❖ Fascisme, nazisme & extrême droite, nervis des pays occidentaux
Créer une atmosphère propice à affaiblir ceux (la vraie gauche) qu'on ne veut pas voir arriver au pouvoir. Le gouvernement du peuple par le peuple & pour le peuple : un rêve devant rester inaccessible
◾️ ◾️ ◾️
SOMMAIRE :
1 - Le nazisme et le fascisme n’ont jamais été l’ennemi des États-Unis - Robert Gil
2 - La guerre secrète de la CIA - Se servir des fascistes russes pour combattre la Russie - Scott Ritter
3 - Idéologie : L’extrême-droite a-t-elle vraiment rompu avec le fascisme ? (2018) - Socialisme libertaire
4 - France : Qui créa le Front national ? - Jean-Paul Gautier, historien des extrêmes droites (en 3 parties)
◾️ ◾️ ◾️
Victor Marchetti, haut responsable de la CIA de 1955 à 1969 :
"Nous soutenions tous les dictateurs, juntes militaires, oligarchies qui existaient dans le tiers-monde, tant qu’ils promettaient de maintenir le statu quo d’une manière ou d’une autre, ce qui serait bien sûr bénéfique pour les intérêts géopolitiques, les intérêts militaires, les intérêts des grandes entreprises et d’autres intérêts particuliers".
◾️ ◾️ ◾️
1- ➤ Le nazisme et le fascisme n’ont jamais été l’ennemi des États-Unis
Par Robert Gil, le 15 avril 2024, Conscience Citoyenne Responsable
L’un des mythes européen et américain est que le fascisme a été vaincu pendant la Seconde Guerre mondiale par les démocraties libérales, et en particulier par les États-Unis. Alors que les archives suggèrent que loin d’être éradiqué à la fin de la Seconde Guerre mondiale, le fascisme a en fait été réaffecté, ou plutôt redéployé, pour remplir sa fonction historique première : détruire le communisme athée et sa menace pour la mission "civilisatrice capitaliste". Les diverses officines de sécurité nationale ont fait que le fascisme, loin d’être vaincu lors de la Seconde Guerre mondiale, a été internationalisé avec succès. Lorsque les États-Unis sont entrés dans la Seconde Guerre mondiale, le futur chef de la CIA, Allen Dulles, a déploré que son pays combattait le mauvais ennemi. Les nazis, comme il l’a expliqué, étaient des chrétiens aryens pro-capitalistes, alors que le véritable ennemi était le communisme athée et son anticapitalisme résolu. Après tout, les États-Unis avaient, seulement 20 ans auparavant, participé à une intervention militaire massive en U.R.S.S., avec quatorze pays capitalistes pour, selon Winston Churchill : "étrangler le bébé bolchevique dans son berceau".
Vers la fin de la Seconde Guerre mondiale, le général Karl Wolff, ancien bras droit de Himmler, est allé voir Allen Dulles à Zurich, il voulait éviter d’être traduit en justice. Wolff, qui était l’officier SS le plus haut gradé à avoir survécu à la guerre, offrit à Dulles la promesse de développer, avec son équipe nazie, un réseau de renseignement contre Staline pour lutter contre le communisme. Wolff est loin d’être le seul responsable nazi protégé et réhabilité par la CIA. Le cas de Reinhard Gehlen est particulièrement révélateur. Ce général du IIIème Reich avait été responsable du service de renseignement nazi dirigé contre les Soviétiques. Après la guerre, il a été recruté et a ensuite été nommé à la tête du premier service de renseignement allemand, réorganisé par la CIA, où il a commencé à employer un grand nombre de ses collaborateurs nazis. On ne sait pas combien de criminels de guerre ce nazi décoré a engagé, mais Eric Lichtblau estime que quelque quatre mille agents nazis ont été intégrés dans le réseau supervisé par l’agence d’espionnage américaine. Dès 1945, l’armée et les services de renseignement américains ont recruté sans état d’âme d’anciens criminels nazis : "les États-Unis venaient de vaincre les nazis avec l’aide des Soviétiques. Ils prévoyaient désormais de vaincre les Soviétiques avec l’aide d’anciens nazis". La situation était similaire en Italie, l’accord de Dulles avec Wolff faisait partie d’une entreprise plus vaste, appelée Opération Sunrise, qui a mobilisé les nazis et les fascistes. Dulles a travaillé main dans la main avec le futur chef du contre-espionnage de l’Agence, James Angleton, qui était alors stationné en Italie. Ces deux hommes, qui deviendront deux des acteurs politiques les plus puissants du 20ème siècle, ont montré de quoi ils étaient capables dans cette étroite collaboration entre les services de renseignement américains, les nazis et les fascistes. Valerio Borghèse était l’un de ses principaux contacts parce que ce fasciste pur et dur du régime de Mussolini était prêt à servir les Américains dans la lutte anticommuniste, et il est devenu l’une des figures de proue internationale du fascisme d’après-guerre.
Une fois la guerre terminée, de hauts responsables du renseignement américain "ont œuvré pour que la dénazification n’ait qu’une portée limitée", selon Frédéric Charpier : "Des généraux, des hauts fonctionnaires, des policiers, des industriels, des avocats, des économistes, des diplomates, des universitaires et de véritables criminels de guerre ont été épargnés et remis à leur poste". Dulles a rédigé une liste de hauts fonctionnaires de l’État nazi à protéger et à faire passer pour des opposants à Hitler. La CIA a procédé à la reconstruction des États administratifs en Allemagne et en Italie avec leurs alliés anticommunistes. Eric Lichtblau estime que plus de 10 000 nazis ont pu immigrer aux États-Unis dans la période d’après-guerre (au moins 700 membres officiels du parti nazi avaient été autorisés à entrer aux États-Unis dans les années 1930, alors que des réfugiés juifs étaient refoulés). En plus de quelques centaines d’espions allemands et de milliers de SS, l’opération Paperclip, qui a commencé en mai 1945, a amené au moins 1 600 scientifiques nazis aux États-Unis avec leurs familles. Cette entreprise visait à récupérer les grands esprits de la machine de guerre nazie et à mettre leurs recherches sur les fusées, l’aviation, les armes biologiques et chimiques, etc., au service de l’empire américain. Le programme a permis l’immigration de chimistes d’IG Farben (qui avait fourni les gaz mortels utilisés dans les exterminations de masse), de scientifiques qui avaient utilisé des esclaves dans les camps de concentration pour fabriquer des armes, et de médecins qui avaient participé à des expériences sur les Juifs, Roms, communistes, homosexuels et autres prisonniers de guerre. Ces scientifiques, qui ont été décrits par un fonctionnaire du département d’État opposé à Paperclip comme "les anges de la mort d’Hitler", ont été accueillis à bras ouverts dans le pays de la liberté. Ils ont reçu un logement confortable, un laboratoire avec des assistants et la promesse d’une citoyenneté si leur travail portait ses fruits.
La CIA, mais également le MI6 ont travaillé avec l’OTAN et les services de renseignement de nombreux pays d’Europe occidentale pour construire une vaste organisation clandestine. Les chiffres varient selon les pays, mais ils sont estimés entre quelques dizaines et plusieurs centaines, voire quelques milliers, par pays. Selon un reportage de l’émission de télévision "Retour aux sources", il y avait des réseaux stay-behind en Norvège, en Allemagne, en Italie, en France… Ces militants entraînés commettront également des attaques terroristes contre la population civile, qui seront ensuite imputées aux communistes. C’est en Italie que cette stratégie de "la tension" a été particulièrement intense, entre 1969 et 1987, les actes de violences ont fait 491 morts et 1 181 blessés. En 2000, une commission parlementaire italienne qui a mené une enquête sur les armées stay-behind en Italie est parvenue à la conclusion suivante : "Ces massacres, ces bombes, ces actions militaires ont été organisés, promus ou soutenus par des hommes au sein des institutions de l’État italien et, comme on l’a découvert plus récemment, par des hommes liés aux structures du renseignement des États-Unis".
Les États-Unis ont exfiltré des milliers de fascistes d’Europe. Le cas de Klaus Barbie n’est qu’un cas parmi des milliers, ce spécialiste des "tactiques d’interrogatoire renforcées", connu pour avoir torturé à mort le coordinateur de la Résistance française, Jean Moulin. Mais après la guerre, l’homme que ces mêmes auteurs décrivent comme le troisième sur la liste des criminels SS les plus recherchés, travaillait pour le Counter Intelligence Corps (CIC) de l’armée américaine. Il a été engagé pour aider à construire les armées stay-behind en recrutant d’autres nazis et pour espionner les services de renseignement français dans les régions contrôlées par la France en Allemagne. En 1951, il est envoyé en Amérique Latine, où il a pu poursuivre son illustre carrière. Installé en Bolivie, il a travaillé pour les forces de sécurité de la dictature militaire du général René Barrientos et pour le ministère de l’Intérieur et la branche contre-insurrectionnelle de l’armée bolivienne sous la dictature d’Hugo Banzer, avant de participer activement au coup d’État de la cocaïne en 1980 et de devenir le directeur des forces de sécurité sous le général Meza. Tout au long de sa carrière, il a maintenu des relations étroites avec ses sauveurs américains, jouant un rôle central dans l’opération Condor, le projet de contre-insurrection qui a réuni les dictatures latino-américaines, avec le soutien des États-Unis, pour écraser violemment toute tentative de soulèvement. Il a également contribué au développement de l’empire de la drogue en Bolivie, notamment en organisant des gangs de narco-mercenaires qu’il a nommés Los novios de la muerte, dont les uniformes ressemblaient à ceux des SS, et il a très probablement joué un rôle dans la chasse à l’homme organisée par l’Agence pour tuer Ernesto "Che" Guevara.
Le même schéma d’intégration des fascistes est facilement identifiable au Japon, où l’État de sécurité nationale des États-Unis supervisait et gérait l’organisation KATO. Ce réseau de renseignement privé, très semblable à l’organisation Gehlen, était rempli d’anciens membres éminents de l’armée et des services de renseignement, y compris le chef du renseignement de l’armée impériale (Arisue Seizō), qui partageait avec son gestionnaire américain (Charles Willoughby) une profonde admiration pour Mussolini. Citons aussi, le cas remarquable de Nobusuke Kishi. Grand admirateur de l’Allemagne nazie, Kishi a été nommé ministre des Munitions par le Premier ministre Hideki Tojo en 1941, afin de préparer le Japon à une guerre totale contre les États-Unis. Après avoir purgé une brève peine de prison en tant que criminel de guerre, il a été réhabilité par la CIA, avec son compagnon de cellule, le caïd du crime organisé Yoshio Kodama. Kishi, avec le généreux soutien financier de ses gestionnaires, a pris le contrôle du Parti libéral, en a fait un club de droite d’anciens dirigeants du Japon impérial et est devenu Premier ministre. "L’argent de la CIA a coulé à flots pendant au moins quinze ans, sous quatre présidents américains", écrit Tim Wiener, "et il a contribué à consolider le régime du parti unique au Japon pour le reste de la guerre froide".
Les services de sécurité nationale des États-Unis ont également mis en place un "réseau éducatif" mondial pour former les combattants pro-capitalistes, parfois sous la direction de nazis et de fascistes expérimentés, aux techniques éprouvées de répression, de torture et de déstabilisation, ainsi qu’à la propagande et à la guerre psychologique. La célèbre École des Amériques a été créée en 1946 dans le but explicite de former une nouvelle génération de guerriers anticommunistes dans le monde entier. Cette école a la particularité d’avoir formé le plus grand nombre de dictateurs de l’histoire du monde. Il vaut la peine de mentionner, par exemple, les contributions éducatives du Programme de sécurité publique : "Pendant environ vingt-cinq ans", écrit l’ancien officier de la CIA John Stockwell, "la CIA, a formé et organisé des officiers de police et des paramilitaires du monde entier aux techniques de contrôle de la population, de répression et de torture". Des écoles ont été créées aux États-Unis, au Panama et en Asie, d’où des dizaines de milliers de personnes ont obtenu leur diplôme. D’anciens officiers nazis du Troisième Reich ont été utilisés comme instructeurs.
