❖ La révolution des Œillets a 50 ans
Une dictature de plus de 40 ans, qui s’effondre grâce à ses militaires, presque sans effusion de sang & dont l'origine se trouve dans les luttes de libération nationale africaines face au colonialisme
➤ Le rôle des luttes de libération nationale en Afrique dans l'avènement de la démocratie en Europe
Non seulement les luttes de libération africaines ont permis de gagner l'indépendance dans leurs propres pays, mais elles ont également vaincu le colonialisme de l'Estado Novo, à l'origine de la révolution des œillets il y a 50 ans.
Par Vijay Prashad, le 25 avril 2024, The Tricontinental, dix-septième lettre d'information
Chers amis,
Salutations du bureau de Tricontinental : Institut de recherche Sociale.
Il y a cinquante ans, le 25 avril 1974, le peuple portugais descendait massivement dans les rues de ses villes et villages pour renverser la dictature fasciste de l'Estado Novo ("État nouveau"), officiellement instaurée en 1926. Le Portugal fasciste - dirigé d'abord par António de Oliveira Salazar jusqu'en 1968, puis par Marcelo Caetano - a été accueilli au sein de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) en 1949, des Nations unies en 1955, de l'Organisation de coopération et de développement économiques en 1961, et a signé un pacte avec la Communauté économique européenne en 1972. Les États-Unis et l'Europe ont collaboré étroitement avec les gouvernements de Salazar et de Caetano, fermant les yeux sur leurs atrocités.
Voilà plus d'une décennie, j'ai visité le musée Aljube de Lisbonne - Résistance et liberté, ancien lieu de torture pour les prisonniers politiques de 1928 à 1965. Au cours de cette période, des dizaines de milliers de syndicalistes, étudiants, communistes et rebelles de toutes sortes y ont été amenés pour être torturés, dont bon nombre ont été tués, souvent avec une grande cruauté. Les centaines d'histoires conservées dans le musée témoignent de la banalité de cette brutalité. Ainsi, le 31 juillet 1958, les tortionnaires ont emmené le soudeur Raúl Alves de la prison d'Aljube au troisième étage du siège de la police secrète et l'ont précipité vers la mort. Heloísa Ramos Lins, épouse de l'ambassadeur du Brésil au Portugal de l'époque, Álvaro Lins, passait en voiture à ce moment-là, a vu la chute mortelle d'Alves et l'a racontée à son mari. Lorsque l'ambassade du Brésil s'est adressée au ministère portugais de l'intérieur pour s'enquérir des faits, la dictature de l'Estado Novo a répondu : "Il n'y a pas de raison d'être si choqué. Il s'agit simplement d'un communiste sans importance".
Des communistes ordinaires comme Raúl Alves sont à l'origine de la révolution du 25 avril, qui s'appuie sur une vague d'actions ouvrières dans toute l'année 1973, commencée par les travailleurs de l'aéroport de Lisbonne et étendue aux grèves des travailleurs du textile à Braga et à Covilha, à celles des ingénieurs à Aveiro et à Porto, et à la grève des ouvriers du verre à Marinha Grande.
À la même époque, le dictateur Caetano lit Le Portugal et l'avenir, écrit par le général António de Spínola, formé par les commandants du général fasciste Francisco Franco pendant la guerre civile espagnole, qui a mené une campagne militaire en Angola et a été gouverneur de l'Estado Novo en Guinée-Bissau. Le livre de Spínola soutenait que le Portugal devait mettre fin à son occupation coloniale car il était en train de perdre son emprise sur l'Afrique sous contrôle portugais. Dans ses mémoires, Caetano écrit que lorsqu'il a achevé la lecture de ce livre, il a compris que "le coup d'État militaire, que je sentais venir, était désormais inévitable".
Ce que Caetano n'avait pas prévu, c'est l'unité entre les travailleurs et les soldats (eux-mêmes partie intégrante de la classe ouvrière) qui a éclaté en avril 1974. Les soldats en avaient assez des guerres coloniales qui, malgré l'extrême brutalité de l'Estado Novo, n'avaient pas réussi à étouffer les ambitions des peuples d'Angola, du Cap-Vert, de Guinée-Bissau, du Mozambique et de São Tomé e Príncipe. Les avancées du Parti africain pour l'indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert (PAIGC), du Front de libération du Mozambique (FRELIMO) et du Mouvement populaire de libération de l'Angola (MPLA) ont été considérables, l'armée portugaise perdant plus de soldats que jamais depuis le 18ème siècle. Plusieurs de ces formations ont reçu l'aide de l'URSS et de l'Allemagne de l'Est (RDA), mais c'est grâce à leur propre force et à leur initiative qu'elles ont finalement remporté les batailles contre le colonialisme (comme l'ont documenté nos collègues du Centre international de recherche sur la RDA).
