nous le ferait. Les cris d'un homme qui a soudainement perdu tout ce qu'un homme peut perdre. Les cris de Gaza.
Parfois, je trouve anormal que nous ne nous mettions pas tous à pousser des cris comme cet homme tout le temps, tant que nous partageons une planète en proie à ce cauchemar. Parfois, je voudrais qu'il en soit ainsi.
Après l'auto-immolation d'Aaron Bushnell en signe de protestation contre ce génocide, je me souviens avoir lu quelqu'un dire quelque chose comme
"Je comprends mieux l'homme qui s'est immolé que je ne comprends les membres de ma propre communauté qui font comme si de rien n'était".
Aujourd'hui, les cris d'Al Qumsan me rappellent ces mots.
J'ai souvent l'impression que c'est un sacrilège insupportable que notre civilisation ne s'arrête pas net alors que cela se produit jour après jour, mois après mois, avec le soutien inconditionnel de nos propres gouvernements occidentaux. Nous continuons à aller au cinéma et à dîner, à rire et à plaisanter alors que des cris à glacer le sang retentissent à Gaza. On a l'impression de déambuler devant un camp d'extermination et d'essayer d'ignorer l'odeur de la fumée noire qui s'échappe des cheminées.
Nous ressemblons à des fous. Nous sommes aussi fous que quelqu'un qui sifflerait et danserait au milieu d'une maison en feu. Il serait certainement beaucoup plus sain de crier tout le temps que de suivre notre petit bonhomme de chemin comme si l'horreur n'existait pas.
Mais ce ne serait pas socialement convenable. Cela mettrait les gens mal à l'aise. Ici, dans cette civilisation dystopique, on considère qu'il est grossier d'en parler.
En Australie, l'orchestre symphonique de Melbourne a annulé la représentation du célèbre pianiste Jayson Gillham après qu'il a dédié une pièce au nombre sans précédent de journalistes tués à Gaza depuis le mois d'octobre. L'orchestre a qualifié cette dédicace
d'"intrusion d'opinions politiques personnelles dans ce qui aurait dû être une matinée consacrée à un programme d'œuvres pour piano solo", ajoutant que "l'orchestre comprend que ses remarques ont offensé et affligé et présente ses excuses les plus sincères".
"Offense et affliction". Lors d'une dédicace à des journalistes assassinés. Dans une salle de concert.
Oubliez l'"offense et l'affliction" de Mohammad Abu Al Qumsan. Après tout, il n'a perdu que ses bébés, sa femme et sa belle-mère lors d'une frappe aérienne israélienne. Il ne s'est pas senti émotionnellement mal à l'aise lorsque quelqu'un a parlé des mauvaises actions d'Israël dans une salle de musique classique huppée.
Oubliez Mohammad Al Qumsan, et oubliez les deux millions de personnes qui, comme lui, poussent les mêmes cris et vivent le même cauchemar. Ce qui compte, c'est notre confort émotionnel et notre capacité à cloisonner psychologiquement nos convictions politiques dominantes pour les soustraire aux réalités des conséquences qu'elles entraînent.
Personne ne devrait s'immoler par le feu. Mais je peux comprendre que quelqu'un l'ait fait.
Ici, dans notre pseudo civilisation frauduleuse, nous ignorons tous les cris.
Nous ignorons les cris et nous nous rendons dans les salles de concert dans nos plus beaux atours et bijoux et exigeons des excuses si quiconque nous met mal à l'aise en raison de notre soutien à un État d'apartheid assassin qui se livre actuellement à un génocide.
Nous ignorons les cris tout en mourant lentement de l'intérieur, déconnectés de la vérité, de l'authenticité et d'une connexion sincère avec nos semblables.
Nous ignorons les cris tout en aspirant à la sincérité, comme un Palestinien piégé sous un immeuble détruit aspire à l'air libre et à une bouteille d'eau.
Nous ignorons les cris qui fusent au-delà de nous-mêmes. Et nous ignorons les cris en nous.
Mohammad Abu Al Qumsan, je suis avec vous ce soir.
Aaron Bushnell, je suis avec vous ce soir.
