♟ Génocide à Gaza, une politique explicite israélienne coordonnée avec celle des USA, annoncée depuis plus d'une décennie - Réponse iranienne : Sagesse & patience stratégique
Le jugement du professeur Hudson est d'un réalisme inquiétant, la "nouvelle équation" iranienne dépassant largement l'Asie occidentale & annonçant une nouvelle guerre froide pertubera-t-elle la donne?
Ndr : Contexte de la riposte de l'Iran à l'attaque de l'ambassade iranienne en Syrie
➤ Le 3 avril, Reuters a rapporté :
"Les États-Unis, le Royaume-Uni et la France se sont opposés mercredi à une déclaration du Conseil de sécurité de l'ONU rédigée par la Russie qui aurait condamné l'attaque de l'ambassade d'Iran en Syrie, que Téhéran a imputée à l'allié de Washington, Israël".
➤ Le 11 avril, la mission iranienne auprès de l'ONU a déclaré :
"Si le Conseil de sécurité de l'ONU avait condamné l'acte d'agression répréhensible du régime sioniste contre nos locaux diplomatiques à Damas et avait ensuite traduit en justice ses auteurs, la nécessité pour l'Iran de punir ce régime voyou aurait pu être évitée."
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SOMMAIRE :
1 - Missiles d'avril - Scott Ritter & Lettre de l'Ambassadeur d'Iran au Conseil de Sécurité des Nations Unies concernant la réponse du pays aux agressions du régime israélien
2 - Comment la "patience stratégique" de l'Iran s'est transformée en dissuasion majeure - Pepe Escobar
3 - Le génocide à Gaza, une politique explicite : Michael Hudson nomme tous les acteurs - Pepe Escobar
4 - La "nouvelle équation" iranienne dépasse largement l'Asie occidentale - Pepe Escobar
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1- ➤ Missiles d'avril
Par Scott Ritter, le 14 avril 2024, Blog de l'auteur
L'attaque de représailles de l'Iran contre Israël restera dans l'histoire comme l'une des plus grandes victoires de ce siècle.
J'écris sur l'Iran depuis plus de vingt ans. En 2005, j'ai fait un voyage en Iran pour vérifier la "vérité de terrain" sur cette nation, une vérité que j'ai ensuite incorporée dans un livre, Target Iran, exposant la collaboration américano-israélienne pour justifier une attaque militaire contre ce pays destinée à faire tomber son gouvernement théocratique. J'ai complété ce livre par Dealbreaker, en 2018, qui met à jour cet effort américano-israélien.
En novembre 2006, dans un discours prononcé à l'École des relations internationales de l'université de Columbia, j'ai souligné que les États-Unis n'abandonneraient jamais mon "bon ami" Israël, jusqu'à ce que, bien sûr, nous le fassions. Qu'est-ce qui pourrait précipiter une telle action, ai-je demandé ? J'ai fait remarquer qu'Israël était une nation ivre d'orgueil et de pouvoir et que, à moins que les États-Unis ne trouvent un moyen de retirer les clés du contact du bus qu'Israël conduisait vers l'abîme, nous ne suivrions pas Israël dans son voyage suicidaire à la manière d'un lemming.
L'année suivante, en 2007, lors d'un discours devant le Comité juif américain, j'ai souligné que mes critiques à l'égard d'Israël (dont de nombreuses personnes dans l'auditoire se sont vivement offusquées) provenaient d'une préoccupation pour l'avenir d'Israël. J'ai souligné le fait que j'avais passé la majeure partie d'une décennie à essayer de protéger Israël des missiles irakiens, à la fois pendant mon service dans Tempête du désert, où j'ai joué un rôle dans la campagne de lutte contre les missiles SCUD, et en tant qu'inspecteur en désarmement des Nations unies, où j'ai travaillé avec les services de renseignement israéliens pour m'assurer que les missiles SCUD irakiens étaient éliminés.
"La dernière chose que je souhaite voir", ai-je dit à l'auditoire, "c'est un scénario dans lequel des missiles iraniens s'abattent sur le sol d'Israël. Mais à moins qu'Israël ne change de cap, c'est le résultat inévitable d'une politique davantage guidée par l'arrogance que par le bon sens".
Dans la nuit du 13 au 14 avril 2024, mes craintes se sont concrétisées en direct devant un public international : des missiles iraniens se sont abattus sur Israël, et ce dernier n'a rien pu faire pour les arrêter. Comme cela avait été le cas un peu plus de 33 ans auparavant, lorsque les missiles SCUD irakiens avaient déjoué les défenses antimissiles Patriot américaines et israéliennes pour frapper Israël des dizaines de fois en l'espace d'un mois et demi, les missiles iraniens, intégrés dans un plan d'attaque conçu pour neutraliser les systèmes de défense antimissiles israéliens, ont frappé en toute impunité des cibles désignées en Israël.
Malgré l'utilisation d'un vaste système intégré de défense antimissile composé du système dit Dôme de fer, de batteries de missiles Patriot fabriquées aux États-Unis et d'intercepteurs de missiles Arrow et David's Sling, ainsi que d'avions américains, britanniques et israéliens et de défenses antimissiles embarquées américaines et françaises, plus d'une douzaine de missiles iraniens ont frappé des aérodromes et des installations de défense aérienne israéliens lourdement protégés.
L'attaque de missiles iraniens contre Israël n'a pas été lancée de but en blanc mais plutôt en représailles à l'attaque israélienne du 1er avril contre le consulat iranien à Damas, en Syrie, qui a tué plusieurs hauts responsables militaires iraniens. Bien qu'Israël ait déjà mené des attaques contre le personnel iranien à l'intérieur de la Syrie, l'attaque du 1er avril s'est distinguée non seulement par la mort de très hauts responsables iraniens, mais aussi par le fait qu'elle a frappé un territoire iranien juridiquement souverain, à savoir le consulat, lieu diplomatique.