Le 9 septembre 1973, des militaires envoyés en Guinée-Bissau se sont réunis au Portugal pour former le Mouvement des forces armées (MFA). En mars 1974, le MFA approuvait son programme Démocratie, développement et décolonisation, rédigé par le soldat marxiste Ernesto Melo Antunes. Lorsque la révolution a éclaté en avril, Antunes a expliqué : "Quelques heures après le début du coup d'État, le même jour, commençait le mouvement de masse, se transformant immédiatement en révolution. Lorsque j'ai rédigé le programme du MAE, je ne l'avais pas prévu, mais le fait que cela se soit produit a montré que les militaires étaient en phase avec le peuple portugais". Quand Antunes dit "les militaires", il veut dire les soldats, car ceux qui ont formé le MFA n'étaient pas plus gradés que des capitaines et restaient enracinés dans la classe ouvrière dont ils étaient issus.
En décembre 1960, l'Assemblée générale des Nations unies a proclamé la "nécessité de mettre fin rapidement et sans condition au colonialisme sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations". Cette position est rejetée par le régime de l'Estado Novo. Le 3 août 1959, des soldats coloniaux portugais tirent sur des marins et des dockers à Pidjiguiti, dans le port de Bissau, tuant plus de cinquante personnes. Le 16 juin 1960, dans la ville de Mueda (Mozambique), les colonialistes de l'Estado Novo ont ouvert le feu sur une petite manifestation non armée de partisans de la libération nationale invités par l'administrateur du district à présenter leur point de vue. On ne sait toujours pas combien de personnes ont été tuées. Puis, le 4 janvier 1961, une grève à Baixa do Cassange (Angola) a été réprimée par les Portugais, qui ont tué entre 1 000 et 10 000 Angolais. Ces trois incidents ont montré que les colonialistes portugais n'étaient pas disposés à tolérer un mouvement civique en faveur de l'indépendance. C'est l'Estado Novo qui a imposé la lutte armée dans ces régions d'Afrique, incitant le PAIGC, le MPLA et le FRELIMO à prendre les armes.
Agostinho Neto (1922-1979) était un poète communiste, un dirigeant du MPLA et le premier président de l'Angola indépendant. Dans un poème intitulé Massacre de São Tomé, Neto a capturé le sentiment des révoltes contre le colonialisme portugais :
C'est alors que dans les yeux embrasés
désormais par le sang, la vie, la mort,
nous avons enterré nos défunts en vainqueurs
et sur les tombes nous avons inscrit
la raison du sacrifice de ces hommes
pour l'amour,
pour l'harmonie,
et pour notre liberté
même en affrontant la mort, par la force du temps
dans les eaux rouges de sang
même dans les petites défaites qui se conjuguent pour la victoire.
En nous
la terre verte de São Tomé
restera aussi l'île de l'amour.
Cette île d'amour ne devait pas seulement être édifiée à travers l'Afrique, de Praia à Luanda, mais aussi à travers le Portugal. Le 25 avril 1974, Céleste Caeiro, une serveuse d'une quarantaine d'années, travaillait dans un restaurant self-service du nom de Sir, dans l'immeuble Franjinhas de la rue Braancamp, à Lisbonne. Comme c'était le premier anniversaire de l'établissement, le propriétaire avait décidé de distribuer des œillets rouges à ses clients. Lorsque Céleste lui a parlé de la révolution, le patron a décidé de fermer son restaurant pour la journée, de distribuer les œillets aux employés et d'encourager ces derniers à les ramener chez eux. Au lieu de cela, Céleste s'est rendue au centre-ville, où les événements se déroulaient. En chemin, des soldats lui ont demandé une cigarette, mais à la place, elle a glissé quelques œillets dans les canons de leurs fusils. L'idée a fait son chemin et les fleuristes de Baixa ont décidé d'offrir leurs œillets rouges de saison pour qu'ils deviennent l'emblème de la révolution. Voilà qui explique le nom de la révolution de 1974 : la révolution des œillets, une révolution des fleurs contre les fusils.