Je crie jusqu'à ce que ma voix s'éteigne.
Ce soir, c'est la seule chose que j'ai à offrir.
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Le fruit maléfique de graines semées il y a longtemps - En quoi le génocide de Gaza est-il différent ?
Par Jeremy Salt, le 18 août 2024, The Palestine Chronicle
Ces massacres nous rapprochent des questions essentielles que l'esprit inquisiteur peut se poser sur le génocide de Gaza.
Chaque génocide est différent du précédent. Si l'extermination organisée est leur point commun, il n'y a pas deux génocides identiques. Ils ne sont uniques que dans leur singularité.
En fait, l'histoire est en partie une suite de génocides ou de "massacres" ou d'"événements d'extermination", si vous n'arrivez pas à vous décider sur la façon de les décrire. Ils n'ont rien d'exceptionnel. C'est ce que nous, les "animaux humains" - pour appliquer la description péjorative de Yoav Gallant à la réalité de ce que nous sommes tous - nous faisons régulièrement les uns aux autres.
Les génocides (pour reprendre le terme) ne sont généralement décrits comme tels qu'après coup. Ils ne sont jamais arrêtés en cours de route, ce qui devrait nous interpeller. Ce n'est pas qu'ils ne peuvent pas être arrêtés. Ils ne sont pas stoppés parce que ceux qui pourraient y mettre fin choisissent de ne pas le faire, à chaque fois pour des raisons différentes.
En quoi le génocide actuel à Gaza diffère-t-il des génocides précédents ? A-t-il un caractère spécifique, comparé au génocide "industriel" des Juifs par les nazis ? C'est sa nature de chaîne de montage, et non les chiffres, qui a défini cet événement particulier. Sans cela, un nombre bien plus important d'êtres humains ont été assassinés dans d'autres génocides.
Le génocide européen des Africains au 19ème siècle a été une affaire de longue haleine qui a coûté la vie à environ 60 millions de personnes. Les vies noires ne valaient guère la peine d'être comptées à l'époque, par les Européens, et ce n'est qu'aujourd'hui que les estimations font état de 10 à 12 millions de morts rien que dans l'"État libre du Congo" du roi Léopold.
Bien entendu, le qualificatif "mort" est totalement dissocié de la réalité macabre de la façon dont ils sont "morts".
Le nombre des victimes qui se comptent en millions sont inscrits au tableau partout où les armées européennes sont arrivées, pour y rester. Cela ne veut pas dire que les habitants de ces territoires ne se massacraient pas entre eux avant l'arrivée des Européens. C'était le cas, mais les Européens ont apporté avec eux des moyens bien plus efficaces de contrôler et de tuer, en aussi grand nombre que nécessaire pour "dompter" les populations locales.
Nous connaissons ces événements par ce que nous pouvons lire ou voir dans les documentaires. Nous avons les écrits, exacts ou non, et la reproduction de Gordon se tenant courageusement en haut des escaliers de Khartoum alors que les sauvages se précipitent sur lui, lances à la main. L'appareil photo de guerre a été utilisé pour la première fois lors de la guerre américano-mexicaine de 1847, mais les images de cadavres sur le champ de bataille n'ont pas été montrées avant la guerre de Sécession. Nous les voyons, mais pas de la même manière que nous pouvons voir les cadavres aujourd'hui.
Presque toutes les personnes en âge de se souvenir de la Seconde Guerre mondiale sont aujourd'hui décédées. Même un enfant né en 1939 aurait des souvenirs flous et un enfant né en 1943-1945 n'en aurait aucun. Ainsi, même les octogénaires actuels n'auraient aucun souvenir direct de la guerre, mais étant plus proches d'elle, dans le temps, et plus directement touchés par elle à bien des égards, ils auraient pu, lorsqu'ils étaient jeunes, être plus enclins à réfléchir, lire et écrire sur le sujet.