L’imperium américain a ainsi joué un rôle central dans la construction d’une internationale fasciste en protégeant les militants de droite et en les enrôlant dans la Guerre Mondiale contre le "communisme", une étiquette élastique étendue à toute orientation politique qui entrait en conflit avec les intérêts de la classe dirigeante capitaliste. Cette expansion internationale des modes de gouvernance fascistes a conduit à une prolifération de campagnes terroristes et de torture, de guerres sales, de régimes dictatoriaux, de groupes d’autodéfense et de réseaux criminels organisés dans le monde entier. Les exemples pourraient être énumérés ad nauseam, mais voici simplement le témoignage de Victor Marchetti, qui fut un haut responsable de la CIA de 1955 à 1969 : "Nous soutenions tous les dictateurs, juntes militaires, oligarchies qui existaient dans le tiers-monde, tant qu’ils promettaient de maintenir le statu quo d’une manière ou d’une autre, ce qui serait bien sûr bénéfique pour les intérêts géopolitiques, les intérêts militaires, les intérêts des grandes entreprises et d’autres intérêts particuliers". L’Association for Responsible Dissent, composée de 14 anciens officiers de la CIA, a calculé que leur agence était responsable de la mort d’au moins 6 millions de personnes dans 3 000 opérations majeures et 10 000 opérations mineures entre 1947 et 1987. Il s’agit de meurtres directs, sans comptabiliser ce que l’on désigne pudiquement comme des "dommages collatéraux", lors de coup d’états par exemple.
Pour s’établir comme l’hégémon militaire mondial et le chien de garde international du capitalisme, le gouvernement américain et ses officines se sont appuyés sur l’aide d’un nombre important de nazis et de fascistes qu’ils ont intégrés dans leur réseau mondial de répression. Des dizaines de milliers de personnes ont été réintégrées dans les régimes fascistes d’après-guerre, un grand nombre a eu le libre passage dans l’arrière-cour de l’Empire (l’Amérique latine), ainsi que des milliers ou des dizaines de milliers ont rejoint les armées secrètes de l’OTAN. Ce réseau mondial d’assassins anticommunistes chevronnés a également été utilisé pour entraîner des armées de terroristes dans le monde entier à participer à des guerres sales, des coups d’État, des efforts de déstabilisation, des sabotages et des campagnes de terreur. Tout cela s’est fait sous le couvert d’une démocratie libérale et avec l’aide de ses puissantes industries culturelles. Le véritable héritage de la Seconde Guerre mondiale, loin d’être celui d’un ordre mondial libéral qui avait vaincu le fascisme, est celui d’une véritable internationale fasciste développée sous couvert libéral pour tenter de détruire ceux qui avaient réellement combattu et gagné la guerre contre le fascisme : les communistes. Aujourd’hui, sous couvert d’aider l’Ukraine dans son conflit avec la Russie, on forme une véritable colonne vertébrale néo-nazis qui se répandra en Europe, prônant ouvertement la violence contre les minorités, et servira de nervis pour combattre les salariés en lutte et les militants communistes… en attendant peut-être des attentas terroristes !
📰 http://2ccr.unblog.fr/2024/04/15/le-nazisme-et-le-fascisme-na-jamais-ete-lennemi-des-etats-unis/
◾️ ◾️ ◾️
2- ➤ La guerre secrète de la CIA - Se servir des fascistes russes pour combattre la Russie
Perturber l'élection présidentielle russe et créer une atmosphère propice à l'affaiblissement de Poutine, c'est précisément ce que l'agence de renseignement américaine chercherait à engendrer.
Par Scott Ritter, le 18 mars 2024, Consortium News
Dans les jours précédents l'élection présidentielle russe qui s'est achevée dimanche, un réseau de trois organisations paramilitaires russes travaillant sous les auspices de la Direction principale du renseignement du ministère ukrainien de la Défense, ou GUR, a lancé une série d'attaques sur le territoire de la Fédération de Russie.
L'objectif de ces opérations était clair : perturber les trois jours de l'élection présidentielle russe en créant une atmosphère de faiblesse et d'impuissance autour du président Vladimir Poutine, afin de saper son autorité, sa légitimité et sa popularité dans l'isoloir.
L'opération, planifiée depuis des mois, a impliqué le Corps des volontaires russes (RDK), la Liberté de la Légion russe (LSR) et le Bataillon de Sibérie. Ces trois organisations sont contrôlées par le GUR, dont le porte-parole a annoncé les attaques.
Le degré d'implication de la CIA dans ce qui s'apparente à une invasion du territoire de la Fédération de Russie par des forces opérant sous l'égide de ce qui est ouvertement reconnu comme une guerre par procuration entre les États-Unis et leurs alliés de l'OTAN contre la Russie n'a pas été précisé.
Alors que l'Ukraine soutient que les attaques de la RDK, de la LSR et du bataillon de Sibérie sont le fait de "Russes patriotes" opposés à Poutine, l'implication de la GUR dans l'organisation, l'entraînement, l'équipement et la direction de ces forces fait de leur attaque sur le sol russe un prolongement direct de la guerre par procuration entre la Russie et l'Occident.
Compte tenu de l'implication considérable de la CIA dans les activités du GUR, il est hautement improbable qu'une action de cette envergure ait pu être exécutée sans que la CIA n'en ait connaissance et sans qu'elle n'ait été informée des objectifs et des finalités de l'attentat.
En effet, la présence d'équipements militaires américains haut de gamme, dont des véhicules de combat d'infanterie M-2 Bradley, dans l'ordre de bataille de l'attaque des forces insurgées russes indique un rôle direct des États-Unis, tout comme la nature politique de la mission de perturbation des élections, objectif à long terme de la C.I.A. en Russie remontant à plusieurs dizaines d'années.
2014
La relation entre la CIA et le GUR est clairement établie et remonte à 2014, selon le Washington Post, lorsque la CIA a opéré avec le GUR pour établir un réseau de bases le long de la frontière russo-ukrainienne à partir desquelles elle a mené des opérations de renseignement contre la Russie, y compris des missions impliquant des opérations sur le sol russe.
La CIA a intercepté des communications russes, capturé des drones russes en vue d'une exploitation technique ultérieure et supervisé le recrutement et le fonctionnement de réseaux d'espionnage opérant sur le sol russe.
Avant que la Russie ne lance l'Opération militaire spéciale (OMS) contre l'Ukraine le 24 février 2022, la CIA a étendu ses relations avec le GUR pour y inclure une formation spécialisée dispensée par des membres de la Division terrestre du Groupe des activités spéciales de la CIA, responsable des opérations paramilitaires secrètes.
[La C.I.A. a commencé à mener des opérations secrètes en utilisant des fascistes contre Moscou en 1948 avec les programmes CARTEL et plus tard AERODYNAMIC. Voir : L'influence du néonazisme en Ukraine].
L'entraînement était axé sur les techniques de guerre non conventionnelle et de guérilla qui devaient faciliter la création et le maintien d'insurrections anti-russes menées par des équipes "restées sur place" opérant sur tout territoire ukrainien occupé par les forces russes.
Après le début de la SMO, les Russes ethniques qui servaient depuis 2014 dans les rangs de l'organisation paramilitaire néo-nazie et nationaliste ukrainienne connue sous le nom de Régiment Azov se sont organisés en une organisation distincte connue sous le nom de Corps des volontaires russes, ou RDK.
La RDK s'est inspirée de l'Armée de libération de la Russie, une entité organisée, entraînée et équipée par les Allemands nazis pendant la Seconde Guerre mondiale et composée de prisonniers de guerre russes. Aujourd'hui, les Russes appellent souvent les membres de la RDK les "Vlassovites", du nom du général russe Andrei Vlasov, capturé par les Allemands, qui s'est ensuite rallié à leur cause.
Vlasov a recruté des prisonniers de guerre russes dans ce qui était connu sous le nom d'Armée de libération de la Russie, qui a finalement consisté en deux divisions comprenant quelque 30 000 soldats. La plupart des membres de l'"armée" de Vlasov ont été soit tués au combat, soit faits prisonniers par l'Union soviétique, qui les a traités comme des traîtres et les a punis en conséquence (les soldats ont été condamnés à de longues peines au goulag et les chefs ont été pendus).
Une deuxième unité militaire ethnique russe, créée dans la foulée de la SMO, compte essentiellement des militaires russes transfuges et des prisonniers de guerre. Connue sous le nom de Légion de la liberté de la Russie (LSR), elle se compose de plusieurs centaines de soldats répartis en deux bataillons. La LSR opère dans le cadre de la Légion internationale de l'armée territoriale ukrainienne.
Selon son chef, Kyrylo Budanov, elle est toutefois contrôlée par le GUR, et non par le ministère ukrainien de la défense.
La troisième unité militaire ethnique russe opérant avec l'Ukraine est le "bataillon sibérien", composé de Russes ethniques et d'ethnies non russes des territoires sibériens de la Fédération de Russie.
Les membres de cette formation sont des volontaires de la Sibérie russe opposés au gouvernement de Poutine. Comme le LSR, le bataillon sibérien opérait en tant que partie de l'armée territoriale ukrainienne contrôlée par le GUR et se composerait d'environ 300 hommes, selon un rapport d'Euronews.
L'incursion menée ce week-end par les forces russes anti-Poutine contrôlées par le GUR n'est pas la première du genre. En mars et avril 2023, plusieurs petites attaques transfrontalières ont été menées par des forces affiliées au corps des volontaires russes RDK.
Une attaque plus importante a été menée le 22 mai 2023. Cette attaque, qui a duré moins d'une journée, semble coïncider avec la chute de la ville de Bakhmut, très disputée, aux mains de la société militaire privée russe Wagner.
La prise de Bakhmut par Wagner a marqué le début d'une détérioration rapide des relations entre le chef du groupe Wagner, l'initié Evgeniy Prigozhin, un fidèle de longue date de Poutine, et les dirigeants militaires russes, en particulier le ministre de la défense Sergei Shoigu et le chef de l'état-major général, le général Valeri Gerasimov.
Le 23 juin 2023, Prigozhin a mené des milliers de combattants de Wagner dans une rébellion qui l'a vu occuper le siège russe de la SMO à Rostov-sur-le-Don et marcher sur Moscou. Cette rébellion a été matée dans les 24 heures, mais de nombreux combattants de Wagner ont déclaré qu'ils n'y avaient participé que parce qu'on leur avait dit qu'ils seraient déployés sur le sol russe, territoire où Wagner n'avait pas le droit d'opérer, pour se défendre contre d'autres incursions de la RDK.
Les informations apparues après la rébellion avortée de Prigozhin ont montré que le chef de Wagner avait été en contact fréquent avec le GUR ukrainien dans les mois précédant son insurrection, et que les attaques de la RDK faisaient partie d'un effort coordonné orchestré par le GUR, destiné à affaiblir et peut-être à faire tomber le gouvernement de Poutine.
L'administration Biden a reconnu qu'elle disposait de renseignements détaillés sur la révolte de Prigozhin, mais qu'elle n'avait pas prévenu le gouvernement russe, ce qui donne à penser que la CIA était au moins au courant de l'opération du GUR et qu'elle l'a tacitement soutenue.
La présence d'armes américaines, y compris des véhicules Humvee, en possession des combattants de la RDK au cours du week-end laisse également supposer une participation plus large des États-Unis à leur entraînement et à leur équipement, participation qui, compte tenu de l'interdiction du déploiement de forces militaires américaines à des fins d'entraînement sur le sol ukrainien depuis le lancement de l'OMU, désigne la division terrestre de la CIA comme l'unité ayant facilité l'opération.
Le gouvernement russe a estimé que l'effectif total des forces contrôlées par le GUR ayant attaqué la Russie pendant la période précédant l'élection présidentielle qui s'est achevée dimanche s'élevait à environ 2 500 hommes, soutenus par au moins 35 chars et des dizaines de véhicules blindés, dont un nombre important de VFI M-2 Bradley fournis par les États-Unis.
La portée et l'ampleur de l'opération militaire, qui comprenait des forces héliportées insérées derrière les lignes russes, sont telles qu'elles n'auraient pu être accomplies sans les connaissances de la CIA. En outre, les tactiques et l'équipement utilisés (raids héliportés, véhicules M-2 Bradley) suggèrent fortement un rôle plus direct de la CIA dans la planification et l'entraînement de la mission et des troupes impliquées.
