❖ La psyché du personnage Macron
Les pronostiqueurs n’envisagent comme unique issue que sa démission. Mais il faut n’avoir rien compris à la psyché du personnage pour imaginer pareille chose. Il faut s’attendre à tout.
3 petits articles
1 - Le scénario manquant - Frédéric Lordon
2 - Macron peut-il prendre les pleins pouvoirs en activant l'article 16 de la constitution ? - Eugénie Mérieau
3 - Que dit l'article 16 de la Constitution ? - Virgile Duflo
◾️ ◾️ ◾️
1- ➤ Le scénario manquant
Par Frédéric Lordon, le 27 juin 2024, Blog du Monde Diplomatique
Par commodité, on partira du pronostic apparemment le plus probable, livré par l’institut de sondage universel OPIF : pas de majorité absolue. Dans ces conditions il y a :
les chambres un peu trouvables,
la chambre introuvable.
La différence tient à l’existence, ou non, de solutions de coalition à peu près stables. Quant aux chambres un peu trouvables, elles sont le lieu des exercices de Meccano : quel bout avec quel bout ? Les esprits combinatoires en sont surexcités. Mais si elle est introuvable – pour de bon ? C’est dans ce cas de figure que les imaginations patinent un peu.
Macron constituant
Aucune solution de coalition : alors la crise de régime. Les pronostiqueurs n’envisagent comme unique issue que la démission de Macron. Mais il faut n’avoir rien compris à la psyché du personnage pour imaginer une chose pareille. Comme toujours dans ces cas-là, il faut réfléchir au pas de côté, pour peu qu’en existe la possibilité – or elle existe : convocation d’un comité constituant (certainement pas d’une assemblée), proposition de nouvelles institutions, validation par référendum, élection présidentielle dans la foulée selon les termes de la nouvelle Constitution.
Tout ici est fait pour que la psyché de Macron se rende passionnément à cette solution, et notamment : la position d’Instituteur. Macron cherche, dit-on, à laisser une trace dans l’histoire, la voilà : fondateur de la VIème République, excusez du peu. Ça n’est pas que la Vème ne lui convenait pas – tant au contraire. Dans un cours normal des choses, jamais l’idée d’y toucher ne lui serait venue. Mais nécessité fait loi, et s’il faut se refaire, alors cette solution a plus que des attraits. Il faut imaginer l’ivresse qui est déjà la sienne, sans même parler de la possibilité d’un troisième mandat, tous compteurs remis à zéro – enfin ça, c’est ce qu’il croit.
Macron lui-même se posera seul juge du caractère trouvable ou introuvable de la chambre, décrétant selon son bon vouloir que telle coalition possible sera manifestement trop instable et que "les institutions sont en danger" – raison parfaite de les achever. On comptera également sur lui pour se constituer un comité constitutionnel à sa main, à l’image de celui du coup d’État gaulliste de 1958 dont Grey Anderson a donné le menu détail, afin d’éviter toute "quatrièmisation" et le retour à la présidence des chrysanthèmes.
Le scénario-merveille n’a qu’un inconvénient : pour que le nouveau texte ait la moindre chance d’être adopté par référendum, il faudra à l’évidence que Macron s’en détache, au point de ne pas même en paraître comme le porteur… et de se trouver spolié du bénéfice symbolique-historique qu’il en escomptait. Il le faudra parce que dans l’état actuel de son immense popularité, même une loi de sixième semaine de congés pays serait violemment repoussée. Rien de ce qui vient de lui ne sera plus accepté. L’ensemble de la manœuvre était idéalement fait pour sa psyché, sa condition impérative de réussite lui est absolument contraire. On verra bien s’il se trouve dans son entourage des personnes capables de le maîtriser.
Et puis le bizarre
"La psyché de Macron" n’est pas un terme ad hoc à pouvoir d’explication universel. Au reste, il faudra bien se décider, d’une part à expliciter les conditions qui rendent pertinent de s’y référer, d’autre part à préciser les manières de s’en servir, enfin bien sûr à donner une analyse un peu rigoureuse de la chose même, en lieu et place de la psychologie à la truelle, agrémentée d’un terme psychanalytique ou deux pour le nappage, qui fait l’ordinaire du commentaire à ce sujet. Au moins l’épisode de la dissolution a-t-il planté l’idée que, "de ce côté", il se passe quelque chose qu’on ne peut pas négliger.