Du point de vue iranien, l'attaque du consulat constituait une ligne rouge qui, en l'absence de représailles, effacerait toute notion de dissuasion, ouvrant la porte à des actions militaires israéliennes encore plus audacieuses, pouvant aller jusqu'à des attaques directes contre l'Iran. Toutefois, un ensemble complexe d'objectifs politiques imbriqués pesait contre les représailles, qui seraient probablement remis en question par le type de conflit à grande échelle entre Israël et l'Iran susceptible d'être précipité par toute attaque iranienne significative en représailles contre Israël.
L'Iran s'est tout d'abord engagé dans une politique stratégique fondée sur une réorientation, s'éloignant de l'Europe et des États-Unis et se rapprochant de la Russie, de la Chine et de la masse continentale eurasienne. Ce changement est dû à la frustration de ce pays face à la politique de sanctions économiques menée par les États-Unis et à l'incapacité et/ou au manque de volonté de la part de l'Occident collectif de trouver une voie qui permettrait de lever ces sanctions. L'échec de l'accord sur le nucléaire iranien (le Plan global d'action conjoint, ou JCPOA) à produire le type d'opportunités économiques promises lors de sa signature a été un moteur majeur de ce pivot iranien vers l'Est. À la place, l'Iran a rejoint l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) ansi que le forum des BRICS et a consacré son énergie diplomatique à l'intégration complète et productive de l'Iran dans ces deux groupes.
Une guerre générale avec Israël mettrait à mal ces efforts.
Deuxièmement, mais non moins important dans l'équation géopolitique globale pour l'Iran, le conflit en cours à Gaza, un événement qui change la donne, Israël étant confronté à une défaite stratégique face au Hamas et à ses alliés régionaux, y compris l'axe de résistance dirigé par l'Iran.
Pour la première fois, la question de la création d'un État palestinien a été abordée par un public mondial. Cette cause est d'autant plus facile à défendre que le gouvernement israélien de Benjamin Netanyahou, issu d'une coalition politique farouchement opposée à toute notion d'État palestinien, risque de s'effondrer en raison des conséquences directes de l'attaque du Hamas du 7 octobre 2023 et de l'incapacité d'Israël à vaincre le Hamas militairement ou politiquement par la suite. Israël est également entravé par les actions du Hezbollah, qui a tenu Israël en échec le long de sa frontière nord avec le Liban, et par des acteurs non étatiques tels que les milices irakiennes pro-iraniennes et les Houthis du Yémen, qui ont attaqué Israël directement et, dans le cas des Houthis, indirectement, en fermant des lignes de communication maritimes essentielles, ce qui a eu pour effet d'étrangler l'économie israélienne.
Mais c'est Israël qui s'est auto-infligé le plus de dommages, en menant une politique génocidaire de représailles contre la population civile gazaouie. Les actions israéliennes à Gaza sont la manifestation vivante de l'orgueil démesuré et des politiques axées sur le pouvoir contre lesquels j'avais mis en garde en 2006-2007. J'avais alors déclaré que les États-Unis n'accepteraient pas d'être les passagers d'un bus politique conduit par Israël qui nous entraînerait dans une guerre ingagnable contre l'Iran.
Par son comportement criminel à l'égard des civils palestiniens de Gaza, Israël a perdu le soutien d'une grande partie du monde, mettant les États-Unis dans une position où ils verront leur réputation déjà bien entachée, irrémédiablement ébranlée, à un moment où le monde passe d'une période de singularité dominée par les États-Unis à une multipolarité stimulée par les BRICS, et où les États-Unis ont besoin de conserver autant d'influence que possible dans ce que l'on appelle le "Sud Global".
Les États-Unis ont tenté - sans succès - de couper le contact du bus suicide conduit par Netanyahou. Face à l'extrême réticence du gouvernement israélien à modifier sa politique à l'égard du Hamas et de Gaza, l'administration du président Joe Biden a commencé à prendre ses distances avec la politique de Netanyahou et a fait savoir à Israël que son refus d'infléchir ses actions à Gaza pour tenir compte des préoccupations américaines aurait des conséquences.
Toute riposte iranienne contre Israël devait naviguer dans ces eaux politiques extrêmement complexes, et permettre à l'Iran d'imposer une posture de dissuasion viable conçue pour empêcher de futures attaques israéliennes tout en s'assurant que ses objectifs politiques concernant un pivot géopolitique vers l'est, ou l'élévation de la cause de l'État palestinien sur la scène mondiale, n'étaient pas détournés.
L'attaque iranienne contre Israël semble avoir manœuvré avec succès sur ces hauts-fonds politiques. Elle l'a fait avant tout en tenant les Américains à l'écart du combat. Oui, les États-Unis ont participé à la défense d'Israël, en aidant à abattre des dizaines de drones et de missiles iraniens. Cet engagement a profité à l'Iran, puisqu'il n'a fait que confirmer à quel point aucune combinaison de capacités de défense antimissile ne pouvait, en fin de compte, empêcher les missiles iraniens d'atteindre leurs cibles désignées.
Les cibles frappées par l'Iran - deux bases aériennes dans le désert du Néguev d'où avaient été lancés les avions utilisés lors de l'attaque du 1er avril contre le consulat iranien, ainsi que plusieurs sites de défense aérienne israéliens - étaient directement liées aux arguments que l'Iran tentait de faire valoir pour établir la portée et l'ampleur de sa politique de dissuasion.
Primo, les actions iraniennes étaient justifiées au titre de l'article 51 de la Charte des Nations unies - l'Iran a riposté contre les cibles israéliennes directement liées à l'attaque israélienne contre l'Iran - et secundo, les sites de défense aérienne israéliens étaient vulnérables à une attaque iranienne. L'effet combiné de ces deux facteurs est qu'Israël tout entier était susceptible d'être frappé par l'Iran à tout moment, et qu'Israël ou ses alliés ne pouvaient rien faire pour contrer une telle attaque.