Depuis lors, le nombre de massacres et de génocides s'est multiplié. Aussi terribles qu'ils aient été à l'époque, la plupart d'entre eux n'ont guère laissé de traces dans l'histoire. Qui, à part les victimes, se souvient aujourd'hui de Sétif, Guelma et Kharrata, le 8 mai 1945, à l'ouest de Constantine, en Algérie, où 6 000 à 45 000 personnes ont été tuées par les "autorités" françaises et les colons français "pied noir" en représailles à des "émeutes" au cours desquelles plus d'une centaine de colons ont été tués ? Si aucun effort réel n'a été fait pour compter les morts algériens, c'est parce que leur vie ou leur mort n'avait que peu d'importance pour les autorités coloniales et que, pour les besoins officiels, le chiffre le plus bas était le préférable.
Corée, 1950 : nouveaux massacres, depuis les airs et par les soldats au sol. Entre juin et juillet 1950, 7 000 personnes - des "communistes" - sont massacrées par les milices sud-coréennes dans la "vallée de la mort" de Daejong. Sept cents à neuf cents médecins, infirmières et patients, dont une centaine de soldats sud-coréens, sont massacrés à l'hôpital de l'université nationale de Séoul par l'APC (Armée populaire coréenne).
En janvier 1951, Pablo Picasso réalise le tableau Massacre en Corée pour protester contre les massacres perpétrés par les troupes américaines au fur et à mesure de l'avancée de la guerre. En trois ans, la guerre "prend la vie" d'environ trois millions de Coréens, massacrés, affamés, torturés à mort ou anéantis de toute autre manière.
Les États-Unis ont largué 635 000 tonnes de bombes sur la Corée du Nord, dont 32 557 tonnes de napalm, rasant pratiquement toutes les villes et détruisant 85 % des bâtiments, soit à peu près le même pourcentage de bâtiments détruits par Israël à Gaza.
Passons au Viêt Nam, avec trois millions de morts supplémentaires et d'autres massacres, le pire (?) peut-être, mais jusqu'à présent le plus connu étant celui de My Lai, où, en mars 1968, les troupes américaines de la Charlie Company ont violé, torturé, mutilé et assassiné près de 500 femmes et enfants, y compris des bébés. Sans Ron Haeberle, qui a photographié les corps gisant dans un fossé, sur un chemin, sous un pont, et Seymour Hersh, qui a révélé l'information au monde entier, le monde n'aurait jamais su. Un soldat meurtrier une cigarette à la bouche, apparemment aussi désintéressé qu'un agent d'entretien qui passerait la serpillière.
Srebenica, juillet 1995 : plus de 7 000 hommes et garçons bosniaques assassinés par les Serbes, mais à ce moment-là, les États-Unis ont déjà lancé leur première guerre contre l'Irak, une guerre contre "l'ennemi en tant que système", ce qui signifie dépecer l'Irak comme un vulgaire animal, en le privant d'autoroutes, d'égouts, d'électricité, de systèmes d'approvisionnement en eau et d'aéroports, de sorte que l'armée est handicapée et que la population civile peut difficilement survivre : le nombre de civils morts ou tués entre 1991 et 1994 s'élève à environ 200 000, et on estime qu'un demi-million d'enfants ont été tués en conséquence directe/indirecte de la guerre et des sanctions entre 1991 et 2002.
Un autre massacre, dans les années 1980, des réfugiés assassinés silencieusement la nuit par des hommes armés de couteaux qui traversaient leur camp et les frappaient silencieusement avant même que les réfugiés ne se rendent compte de leur présence. Au matin, 1 500 à 3 500 personnes avaient été assassinées, ainsi que leurs chevaux et d'autres animaux. Aucun homme n'est là pour les protéger, alors que les tueurs à gages armés de couteaux sont protégés par l'armée qui encercle le camp et allume même les projecteurs la nuit pour leur permettre de voir ce qu'ils font. Il s'agit bien sûr de Sabra et Chatila, à Beyrouth, en septembre 1982.
Pour les premiers de ces massacres, nous ne disposons que de photos en noir et blanc. La qualité est médiocre. Elles parlent en sourdine, les mêmes corps froissés et courbés, les mêmes visages et les mêmes yeux déchirés qui nous regardent en demandant "Pourquoi ?". Les chemins sur lesquels les corps gisent et les fossés dans lesquels ils ont été poussés ou roulés après avoir été abattus pourraient être les mêmes, transposés de Sétif à My Lai.