Moins que jamais en effet. Serait-ce seulement pour cette raison élémentaire que des institutions qui concentrent à ce point le pouvoir dans les mains d’un seul personnage nécessitent qu’on se pose aussi des questions à propos de ce seul personnage. Comme l’a très bien illustré la "théorie de la grenade dégoupillée", le personnage en question doit occuper en permanence l’entièreté de la scène, dont il veut être l’exclusif agenceur. Il dissout et les européennes sont aussitôt vaporisées : ne reste plus que son geste à lui. On lui intime de se taire par pitié : il parle compulsivement tous les deux jours. Etc. Cette psyché n’est pas préparée à recevoir l’énormité du désaveu qui lui vient dessus. Sans doute trouvera-t-elle une solution imaginaire pour se récupérer en se convainquant que la disparition du macronisme, ou plutôt des macronistes, est peu de choses puisque se trouvera rétablie la vérité du début, à savoir que le macronisme c’est Macron, point.
Le choc promet tout de même d’être rude, et quand il tombe sur une complexion de cette sorte, nul ne peut prévoir la réaction qui en sortira. Ce peut être que Brigitte aura à récupérer le garçonnet sanglotant recroquevillé dans un coin de son bureau. Ce peut être aussi qu’il va se trouver une nouvelle insanité comme solution de réinflation. Celle de l’article 16 par exemple – qui n’était pas une plaisanterie échappée mais bien un ballon d’essai. Et qui "fait l’affaire" au moins aussi bien qu’Instituteur de la VIe République – avec la même propriété de relever d’un pur décret du "seul personnage". Prononcer l’état de guerre civile, comme il tente déjà de nous y habituer, si besoin la faire advenir performativement, avec le gracieux concours de ses comparses de la plus extrême-droite, puis s’installer dans la position du dictateur pour la mener sous couleur d’en sauver le pays : réflexion faite, c’est une idée qui ne manque pas de charme – qui lui va même comme un gant.
Et puis, tant qu’à aller dans ces directions, il y a aussi la guerre tout court. Après tout. Des "mecs à Odessa" ? Pourquoi pas ? La seule hypothèse réaliste, confronté à ce "seul personnage", c’est qu’il est capable de tout, et qu’il faut s’attendre à tout.
📰 https://blog.mondediplo.net/le-scenario-manquant
◾️ ◾️ ◾️
2- ➤ Macron peut-il prendre les pleins pouvoirs en activant l'article 16 de la constitution ?
Par Eugénie Mérieau, le 27 juin 2024, Lundi Matin
Eugénie Mérieau, juriste, politiste, constitutionnaliste, enseignante à l’université de Paris 1, a récemment publié deux ouvrages : La dictature, une antithèse à la démocratie ? et Géopolitique de l’état d’urgence. Sous couvert de petits livres sur le droit et les régimes politiques - sujet qui généralement nous échappent par leur formalisme et leur rigorisme tout abstrait -, ce sont peut-être les textes les plus denses, diaphanes et radicaux, les plus heureusement et puissamment critiques de la "tradition libérale-impériale" qu’on ait pu lire depuis bien longtemps. Dans cet entretien, non seulement la démocratie libérale représentative ne nous apparaît plus comme l’antithèse de la dictature mais comme l’une de ses modalités possibles ; mais la dictature même, par l’étude comparative des régimes politiques, se voit revêtue de toutes les propriétés que valorise en réalité le néo-libéralisme économique et ses critères de sanctification.
"Une autre caractéristique souvent associée au syndrome narcissique tient au désir de rester au pouvoir à vie. Or, la présidence à vie est également rationnelle : une fois hors du pouvoir miroite la perspective d’une condamnation, d’un assassinat, d’une saisine des biens ou les trois à la fois. (…) les dictateurs sont en ce sens les prisonniers de leur passé répressif. Pour la plupart d’entre eux, il n’y a pas d’"exit strategy", à l’exception de l’exil".