Ce message a résonné non seulement dans les sphères du pouvoir à Tel Aviv, mais aussi à Washington, DC, où les décideurs politiques américains ont été confrontés à l'inconfortable vérité que si les États-Unis agissaient de concert avec Israël pour participer à une riposte israélienne ou la faciliter, les installations militaires américaines dans l'ensemble du Moyen-Orient seraient soumises à des attaques iraniennes que les États-Unis seraient impuissants à stopper.
C'est la raison pour laquelle les Iraniens ont tant insisté pour que les États-Unis restent en dehors du conflit et que l'administration Biden a tenu à s'assurer que l'Iran et Israël comprenaient que les États-Unis ne participeraient pas à une frappe de représailles israélienne contre l'Iran.
Les "missiles d'avril" représentent un changement radical dans la géopolitique du Moyen-Orient - la mise en place d'une dissuasion iranienne impactant à la fois Israël et les États-Unis. Bien que les émotions soient vives à Tel Aviv, en particulier parmi les conservateurs les plus radicaux du gouvernement israélien, et que la menace d'une riposte israélienne contre l'Iran ne puisse être totalement écartée, le fait est que l'objectif politique sous-jacent du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu au cours des trente dernières années, à savoir entraîner les États-Unis dans une guerre avec l'Iran, a été mis en échec par l'Iran.
De plus, l'Iran a été en mesure d'y parvenir sans perturber son pivot stratégique vers l'Est ni saper la cause de l'État palestinien. L'opération True Promise, nom donné par l'Iran à sa riposte de représailles contre Israël, restera dans les annales comme l'une des plus importantes victoires militaires de l'histoire de l'Iran moderne, sachant que la guerre n'est qu'un prolongement de la politique par d'autres moyens. Que l'Iran ait établi une posture de dissuasion crédible sans perturber les principaux buts et objectifs politiques répond à la définition même de la victoire.
📰 Lien de l'article original :
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➤ Lettre de l'Ambassadeur d'Iran au Conseil de Sécurité des Nations Unies concernant la réponse du pays aux agressions du régime israélien
"Il est regrettable que le Conseil de sécurité des Nations unies ait manqué à son devoir de maintien de la paix et de la sécurité internationales, en permettant au régime israélien de transgresser les lignes rouges et de violer les principes fondamentaux du droit international."
Source Mike Hampton, le 14 avril 2024
Excellence,
Sur instruction de mon gouvernement et conformément à notre lettre datée du 1er avril 2024 concernant les attaques armées du régime israélien contre les locaux diplomatiques de la République islamique d'Iran à Damas, en République arabe syrienne, qui ont entraîné le martyre de sept conseillers militaires iraniens de haut rang (A/78/838-S/2024/281), je tiens à vous informer que, le 13 avril 2024 en fin de journée, la République islamique d'Iran a procédé à une série de frappes militaires sur des objectifs militaires israéliens.
Cette action s'inscrit dans l'exercice du droit inhérent de l'Iran à la légitime défense, tel qu'énoncé à l'article 51 de la Charte des Nations Unies, et en réponse aux agressions militaires récurrentes d'Israël, en particulier à son attaque armée du 1er avril 2024 contre les locaux diplomatiques iraniens, au mépris de l'article 2, paragraphe 4, de la Charte des Nations Unies.
Il est regrettable que le Conseil de sécurité des Nations unies ait manqué à son devoir de maintien de la paix et de la sécurité internationales, en permettant au régime israélien de transgresser les lignes rouges et de violer les principes fondamentaux du droit international. Ces violations ont exacerbé les tensions dans la région et menacé la paix et la sécurité régionales et internationales.
En tant que membre responsable des Nations unies, la République islamique d'Iran est attachée aux objectifs et aux principes inscrits dans la Charte des Nations unies et dans le droit international, et réaffirme sa position invariable selon laquelle elle ne recherche ni l'escalade ni le conflit dans la région.
Tout en mettant en garde contre toute nouvelle provocation militaire du régime israélien, la République islamique d'Iran réaffirme sa détermination inébranlable à défendre son peuple, sa sécurité et ses intérêts nationaux, sa souveraineté et son intégrité territoriale contre toute menace ou tout acte d'agression et à répondre à toute menace ou agression de ce type avec vigueur et dans le respect du droit international.
La République islamique d'Iran n'hésitera pas à exercer son droit inhérent à l'autodéfense en cas de besoin. Si le régime israélien commet une nouvelle agression militaire, la réponse de l'Iran sera assurément et résolument plus forte et plus résolue.
Je vous serais reconnaissant de bien vouloir faire circuler la présente lettre comme document du Conseil de sécurité.
برچسبها.
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2- ➤ Comment la "patience stratégique" de l'Iran s'est transformée en dissuasion majeure
Les frappes de représailles de l'Iran contre Israël n'ont pas été menées seules. Les partenaires stratégiques que sont la Russie et la Chine soutiennent Téhéran, et leur rôle dans le conflit en Asie occidentale ne fera que croître si les États-Unis ne tiennent pas Israël sous contrôle.
Par Pepe Escobar, le 15 avril 2024, The Cradle
Un peu plus de 48 heures avant le message aérien de l'Iran à Israël dans le ciel de l'Asie occidentale, le vice-ministre russe des affaires étrangères, Sergey Ryabkov, a confirmé officiellement ce qui, jusqu'à présent, n'avait été, au mieux, que des discussions diplomatiques discrètes :
"La Russie reste en contact avec ses partenaires iraniens au sujet de la situation au Moyen-Orient après l'attaque israélienne contre le consulat iranien en Syrie."
Ryabkov a ajouté :
"Nous restons en contact permanent [avec l'Iran]. De nouvelles discussions approfondies sur l'ensemble des questions liées au Moyen-Orient sont également attendues dans un avenir proche dans le cadre des BRICS."
Il a ensuite esquissé une vue d'ensemble :
"La connivence avec les actions israéliennes au Moyen-Orient, qui sont au cœur de la politique de Washington, devient à bien des égards la cause première de nouvelles tragédies."