La division terrestre de la CIA est composée de vétérans des guerres secrètes menées par cette agence en Syrie et en Afghanistan, où elle a formé des armées secrètes pour qu'elles mènent leurs propres guerres secrètes à l'appui des objectifs qu'elle s'est fixés.
Le discrédit du gouvernement de Poutine en vue de sa destitution est un objectif de la CIA. depuis 2005, date à laquelle la CIA, en collaboration avec les services de renseignement britanniques, a commencé à œuvrer activement à la création de mouvements d'opposition politique viables à l'intérieur de la Russie.
Bien que ces efforts aient largement échoué (la mort récente dans une prison russe d'Alexei Navalny, considéré comme une œuvre de la CIA, souligne la portée et l'ampleur de cet échec), les guerriers politiques clandestins de la CIA au sein du groupe d'action politique du centre d'activités spéciales continuent d'essayer d'ébranler Poutine par divers moyens.
Étant donné que l'objectif déclaré du gouvernement russe est d'obtenir une forte participation aux élections afin de certifier la légitimité de Poutine, perturber la participation des votants en créant de l'instabilité et un manque de confiance serait précisément le type de relation de cause à effet que la CIA chercherait à engendrer.
Le fait que les dirigeants de la RDK se soient ouvertement vantés que leurs attaques en cours étaient a) conçues pour perturber l'élection présidentielle russe et b) planifiées des mois avant l'attaque, indique clairement que, compte tenu de la nature intime des relations entre la CIA et le GUR, la CIA était au minimum au courant des attaques menées par le GUR à l'aide d'insurgés russes contrôlés par l'Ukraine, et qu'elle les a fort probablement facilitées.
Pour comprendre la gravité de la possibilité - voire de la probabilité - que la CIA ait été impliquée, même de façon périphérique, dans une attaque sur le sol russe destinée à perturber une élection présidentielle russe, il suffit de se demander comment les États-Unis réagiraient si les services de renseignement russes collaboraient avec les cartels de la drogue mexicains pour mettre sur pied une armée d'insurgés bien armée, composée de Mexicains-Américains, qui attaquerait le territoire américain depuis l'autre côté de la frontière entre les États-Unis et le Mexique afin d'influencer le résultat de l'élection présidentielle américaine de novembre.
Les États-Unis considéreraient cela comme un acte de guerre et réagiraient en conséquence.
Danger manifeste de conflagration nucléaire
L'administration Biden supervise une politique ukrainienne qui s'effondre rapidement autour d'elle.
Les alliés américains de l'OTAN, préoccupés par le manque de leadership de l'administration Biden en ce qui concerne l'Ukraine, menacent d'envoyer des troupes dans ce pays pour soutenir l'armée ukrainienne qui bat de l'aile. Le gouvernement russe a averti que toute action de ce type serait interprétée comme une attaque contre la Russie et pourrait créer les conditions d'une guerre nucléaire générale entre la Russie et l'Occident collectif.
Aujourd'hui, dans un contexte aussi tendu, il apparaît que la CIA a non seulement donné son feu vert à une véritable invasion de la Fédération de Russie, mais qu'elle a plus que probablement participé à sa planification, à sa préparation et à son exécution.
Jamais dans l'histoire de l'ère nucléaire un tel danger de guerre atomique n'a été aussi manifeste.
Le fait que le peuple américain ait laissé son gouvernement créer les conditions permettant à des gouvernements étrangers de décider de son sort et à la CIA de mener une guerre secrète susceptible de déclencher un conflit nucléaire remet en cause la notion de démocratie.
Le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple semble être un rêve lointain. À la place, l'avenir de l'Amérique semble être entre les mains d'une agence de renseignement voyou qui a depuis longtemps abandonné toute prétention à rendre des comptes et à opérer dans le respect de l'État de droit.
Scott Ritter est un ancien officier de renseignement du corps des Marines américains qui a servi dans l'ex-Union soviétique pour mettre en œuvre les traités de contrôle des armements, dans le golfe Persique pendant l'opération Tempête du désert et en Irak pour superviser le désarmement des armes de destruction massive. Son dernier ouvrage est Disarmament in the Time of Perestroika, publié par Clarity Press.
Les opinions exprimées sont uniquement celles de l'auteur et peuvent ou non refléter celles de Consortium News.
📰 https://consortiumnews.com/2024/03/18/scott-ritter-the-cia-the-russian-fascists-who-fight-russia/
◾️ ◾️ ◾️
Si vous pensez que nos gouvernements ne tendent pas vers le fascisme, lisez ce petit article de 2018 … (il y a 6 ans)
3- ➤ Idéologie : L’extrême-droite a-t-elle vraiment rompu avec le fascisme ?
(Excellent article du site 19h17.info sur l'extrême-droite et le fascisme : un seul petit "bémol" pour notre part, le terme "'islamophobie" - il faut garder la notion de racisme - que nous n'employons jamais car trop confusionniste pour nous autres farouches anticléricaux ! Voir sur ce sujet plusieurs articles sur notre Blog et notamment ici.)
Par Socialisme libertaire, le 23 février 2018
Pour la plupart des commentateurs médiatiques et pour beaucoup même à l’extrême-gauche, l’affaire est pliée : le Front National n’est plus fasciste… Cette affirmation, qui n’est jamais vraiment argumentée, pose pourtant sérieusement problème. En effet, l’idéologie et le programme de du FN n’ont jamais vraiment rompu avec ses fondamentaux fascistes…
À en croire les commentateurs médiatiques, ce serait une évidence : l’extrême-droite d’aujourd’hui aurait rompu avec l’idéologie fasciste historique, tant dans le fond que dans la forme. Si ce constat est partiellement vrai concernant la forme du discours (notamment la symbolique) dans les principales organisations nationalistes, nous considérons pour notre part que ces organisations n’ont pas fondamentalement rompu avec l’idéologie du fascisme. On peut caractériser l’idéologie fasciste qui sous-tend ce projet par au moins trois aspects spécifiques.
Le premier pourrait être appelé "anticapitalisme romantique". Il s’agit d’un discours qui attaque certains aspects de l’économie capitaliste, tout en en défendant d’autres. En apparence, le discours est très radical. Il est contre la finance, les banques, en opposant la morale et la spiritualité au matérialisme. L’usure pratiquée par les banques par exemple est dénoncée comme étant antichrétienne, contraire au travail honnête. Il ne s’agit pas d’une critique de fond du mode de production capitaliste, néanmoins : il y a dans le fascisme une volonté affichée de gérer le capital en retrouvant un équilibre raisonnable avec le travail – bref, en revenant par la force à un statut quo national.
À cela se joint une critique du matérialisme qui permet de renvoyer dos à dos les théories révolutionnaires issues du marxisme et le libéralisme : ces idéologies ne seraient que les deux faces d’une même pièce niant la spiritualité, le sacré, les grands mythes mobilisateurs. Cette critique remonte très loin, on la retrouve chez les royalistes voyant dans la Révolution française l’œuvre du diable.
Mais revenons aux critiques de la finance, très à la mode actuellement. Celles-ci ont beaucoup d’influence : par leur démesure, les excès des banques et de leur personnel semblent un symbole parfait des excès du capitalisme. Même si elles ne représentent que la partie émergée de l’iceberg. Naturellement, les fascistes surfent sur une vague qu’ils n’ont pas lancée. On trouve difficilement thème plus consensuel que la critique des "dérives" de la finance ! De François Hollande à Marine Le Pen, de François Bayrou à Jean-Luc Mélenchon, tous les politiques français prétendent combattre cet ennemi très pratique car toujours très lointain. Ainsi, François Hollande disait en janvier 2012 : "Dans cette bataille qui s’engage, mon véritable adversaire n’a pas de nom, pas de visage, pas de parti, il ne présentera jamais sa candidature et pourtant il gouverne. Cet adversaire c’est le monde de la finance".
Bien sûr, ce combat n’engage à rien. Les fascistes se sont toujours appuyés sur un capitalisme national pour mener à bien leur politique. Ce discours sur les banques est inséparable du thème de l’antisémitisme (et plus généralement du complotisme), qu’il soit assumé ou non. L’idée de base est la suivante : une petite élite coupée du peuple réel détiendrait toutes les clés du pouvoir. Très homogène, elle partagerait des rituels et des codes secrets lui permettant de contrôler les populations via les médias, l’économie et l’administration.
On retrouve ici, au mieux, une déformation grossière de certaines analyses marxistes. On peut légitimement parler "d’anticapitalisme des imbéciles" : par un coup de baguette magique, le monde incroyablement complexe de la grande bourgeoisie, dont des factions sont bien sûr en guerre ouverte, devient un ensemble unifié. Du même coup, tous les rouages du système en place (institutions étatiques, police, petit patronat, etc) peuvent être récupérés puisqu’ils ils ne seraient que "manipulés" par en haut. Ces thèses, séduisantes parce que simplistes, reposent sur une vision extrêmement manichéenne et pessimiste de la société, coupée des réalités matérielles.
Diviser pour mieux régner
Un deuxième aspect important du projet fasciste est lié au premier. Il pourrait être résumé par la locution "diviser pour mieux régner". Il s’agit du racisme, exprimé ouvertement ou non. Si l’antisémitisme et ses diverses variantes vise une élite qui menacerait "par le haut" la cohésion du peuple, en l’appauvrissant d’une main et en l’endoctrinant d’une autre avec des théories antinationales (marxisme, féminisme, humanisme), d’autres formes de racisme existent.
La plus répandue aujourd’hui est probablement l’islamophobie. Très répandue dans la majeure partie de l’extrême-droite, l’islamophobie s’exprime plus librement, car elle est plus récente et donc quasiment pas définie pénalement dans les pays occidentaux. Elle découle des conceptions économiques du projet fasciste évoquées plus haut. Nous allons la décrire plus en détail un peu plus tard.
Un troisième aspect concerne la militarisation de la société dans une période préfasciste. Pour prouver qu’ils sont une alternative crédible au "système" en décomposition, les fascistes brisent les solidarités populaires pour en reconstruire d’autres, artificielles, autour de thèmes nationaux. La militarisation ne se fait pas forcément par le biais de milices en uniforme patrouillant les rues pour casser de l’immigré et du gauchiste et assurer l’ordre moral (bien que cela puisse être le cas, comme en Grèce ou en Hongrie). La défense du port d’arme par exemple, si les armes sont concentrées dans les parties les plus réactionnaires de la société, peut être un thème de campagne fasciste. Il s’agit de promouvoir l’autodéfense contre la "racaille", ou l’honneur militaire, etc. En Allemagne les organisations néo-nazies des années 1950 et 1960 se composaient en clubs de sport ou en associations de reconstitution militaire pour pouvoir s’entrainer sans tomber sous le coup de la loi. En France, on retrouve une démarche semblable dans certaines villes de garnison où des groupes nazis recrutent uniquement parmi les jeunes militaires blancs. On peut aussi penser aux identitaires, connus pour avoir défendu des personnes ayant assassiné ou blessé par arme de jeunes immigrés, toujours sous le prétexte de la légitime défense. Derrière cette logique paramilitaire ou plus bassement para-policière, il y a la volonté de préparer les instruments de la future prise du pouvoir, et l’appui éventuel aux forces armées.
Les minorités sont naturellement des cibles directes du fascisme, surtout une fois que celui-ci est arrivé du pouvoir. Pour créer une communauté nationale homogène, les minorités doivent être détruites, soit physiquement, soit en étant assimilées et en renonçant à leur identité dans la sphère publique. En France, le Front National s’appuie pour cela sur un discours républicain, laïque et assimilationniste, pour justifier son centralisme et son racisme. C’est le sens du slogan historique "La France, aimez-la ou quittez-la" : l’individu doit se fondre dans un ensemble plus vaste au destin historique, tourné vers un même but. Il faut néanmoins noter que cet aspect particulier se retrouve aussi dans des mouvements de droite non fascistes, comme le gaullisme, qui revendique un culte de la nation et du chef charismatique.