En cas de victoire d’un des "deux extrêmes" le 7 juillet, Macron a fait planer le spectre de la "guerre civile". Seulement, comme écrit Mérieau, le "chantage au chaos" est sub specie aeternitatis le trope rhétorique des dictatures. Par ailleurs, si la Vème république est née d’un coup d’État – il semblerait que, selon les idées qui flottent autour du cabinet du Président, l’activation de l’article 12, le poker de la dissolution, suivi d’une victoire du centre ou d’une démission, n’est pas le seul scénario futur. Une triste idée a commencé à germer selon laquelle un pays ingouvernable – où le parlement serait brisé en trois minorités, où l’antiterrorisme serait devenu le droit ordinaire, où l’état d’urgence serait signe d’une urgence de l’État, comme l’État métropolitain prétend encore être facteur de paix en Kanaky au moment où chacune de ses décisions font tout sauter des anciens destins – ce n’est pas à une démission présidentielle qu’il faudrait s’attendre, mais à la mise en œuvre – légitimée par la chaleur tendue des circonstances – de l’article 16 – octroyant les pleins pouvoir au Président. Alors, nouveau de Gaulle de la médiocrité historique, le monarque pourra se donner à cœur joie de "refonder", par le haut, les institutions dont le fonctionnement ordinaire aura été, pendant des années, par lui-même, démantelées.
*
Eugénie Mérieau, juriste, politiste, constitutionnaliste, enseignante à l’université de Paris 1, a récemment publié deux ouvrages : La dictature, une antithèse à la démocratie ? et Géopolitique de l’état d’urgence. Sous couvert de petits livres sur le droit et les régimes politiques - sujet qui généralement nous échappent par leur formalisme et leur rigorisme tout abstrait -, ce sont peut-être les textes les plus denses, diaphanes et radicaux, les plus heureusement et puissamment critiques de la "tradition libérale-impériale" qu’on ait pu lire depuis bien longtemps. Dans cet entretien, non seulement la démocratie libérale représentative ne nous apparaît plus comme l’antithèse de la dictature mais comme l’une de ses modalités possibles ; mais la dictature même, par l’étude comparative des régimes politiques, se voit revêtue de toutes les propriétés que valorise en réalité le néo-libéralisme économique et ses critères de sanctification :
"L’économiste Milton Friedman l’a finalement reconnu avec peine dans les années 1990, "il est possible de combiner un système économique d’économie de marché avec un système politique dictatorial". De la même manière, il est possible de concilier dictature et État de droit, dictature et prospérité, dictature et pacifisme international, dictature et rationalité. Comme cet ouvrage l’a esquissé, la dictature peut être tout ceci à la fois. Elle est parfaitement compatible avec l’ouverture économique et la mondialisation, avec les élections multipartites et la justice constitutionnelle, avec la paix mondiale et l’excellence scientifique."
Si les propriétés de la démocratie et celles de la dictature sont, grosso modo, les mêmes - dans ce continuum permanent qui est celui de l’État et de son fondement nécessaire contingent, mystique et brutal, si "comme l’affirmait Carl Schmitt, la dictature, [c’est] tout simplement le principe essentiel de l’État" - le retour critique sur nos démocraties implique d’en passer par la réfutation des préjugés que nous avons sur la dictature. Et à ce moment précis, nous découvrons alors que l’État constitutionnel français actuel, son histoire autant que son devenir proche, n’a plus rien à envier aux dictatures contemporaines. Si non croyons qu’une dictature s’impose par un putsch militaire, Mérieau écrit :
"La technique traditionnelle du coup d’État militaire au service de la conquête du pouvoir semble aujourd’hui dépassée. À ce "déclin du coup d’État militaire" se substitue désormais le coup d’État constitutionnel ou judiciaire : le droit devient l’outil privilégié des régimes autoritaires."
Si nous continuons de croire que sous les dictatures, il n’y a plus de constitution, nous savons désormais que c’est faut. Si nous continuons à croire qu’en dictature, il n’y a plus d’élections, Mérieau répond : "aujourd’hui, l’immense majorité des dictatures y compris militaires se soumet régulièrement à des élections multipartites". Ce qui devrait nous permettre de penser un au-delà à ce continuum infernal entre démocratie et dictature, et de sortir de cette folie de l’origine des États qui se fonde et refondent : "Historiquement, la démocratie illibérale n’est […] pas un dévoiement de la démocratie libérale – elle apparaît davantage comme son origine".
📰 https://lundi.am/Macron-peut-il-prendre-les-pleins-pouvoirs-en-activant-l-article-16
◾️ ◾️ ◾️
3- ➤ Que dit l'article 16 de la Constitution ?
Je vous invite à lire : 10 questions autour de l'article 16 de la constitution, proposé par Pierrick Gardien, avocat, le 20 juin 2024 sur Village de la justice, impossible à vous copier ici sans autorisation préalable.