En résumé, le principal coordinateur diplomatique de la Russie auprès des BRICS - au cours de l'année de la présidence russe de l'organisation multipolaire - a indirectement fait savoir que la Russie soutenait l'Iran. Il convient de noter que l'Iran est devenu un membre à part entière des BRICS+ en janvier.
Le message iranien venu du ciel ce week-end l'a confirmé dans la pratique : ses systèmes de guidage de missiles ont utilisé le système chinois de navigation par satellite Beidou ainsi que le système russe GLONASS.
Il s'agit là d'un renseignement russo-chinois qui vient de l'arrière et d'un exemple concret des BRICS+ en mouvement.
Le "nous restons en contact permanent" de Ryabkov et les renseignements sur la navigation par satellite confirment l'imbrication profonde de la coopération entre le partenariat stratégique Russie-Chine et leur partenaire stratégique mutuel, l'Iran. Sur la base de sa vaste expérience en Ukraine, Moscou savait que l'entité génocidaire psychopathe biblique continuerait à s'intensifier si l'Iran continuait à faire preuve de "patience stratégique".
Passer de la "patience stratégique" à un nouvel équilibre stratégique devait prendre un certain temps - y compris des échanges de haut niveau avec la Russie. Après tout, le risque demeure que l'attaque israélienne contre la résidence du consulat/ambassadeur iranien à Damas s'avère être le remake de l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand en 2024.
Sans oublier le détroit d'Ormuz
Téhéran a réussi à déjouer les vastes opérations psychologiques occidentales visant à pousser le pays à commettre un faux pas stratégique.
L'Iran a commencé par un coup de maître en matière de détournement de l'attention. Alors que le porno de la peur américano-israélien battait son plein, alimenté par des "renseignements" occidentaux douteux, le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) a rapidement opéré un mouvement parallèle en s'emparant d' un porte-conteneurs appartenant à Israël près du détroit d'Ormuz.
Il s'agissait d'une manœuvre éminemment élégante - rappelant à l'Occident collectif la mainmise de Téhéran sur le détroit d'Ormuz, un fait incommensurablement plus dangereux pour l'ensemble du château de cartes économique occidental que toute frappe limitée sur leur "porte-avions" en Asie de l'Ouest. C'est ce qui s'est produit de toute façon.
Et une fois de plus, avec une certaine finesse. Contrairement à cette armée "morale" spécialisée dans le massacre de femmes, d'enfants et de personnes âgées et dans le bombardement d'hôpitaux, mosquées, écoles, universités et convois humanitaires, l'attaque iranienne a visé des sites militaires israéliens clés tels que les bases aériennes de Nevatim et Ramon dans le Néguev et un centre de renseignement sur le plateau du Golan occupé - les trois centres utilisés par Tel-Aviv lors de son attaque contre le consulat iranien de Damas.
Il s'agissait d'un spectacle hautement chorégraphié. De nombreux signes avant-coureurs ont donné à Tel-Aviv tout le temps nécessaire pour profiter des renseignements américains et évacuer les avions de combat ainsi que le personnel, ce qui a été dûment suivi par une pléthore de radars militaires américains coordonnant la stratégie de défense.
C'est la puissance de feu américaine qui a détruit la majeure partie de ce qui pourrait avoir été un essaim de 185 drones Shahed-136, en utilisant une panoplie de moyens allant de la défense antiaérienne embarquée aux avions de chasse. Le reste a été abattu au-dessus de la Jordanie par l'armée du petit roi - la rue arabe n'oubliera jamais sa trahison - puis par des dizaines de jets israéliens.
Les défenses d'Israël ont été de facto saturées par la combinaison drones-suicide-missiles balistiques. En ce qui concerne les missiles balistiques, plusieurs d'entre eux ont percé le dense labyrinthe des défenses aériennes israéliennes, Israël revendiquant officiellement neuf frappes réussies - et fait intéressant, toutes ces frappes ont atteint des cibles militaires très pertinentes.
L'ensemble du spectacle avait le budget d'une superproduction. Pour Israël - sans même compter le prix des jets américains, britanniques et israéliens - le seul système d'interception multicouche a coûté au moins 1,35 milliard de dollars, selon un responsable israélien. Les sources militaires iraniennes évaluent le coût de leurs salves de drones et de missiles à quelque 35 millions de dollars seulement, soit 2,5 % des dépenses de Tel-Aviv, et ce grâce à une technologie entièrement locale.
Un nouvel échiquier en Asie occidentale
Il n'a fallu que quelques heures à l'Iran pour métastaser sa patience stratégique en une dissuasion sérieuse, envoyant ainsi un message extrêmement puissant et multidimensionnel à ses adversaires et changeant magistralement la donne sur l'ensemble de l'échiquier ouest-asiatique.
Si les psychopathes bibliques s'engageaient dans une véritable guerre chaude contre l'Iran, Tel-Aviv n'aurait aucune chance d'intercepter des centaines de missiles iraniens - les missiles de pointe exclus du spectacle actuel - sans un mécanisme d'alerte précoce étalé sur plusieurs jours. Sans le parapluie d'armes et de fonds du Pentagone, la défense israélienne n'est pas viable.
Il sera fascinant de voir quelles leçons Moscou tirera de cette profusion de lumières dans le ciel de l'Asie occidentale, ses yeux sournois observant la frénésie de la scène israélienne, politique et militaire, alors que la température continue de monter sur la grenouille qui bout lentement - et hurle à présent.
Quant aux États-Unis, une guerre en Asie occidentale - qu'ils n'ont pas scénarisée eux-mêmes - ne correspond pas à leurs intérêts immédiats, comme l'a confirmé par courriel un vieux routier de l'État profond :
"Cela pourrait mettre un terme définitif à la production de pétrole dans cette région et faire grimper son prix à des niveaux astronomiques qui entraîneraient l'effondrement de la structure financière mondiale. Il est concevable que le système bancaire des États-Unis s'effondre de la même manière si le prix du pétrole atteint 900 dollars le baril en cas d'arrêt ou de destruction du pétrole du Moyen-Orient."