Une fois au pouvoir, le programme idéologique du fascisme ne peut prendre qu’une seule voie. Pour sortir de la crise économique, la guerre est la seule option qui permet à la fois de mobiliser la population, de justifier les mesures les plus violentes contre elle, et de relancer l’industrie en ouvrant de nouveaux marchés. On constate donc que les programmes des partis nationalistes défendent toujours une vision expansionniste et impérialiste, très centrée sur l’armée.
En somme, l’idéologie fasciste est un saut qualitatif vers la barbarie et la militarisation : la gestion du prolétariat change de forme et de dimension, pour s’adapter à des besoins différents. Sous couvert d’une révolution sociale, donnant à chaque individu une chance de se réaliser dans le grand destin de la nation, le fascisme renforce le pouvoir de la bourgeoisie et prépare la guerre impérialiste. Pour le prolétaire à la base de la société, la "révolution nationale" prend la forme de grands discours, de changements de symboles et de mobilisations patriotiques : mais les conditions de vie ne peuvent que, au mieux, se maintenir dans un statu quo social autoritaire, et au pire sombrer avec l’effondrement de l’économie et la militarisation. Comme dit Tancredi dans le roman Le Guépard, "pour que tout reste comme avant, il faut que tout change".
L’extrême-droite, sans parvenir au pouvoir, depuis quelques années exerce une importante influence sur la vie politique en France et en Europe. Chasse aux pauvres sous couvert de lutte contre l’insécurité, violences policières légitimées et exacerbées, panique morale vis-à-vis de l’Islam, état d’urgence, tentatives de mettre en place la déchéance de nationalité… Toutes ces politiques ont un point commun : être nées dans les esprits de l’extrême-droite, et sont devenues la norme. Cette série d’articles extraits du livre "Temps obscurs, extrême-droite et nationalisme en France et en Europe", écrit par des contributeurs au site 19h17.info et du blog Feu de prairie, ont pour objectif de mieux comprendre ce retour en force et le danger qu’il implique pour nous.
Lien vers le livre :
https://editionsacratie.com/temps-obscurs-nationalisme-et-fascisme-en-france-et-en-europe/
◾️ ◾️ ◾️
4- ➤ Qui créa le Front national ?
Un dossier en 3 parties, rédigé par Jean-Paul Gautier, historien des extrêmes droites, auteur du livre Les extrêmes droites en France, de 1945 à nos jours (Syllepse, 2017).
➤ Première partie : les nostalgiques du nazisme et de la collaboration
Par Jean-Paul Gautier, le 26 janvier 2022, ContreTemps
Le Front national fut créé pour l’essentiel à l’initiative d’Ordre nouveau. Ce groupuscule fasciste voulait utiliser Jean-Marie Le Pen – un ancien député élu lors de la vague poujadiste de 1956 – pour respectabiliser les vieilles obsessions ultra-nationalistes et racistes de l’extrême droite. Le Pen apparaissait alors comme une figure très à droite mais paraissait moins ancrée dans le fascisme français et les réseaux des nostalgiques du Troisième Reich.
Le FN, devenu entretemps Rassemblement national (nom qu’il utilisa déjà en 1986 pour son groupe parlementaire), fut pourtant bien créé par un certain nombre de personnages dont la trajectoire était connue : anciens collaborationnistes proches de Déat ou Doriot, anciens membres de la Waffen SS, ex-membres de l’OAS (Organisation Armée Secrète, qui organisa de nombreux attentats en Algérie et en France), néofascistes de toutes variétés, et autres négationnistes.
Trois constellations se détachent, qui se recoupent en partie seulement : les nostalgiques du IIIème Reich et autres pétainistes tout d’abord ; les nostalgiques de l’Algérie française ensuite ; les néofascistes des années 1960 enfin. Dans un premier article, nous passons en revue quelques figures de la première constellation.
***
Pierre Bousquet [1]
Né en 1919, Pierre Bousquet adhère en 1935 au Parti Franciste de Marcel Bucard. En 1941, il occupe le poste de délégué général du bureau de commandement de la Jeunesse Franciste. Il endosse l’uniforme de la Waffen-SS et devient caporal (Rottenfürher) de la 38ème division de grenadiers de la Charlemagne [2]. Il fait partie des trois cent SS français qui participent à la "défense" de Berlin face à l’Armée rouge. Après la défaite de l’Allemagne nazie, il parvient à se faire passer pour un travailleur forcé du STO auprès des troupes américaines et est affecté au service chargé de l’arrestation et du renvoi vers la France des collaborateurs.
Quand il rentre, il est condamné à mort mais n’effectue que deux ans et demi de prison. En 1946, il tente sans succès d’intégrer des organisations anticommunistes. Il adhère à Jeune Nation des frères Sidos qui se transforme, après son interdiction en mai 1958, en Parti nationaliste dont la vie est brève. Son congrès constitutif se tient les 6, 7 et 8 février 1959 et sa dissolution est décrétée par le gouvernement le 13 février. Bousquet est écroué en 1960 pour "atteinte à la sûreté de l’État" et "reconstitution de ligue dissoute". Secrétaire général d’Europe-Action (E-A), il est administrateur des éditions Saint-Just (liées à E-A).
Après la disparition d’E-A, il milite au Mouvement nationaliste populaire (MNP) fondé par Dominique Venner en 1966, après l’échec de la campagne présidentielle de Tixier-Vignancour en 1965 [3]. Le Rassemblement européen de la liberté (REL) succède au MNP. Le REL mène campagne pour une amnistie générale en faveur des partisans de l’Algérie française, le soutien à la "lutte de l’Occident" en Angola, en Rhodésie et au Sud-Vietnam. Après son échec aux élections législatives de mars 1967, le REL disparait de la scène politique.
Pierre Bousquet et Pierre Pauty publient le bulletin Militant qui deviendra plus tard (1973-74) l’organe officiel du Front national. Bousquet en est le directeur politique et François Duprat, autre grande figure néofasciste de l’après-guerre, y collabore. En 1970, Bousquet et Pauty (sous le pseudo de Jean Denipierre) militent au Parti national populaire de Roger Holeindre. Le PNP a des activités très confidentielles. Son programme prône "la renaissance française, la paix en Europe (face à la menace soviétique), la défense de la civilisation européenne, le droit aux Européens de disposer d’eux-mêmes, le corporatisme, un État autoritaire, populaire, décentralisateur". En 1971, le PNP devient le Parti pour l’Unité française, tout aussi discret et éphémère.
En 1972, Bousquet dépose avec Jean-Marie Le Pen les statuts du Front national. Il est membre du bureau politique et trésorier jusqu’en 1981. Il est candidat à différentes élections (législatives en mars 1973, 1977, municipales Paris, 1978, législatives, 9ème circonscription à Paris). En 1984, lors de l’émission d’Antenne 2 L’heure de vérité, Le Pen interrogé sur la personnalité de Pierre Bousquet répond "Monsieur Bousquet a peut-être eu les responsabilités que vous dites, il a peut-être été un ancien SS, moi je suis de ceux qui sont pour la réconciliation des Français".
Avec l’arrivée de Jean-Pierre Stirbois et de son groupe au FN en 1977, le groupe Militant est marginalisé et crée en 1983 le Parti nationaliste français (PNF), avec Pierre Pauty, des nationalistes révolutionnaires proches de François Duprat et des ex de la LVF (Henri Simon, Jean Castrillo). Pierre Pauty signe dans Militant l’article "Pour en finir avec les équivoques". Pauty se déclare "écœuré par les manigances talmudiques de l’équipe solidariste. Le Pen se rend-il compte qu’il devient le jouet entre les mains des sionistes" [4]. Le FN lui répond : "Pauty n’est qu’un nostalgique du Grand Reich de l’Atlantique à l’Oural".
En 1986, Bousquet déclare "ne pas considérer son passé SS comme une erreur de jeunesse" et il ajoute : "en admettant, je dis bien en admettant qu’il y ait eu des chambres à gaz et des tortures, je les condamne" ; tout est dit dans le mot "en admettant". Il continue à militer "pour l’Europe blanche de Brest à Vladivostok". À partir de 1987, il prend langue avec le leader des skins parisiens, Serge Ayoub dit "Batskin", et les Jeunesses nationalistes révolutionnaires de Ayoub entrent au PNF en 1990 puis rompent avec lui en 1991.
La revue Militant diffuse des publicités pour des ouvrages nazis : Le mythe du 20ème siècle de l’idéologue du IIIème Reich, d’Alfred Rosenberg, les livres de Léon Degrelle, chef de la division SS belge "Wallonie" et des articles du négationniste Robert Faurisson. Jean Castrillo, membre de la direction du PNF et ex-militant du PPF de Doriot, affirme que "pour combattre l’immigration sauvage, il faut être raciste" [5]. Le pseudo antisionisme du PNF dissimule mal son antisémitisme. Pierre Bousquet reprend les vieilles analyses véhiculées par la propagande nazie contre le complot juif :
"Les sionistes […] ont déclenché une révolution en 1917 et une guerre mondiale. Ils sont parfaitement capables […] de déclencher un conflit atomique […]. En 1939, la Grande Bretagne et la France déclenchèrent la guerre à l’Allemagne hitlérienne, non point tant parce que celle-ci avait attaqué leur allié la Pologne […], mais bel et bien parce que Hitler avait nommément désigné la communauté juive internationale comme étant l’ennemi n°1 du IIIème Reich" [6].
Le complot juif international serait donc toujours à l’œuvre puisque l’URSS est une entité "euro-asiatique enjuivée" et que "la direction politique des États-Unis est elle aussi "enjuivée"" [7]. Lorsque Bousquet décède le 27 août 1991, Roger Holeindre et Roland Gaucher sont présents à ses obsèques.
Victor Barthélémy [8]
Né en 1906, Victor Barthélémy a soutenu dans sa jeunesse l’Action française. En 1925, il rejoint le Parti communiste français et milite au Secours Rouge International. Après un stage en URSS en 1928, il travaille pour l’Internationale Communiste (IC) sous la direction de Palmiro Togliatti (dirigeant du Parti communiste italien) et effectue des missions en Espagne et en Italie pour le compte de l’IC. En 1930, il prend ses distances avec le PCF et adhère au Parti populaire français (PPF) de Jacques Doriot. Déçu par le communisme, il se déclare attiré par "l’authenticité révolutionnaire" du fascisme et du national-socialisme. Dans ses mémoires, il explique sa démarche :
"J’avais voulu comprendre les raisons des échecs de l’Internationale, j’avais abouti à une justification du fascisme, à la reconnaissance de son authenticité révolutionnaire".
En 1936, il est nommé secrétaire fédéral du PPF des Alpes-Maritimes, puis il entre au Comité central et au Bureau politique du parti. Installé à Paris, il devient, en 1939, secrétaire général du PPF et collabore aux journaux doriotistes L’Emancipation nationale et Le Cri du Peuple. En 1941, il occupe le poste de secrétaire général pour les deux zones. Il participe à la création de la Légion des Volontaires français contre le Bolchévisme (LVF) dont les membres qui vont appartenir à la Waffen SS font le serment "d’obéir strictement au chef des armées allemandes et alliées, Adolph Hitler". Il siège à son comité central.
Après le débarquement, il se réfugie à Sigmaringen avec le "gratin" de la collaboration. En novembre 1944, il représente le PPF auprès de la République sociale italienne (République de Salò), gouvernement fantoche de Mussolini. Après la mort accidentelle de Doriot, le PPF est dirigé par le triumvirat : Victor Barthélémy, Simon Sabiani, Marcel Marschall. En avril 1945, il est à Milan pour prendre en charge le Kommando Tosca dont le but est de créer un "maquis blanc" en France. Il est arrêté, remis aux autorités françaises, jugé par un tribunal militaire et condamné à plusieurs années de prison.
Une fois libéré, il poursuit son activité militante. Il participe avec Maurice Bardèche (qui va fonder la revue néofasciste Défense de l’Occident en 1952) à la création du Mouvement social européen (embryon d’une Internationale noire). Pendant la guerre d’Algérie, il adhère au Front national pour l’Algérie française (FNAF), créé en juin 1960 par Jean-Marie Le Pen. Le FNAF, pendant l’été 1960, après l’indépendance du Congo, mène campagne sur le thème "Algérie française = Congo congolais".