Les photographies en couleur ne ramènent pas les corps à la vie, mais réduisent la distance entre la vie et la mort. C'est la chaleur intense qui rend les corps véritablement et atrocement morts sur les photographies de Sabra et Chatila, gonflant les corps à l'extrême avant qu'ils ne soient enlevés par les bulldozers et enterrés dans des fosses communes, dont certaines se trouvent sous les fondations de la reconstruction de Beyrouth.
Outre le poids que donne la photo couleur, le Liban a marqué l'apparition de la télévision par câble - CNN - dans les reportages sur l'actualité mondiale. Les téléspectateurs ont pu voir chez eux la guerre telle qu'elle se déroulait dans ce pays, offrant une piètre image des Israéliens, qui n'ont pas été en mesure d'affirmer qu'il s'agissait d'une guerre juste, menée avec des moyens justes.
Les Israéliens affirment à juste titre qu'ils ne sont pas responsables de la tuerie à Sabra et Chatila, mais même les nazis ont laissé une grande partie du massacre aux mains fiables de leurs brigades de la Garde de fer en Ukraine et dans les États baltes.
Les Israéliens ont tout de même tué près de 20 000 personnes au Liban, pour la plupart des civils bombardés depuis les airs dans leurs maisons.
Ces massacres nous rapprochent des questions essentielles que l'esprit curieux peut se poser sur le génocide de Gaza, même si les Israéliens venaient à reconnaître qu'il s'agit d'un génocide. Qu'est-ce qui le différencie des autres génocides ? Comporte-t-il des caractéristiques qui lui sont propres ? À certains égards, est-il pire que les autres génocides que nous connaissons ?
L'une des différences réside dans le fait que ceux qui se trouvent loin de la scène n'ont jusqu'à présent jamais vu de génocide, n'en ont jamais été témoins, c'est-à-dire qu'ils n'ont jamais été en mesure de fournir des preuves convaincantes de ce qu'ils ont vu en tant que "témoins oculaires".
Aujourd'hui, nous pouvons voir un missile détruire un immeuble d'habitation, un tireur d'élite abattre un jeune homme regardant la plage, un missile frapper l'enceinte d'un hôpital et des morceaux de corps joncher une rue. Les soldats eux-mêmes enregistrent avec fierté leurs propres exactions, qu'il s'agisse de la destruction de maisons et de salles de classe ou de la démolition de bureaux gouvernementaux et d'universités.
Les médias occidentaux n'ont toujours pas le droit d'entrer à Gaza, à moins d'être intégrés à une unité de l'armée israélienne, ne pouvant donc rendre compte que de ce qu'Israël veut que le monde voie, et non de ce que le monde a besoin de (sa)voir et veut (sa)voir.
Grâce aux journalistes palestiniens d'une incroyable bravoure, nous ne voyons pas tout, mais bien assez pour susciter l'horreur. Leur courage est la raison pour laquelle le gouvernement israélien poursuit ses efforts acharnés pour les détruire : ce qui ne peut être rapporté pourrait tout aussi bien ne jamais avoir eu lieu.
En fait, le génocide de Gaza présente certaines caractéristiques qui le différencient des autres. L'une d'entre elles est le nombre d'enfants tués : en août 2024, près de 17 000 civils avaient été tués sur un total estimé à 40 000, dont plus de 2 100 enfants de moins de deux ans.
Des milliers d'enfants sont toujours portés disparus, morts ou ensevelis sous les ruines de leur maison ; des dizaines de milliers ont subi des blessures qui ont changé leur vie à jamais, en perdant par exemple un bras ou une jambe, et près de 20 000 sont non seulement devenus orphelins, mais n'ont plus personne dans leur famille proche ou élargie pour s'occuper d'eux. Tous sont morts, sauf eux, et dans de nombreux cas, tous les enfants sont eux aussi morts : le nom de famille n'existe plus à Gaza, si ce n'est à titre de souvenir.