La révolution sociale portugaise de 1974-1975 a fait basculer une grande majorité de la population dans une nouvelle conscience, mais l'État a refusé de capituler. Il a inauguré la troisième République, dont les présidents étaient tous issus des rangs de l'armée et de la Junte de salut national : António de Spínola (avril-septembre 1974), Francisco da Costa Gomes (septembre 1974-juillet 1976) et António Ramalho Eanes (juillet 1976-mars 1986). Ces hommes n'étaient pas des hommes de terrain, mais d'anciens généraux. Néanmoins, ils ont finalement été contraints d'abandonner les anciennes structures du colonialisme de l'Estado Novo et de se retirer de leurs colonies en Afrique.
Amílcar Cabral (1924-1973), né il y a cent ans en ce mois de septembre et qui a fait plus que beaucoup pour constituer les formations africaines contre le colonialisme de l'Estado Novo, n'a pas vécu assez longtemps pour voir l'indépendance des colonies africaines du Portugal. Lors de la conférence tricontinentale de 1966 à La Havane, à Cuba, Cabral a averti qu'il ne suffisait pas de se débarrasser de l'ancien régime et qu'il serait encore plus difficile de renverser le régime lui-même que de construire le nouveau monde à partir de l'ancien, du Portugal à l'Angola, du Cap-Vert à la Guinée-Bissau, du Mozambique à São Tomé e Príncipe. La principale lutte après la décolonisation, selon Cabral, est la "lutte contre nos propres faiblesses". Cette "bataille contre nous-mêmes", a-t-il poursuivi, "est la plus difficile de toutes" car il s'agit de combattre les "contradictions internes" de nos sociétés, la pauvreté engendrée par le colonialisme et les misérables hiérarchies de nos formations culturelles complexes.
Menées par des hommes comme Cabral, les luttes de libération en Afrique n'ont pas seulement permis de gagner l'indépendance dans leurs propres pays ; elles ont également vaincu le colonialisme de l'Estado Novo et contribué à l'instauration de la démocratie en Europe. Mais la lutte ne s'est pas arrêtée là. Elle a ouvert de nouvelles contradictions, dont beaucoup perdurent aujourd'hui sous différentes formes. Comme Cabral le disait souvent en conclusion de ses discours, a luta continua. La lutte continue.
Chaleureusement,
Vijay
📰 https://thetricontinental.org/newsletterissue/carnation-revolution/
◾️ ◾️ ◾️
➤ Révolution des Œillets... l’exception portugaise ?
Une dictature de plus de 40 ans, qui s’effondre grâce à ses militaires, presque sans effusion de sang: il y a de quoi surprendre. Pour les 50 ans du 25 avril 1974, le travail d'historien de Victor Pereira nous aide à mieux comprendre la Révolution des œillets, et vivre de l’intérieur ces années où le pouvoir populaire, grèves, usines, terres agricoles... se confronte aux décisions politiques.
Par Arthur Porto, le 15 avril 2024, Blog Mediapart
Dans quelques jours, au Portugal comme parmi les nombreuses communautés de migrants portugais à l’étranger, notamment en France, on commémore, on célèbre, on fête, la chute du fascisme le 25 avril 1974.
Les conditions de cet évènement ont surpris le monde car son déroulement est venu bouleverser tout les manuels de "voir les dictatures tomber !"
Dès le 1er mai 1974, à Lisbonne, à Porto et dans d’autres villes, le peuple a manifesté bruyamment et joyeusement la liberté, la libération des prisonniers politiques, l’arrêt de la censure préalable des journaux et surtout l’espoir d’une démocratie à instaurer et même à inventer avec la promesse de la fin de la guerre coloniale en Angola, Mozambique, Guinée Bissau, Cap Vert...
Un MFA - Mouvement des Forces Armées (à l’origine Mouvement des Capitaines), constitué de jeunes officiers, avec la complicité de certains militaires chevronnés convaincus qu’il faut mettre fin à la guerre coloniale, menée par Salazar et ensuite Caetano, même s’ils ne sont pas tous animés par la décolonisation... mais avec la volonté d’instaurer une démocratie.
C’est donc avec grand intérêt et très opportunément que nous découvrons le livre de Victor Pereira C’est le peuple qui commande” la révolution des Œillets 1974-1976* [éd. du Détour nov 2023]
.C’est un moment décisif pour la démocratie portugaise mais aussi au-delà, dans le contexte européen. Historien, grand connaisseur des migrations portugaises, professeur à l’Université de Pau, Victor Pereira contribue à la compréhension de cette "exception portugaise", démontrant avec talent et précision les contours du combat politique que l’expérience d’une révolution baptisée des "œillets" a suscité partout, au Portugal, en Afrique, y compris en France.