Sa ligne politique est de garder l’Algérie française et de détruire le régime républicain : "On ne sauvera pas l’Algérie, on ne sauvera pas la Patrie sans briser le système, ses cadres, ses organisations, ses idéologues". Après l’épisode des barricades d’Alger, en janvier 1960, le FNAF (SPES) se donne pour rôle de venir en aide aux prisonniers de l’OAS. En 1965, on le retrouve au Comité de soutien à Tixier-Vignancour (ancien avocat de Pétain à la Libération) pour la campagne présidentielle. Il devient membre du bureau politique de l’Alliance républicaine pour les Libertés et le Progrès présidée par Tixier-Vignancour.
En 1972, il participe à la création du Front national dont il est le premier secrétaire administratif [9]. Il est celui qui va structurer le FN jusqu’à sa démission en 1978. Il publie un livre de souvenirs, intitulé Du communisme au fascisme, histoire d’un engagement politique [10]. Il décède à Marseille en 1985.
François Brigneau
Emmanuel Allot, dit François Brigneau [11], est né en 1919. Il adhère en 1939 au Parti Frontiste fondé par l’ex-membre du Parti radical Gaston Bergery, futur membre du PPF (le parti de Doriot) et du Conseil national de Vichy, et se montre favorable avec Marcel Déat à la création du Parti unique. Brigneau écrit dans La Flèche, journal du Parti Frontiste, et adhère pendant l’occupation au Rassemblement National Populaire de Déat. Après le débarquement en Normandie, il intègre la Milice.
Il explique son engagement par la grande admiration qu’il a pour "le vieux Joseph" Darnand, le Chef de la Milice il précise son engagement :
"Le Maréchal avait dit un jour : Miliciens vous êtes mes soldats. Il m’a paru évident qu’en ces périodes troublées, il me fallait devenir soldat du Maréchal, même en cas de défaite allemande, surtout en cas de défaite allemande" [12].
Arrêté, il est écroué à Fresnes où il partage la cellule de Robert Brasillach, rencontre d’autres collaborateurs, Benoist-Méchin, Henri Béraud. Acquitté et libéré en décembre 1945 [13], il se lie à Maurice Bardèche et Antoine Blondin avec lequel il fonde une feuille clandestine, La Dernière Lanterne. Il travaille à Paroles Françaises, journal fondé par André Mutter (compagnon de la Libération) et le Parti républicain de la Liberté qui milite pour l’amnistie des épurés au nom d’une unité nationale structurée par le péril communiste.
Dès le début des années 1950, il collabore à la grande presse : France-Dimanche, Constellation, Paris-Presse,l’Aurore, Ciné-Monde, l’Auto-Journal, Télé Magazine. Sous le pseudo de François Brigneau, il participe à des journaux militants comme La Fronde avec Maurice Gaït (ancien commissaire général à la jeunesse à Vichy et fondateur de Rivarol) et Léon Gaultier (ex Waffen SS). Le manifeste de La Fronde condamne le fait que "des nomades plus ou moins francisés par le Journal officiel […] fassent la loi chez nous avec la complicité de cosmopolites au grand cœur".
Il côtoie des maurassiens (Pierre Boutang, Philippe Ariès, François Léger), rencontre Jean-Louis Arfel (ex secrétaire de Maurras, catholique intégriste plus connu sous le pseudonyme de Jean Madiran, fondateur de la revue Itinéraires, fondateur ave Romain Marie et François Brigneau du quotidien Présent). En 1947, il écrit dans l’Indépendance Française dont la ligne éditoriale est "de tirer Maurras des griffes d’un régime moribond. Pour le Maréchal de France. La France seule". En janvier 1951, on le retrouve à Rivarol dont il devient rédacteur en chef.
Pro "Algérie française", il milite en 1958 au Front national pour l’Algérie française de Jean-Marie Le Pen. Il devient rédacteur en chef de Minute, soutient Tixier-Vignancour en 1965, supervise le film des comités TV "Sept ans de malheur". Il fonde les Éditions du Clan, qui publient Les Mémoires de Porthos (pseudo du chef milicien Henri Charbonneau) et édite Le Courrier du Clan. Membre d’Ordre nouveau, il développe sa conception du rôle du parti lors d’un meeting du groupuscule à la Mutualité le 13 mai 1970 : "Il faut être un parti révolutionnaire blanc comme notre race, rouge comme notre sang et vert comme notre espérance".
Le 9 mars 1971, au Palais des Sports, il dénonce "l’invasion algérienne". Adepte du complot judéo-bolchévique, il déclare également qu’il faut abattre "la bête rouge qui porte la tête du veau d’or et les sabots fourchus des faux prêtres". Il est un élément moteur de la création du Front national, dont il est vice-président de 1972 à 1973 et qu’il quitte en 1974 pour rejoindre le Parti des Forces nouvelles (PFN). Quelques années plus tard, il se rapproche à nouveau du FN et dans les années 1980-90, il écrit dans le journal frontiste National-hebdo où il s’occupe de la rubrique "Journal d’un homme libre", signant Mathilde Cruz.
Partisan de Monseigneur Lefebvre, il dénonce "un certain racisme juif". Il est plusieurs fois condamné pour écrits antisémites et négationnistes [14]. À la question "est-ce que votre xénophobie va jusqu’au racisme, à l’antisémitisme ?", il répond "Oui, dans la mesure où les Juifs représentent un danger à l’intérieur d’un pays, bien sûr". De 1987 à 1991, François Brigneau est cofondateur du mensuel d’extrême droite, Le Choc du Mois. Il écrit dans la lettre d’informations d’Emmanuel Ratier (ex responsable du Front de la Jeunesse de Normandie, ex PFN, ancien rédacteur du bulletin nationaliste révolutionnaire Balder à Rouen). Lors du bicentenaire de la Révolution française, il écrit dans la publication l’Anti 89, dont il est le directeur de publication et prend la parole, place du Louvre, lors de la manifestation contre-révolutionnaire, le 15 août 1989. À partir de 1991, il publie les Cahiers FB [15]. Il publie également ses Derniers cahiers.
En 1998, lors de la crise du FN opposant Le Pen à Mégret, il refuse de choisir et quitte National-hebdo, se brouille avec Le Pen, assure une chronique régulière dans Le Libre journal de la France courtoise de Serge de Beketch (ex-rédacteur en chef de National-hebdo, de Minute, ex vice-président de l’Alliance générale contre le racisme, pour le respect de l’identité chrétienne et nationale-AGRIF, de Romain Marie). En 1999, il édite un ouvrage au titre significatif : "Jean-Marie m’a tuer" dans lequel il règle ses comptes avec Le Pen. Il décède en 2012.
André Dufraisse
Né en 1918, il adhère à la CGT en 1931 et occupe le poste de secrétaire adjoint à Nice. Il démissionne de la CGT en 1936. Il adhère alors au Parti populaire (PPF) de Doriot. Il s’engage à la Légion des Volontaires français contre le Bolchévisme et sert dans une division blindée sur le front de l’est. Il est emprisonné en 1946. Son engagement à la LVF lui vaut le surnom de "Tonton Panzer".
En 1956, il est secrétaire général du mouvement de jeunesse de l’UDCA de Pierre Poujade. La jeunesse poujadiste est présidée par Jean-Marie Le Pen. Partisan de "l’Algérie française", il est membre du Front national des Combattants, créé en 1957 par Le Pen, puis, en 1960, du Front national pour l’Algérie française (FNAF) fondé par Le Pen. En 1961-1962, il est emprisonné au camp de Thol puis à La Santé. Il suit Le Pen au Front national (avec sa compagne Martine Le Hideux (ex vice-présidente du FN, actuellement au Parti de la France), il est candidat, lors de plusieurs élections : en mars 1973 aux législatives dans le Nord, en 1977 lors des municipales à Paris, en 1978 pour les législatives.
En 1982, il est nommé au Bureau politique et en 1983, il dirige de la fédération de Paris. Il est responsable, en 1985, d’Entreprises modernes et Libertés, une structure frontiste qui regroupe des cercles catégoriels en direction des PME françaises [16]. Au congrès de Nice, en 1990, Franz Schönhubert, président des Republikaner allemand et ex instructeur de la division Charlemagne, le présente comme "Mein Waffen Bruder" (mon frère d’arme). André Dufraisse décède le 8 mars 1994. Jean-Marie Le Pen prononce son éloge funèbre : "Et toi, tu marches avec les anges, avec tes copains disparus. Ceux de ta jeunesse et de ton âge mûr : Jacques, Victor, Pierre". Le Pen fait ici référence à Doriot, Barthélémy, Bousquet. [17]
Roland Gaucher
Né Rolland Goguillot en 1919, il milite dans les années 1930 au sein d’organisations trotskystes et adhère à la Fédération des Étudiants révolutionnaires (FER) puis aux Jeunesses socialistes ouvrières (pivertiste du nom de Marceau-Pivert, dirigeant de la gauche de la SFIO). Pendant l’occupation, il rompt avec le trotskisme et la gauche pour adhérer au parti collaborationniste de Marcel Déat, le Rassemblement national populaire (RNP). II collabore au National populaire, organe de presse du RNP. Le RNP engage ses militants à "rejoindre les formations miliciennes de Joseph Darnand" et à "s’enrôler dans la LVF". Le National populaire titre : "National populaire égale national-socialisme".
Roland Gaucher se montre critique par rapport aux lois antisémites de Vichy car il les considère insuffisantes : "La législation antisémite pèche par de grands défauts. Elle n’est pas suffisante, elle n’est pas appliquée" [18]. Arrêté fin 1944 et condamné pour "intelligence avec l’ennemi" en octobre 1946, il est libéré en 1949. De 1949 à 1961, il collabore à la revue Est et-Ouest (bulletin mensuel d’études et d’informations politiques internationale : BEIPI) aux côtés de Georges Albertini [19] et de Boris Souvarine.
Dans les années 1950-60, Gaucher signent des articles dans Carrefour, le Journal des Indépendants, Écrits de Paris, l’Auto Journal, en 1969, il entre à Minute avec François Brigneau. Il participe à l’UDCA de Poujade et aux comités Tixier-Vignancour. Il appartient au comité de patronage de Nouvelle École. Il assiste aux réunions préparatoires à la création du Front national et, en 1972, il est membre du comité directeur du FN qu’il quitte en 1974 pour le Parti des Forces nouvelles (PFN) où il siège au comité central et au bureau politique, tout en écrivant dans la revue du parti : Initiative nationale.
En 1978, il participe à la campagne de l’Eurodroite qui regroupe le MSI (parti néofasciste italien) et Fuerza Nueva (parti franquiste). En 1979, il quitte en compagnie de Brigneau le PFN et réintègre le FN. Il est élu député européen en 1989 et conseiller régional de Picardie puis de Franche-Comté. Il est tête de liste FN dans le 19ème arrondissement de Paris en 1983 et 1989. En 1984, il fonde avec Michel Collinot National-Hebdo et occupe les fonctions de rédacteur en chef jusqu’en 1993. En 1991, il rachète Le Crapouillot, journal satirique d’extrême droite et publie une lettre confidentielle : "Dans la Coulisse". En 1993, il quitte le FN en raison d’un désaccord avec ce qu’il considère comme l’autocratie de Jean-Marie Le Pen. Il décède en juillet 2007 [20].
Léon Gaultier
Né en 1915, il adhère en 1936 au Parti populaire français (PPF) de Doriot. Pendant la guerre, il est un proche collaborateur de Paul Marion (ex-fondateur du PPF et rédacteur avec Doriot du programme du parti, secrétaire général à l’information à Vichy). Léon Gaultier est chroniqueur à Radio Vichy, membre de la commission de censure cinématographique. Il est un des fondateurs de la Milice. Il s’engage à la LVF et suit les cours de formation à Bad Tölz (qualifié par Jean Mabire de "saint des saints de la Waffen SS"). Lieutenant d’une unité combattante de la Waffen SS en Galicie, il est blessé en août 1944. Arrêté à son retour en France, il est incarcéré au camp du Strühof en Alsace. Condamné à 10 ans de travaux forcés en 1946, il est libéré en juin 1948.