Il n'est pas étonnant que le combo Biden, quelques jours avant la réponse iranienne, ait frénétiquement supplié Pékin, Riyad et Ankara, entre autres, de retenir Téhéran. Les Iraniens auraient même pu accepter - si le Conseil de sécurité des Nations unies avait imposé un cessez-le-feu permanent à Gaza pour calmer la tempête régionale. Washington est resté muet.
La question est maintenant de savoir s'il restera muet. Mohammad Bagheri, chef de l'état-major général des forces armées iraniennes, est allé droit au but:
"Nous avons transmis un message à l'Amérique par l'intermédiaire de l'ambassade de Suisse : les bases américaines deviendront une cible militaire si elles sont utilisées dans le cadre de futures actions agressives du régime sioniste. Nous considérerons cela comme une agression et agirons en conséquence."
L'ancien analyste du Pentagone, Michael Maloof, confirme le dilemme américain :
"Nous disposons de 35 bases autour de l'Iran, et celles-ci sont devenues vulnérables. Elles étaient censées avoir un effet dissuasif. Il est clair que la dissuasion n'est plus à l'ordre du jour. Elles sont devenues le talon d'Achille des Américains en raison de leur vulnérabilité aux attaques."
Tout est à parier sur la manière dont le duo États-Unis-Israël s'adaptera à la nouvelle réalité de la dissuasion créée de toutes pièces par l'Iran. Ce qui reste, pour le moment historique, c'est le spectacle aérien, lourd de sens, de l'Iran musulman lâchant à lui seul des centaines de drones et de missiles sur Israël, un exploit salué dans toutes les terres d'Islam. Et surtout par la rue arabe meurtrie, subjuguée par des monarchies décrépites continuant à faire des affaires avec Israël sur les cadavres des Palestiniens de Gaza.
Les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas nécessairement celles de The Cradle.
📰 https://thecradle.co/articles-id/24402
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3- ➤ Le génocide à Gaza, une politique explicite : Michael Hudson nomme tous les acteurs
Israël, Gaza et la Cisjordanie doivent être considérés comme le début d'une nouvelle guerre froide.
Par Pepe Escobar, le 15 avril 2024, Stategic Culture
Dans ce qui peut être considéré comme le podcast le plus crucial de 2024 à ce jour, le professeur Michael Hudson - auteur d'ouvrages fondamentaux tels que Super-Imperialism et le récent The Collapse of Antiquity , entre autres - expose cliniquement le contexte essentiel pour comprendre l'impensable : un génocide du 21ème siècle diffusé en direct 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 sur l'ensemble de la planète.
Vidéo de 50’ avec sous titres disponibles : La vérité sur la destruction de Gaza
Dans un échange de courriels, le professeur Hudson a expliqué
qu'il était en train de "vendre la mèche" sur le fait qu'"il y a 50 ans, lorsque je travaillais à l'Institut Hudson avec Herman Kahn [le modèle du Dr Strangelove de Stanley Kubrick], des membres du Mossad israélien étaient formés, y compris Uzi Arad. J'ai fait deux voyages internationaux avec lui, et il m'a décrit à peu près ce qui s'est passé aujourd'hui. Il est devenu chef du Mossad et est aujourd'hui le conseiller de Netanhayu".
Le professeur Hudson montre comment
"le plan de base de Gaza est la façon dont Kahn a conçu la division de la guerre du Vietnam en secteurs, avec des canaux isolant chaque village, comme les Israéliens le font avec les Palestiniens. Déjà à l'époque, Kahn avait désigné le Baloutchistan comme la zone où fomenter des troubles en Iran et dans le reste de la région".
Ce n'est pas un hasard si le Baloutchistan est le territoire des joyaux de la CIA depuis des décennies, et récemment avec l'incitation supplémentaire de la perturbation par tous les moyens nécessaires du Corridor économique Chine-Pakistan (CPEC) - un nœud de connectivité clé de l'initiative chinoise Belt and Road (BRI).
Le professeur Hudson relie ensuite les principaux points :
"D'après ce que je comprends et observe, ce que les États-Unis font avec Israël est une répétition générale pour passer à l'Iran et à la mer de Chine méridionale. Comme vous le savez, il n'y a pas de plan B dans la stratégie américaine pour une très bonne raison : si quelqu'un critique le plan A, il est considéré comme ne faisant pas partie de l'équipe (voire comme la marionnette de Poutine), de sorte que les critiques doivent partir lorsqu'ils voient qu'ils ne seront pas promus. C'est pourquoi les stratèges américains ne s'arrêtent pas et ne reconsidèrent pas ce qu'ils font".
Les isoler dans des îlots stratégiques, puis les tuer
Dans notre échange de courriels, le professeur Hudson a fait remarquer que "c'est essentiellement ce que j'ai dit" en référence au podcast avec Ania K, en s'appuyant sur ses notes (voici la transcription complète et révisée). Attachez vos ceintures : la vérité sans fard est plus mortelle qu'un tir de missile hypersonique.
Sur la stratégie militaire sioniste à Gaza :
"Dans les années 1970, j'ai travaillé à l'Institut Hudson avec Uzi Arad et d'autres stagiaires du Mossad. Mon domaine était le BoP, mais j'ai assisté à de nombreuses réunions sur la stratégie militaire, et j'ai pris deux fois l'avion pour l'Asie avec Uzi et j'ai pu apprendre à le connaître.
La stratégie américano-israélienne à Gaza repose à bien des égards sur le plan d'Herman Kahn, mis en œuvre au Viêt Nam dans les années 1960.
Herman se concentrait sur l'analyse des systèmes. Commencez par définir l'objectif global et ensuite, comment l'atteindre ?
D'abord, les isoler dans des îlots stratégiques. Gaza a été découpée en districts, nécessitant des laissez-passer électroniques pour passer d'un secteur à l'autre, ou pour entrer en Israël juif afin d'y travailler.