1961, "l’annus horribilis de Salazar"
Victor Pereira place le contexte de ce bouleversement autour des évènements de l’année 1961, "l’annus horribilis de Salazar", avec en mars le déclenchement de la lutte pour l’indépendance en Angola, et en décembre la reddition de l’armée portugaise à Goa face à l’armée indienne. Cette même année des mouvements souterrains d’opposition militaire se manifestent au Portugal même, ce qui est un affront insupportable pour Salazar.
C’est avec des multiples clés d’ouverture que Victor Pereira nous décrit les différents mouvements dans l’armée portugaise de plus en plus éparpillée dans l’engagement en Afrique. Salazar, suite à un accident vasculaire en 1968, ne peut plus gouverner, EST remplacé par Caetano qui poursuit la même politique coloniale.
Une place importante est donnée à l’émergence et développement du mouvement des capitaines, de la création du MFA (Mouv Forces Armées) et au rôle joué par le général Spínola. Dès la publication de son livre Le Portugal et l’avenir en février 74 jusqu’à sa dernière manœuvre pour obtenir des armes contre le processus démocratique en avril 76, en passant par sa désignation comme le premier Président de la République Portugaise après le 25 avril 1974. C’est auprès de lui que Caetano a abdiqué de ses fonctions.
O povo é quem mais ordena... C’est le peuple qui commande...
Le livre de Victor Pereira dont le titre est inspiré par la chanson de Zeca Afonso, signal de ralliement dans la nuit du 24 au 25 avril 74, Grândola, Vila Morena / Terra da fraternidade / O povo é quem mais ordena... [Grandôla ville brune, Terre de fraternité / C’est le peuple qui commande..], retrace bien cette volonté d’un "peuple qui commande..." qui sera le nœud de toute la question du choix, de l’engagement, du pouvoir et des nombreuses confrontations entre les militaires et les partis politiques, mais aussi au sein des militaires du MFA, entre les radicaux et les modérés.
Et ce travail d’historien nous permet de vivre de l’intérieur ces deux années 1974-1976 où le pouvoir populaire, les initiatives avec les comités d'habitants, les associations de travailleurs, les grèves ouvrières et les occupations de terres agricoles, de maisons, d'usines, luttes étudiantes... se confrontent aux orientations et décisions politiques.
Aussi bien des militaires (et de leurs différentes orientations, objectifs et respect de la charte du MFA) que des partis politiques (sortis de la lutte clandestine comme le PCF et des secteurs du PS ou des jeunes mouvements d’extrême gauche maoïstes ou la LUAR ayant engagée des actions armées).
C’est un des aspects important de l’apport de cette analyse sur l’histoire de la "Révolution des Œillets" qui souligne la nature d’un mouvement profondément social dans un pays qui a tout à inventer et à bâtir aussi bien socialement que politiquement.
Le spectre de la guerre civile a souvent été agité, d’un côté la crainte d’un retour au passé avec un "fascisme modernisé et colonial" de l’autre l’installation d’un "pouvoir populaire" d’orientation communiste, mettant en danger l’Europe et l’OTAN dont le Portugal fait partie.
Les quelques pages sur Kissinger et l’ambassadeur américain au Portugal, Frank Carlucci (et ses liens avec la CIA) situent l’enjeu pour le "monde occidental" du risque portugais. Notons certains documents dans la recherche de Victor Pereira, notamment les notes de l’ambassadeur de France au Quai d’Orsay, qui donnent également un aperçu des différentes interprétations et des interrogations suscitées par le PREC (processus révolutionnaire en cours) au-delà des frontières.
Une autre séquence qui a, notamment en France, été très suivie, c’est l’affaire du journal Républica, (fondé en 1911). La commission des travailleurs constituée surtout par les typographes a pris la direction du journal, excluant la rédaction socialiste pour lancer un journal en accord avec le Conseil de la Révolution et les valeurs du courant plus radical du MFA. Victor Pereira détaille et analyse les enjeux de cette question qui pose, dans une pays ayant vécu la censure préalable de tous les moyens de communication, le sens de la liberté de la presse en temps de bouleversement social et politique.
Le "labo révolutionnaire"
Le Portugal a été aussi à l’époque un terrain-laboratoire suscitant un tourisme-révolutionnaire où de nombreux militants (aux orientations les plus diverses) sont allés voir, parfois participer aux combats pour un pouvoir populaire et pour des mesures visant à battre le capitalisme et instaurer un socialisme version lusitanienne.