Il est prouvé que les tireurs d'élite tuent délibérément les enfants ainsi que les adultes surpris dehors. Ils arrivent à l'hôpital avec des blessures à la tête témoignant de tirs ciblés alors qu'ils jouaient devant chez eux ou dans la rue. Le monde entier a été horrifié par le cas de Hind al Rajab, 6 ans, piégée pendant des heures dans la carcasse de la voiture familiale, bombardée par un char d'assaut, avec la seule autre survivante, sa sœur, jusqu'à ce qu'elle soit tuée.
Hind elle-même a lancé des appels à l'aide désespérés avant d'être à son tour assassinée, et les deux ambulanciers qui ont finalement été autorisés à lui venir en aide ont été bombardés par un char d'assaut et tués dans leur ambulance. Dès la fin du mois d'octobre 2023, l'UNESCO décrivait Gaza comme "un cimetière pour des milliers d'enfants".
Rien de tout cela n'est accidentel ou ne constitue un dommage "collatéral". 47 % de la population de Gaza a moins de 18 ans et les Israéliens savent qu'ils vont tuer des enfants lorsqu'ils lancent leurs missiles sur des immeubles d'habitation, des écoles ou des hôpitaux où les réfugiés ont trouvé refuge.
L'indignation suscitée par la mort d'enfants juifs le 7 octobre s'est poursuivie dans les médias occidentaux pendant des mois.
En mars 2024, le Conseil israélien pour la sécurité de l'enfance a avancé le chiffre de 48 enfants, dont beaucoup ont été victimes de tirs de chars ou de missiles israéliens, et 47 autres ont été capturés et emmenés dans la bande de Gaza. Les médias n'ont absolument pas tenu compte du nombre d'enfants gazaouis tués lors des attaques israéliennes des années précédentes avant que le Hamas ne riposte : 313 en 2008/2009, 551 en 2014, près de 50 abattus par des tireurs d'élite célébrant leur précision lors de la "Grande marche du retour" (2018/19).
Le nombre écrasant d'enfants palestiniens massacrés après le 7 octobre - 16 456 à la mi-août 2024, le nombre augmentant chaque jour - n'a même pas suscité la condamnation des gouvernements "occidentaux".
Un seul mot sous-tend cette incapacité à réagir : le racisme. Si ces enfants avaient été juifs ou chrétiens et si leur peau avait été blanche au lieu d'être brune, le nombre de morts n'aurait jamais atteint une fraction de ce chiffre sans que l'"Occident" collectif n'intervienne pour mettre fin à la tuerie.
Aux massacres d'enfants s'ajoutent le meurtre de leurs enseignants, la destruction de leurs écoles et de leurs maisons, de leurs livres et de leurs ordinateurs, ainsi que les traumatismes psychologiques subis par les survivants. Les enfants sont également utilisés comme boucliers humains. Suite à la réduction des effectifs de l'unité canine Oketz, l'armée israélienne envoie des civils âgés et des enfants sous terre avec des caméras attachées à leur corps pendant qu'ils "nettoient" les tunnels. "Nos vies comptent bien plus que les leurs", a rapporté le journal Haaretz en citant les propos de leurs commandants.
Après les enfants, les femmes et les jeunes filles constituent une catégorie distincte en termes de souffrance. En mai 2024, les experts des droits de l'homme des Nations unies ont signalé que 63 femmes, dont 37 mères, étaient tuées chaque jour : au moins 10 000 femmes ont été tuées et 19 000 blessées depuis le 7 octobre. Le nombre de fausses couches a augmenté de 300 % en raison de la malnutrition et du manque d'accès à des soins de santé adéquats.
Même au début de la guerre, les femmes accouchaient par césarienne sans anesthésie parce qu'on leur refusait l'accès aux fournitures médicales. Les enfants à naître meurent dans les hôpitaux et les enfants vivants meurent de faim.
Les experts ont constaté que 155 000 femmes enceintes ou nouvelles mères n'avaient pas accès aux soins de santé de base et souffraient d'insécurité alimentaire. Près de 700 000 femmes et filles en période de menstruation n'avaient pas accès à des serviettes hygiéniques, à des toilettes, à du papier hygiénique, ni même à l'eau courante. La détention, la torture et l'agression sexuelle des femmes et des jeunes filles par leurs geôliers israéliens constituent un autre volet des mauvais traitements qui leur sont infligés.