Première chose : les tuer. Idéalement par des bombardements, ce qui permet de minimiser les pertes au sein de votre armée.
Le génocide auquel nous assistons aujourd'hui est la politique explicite des fondateurs d'Israël : l'idée d'une "terre sans peuple" signifie une terre sans peuple non juif. Ils devaient être chassés, et ce avant même la fondation officielle d'Israël, lors de la première Nakba, l'holocauste arabe.
Deux premiers ministres israéliens étaient membres de la bande de terroristes Stern. Ils se sont évadés de leur prison britannique et ont participé à la création d'Israël.
Ce que nous voyons aujourd'hui est la solution finale de ce plan. Il s'inscrit également dans la volonté des États-Unis de contrôler le Moyen-Orient et ses réserves de pétrole. Pour la diplomatie américaine, le Moyen-Orient EST (en majuscules) le pétrole. Et ISIS fait partie de la légion étrangère américaine depuis qu'il a été mis sur pied en Afghanistan pour combattre les Russes.
C'est pourquoi la politique israélienne a été coordonnée avec celle des États-Unis. Israël est la principale oligarchie cliente des États-Unis au Moyen-Orient. Le Mossad s'occupe principalement d'ISIS en Syrie et en Irak, et partout où les États-Unis peuvent envoyer des terroristes d'ISIS. Le terrorisme et même le génocide actuel sont au cœur de la géopolitique américaine.
Mais comme les États-Unis l'ont appris lors de la guerre du Vietnam, les populations protestent et votent contre le président qui supervise cette guerre. Lyndon Johnson ne pouvait faire une apparition publique sans que les foules ne protestent. Il devait se faufiler par l'entrée latérale des hôtels où il prenait la parole.
Pour éviter un embarras tel que celui de Seymour Hersh décrivant le massacre de My Lai, vous devez empêcher les journalistes d'accéder au champ de bataille. S'ils y sont, vous les tuez. L'équipe Biden-Netanyahou a ainsi ciblé les journalistes en particulier.
L'idéal est donc de tuer la population passivement, de minimiser les bombardements trop visibles. Et la ligne de moindre résistance consiste à affamer la population. Telle a été la politique israélienne depuis 2008."
Et ne pas oublier de les affamer
Le professeur Hudson fait directement référence à un article de Sara Roy dans la New York Review of Books, citant un câble de l'ambassade américaine à Tel-Aviv au secrétaire d'État le 3 novembre 2008. Ce câble stipule :
"dans le cadre de leur plan global d'embargo contre Gaza, les responsables israéliens ont confirmé aux [responsables de l'ambassade] à de multiples occasions qu'ils avaient l'intention de maintenir l'économie gazaouie au bord de l'effondrement sans pour autant la pousser dans ses derniers retranchements".
Cela a conduit, Selon le professeur Hudson, Israël à "détruire les bateaux de pêche et les serres de Gaza pour empêcher la population de se nourrir".
"Ensuite, Israël s'est associé aux États-Unis pour bloquer l'aide alimentaire fournie par les Nations unies et d'autres pays. Les Américains se sont rapidement retirés de l'agence de secours de l'ONU dès le début des hostilités, et ce immédiatement après que la CIJ a conclu à un génocide plausible. Ils étaient le principal bailleur de fonds de cette agence. Leur espoir était de freiner ces activités.
Israël a tout simplement cessé de laisser entrer l'aide alimentaire. Il a mis en place de longues files d'inspection, c'est-à-dire une excuse pour réduire de 20 % le nombre de camions par rapport à ce qu'il était avant le 7 octobre, c'est-à-dire de passer d'un rythme normal de 500 camions par jour à seulement 112. En plus de bloquer les convois, Israël a pris pour cible les travailleurs humanitaires, à raison d'environ un par jour.
Les États-Unis ont cherché à éviter d'être condamnés en prétendant construire un quai pour décharger la nourriture par voie maritime. L'intention était qu'au moment où l'embarcadère serait construit, la population de Gaza serait affamée".
Biden et Netanyahou, criminels de guerre
Le professeur Hudson établit succinctement le lien essentiel de toute cette tragédie :
"Les États-Unis tentent de rejeter la faute sur une seule personne, Netanyahou. Mais c'est la politique israélienne depuis 1947. Et c'est aussi celle des États-Unis. Tout ce qui s'est passé depuis le 2 octobre, lorsque la mosquée Al-Aqsa a été attaquée par des colons israéliens, ce qui a conduit à la riposte du Hamas [Flood Al-Aqsa] le 7 octobre, a été étroitement coordonné avec l'administration de Biden. Toutes les bombes larguées, mois après mois, ainsi que le blocage de l'aide des Nations unies.
L'objectif des États-Unis est d'empêcher Gaza d'obtenir les droits d'exploitation du gaz offshore qui l'aideraient à financer sa propre prospérité et celle d'autres groupes islamiques que les États-Unis considèrent comme des ennemis. Et de montrer aux pays voisins ce qui leur sera fait, tout comme les États-Unis l'ont fait pour la Libye juste avant Gaza. En somme, Biden et ses conseillers sont des criminels de guerre au même titre que Netanyahou".
Le professeur Hudson souligne :
"L'ambassadeur américain à l'ONU, Antony Blinken, et d'autres responsables américains ont déclaré que la décision de la Cour internationale de justice (CIJ) concernant le génocide et appelant à sa cessation n'était pas contraignante. Blinken vient donc de dire qu'il n'y avait pas de génocide.
L'objectif des États-Unis est de mettre fin à la règle du droit international telle qu'elle est représentée par l'ONU. Il doit être remplacé par l'"ordre fondé sur des règles" imposé par les Américains, sans qu'aucune ne soit publiée.
L'objectif est de mettre les États-Unis à l'abri de toute opposition à leurs politiques fondées sur les principes juridiques du droit international ou des lois locales. Une liberté totale - le chaos.