Et ces variantes ont aussi bien touché les civils, les militants mais aussi les courants qui ont traversé les militaires du MFA et les institutions créées comme le Conseil de la Révolution.
Je me souviens de l'accueil en France, curieux et militant, du livre du journaliste Francis Pisani (fils de l’ancien ministre de De Gaulle) présenté au cinéma 14 juillet-Bastille à Paris fin 1977. Il y décrit l’expérience d’une coopérative paysanne où une quarantaine d’ouvriers agricoles se sont emparés des terres d'un seigneur féodal. Torre Bela, on a tous le droit d'avoir une vie, titre de son livre (éd Jean-Claude Simoën). Un documentaire de Thomas Harlan décrit aussi cet engagement. En septembre 1977 des violences sont commises contre la coopérative, incendie, tentative d’assaut par des personnes (pas seulement d'extrême-droite) opposées à la réforme agraire.
Ces violences fréquentes avaient eu leur apogée pendant l’été chaud 1975. Je l’ai constaté à Braga en 1975 où, après une homélie de l’Archevêque, un dimanche du mois d’août, des membres de l’extrême-droite et des délinquants de droit commun ont attaqué les bureaux du Parti Communiste.
De retour en France, j'ai trouvé l'impertinente couverture de Charlie Hebdo de la semaine suivante (14 août 1975)...
C’est une des séquences importantes du livre de Victor Pereira qui suit la progression à la fois de ces violences pour contrecarrer toute perspective de changement vers une démocratie inspirée du changement voulu par les militaires du MFA et parallèlement l’évolution, confrontation et compromis aussi des forces politiques qui déboucheront sur le contre-coup du 25 nov 1975 mettant le pays au pas de la normalisation.
Remarquons qu’un an après les "œillets" (avril 1975) une assemblée constituante est élue et en avril 1976 la nouvelle Constitution est votée. Trois semaines plus tard (25 avril 1976) les élections législatives ouvrent à l’installation d’un parlement et ensuite l’élection présidentielle en juin 1976 d’un général "modéré" du MFA Ramalho Eanes.
Cette étude approfondie sur les deux années marquantes de la révolution des “Capitaines d'avril”, titre du film de Maria de Medeiros, se termine par une nécessaire alerte sur la réalité portugaise actuelle et les risques d’une montée de l’extrême droite, représentée par le parti "Chega" (Assez). Le livre a été écrit et publié avant la démission du Premier-ministre António Costa qui a donné origine aux législatives de mars dernier où l’extrême droite est arrivée en troisième place et compte 50 députés dans l’actuelle législature (le PS 1978 et le PPD 1977).
Dans un intéressant entretien sur RFI, avec Carina Branco, auteure d’une série sur Revolução dos Cravos, Victor Pereira souligne bien que "Chega est l'un des partis qui critique le plus le 25 avril, notamment l'une des conséquences du 25 avril, qui est la décolonisation et le retour des populations blanches qui vivaient principalement en Angola et au Mozambique, et qui pose la question de la démocratie tel qu'elle existe depuis 1976, en parlant de corruption, en parlant du système et de tout le reste".
"Il est presque ironique que, quelques semaines avant le 25 avril [pour ses 50 ans], il y ait ces élections et - on ne le sait pas encore - peut-être que le parti Chega sera un parti essentiel pour garantir une majorité à droite voire même empêcher une solution gouvernementale claire après ces élections". Émission en portugais qu’on peut écouter ici : 25 de Abril como “revolução social” e abana “visão idealizada” da História
Et pour compléter cette alerte, lire un extrait du livre dans le premier commentaire pgs 264/265
* “Un problème difficile”... dans son livre Victor Pereira rappelle le dessin de João Abel Manta, dessinateur portugais, "En août 1975, comme le suggère ironiquement une caricature de JAM, le Portugal semble être une énigme insoluble : Marx, Lénine, Gandhi, Mao, Sartre, Kissinger - affublé d’oreilles d’âne -, Fidel Castro, Gramsci et bien d’autres scrutent un tableau où le Portugal est dessiné à la craie. Les grands hommes - il n’y a qu’une seule femme, Rosa Luxembourg - du passé et du présent, sont perdus, incapables de saisir ce qu’il se déroule dans ce petit pays jusqu’alors peu connu", page 203. Aujourd’hui le livre "C’est le peuple qui commande", ça les aiderait... !
📰 https://blogs.mediapart.fr/arthur-porto/blog/150424/revolution-des-oeillets-l-exception-portugaise
◾️ ◾️ ◾️