Par Virgile Duflo, le 5 juin 2023, Jurislogic
Comme l’a si bien affirmé Emmanuel Macron :
"Nous sommes en guerre."
Dès l’utilisation du terme "crise sanitaire", la question de la potentielle application de l’article 16 de la Constitution a été remise sur la table.
Mais à l’heure des confinements généralisés, des manifestations réprimées et des réformes passées par les gouvernements successifs à coup de 49-3, comment l’article 16 de la Constitution peut-il encore se rendre utile ?
Petite anecdote amusante : initialement, l’article 16 a été rédigé avec une faute de grammaire dans son premier alinéa : "Lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacés…"
Un projet de loi constitutionnelle envisageait de corriger cette erreur mais il n’a pas été mené à son terme.
1. Article 16 de la Constitution : définition
L’article 16 de la Constitution offre au Président de la République des pouvoirs exceptionnels qui lui permettent de prendre toutes les mesures nécessaires à la préservation de l’État en cas de péril national.
Fruit de l’Histoire française, l’article 16 de la Constitution résulte de l’effondrement des institutions de la IIIème République et de l’instauration du Régime de Vichy après la défaite de la France, en mai-juin 1940. Un contexte, disons…sous le signe de l’urgence.
Le Général de Gaulle prend alors conscience que la direction du pays doit être confiée, dans des circonstances exceptionnelles, à une personne qui saura donner à l’action du gouvernement la cohérence qu’exigent ces circonstances.
Quand l’article 16 de la Constitution a-t-il été utilisé ?
L’article 16 de la Constitution n’a été appliqué qu’une seule et unique fois, du 23 avril au 29 septembre 1961, à la suite du putsch des généraux pendant la guerre d’Algérie. Il a permis au général de Gaulle de contenir la rébellion et de rétablir l’ordre, en mettant en place des tribunaux d’exception.
À noter : L’article 16 est un régime d’exception à distinguer de l’état d’urgence et de l’état de siège.
2. Article 16 de la Constitution : conditions
L’application de l’article 16 de la Constitution française requiert que des conditions de fond et de forme soient remplies.
Les conditions de fond
Deux conditions de fonds doivent être réunies :
L’existence d’une menace grave et immédiate pesant sur les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité du territoire ou l’exécution des engagements internationaux de la France.
Il s’agit d’une condition subjective et imprécise laissée à l’appréciation du Président de la République.
L’interruption du fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels : une condition bien plus précise et objective qui évite que le Président de la République ne s’empare du pouvoir ne manière trop arbitraire.
Lorsque ces conditions sont réunies, seul le Président de la République a la faculté de mettre en œuvre l’article 16 de la Constitution.
Cet article fait partie de ses pouvoirs discrétionnaires, il ne nécessite pas de contreseing, c’est-à-dire qu’il peut l’exercer sans la signature du Premier ministre et des ministres.
Pour autant, cela qui n’exclut pas l’obligation de respecter certaines formalités.
Les conditions de forme
Les conditions de forme liée à l’application de l’article 16 ont une nature essentiellement consultative :
En premier lieu, le Président de la République doit consulter le Premier ministre et les Présidents des Assemblées parlementaires. En pratique, il s’avère qu’il peut passer outre cette obligation…
Dans un deuxième temps, le Président de la République doit consulter le Conseil Constitutionnel qui publie un avis motivé. Si le Conseil Constitutionnel se positionne défavorablement, il sera difficile pour le Président de la République de mettre en œuvre la procédure de l’article 16.
Néanmoins, le poids de cet avis peut facilement être remis en cause puisque la décision de recourir à l’article 16 de la Constitution constitue un acte de Gouvernement contre lequel aucun recours n’est possible. (Conseil d’État, 02/03/1962 "Ruben de Servens")
Enfin, le Président de la République doit informer la Nation des décisions qui ont été prises.
Il est à noter que seul le président de la République en exercice peut déclencher l’article 16 de la Constitution sans en avoir à s’en justifier.
Mais alors, qu’est ce qui justifie que l’article 16 de la Constitution soit soumis à tant de conditions ?
Quels pouvoirs la Constitution donne-t-elle au président de la République ?