Il participe, en 1965, au comité de soutien à la candidature de Tixier-Vignancour. Il cofonde avec Jean-Marie Le Pen la SERP (Société d’études et de relations publiques, maison d’édition de disques historiques : chants militaires, discours politiques, etc.)[21]. En 1972, il est aux côtés de Le Pen lors de la création du Front national. Il milite quelques temps au FN tout en écrivant épisodiquement dans l’hebdomadaire Rivarol. Puis il se consacre à l’écriture de ses mémoires et publie en 1991, aux éditions Perrin, Siegfried et le Berrichon : Parcours d’un collabo. Il meurt en 1997 [22].
Pierre Gérard
Blessé lors de la manifestation du 6 février 1934, il adhère aux Camelots du roi (service d’ordre de l’Action française). En janvier 1938, il organise l’antenne du Rassemblement antijuif (RAF) de Darquier de Pellepoix (antisémite notoire) à Strasbourg. Désormais, il fait partie "des hommes de Darquier" [23]. De retour à paris, il collabore aux publications du RAF : l’Antijuif puis La France enchainée. Il entre au Service de contrôle des administrateurs provisoires (SCAP), créé dans le cadre de la politique d’aryanisation de Vichy, puis il devient numéro 2 de la Direction générale de l’aryanisation économique. L’évolution de sa carrière et sa promotion sont liées à la montée en puissance de Darquier de Pellepoix, qui est nommé à la tête du Commissariat général aux questions juives (CGQJ) en mai 1942. Il aide Darquier à créer l’Union française pour la défense de la race (UFDR). Au début de l’année 1943, il se voit confier la direction de la propagande du CGQJ par Darquier.
Pierre Gérard est l’auteur de notes qui se veulent théoriques sur l’antisémitisme (Le Juif notre maître, publication du RAF en 1938 ; Le Juif : ce qu’il est, ce qu’il veut en 1943 ; Les Juifs et la guerre. Notre plus grand trésor national, c’est notre race en novembre 1943, brochure de l’UFDR non diffusée). L’UFDR a en charge une émission de radio qui s’ouvre et se ferme par la phrase : "Nous avons tout perdu. La seule richesse qui nous reste est désormais notre race". En 1939 il comparait, suite à un article publié dans La France enchaînée (1-15 juin 1939), en correctionnel pour avoir écrit que la plupart des avortements étaient pratiqués par des médecins juifs étrangers : "Les Juifs nous empêchent d’avoir des enfants". En 1949, Pierre Gérard est condamné à l’indignité nationale à vie.
En 1978, il met sa plume au service du Front national et publie "Doctrine économique et sociale du Front national", à l’occasion du 5ème congrès du FN [24]. En juin 1980, il réapparait publiquement et est nommé au poste de secrétaire général du FN après la démission d’Alain Renault et le départ des "nationalistes-révolutionnaires". Pierre Gérard se heurte aux comités Le Pen (CLP), dirigés par le tandem Stirbois-Collinot issus de la mouvance solidariste. Les CLP ont été mis en place en 1979 dans l’objectif de la candidature de Jean-Marie Le Pen à l’élection présidentielle de 1981. Pierre Gérard s’oppose à la tentative du contrôle du FN par Jean-Pierre Stirbois. Fin 1981, il cède sa place à Stirbois. Il peut être considéré comme le moins connu des secrétaires généraux du FN. Il décède en 1989 [25].
Paul Malaguti
Né en 1927, Paul Malaguti a adhéré jeune au Parti populaire (PPF). Il a appartenu au Groupe d’Action sociale pour la justice sociale du parti doriotiste. Ces groupes sont créés pour renseigner Albert Beugras, membre du bureau politique et chef du service de renseignement du parti. Replié en Allemagne avec les restes du PPF, il met sur pied des écoles de guérilla pour former des combattants susceptibles d’être parachutés en France, et est un agent particulièrement efficace au service de l’Abwehr, le contre-espionnage allemand.
À Cannes, le 15 août 1944, Malaguti montait la garde devant la villa Montfleury, QG de la Gestapo, pendant qu’à l’intérieur des Allemands et des miliciens français abattaient 8 résistants membres des FFI et des FTPF. Condamné à mort par contumace en mars 1945, il s’est engagé dans la Légion étrangère, sous le nom de Menz, et combat en Indochine. Rentré en France, il est acquitté par la cour d’assises des Alpes-Maritimes.
Pendant la guerre d’Algérie, il est trésorier du Front national pour l’Algérie française (FNAF) dirigé par Le Pen. Membre de l’OAS, il est incarcéré à la prison de la Santé. Membre du FN depuis sa création, élu au comité central, responsable d’Europaris-Conseil (bureau d’études servant au financement du FN). En 1986, il est élu conseiller régional en région Centre et une polémique éclate sur son action pendant la guerre, notamment à propos de son rôle dans l’assassinat des huit résistants. Malaguti quitte ses responsabilités au sein du FN. Il décède en 1996 [26].
Notes
[1] Consulter, Coston, Henry, Dictionnaire de la politique française, Librairie française, 1979, t 3, p 95-96.
[2] Jean Mabire, dans son livre : La Division Frankreich, le dépeint sous le pseudo de Pierre Mousquet.
[3] Le MNP regroupe des militants de la Fédération des Etudiants nationalistes (FEN) dont François d’Orcival, Alain de Benoist, Georges Schemlz, des ex membres de JN, des ex-poujadistes, tel Pierre Pauty et Jean Ribaillier, ex-JN, ex Comités de soutien d’Europe-Action, fondateur en 1963 du groupe nationaliste aux usines Renault "Unité et Travail". Le "Manifeste pour la défense de la civilisation occidentale (celle de l’homme blanc)" rédigé par le MNP est très marqué par E-A. Il faut lutter contre "la marée démographique du monde de couleur […], contre le brasage universel (qui entraine) la disparition de notre spécificité génétique, la fin du monde blanc et de sa civilisation. L’union des Blancs est nécessaire pour lutter et assurer leur survie".
[4] Militant, n° 127, décembre 1981.. Jean-Pierre Stirbois et son groupe soutiennent Israël, d’où l’accusation de "manigances talmudiques" utilisée par Pauty.
[5] Le Monde, 24 juin 1986.
[6] Cité par Fouillet, Catherine, Moi j’aime l’extrême droite, Librairie française, 1982, p 129-130.
[7] Militant, janvier 1986.
[8] Se reporter au livre de Jean-Yves Camus et René Monzat : Les droites nationales et radicales en France, PUL, 1992, p 73-74.
[9] Lebourg, Nicolas, Beauregard, Jean, Dans l’ombre des Le Pen : une histoire des numéros 2 du FN, Nouveau Monde poche, 2012, p 23-62 : "Victor Barthélémy, le passeur".
[10] Barthélémy, Victor, Du communisme au fascisme. Histoire d’un engagement politique, A. Michel, 1978.
[11] Well Allot a utilisé de nombreux pseudonymes: Julien Guernec, Mathilde Cruz, Caroline Jones, Edmund W. Eallot
[12] Interview de François Brigneau par Jean Cochet, Présent, 1985.
[13] Se reporter à Brigneau, François, Mon après-guerre, Editions du Clan, 1966, Camus, Jean-Yves, Monzat, René, Les droites nationales et radicales en France, PUL, 1992, p 61-62. Le Pape, Anne, Brigneau, Editions Pardès, collection Qui suis-je ?,2014.
[14] En 1981 pour un article dans Minute "Les silences de l’Holocauste", en 1988, il traite, dans les colonnes de National-hebdo le journaliste Philippe Alexandre de marchand de bretelles à RTL, juif assimilé de tendance centriste, reçu à 19 heures par la mama Haine Sinclair, marchande de soutiens gorge à TF1, juive de tendance socialiste. Rares sont les émissions de l’épanouie boulangère azyme où le FN, son président, ses amis ne soient pas agressés. En 1989, lors d’une émission télévisée, Le Pen avait demandé à Lionel Stoléru (centriste, secrétaire d’Etat au Plan dans le gouvernement Rocard) si "il avait la double nationalité", Brigneau, écrit dans National-hebdo : "Oser demander à Stoléru s’il avait la double nationalité, c’est une offense aux 6 millions de petits porteurs de la Grande banque d’Israël".
[15] Parmi quelques titres : "Un certain racisme juif", "Philippe Pétain", "La haine anti-Le Pen", "Mais le professeur Faurisson", "Xavier Vallat et la question juive"…
[16] La Fédération nationale EML, obtient 8 sièges aux élections prudhommales en décembre 1997. Après son départ, Dufraisse est remplacé à la direction d’EML par Jean-Marie Dubois. Camus, Jean-Yves, Le Front national : Histoire et analyses, éditions Olivier Laurens, 1996, p 55.
[17] Se reporter à Ratier, Emmanuel, Encyclopédie de la politique française, éditions Faits et Documents, 1992, p 221-223.
[18] Cité par Le Monde, le 7 mars 1992.
[19] Georges Albertini a été secrétaire général du RNP de 1942 à 1944, chef de cabinet de Marcel Déat (Ministre du travail dans le gouvernement Laval en février-août 1944). Il considère que les nazis sont "frères en socialisme". En juin 1942, dans un éditorial du National Populaire, il qualifie le communisme d’"entreprise juive".Il crée l’Institut d’Histoire Sociale (IHS). Aux côtés d’Albertini se retrouvent Guy Lemonnier (alias Claude Harmel), ex secrétaire général adjoint du RNP, Branco Lazitch, opposant à Tito, Pierre Celor et Henri Barbé (ex-communistes). Barbé a fondé sous Vichy le Front national révolutionnaire proche du RNP. L’IHS sert à recycler d’ex militants d’Occident comme Hervé Novelli, Gérard longuet, Patrick Devedjian, Xavier Raufer, Alain Madelin (qui signe des articles dans Est et Ouest sous le pseudonyme d’Alain Burgonde). Albertini met sur pied une véritable centrale anticommuniste qui transmet des analyses à la CIA. Il est en contact avec des dirigeants syndicalistes (André Bergeron, secrétaire de Force ouvrière) et politiques (Guy Mollet, n°1 de la SFIO), marqués par leur anticommunisme. Véritable "éminence grise", il devient conseiller de Georges Pompidou quand ce dernier était Premier Ministre de de Gaulle et on le retrouve dans l’entourage des conseillers de Jacques Chirac : Pierre Juillet et Marie-France Garaud. Se reporter à Lévy, Jean, Le dossier Albertini. Une intelligence avec l’ennemi, L’Harmattan, 1992 et Charpier, Frédéric, Génération Occident, Seuil, 2005, p. 177-190, p 308-324.
[20] Roland Gaucher a publié de nombreux livres parmi lesquels : Le réseau Curiel, éditions Jean Picollec, 1981 ; Proche des catholiques intégristes, Monseigneur Lefebvre, combat pour l’Eglise, Editions Albatros, 1976 ; et Les Finances de l’ Église de France, Albin Michel, 1981 ; Les nationalistes en France : La traversée du désert (1945-1983), Roland Gaucher ,t1, 1995 et t2 La montée du Front , 1983-1997, éditions Jean Picollec, en collaboration avec Philippe Randa, Des rescapés de l’épuration : Marcel Déat et Georges Albertini, éditions Dualpha, 2007.
[21] La SERP édite "Chants de la Révolution allemande". Dans la présentation du disque, on peut lire la notice suivante : "La montée vers le pouvoir d’Adolf Hitler et du parti national socialiste fut caractérisée par un puissant mouvement de masse somme toute populaire et démocratique". Le Pen, directeur de la SERP a été condamné à 2 mois de prison avec sursis et à 10 000F d’amende pour apologie de crime de guerre, le 18 décembre 1968.
[22] Se reporter à "Dely, Renaud, Le FN, côté collabos", Libération.fr, 17 juin 1996.
[23] Voir : Joly, Laurent, Darquier de Pellepoix et l’antisémitisme français, Berg international 2002.