Les diplomates américains ont regardé vers l'avenir et ont vu que le reste du monde allait se retirer de l'orbite américaine et européenne de l'OTAN.
Pour faire face à ce mouvement irréversible, les États-Unis tentent de le désamorcer en effaçant toute trace des règles internationales qui ont présidé à la création de l'ONU, et même du principe westphalien de non-ingérence dans les affaires des autres pays, datant de 1648.
L'effet réel, comme d'habitude, est exactement le contraire de ce que les États-Unis voulaient. Le reste du monde est contraint de créer sa propre nouvelle ONU, ainsi qu'un autre FMI, une autre Banque mondiale, une autre Cour internationale de La Haye et autres organisations sous contrôle des États-Unis.
Ainsi, la protestation mondiale contre le génocide israélien à Gaza et en Cisjordanie - n'oubliez pas la Cisjordanie - est le catalyseur émotionnel et moral de la création d'un nouvel ordre géopolitique multipolaire pour la majorité mondiale".
Disparaissez ou mourez
La question clé demeure : qu'adviendra-t-il de Gaza et des Palestiniens ? Le jugement du professeur Hudson est d'un réalisme inquiétant :
"Comme l'a expliqué Alastair Crooke, il ne peut plus y avoir de solution à deux États en Israël.
Il doit s'agir soit d'un État israélien, soit d'un État palestinien. Or, à l'heure actuelle, l'État est entièrement israélien, ce qui correspond au rêve de 1947 d'une terre sans peuple non juif.
Gaza sera toujours là géographiquement, avec ses droits sur le gaz en Méditerranée. Mais elle sera vidée puis occupée par les Israéliens".
Quant à savoir qui "aiderait" à reconstruire Gaza, quelques preneurs solides sont déjà là :
"Les entreprises de construction turques, l'Arabie saoudite pour financer les développements, les Émirats arabes unis, les investisseurs américains - peut-être Blackstone. Il s'agira d'investissements étrangers. Si l'on considère que les investisseurs étrangers de tous ces pays cherchent ce qu'ils peuvent tirer du génocide contre les Palestiniens, on comprend pourquoi il n'y a pas d'opposition au génocide".
Le verdict final du professeur Hudson sur "le grand bénéfice pour les Américains" est qu'
"aucune plainte ne peut être déposée contre les États-Unis - et contre toute guerre et tout changement de régime qu'ils planifient pour l'Iran, la Chine, la Russie et pour ce qui a été fait en Afrique et en Amérique latine.
Israël, Gaza et la Cisjordanie doivent être considérés comme l'ouverture de la nouvelle guerre froide. Il s'agit en fait d'un plan de financement du génocide et de la destruction. Les Palestiniens émigreront ou se feront tuer. C'est la politique annoncée depuis plus d'une décennie".
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4- ➤ La "nouvelle équation" iranienne dépasse largement l'Asie occidentale
Lors de la réaction très mesurée et très précise de l'Iran à l'attaque terroriste israélienne contre son consulat/ambassadeur à Damas, une éviscération de facto de la Convention de Vienne sur l'immunité diplomatique, un Saint des Saints a volé en éclats en Terre sainte.
Par Pepe Escobar, le 17avril 2024, Sputnik
Ce changement de donne aura une incidence directe sur la manière dont le système anglo-américain gérera sa conflagration simultanée avec la Russie, la Chine et l'Iran, trois des principaux membres des BRICS.
Le principal problème est que les escalades sont déjà intégrées et qu'il sera difficile de les supprimer. La guerre d'annulation totale contre la Russie, le génocide à Gaza - dont la politique explicite a été magistralement décodée par le professeur Michael Hudson - et le découplage/modelage du terrain contre la Chine ne disparaîtront pas comme par magie, puisque tous les ponts de communication avec la majorité mondiale continuent à sauter.
Pourtant, le message iranien établit bel et bien une "nouvelle équation", comme l'a baptisée Téhéran, et préfigure bien d'autres surprises à venir de l'Asie occidentale.
L'Iran voulait envoyer - et a envoyé - un message clair. Nouvelle équation : si l'entité psychopathe biblique continue d'attaquer les intérêts iraniens, elle sera désormais contre-attaquée à l'intérieur d'Israël. Tout cela en quelques "secondes", le Conseil de sécurité de Téhéran ayant déjà approuvé toutes les procédures.
L'escalade semble toutefois inévitable. L'ancien Premier ministre israélien Ehud Barak a déclaré :
"Netanyahou est influencé par ses partenaires politiques [fondamentalistes] pour s'engager dans une escalade afin de s'accrocher au pouvoir et d'accélérer la venue du Messie".
Comparez avec le président iranien Raisi :
"Le moindre acte contre les intérêts de Téhéran fera l'objet d'une réponse massive, étendue et douloureuse contre toutes ses opérations."
Oubliez votre labyrinthe défensif "invincible"
Pour Téhéran, réguler l'intensité de l'affrontement en Asie occidentale entre Israël et l'Axe de la Résistance tout en établissant une dissuasion stratégique pour remplacer la "patience stratégique", c'est lancer une triple vague : un essaim de drones ouvrant la voie aux missiles de croisière et aux missiles balistiques.
Les performances du Dôme de fer, de la Flèche 3 et de la Fronde de David, tant vantés, avec le soutien des avions de chasse F-35 et des forces navales des États-Unis et du Royaume-Uni, n'ont pas vraiment été brillantes. Il n'existe aucune vidéo montrant que le système Arrow-3 "à couche externe" a abattu quoi que ce soit dans l'espace.
Au moins neuf missiles balistiques ont pénétré le dense réseau de défense israélien et touché les bases de Nevatim et de Ramon. Israël ne dit absolument rien sur le sort de son installation de renseignement sur le plateau du Golan, touchée par des missiles de croisière.