3. Les pouvoirs exceptionnels du Président
Par l’attribution de ces pouvoirs exceptionnels, le Président de la République se doit de rétablir le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et l’ordre constitutionnel en période de crise.
En réalité, l’article 16 de la Constitution n’attribue qu’un seul pouvoir au Président de la République, un seul pouvoir mais un pouvoir lourd de sens : la plénitude des pouvoirs législatif et exécutif.
Dès la mise en œuvre de la procédure, le Chef de l’État peut prendre toute décision nécessaire, qu’elle soit militaire ou normative, et se substituer aux autres pouvoirs publics.
Ainsi, le Président de la République peut ordonner toute mesure qui relèverait normalement de la compétence du Parlement (la loi au sens de l’article 34 de la Constitution) et ce, au mépris du principe de la séparation des pouvoirs.
À cela s’ajoute sa faculté d’exercer le pouvoir réglementaire sans solliciter le contreseing du Premier ministre et des ministres.
Le déploiement de l’article 16 de la Constitution est lourd de sens dans la mesure où l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (attention à ne pas confondre) dispose que : "Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution".
Aujourd’hui ce principe de séparation des pouvoirs est érigé au rang de principe à valeur constitutionnelle, au sommet de la hiérarchie des normes.
La séparation des pouvoirs est le corollaire indispensable de la protection des droits naturels de l’Homme. Le contrôle mutuel qu’elle suppose des trois pouvoirs les uns envers les autres préserve l’individu des atteintes à ses droits fondamentaux.
Ce principe constitue un obstacle au despotisme et à la tentation du pouvoir personnel. Dans un État de droit, aucune personne ne doit pouvoir concentrer la totalité des attributs de la souveraineté entre ses mains.
En résumé, l’article 16 de la Constitution permet au Président de la République d’instaurer une "Dictature temporaire". Et encore, aucune durée maximale n’est prévue par la Constitution…
4. Article 16 de la Constitution : limites
Rassure-toi, même s’ils sont considérables, les pouvoirs exceptionnels du Président de la République connaissent certaines limites :
Les mesures prises au titre de l’article 16 de la Constitution par le Président de la République doivent être uniquement destinées à permettre aux pouvoirs publics constitutionnels d’accomplir leur mission, dans les plus brefs délais. Le Conseil constitutionnel doit être consulté sur chacune de ces mesures.
Le Président de la République ne peut pas dissoudre l’Assemblée nationale.
Le Président ne peut pas interdire au Parlement de se réunir (Assemblée Nationale + Sénat).
Le Président de la République ne peut pas engager une révision de la Constitution (décision constitutionnelle du 2 septembre 1992)
5. Le contrôle des pouvoirs exceptionnels
L’exercice des pouvoirs exceptionnels suppose 2 types de contrôles.
Un contrôle juridictionnel
Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, l’article 16 permet au Conseil Constitutionnel de contrôler la nécessité de maintenir en vigueur les pouvoirs exceptionnels.
Il faut distinguer 2 hypothèses :
Le contrôle facultatif en cas de saisine : après 30 jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels, le Conseil constitutionnel peut être saisi par le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat, 60 membres de l’Assemblée nationale ou 60 membres du Sénat, en vue d’examiner si les conditions exigées par la Constitution demeurent réunies. Le Conseil Constitutionnel se prononce dans les délais les plus brefs par un avis public.
Le contrôle de plein droit : après 60 jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels et à tout moment au-delà de cette durée, le Conseil procède de plein droit à l’examen des conditions exigées par la Constitution pour l’application de l’article 16. Le Conseil Constitutionnel se prononce également dans les délais les plus brefs par un avis public.
Un contrôle politique
Au contrôle juridictionnel s’ajoute un contrôle politique et ce, sous 2 aspects :
Comme l’a vu plus haut, la décision présidentielle de recourir à l’article 16 de la Constitution constitue un acte de gouvernement insusceptible de contrôle par le juge administratif.
Toutefois, le juge conserve la faculté de contrôler les décisions présidentielles prises en application de l’article 16 de la Constitution si elles sont intervenues dans le domaine du règlement tel que prévu à l’article 37 de la Constitution. (Conseil d’État, 23/10/1964, "Oriano")
De plus, conformément à l’article 68 de la Constitution, le Président de la République pourrait être destitué par la Haute Cour en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat. Aie, coup dur pour Manu.
📰 https://jurislogic.fr/article-16-constitution/
◾️ ◾️ ◾️