[24] Cette publication qui développe les positions libérales en matière économique du FN et son opposition à l’interventionnisme de l’État, va bénéficier de plusieurs rééditions, notamment en 1984 sous un nouveau titre "Droite et démocratie économique" qui remplace le programme économique rédigé par Gérard Longuet en 1973.
[25] Concernant la carrière politique de Pierre Gérard , consulter : Joly, Laurent, Dénoncer les juifs sous l’occupation, Paris, 1940-1944, CNRS-Editions, 2021, nouvelle édition revue et augmentée, p. 53,170, 251. Joly, Laurent, Vichy dans la "solution finale" : histoire du Commissariat aux questions juives, 1941-1944, Grasset, 2006.Joly, Laurent, Une tentative de propagande raciste dans la France de 1943. Darquier de Pellepoix et l’Union française pour la défense de la race, Revue d’histoire de la Shoah, vol 1, n° 198, p. 195-225. Valode, Philippe, Shoah française, les responsables impunis : Vallat, Darquier, Bousquet et tous les autres ,p. 60, p ; 203, Acropole, 2016. Ory ; Pascal, Les Collaborateurs, Seuil, 1976. Callil, Carmen, Darquier de Pellepoix ou la France trahie, Buchet-Chastel, 2007.
[26]Se reporter à Historia, hors-série, n° 27, "La Gestapo en France", volume 2, Taillandier, 1971, p. 44-45. Jerosme, Pierre, De l’engagement de la nation française dans la triste aventure du gouvernement de Vichy, L’Harmattan, 1994.
📰 https://www.contretemps.eu/front-rassemblement-national-le-pen-nazisme-collaboration-vichy-petain/
◾️ ◾️ ◾️
➤ Deuxième partie : les nostalgiques de l’Algérie française
Par Jean-Paul Gautier, le 10 février 2022, ContreTemps
Le Front national fut créé pour l’essentiel à l’initiative d’Ordre nouveau. Ce groupuscule fasciste voulait utiliser Jean-Marie Le Pen – un ancien député élu lors de la vague poujadiste de 1956 – pour respectabiliser les vieilles obsessions ultra-nationalistes et racistes de l’extrême droite. Le Pen apparaissait alors comme une figure très à droite mais semblait moins ancrée dans le fascisme français et les réseaux des nostalgiques du Troisième Reich.
Le FN, devenu entretemps Rassemblement national (nom qu’il utilisa déjà en 1986 pour son groupe parlementaire), fut pourtant bien créé par un certain nombre de personnages dont la trajectoire était connue : anciens collaborationnistes proches de Déat ou Doriot, anciens membres de la Waffen SS, ex-membres de l’OAS (Organisation Armée Secrète, qui organisa de nombreux attentats en Algérie et en France), néofascistes de toutes variétés, et autres négationnistes.
Trois constellations se détachent, qui se recoupent en partie seulement : les nostalgiques du IIIème Reich et autres pétainistes tout d’abord ; les nostalgiques de l’Algérie française ensuite ; et les néofascistes des années 1960 enfin. Dans cet article, nous abordons la deuxième composante.
***
Pierre Descaves
Pied-noir né en 1924, il est engagé dans l’armée française en 1944. Son père, commissaire de police, a été assassiné par le FLN en 1958. Il s’engage, en 1961, dans l’OAS. Il participe à une série d’attentats [1]. Arrêté, il est emprisonné et interné au camp militaire de Saint-Maurice-l’Ardoise d’où il s’évade en février 1961.
Vice-président du Syndicat national de la petite et moyenne entreprise (SNPMI), il rejoint le FN en 1984 et siège au comité central et au secrétariat national aux rapatriés. De 1986 à 1988, il est député de l’Oise. En 1989, il est tête de liste du FN aux élections municipales et élu conseiller municipal à Noyon. Il se représente en 1995 et en 2001, il est de nouveau candidat sur la liste "Pierre Descaves – Noyon Renaissance", en 13ème position et n’est pas réélu. En janvier 1998, il est chargé du commerce et de l’artisanat dans le "contre-gouvernement" du FN supervisé per Jean-Claude Martinez [2] et il est élu conseiller général du canton de Noyon. Sa voix permet à Jean-François Mansel (RPR-UMP-LR) de garder la présidence du conseil général de l’Oise. Il ne se représente pas en 2004.
De 1986 à 2010, Pierre Descaves est conseiller régional de Picardie sur une liste menée par Michel Guiniot. Proche de Bruno Gollnisch, il quitte le FN et rejoint le Parti de la France (PDF) de Carl Lang. En 2009 il occupe la 5ème position sur la liste de ce dernier. Lors des régionales de 2010, il est en dernière position sur la liste départementale de la Somme. À la même époque, il signe la pétition lancée par le négationniste Paul-Eric Blanrue qui réclame l’abrogation de la loi Gayssot. En 2013, il est élu au bureau politique du PDF lors du 2ème congrès du parti.
En 2012, il participe au projet "Notre antenne" qui, en 2014, donne naissance à TV-Libertés avec Philippe Millau et Martial Bild (ex-responsable national du FNJ, ex-membre du bureau politique, ex-secrétaire national à l’information et à la communication interne du FN, celui-ci démissionne du FN et rejoint le PDF de Carl Lang en 2009). Pierre Descaves a appartenu à diverses associations d’anciens partisans de "l’Algérie française" [3] et a publié de nombreux ouvrages [4]. Il meurt en mai 2014.
Roger Holeindre dit "Popeye"
Né en 1920, à 15 ans il est membre d’une organisation scoute clandestine. Il est partisan de Pétain tout en détestant les nazis. Défenseur de l’"empire français", il participe à la guerre d’Indochine et à celle d’Algérie. En décembre 1961, il crée dans le Constantinois le "maquis Bonaparte". Arrêté, il est incarcéré en mars 1962. Condamné à 14 ans de prison, il est libéré après 3 ans et demi. Il est vice-président de l’Union nationale des parachutistes.
Il fait carrière dans la presse : grand reporter à Paris-Match, collaborateur à Magazine-Hebdo et au Figaro-Magazine. Il a publié une quarantaine de livres. Lors de l’élection présidentielle de 1965, il s’engage aux côtés de Tixier-Vignancour. Il dirige le service d’ordre des comités TV et se lie avec Jean-Marie Le Pen. En 1968, il fonde le Front uni de soutien au Sud-Vietnam. Il installe son quartier général au Cercle du Panthéon, rue Quiquampoix, fréquenté par Alain Madelin, Claude Goasguen, Gérard Longuet, membres d’Occident et de la Fédération des étudiants nationalistes [5].
Après Mai 68, il lance le bulletin Contrepoison et le groupuscule des Jeunesses patriotes et sociales (JPS). Le 2 mai 1969, lors d’un tractage devant le lycée Louis Le Grand, avec Jean-Gilles Maliarakis de l’Action nationaliste, des affrontements éclatent avec les lycéens antifascistes. Un lycéen est gravement blessé à la main. Holeindre est arrêté et mis en détention provisoire. En mars 1970, les JPS se transforment en Parti national populaire. Holeindre en est le président et Pierre Bousquet le secrétaire général. En janvier 1971, le PNP fusionne avec l’Union pour le progrès et les libertés (ex-texieriste) au sein du Parti pour l’unité française. Toutes ces tentatives restent à l’état groupusculaire.
Partisan de l’unité de l’extrême droite, son restaurant Le Bivouac, rue Saint-Honoré, prend la suite du Cercle du Panthéon et sert de point de rencontre pour les divers groupuscules d’extrême droite, dans le but de réaliser une éventuelle unité. En 1972, lors de la formation du FN, il est secrétaire général adjoint. Après le départ d’Ordre Nouveau, il entre au bureau politique du FN et en assure la vice-présidence de 1973 à 1978. Il est responsable du service d’ordre et directeur de l’organisation des meetings.
En 1985, il crée le Cercle national des combattants qui regroupe des anciens combattants d’Indochine et d’Algérie, et son organisation de jeunesse les Cadets de France et d’Europe (scouts version Holeindre). En 1986, il est élu député de Seine-Saint-Denis sous l’étiquette Rassemblement national (il fait partie des 35 députés de la liste RN). Battu en 1988, il est élu de 1989 à 2001 conseiller municipal de Sevran, conseiller régional d’Ile de France de 1992 à 1998 puis de 2004 à 2010.
Il est l’un des animateurs de la campagne pour le "Non" au référendum sur le statut de la Nouvelle Calédonie en 1988. Il soutient Jean-Marie Le Pen contre Bruno Mégret lors du conflit puis de la scission, et mène la liste FN pour les élections territoriales en Corse. Il soutient Bruno Gollnish face à Marine Le Pen, en 2011 lors du 14ème congrès du FN à Tours. Opposé à la politique dite de "dédiabolisation" menée par le Présidente du FN, il annonce, le 15 janvier 2011 : "Je quitte le Front national", car "Marine le Pen n’incarne en rien les valeurs que je défends depuis toujours".
Il adhère au Parti de la France (PDF) de Carl Lang, siège au bureau politique en 2013 et est nommé vice-président d’honneur du PDF. Il essaie de maintenir un fantomatique CNC. Référence pour l’extrême droite, il participe aux journées de la revue Synthèse nationale et décède en janvier 2020. Jean-Marie Le Pen évoque alors "un frère de cœur, d’esprit, d’action". Bruno Gollnish prononce l’éloge funèbre et loue la "ténacité" et "la 'droiture' de Roger Holeindre et dénonce le "grand remplacement démographique de la France" [6].
Pierre Sergent
Né en 1926, élève au lycée Henri IV, membre, avec son frère d’un réseau de résistance, il appartient en 1943 au corps-franc Liberté, formé de lycéens et qui, dénoncé, sera en grande partie démantelé. En juin 1944, il rejoint un maquis en Sologne. En 1947, il entre à Saint-Cyr et fonde la revue des élèves de Saint Cyr. Il se lie d’amitié avec Arnaud et Bertrand Gorostarzu (futurs activistes de l’OAS). Il participe aux deux guerres coloniales en Indochine et en Algérie.
Partisan de "l’Algérie française", il soutient les émeutiers lors de la semaine des barricades, du 24 janvier au 2 février 1960 à Alger et est en contact avec deux chefs des émeutiers : Pierre Lagaillarde et Jo Ortiz (futurs fondateurs de l’OAS à Madrid). Il est affecté au 1er REP (bérets verts), commandé par le commandant Hélie de Saint-Marc et basé au camp de Zéralda. Il participe au putsch dans la nuit du 22 juin 1961. Il est en contact avec le lieutenant Degueldre, futur chef des tueurs de l’OAS commandos Delta, le colonel Godard, créateur de l’organigramme de l’OAS et membre du conseil supérieur de l’OAS, et le colonel Gardes, ancien responsable du 5ème Bureau d’Alger chargé de l’action psychologique, chef de la branche de l’OAS dite l’Organisation des Masses (OM), et membre du conseil supérieur de l’organisation.
Pierre Sergent est présent en avril-mai 1961 à la réunion qui se tient à Alger et qui va relancer l’OAS après l’échec du putsch. Sont présents Godot, Garde, Susini, Perez, Gardy, Degueldre. II s’interroge sur l’opportunité de livrer les combats en Algérie ("Puisque l’Algérie c’est la France, c’est à Paris qu’il faut se battre !" [7]), pour obtenir le retrait de De Gaulle et obtenir un changement de gouvernement. Cependant, l’OAS va rencontrer des difficultés d’implantation, en particulier parce qu’elle est loin d’avoir la même implantation qu’en Algérie.
Pierre Sergent va bénéficier du réseau mis en place par Jacques Carpentier, responsable de l’Union royaliste d’Algérie (URA) pour faire passer clandestinement des militaires d’Alger en Métropole. Il arrive à Paris le 3 juin. Il n’a pas de projet très précis. Ses préoccupations sont essentiellement matérielles (planques, argent, faux papiers) et liées à la clandestinité, car les cadres de sa mission n’ont pas été définis. Il est pris en charge par les royalistes de la Restauration nationale : "Je longe la rue Croix des Petits-Champs, cherche le numéro 10. Rapide coup d’œil en arrière, je sonne, un battant de la porte cochère s’ouvre automatiquement. Au second étage de cet immeuble vétuste dont l’escalier est faiblement éclairé, je lis sur une porte Aspects de la France. C’est là. Pierre Juhel et Louis-Olivier de Roux, président de l’Action française me procurent mon premier logement clandestin en Métropole".