La destruction des hôpitaux et le meurtre du personnel médical constituent une troisième catégorie spécifique. En mai 2024, 31 des 36 hôpitaux de Gaza avaient été endommagés ou détruits. Dans les quelques hôpitaux fonctionnant encore à un niveau très réduit, plus de 9 000 patients risquaient sérieusement de mourir en raison de l'absence de soins de santé. L'OMS a fait état de 890 attaques israéliennes contre des établissements de santé depuis le 7 octobre, non seulement à Gaza mais aussi en Cisjordanie, y compris la destruction délibérée de centaines d'ambulances. Au moins 500 professionnels de la santé et 278 travailleurs humanitaires ont été tués.
L'hôpital Shifa - le plus grand de Gaza - a été soumis à un assaut militaire soutenu jusqu'à ce qu'il ne puisse plus fonctionner en tant qu'hôpital. En mai 2024, les experts des droits de l'homme des Nations unies ont signalé que 390 autres corps - femmes et enfants compris - avaient été découverts dans les hôpitaux Shifa et Nasser, nombre d'entre eux présentant des signes de torture, d'exécution sommaire et ayant même été enterrés vivants.
Le traitement encore disponible dans les hôpitaux est mis à l'épreuve à chaque fois qu'il y a un grand nombre de victimes. Les conditions sont déjà semblables à celles d'une chambre mortuaire, les médecins luttant à l'intérieur pour sauver les vivants. Le personnel médical est exténué, traumatisé et difficilement capable de faire face à près d'un an de barbarie israélienne.
Deux chirurgiens américains ont décrit la situation à leur arrivée à l'hôpital européen comme étant "ce à quoi nous imaginons que les premières semaines d'une apocalypse zombie ressembleraient et sentiraient".
Le génocide de Gaza semble-t-il pire que les autres parce que c'est la première fois dans l'histoire qu'un génocide peut être vu "se déroulant" en temps réel ou, à certains égards, celui-ci est-il vraiment pire ? En réponse, si les femmes et les enfants sont toujours tués en temps de guerre, si le génocide de Gaza est marqué d'une caractéristique particulière, c'est certainement le massacre d'enfants, ciblé, implacable, sans pitié et sans remords.
Tant qu'il existera, Israël ne s'en sortira jamais. Les enfants morts de Gaza poursuivront et hanteront Israël jusqu'à la fin des temps. Le "génocide d'enfants", de personnes totalement innocentes, ne sera jamais oublié tant qu'Israël vivra.
Les Israéliens "libéraux" plus âgés sont choqués. Ils affirment que ce n'est pas l'Israël dans lequel ils ont grandi, mais cela a toujours été le cas. Ils ne l'ont tout simplement pas vu, n'ont pas voulu le voir ou ont été trop profondément endoctrinés pour le voir.
Les preuves sont là, dans les centaines de villages détruits et dépeuplés et les personnes massacrées depuis 1967, y compris des enfants aussi doux et innocents que ceux qui ont été assassinés à Gaza. Le sous-ensemble de Gaza d'un génocide de longue haleine est le fruit maléfique de graines semées il y a longtemps.
Jeremy Salt a enseigné l'histoire du Moyen-Orient moderne à l'université de Melbourne, à l'université Bogazici (Bosphore) d'Istanbul et à l'université Bilkent d'Ankara. Il est l'auteur de "The Unmaking of the Middle East. A history of Western Disorder in Arab Lands (University of California Press, 2008) et de "The Last Ottoman Wars. The Human Cost 1877-1923" (University of Utah Press, 2019). Il est aujourd'hui chercheur indépendant.
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Insoutenable, ce bréviaire du Mal, ce 𝓋𝒶𝒹𝑒𝓂𝑒𝒸𝓊𝓂 qui nous plonge au plus profond des cercles de l’Enfer, et qui, n’en doutons pas, laissera des cicatrices indélébiles sur la conscience du monde, et justifiera un juste mais terrible châtiment . Nul, ne pourra dire qu’il ne savait pas! Nous avons vu, nous avons vu, et nous nous sommes tus…so be it!…