Dans le brouillard de guerre classique, il importe peu de savoir si Téhéran a lancé des centaines ou des dizaines de drones et de missiles. Indépendamment du battage médiatique de l'OTAN, ce qui a été prouvé sans l'ombre d'un doute, c'est que le labyrinthe de défense israélien supposé "invincible" - allant des systèmes AD/ABM de fabrication américaine aux contrefaçons israéliennes - est impuissant dans une guerre effective contre un adversaire technologiquement avancé.
Ce qui a été accompli en une seule opération a fait sourciller un certain nombre de professionnels. L'Iran a forcé Israël à épuiser rageusement son stock d'intercepteurs et à dépenser au moins 1,35 milliard de dollars, tout en voyant sa stratégie de dissuasion et de domination par l'escalade complètement anéantie.
Le choc psychologique a été encore plus violent.
Que se passerait-il si l'Iran avait déclenché une série de frappes sans généreux avertissement préalable et ce sur plusieurs jours ? Et si les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et - en traître - la Jordanie n'étaient pas prêts pour une défense coordonnée ? (Le fait - surprenant - que tous ces pays distribuaient directement leur puissance de feu au nom de Tel-Aviv n'a fait l'objet d'aucune analyse). Et si l'Iran avait frappé des cibles industrielles et infrastructurelles sérieuses ?
Établir une équation sans perturber un pivot
Comme on pouvait s'y attendre, l'effondrement soudain du mythe de la forteresse Israël - qui sous-tend celui, plus large, du sionisme offrant une sécurité inexpugnable à ceux qui vivent en Israël - n'a fait l'objet d'aucun débat au sein de l'OTAN. Ce n'est plus le cas. Cette pirouette narrative est une véritable catastrophe.
L'Iran, pour sa part, se fiche éperdument de ce que raconte l'OTAN. Le passage à la nouvelle équation a en fait été suffisamment généreux pour offrir à Tel-Aviv une issue de secours pour la désescalade - qui ne sera pas empruntée, aux risques et périls d'Israël.
Pour Tel-Aviv, tout ce qui s'est passé jusqu'à présent est synonyme de défaite stratégique sur toute la ligne : à Gaza, au Liban, avec une économie qui s'effondre, une perte totale de légitimité dans le monde, et désormais avec la perte douloureuse de la dissuasion.
Tous les regards sont désormais tournés vers la suite des événements : va-t-on enfin savoir si c'est l'hégémon qui l'emporte ou si c'est Israël qui mène la danse?
Il est essentiel de prendre en compte le point de vue du partenariat stratégique entre la Russie et la Chine. Les spécialistes chinois s'accordent à dire que l'hégémon préfère ne pas engager trop de ressources en Asie occidentale, dans la mesure où cela affecterait le projet Ukraine - déjà en train de s'effondrer - et la planification stratégique visant à contrer la Chine dans la région Asie-Pacifique.
En ce qui concerne la Russie, le président Raisi a personnellement appelé le président Poutine et ils ont discuté de tous les détails pertinents au téléphone. Avec sang-froid, calme et sérénité.
En outre, plus tard cette semaine, le vice-ministre iranien des affaires étrangères Ali Bagheri Kani - qui a déclaré que l'Iran répondrait "en quelques secondes" à toute nouvelle attaque israélienne - se rendra à Moscou pour la Conférence sur la non-prolifération et rencontrera également les plus hauts responsables du ministère russe des affaires étrangères.
Il est tout à fait remarquable que l 'Iran ait réussi à établir la nouvelle équation sans perturber son propre pivot vers l'Eurasie - après l'effondrement de l'accord nucléaire de 2015 - tout en protégeant le cadre complexe engagé dans la défense de la Palestine.
Les options de l'hégémon sont désastreuses. Elles vont de l'expulsion de l'Asie occidentale et du golfe Persique à un conflit existentiel ingagnable contre trois États-civilisations - la Russie, la Chine et l'Iran.
Le premier scénario envisageable restant est celui d'un repli soigneusement calculé dans une arrière-cour facilement contrôlable : L'Amérique latine, en particulier l'Amérique du Sud, en manipulant le nouvel actif commode et dépourvu de souveraineté qu'est l'Argentine.
Et bien sûr, le maintien du contrôle sur une Europe désindustrialisée et privée de souveraineté.
Cela ne change rien au fait que la projection de la puissance américaine sur le déclin, à l'échelle mondiale, est le sens dans lequel le vent souffle. La psychodémence straussienne des néocons est insoutenable. La question est de savoir s'ils peuvent être progressivement éliminés de la structure du pouvoir américain avant qu'ils ne tentent de plonger la majorité mondiale dans les profondeurs irrationnelles de leur funeste destin.
Et n'oubliez pas la nouvelle équation des BRICS
En revanche, sur le front de la majorité mondiale, plus de 40 nations veulent rejoindre les BRICS - et ce n'est pas fini, selon le chef de la commission des affaires internationales du Conseil russe, Grigory Karasin.
À l'issue d'une réunion des présidents des commissions des affaires internationales des parlements des BRICS qui s'est tenue la semaine dernière à Moscou, Karasin a noté que de nombreux pays membres des BRICS comprennent qu'ils ne doivent pas se précipiter pour créer une charte rigide, "compte tenu de l'attitude contre-productive, voire provocatrice, de l'Union européenne". Le mot d'ordre est la flexibilité.
Alastair Crooke a abordé un thème clé qui sous-tend mon nouveau livre, Eurasia v. NATOstan : "Tout ce qui était bon et vrai dans la civilisation occidentale est préservé et prospère en Russie. C'est l'intuition tacite qui exaspère tant les élites occidentales. Et c'est aussi la raison pour laquelle, en partie, les États BRICS se tournent si manifestement vers la Russie pour assurer leur leadership."
La nouvelle équation établie par l'Iran, membre souverain des BRICS, fera des merveilles pour consolider cet état de coopération multilatéral et multiculturel, alors que l'Empire et son "porte-avions" en Asie occidentale, à l'exception du département des opérations secrètes, sont de plus en plus réduits au rôle de tigre de papier.
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