Il reprend la structuration de l’OAS en Algérie. Jean-Marie Curutchet dirige l’ORO (Organisation renseignements-opérations), il est secondé par Godot, Laurent Laudenbach, responsable de l’APP (Action psychologique et propagande), patron des éditions de la Table ronde, rédacteur à L’Esprit public (vitrine légale de l’OAS en Métropole), avec Hubert Bassot, Raoul Girardet, Jules Monnerot, Jean Brune, Philippe Héduy, Philippe Marçais, Marcel Kalflèche, Nicolas Kayanakis, responsable de l’OAS-Métro-Jeunes. Pierre Sergent s’oppose à André Canal, dit Le Monocle (chef de la Mission III), qui revendique l’autorité entière sur l’OAS en Métropole.
Considéré comme déserteur à compter du 20 avril 1961, Pierre Sergent va être condamné à mort par contumace par le Tribunal militaire spécial. Le 20 mai à Rome, il crée le Comité exécutif du Conseil national de la Résistance (CNR) présidé par Georges Bidault, avec Antoine Argoud et Jacques Soustelle qui a en charge les relations extérieures. Il se réfugie en Suisse puis en Belgique. Après l’arrestation d’Argoud, Sergent prend la direction du Conseil national de la Révolution. Le 31 juillet 1968, il bénéficie de la loi d’amnistie et rentre en France en octobre 1968. Il prend alors la direction du Mouvement Jeune Révolution (créé en 1966 par des ex OAS-Métro). Le MJR déclare : "Pierre Sergent demeurait pour nous le symbole du combat qui continuait contre le régime gaulliste". Le MJR veut "offrir au pays une troisième voie entre un capitalisme et un communisme également dépassé et milite pour la formation d’un « Front révolutionnaire, qui a maintenant un chef, Pierre Sergent" [8].
En 1969, il s’éloigne du MJR. En juin 1969, Sergent et Pierre Durand (ex-trésorier adjoint de la campagne de Tixier-Vignancour) lancent Le Défi avec Claude Joubert (ex OAS-Métro et ex-présentateur du journal télévisé). Il participe à la campagne de Giscard d’Estaing lors des élections présidentielles de 1974. En 1983, il adhère au Centre national des Indépendants et Paysans (CNIP).
En 1985, il rejoint le FN et est chargé d’implanter le mouvement dans les Pyrénées orientales Il est élu député dans ce département en 1986, sous l’étiquette du Rassemblement national mené par Le Pen. Il siège également au conseil régional du Languedoc et permet, avec sept autres élus frontistes, l’élection de Jacques Blanc à la présidence de l’assemblée régionale. Il est candidat en 1989 à l’élection municipale à Perpignan et aux élections européennes sur la liste Europe et Patrie. En 1990, il soutient, en désaccord avec la ligne du FN, l’intervention en Irak. Pro-sioniste, il soutient Israël. En 1992, il est réélu au Conseil régional Languedoc-Roussillon. Il décède en septembre 1992.
Jean-Jacques Susini
Né en 1933, Jean-Jacques Susini entre très tôt en politique. En 1948, il adhère au RPF du général de Gaulle et devient responsable du groupe étudiant d’Alger. En 1956 il est séduit par les sirènes du poujadisme. À Lyon, il participe à des groupes francs pour contrer la propagande pro-FLN. Il se rapproche du groupuscule néofasciste Jeune Nation de Pierre Sidos et Dominique Venner, puis il fonde le Mouvement national étudiant qu’il va exporter en Algérie sous l’appellation de Mouvement nationaliste étudiant.
À Alger il prend contact avec le cafetier poujadiste Jo Ortiz et adhère au Front national français (FNF) dont il rédige les tracts et les communiqués. Susini théorise l’idée de l’installation d’une dictature militaire, de la création "d’un État fort sans Parlement". En 1959, il est élu Président de l’Association générale des étudiants d’Alger (AEGA) avec l’appui de Pierre Lagaillarde. Après le rappel à Paris du général Massu, suite à sa déclaration dans la presse allemande où il déclare "ne plus comprendre la politique de De Gaulle en Algérie" et envisage une intervention de l’armée, Susini déclare : "S’il le faut, les Algérois iront chercher Massu à Paris. L’armée d’Afrique qui a libéré la métropole est prête à se libérer elle-même".
Arrêté après la semaine des barricades en novembre 1960, il s’enfuit et se réfugie à Madrid, dans l’Espagne de Franco, où il retrouve le général Salan, Pierre Lagaillarde, Jo Ortiz, Marcel Ronda et participe à la création de l’OAS dont il est responsable de la branche Action psychologique et propagande (APP). Il déclare : "Le premier créateur de l’OAS, ça a été le général de Gaulle" [9]. Lors du Putsch des généraux, Jean-Jacques Susini est de retour à Alger. Après l’échec du putsch, Susini participe, à Alger, à la réunion de relance de l’OAS avec le Général Gardy, le colonel Godard, le capitaine Pierre Sergent, les lieutenants Roger Degueldre et Daniel Godot, avec le soutien de l’industriel André Canal dit "Le Monocle".
Une direction collégiale est mise en place sous la direction de Salan. Trois branches sont créées : l’Organisation des masses (OM) dirigée par Gardes, l’Organisation Renseignements-Opérations avec Jean-Claude Pérez et le Comité politique avec Gardy et Susini. En réalité, le tandem Salan-Susini va devenir le moteur de l’OAS [10]. Les jugements à l’égard de Susini sont très divers, voire opposés. Pour Paul Hénissart, "il avait l’obsession d’une insurrection populaire qui ferait naître une armée de soldats-citoyens sur le modèle de l’armée israélienne et emploierait les méthodes d’organisation des groupes fascistes". Quant à Anne Loesch, elle voit chez Susini "le prototype du mafiateur, une sorte de petit Talleyrand sans imagination" [11].
Après la signature des accords d’Évian (18-19 mars 1962), l’OAS est à la recherche d’un accord avec le FLN. Susini et Gardes prennent contact avec Abderrah Farès (Président de l’Exécutif provisoire) et le docteur Mostefaï (membre de l’Exécutif). La position de Susini se résume à : "La paix en Algérie par la réconciliation dans l’honneur et la dignité". Une trêve des attentats est décrétée à partir du 31 mai et va être rompu par l’OAS le 7 juin qui pratique la politique dite de "la terre brûlée". Un accord est annoncé le 17 juin qui stipule, entre autres, la reconnaissance des accords d’Évian, la participation des européens à la force de l’ordre locale. C’est un échec. Cet accord aggrave les tensions au sein l’OAS et est refusé par l’OAS d’Oran.
Susini est condamné deux fois à la peine de mort par contumace par la Cour de sureté de l’État, il se réfugie en Italie et en 1964, il lance à Genève un nouvel hebdomadaire avec Hubert Bassot, Raoul Girardet et Jacques Laurent : Cent soixante huit heures (en référence à la durée des barricades à Alger en 1960). Il rentre clandestinement en France en 1967 et bénéficie de l’amnistie prononcée en 1968. En avril 1969, il reprend ses études de médecine et de sciences économiques ainsi que ses activités politiques et crée la Fédération du Sud des Français rapatriés avec Marcel Zagamé (ex-Jeune Nation, un des organisateurs du Front nationaliste et de ses groupes armés en Algérie) et Louis Bertolini (alias "capitaine Benoît" à l’OAS). Les mêmes lancent en mai 1969 l’Association des Anciens Détenus et Exilés Politiques (AADEP).
Soupçonné d’avoir participé à des braquages dans le midi de la France entre juin 1969 et janvier 1970, Susini va connaître de nouveaux démêlés avec la justice. La principale affaire dans laquelle Susini est interpelé et gardé à vue est celle de l’enlèvement à Malakoff, le 28 décembre 1968, de Raymond Gorel, ex-trésorier de l’OAS. Son corps est "coulé dans le béton" et jeté dans la Méditerranée. Il est inculpé en octobre 1972 pour "recel de cadavre" et remis en liberté provisoire en septembre 1974. Cet épisode lui vaut de profondes inimitiés chez les ex-membres de l’OAS (en particulier à l’Association pour la défense des intérêts moraux et matériels des anciens détenus politiques : ADIMAD, dont Gardes a été président). En 1982, il est directeur général de la Société d’études et de gestion en sécurité, puis PDG en 1987.
En 1997, il adhère au FN et devient membre du Bureau politique et secrétaire de la fédération des Bouches du Rhône. Il est très populaire, comme Pierre Sergent, au sein du FN en raison de son passé à l’OAS. En 1997, il se présente aux élections législatives, dans la 5ème circonscription de Marseille (battu au second tour par Guy Hermier candidat du PCF), puis aux élections européennes en 1999. En 1998, il est élu conseiller régional en PACA. Après la scission du FN, il est chargé par Le Pen de contrer Bruno Mégret à Marseille [12]. Il est l’auteur d’une Histoire de l’OAS aux éditions de La Table Ronde (seul le tome 1 a été publié en 1963). Il meurt en juillet 2017. Bruno Gollnisch le considère comme "un grand nom du combat national" [13].
Notes
[1] Le Monde, 22 janvier 1992.
[2] Le Monde.fr, 29 janvier 1998, Jean-Marie Le Pen réunit son "pré-gouvernement".
[3] Il a été un des vice-présidents de l’Anfanoma (Association nationale des Français d’Afrique du Nord et d’Outre-Mer et leurs armes), membre du Comité d’action pour le respect de la mémoire des civils et militaires morts pour l’Algérie française et a appartenu au comité d’honneur de Jeune Pied Noir qui a mené des campagnes "Non aux rues du 19 mars 1962", "Hommage aux harkis".
[4] Parmi lesquels : La Salsa des cloportes, édition Déterna, 2006, préface de Bruno Gollnisch ; Une autre histoire de l’OAS : Topologie de la désinformation, Atelier Fol’Fer, 2008.
[5] Le 28 avril 1968, un commando maoïste attaquera, rue de Rennes, l’exposition du Front uni de soutien au Sud-Vietnam, consacrée aux "crimes du Vietcong". L’exposition est saccagée et Holeindre molesté.
[6] Christophe Forcari, "Mort de Roger Holeindre, vieux de la vieille garde du FN", 30 janvier 2020, Libération-fr. Abel Mestre, « Roger Holeindre, un des fondateurs du FN est mort », 30 janvier 2020, Le Monde.fr.
[7] Cité par Oilivier Dard, "Voyage au cœur pour obtenir le retrait de de Gaulle et un changement de gouvernement de l’OAS", Tempus, 2011, p 114-115. Sur l’OAS, se reporter à Rémi Kauffer, OAS, histoire d’une organisation secrète, Fayard, 1986, Anne-Marie Duranton-Crabol, Le temps de l’OAS, Complexe, 1995 et L’OAS, la peur et la violence ainsi que Alain Ruscio, Nostalgérie, l’interminable histoire de l’OAS, La Découverte, 2015.
[8] Jeune Révolution (périodique du MJR) n° 10, janvier-février 1968 : "Pour le vivant d’un capitaine", n° 14, août-septembre 1968, "Pierre Sergent revient". Jean-Pierre Stirbois, était membre du MJR avant d’être secrétaire général du FN.
[9] Bertrand Le Gendre, "Confessions du numéro 2 de l’OAS, entretien avec le numéro 2 de l’OAS", Jean-Jacques Susini, éditions Les Arènes, 2012.
[10] Pascal Gauchon, Patrick Buisson, OAS, préface de Pierre Sergent, éditions Jeune Pied-Noir, 1984, p 64.
[11] Paul Hénissart, Les combattants du crépuscule, Grasset, 1970, p 39. Loesch, Anne, (OAS), La valise ou le cercueil, Plon, 1963, p 173-174.
[12] Des actions commando ont été menées contre la permanence de Bruno Mégret.
[13] Français d’Abord, n° 291 (lettre d’information du FN).
📰 https://www.contretemps.eu/front-national-algerie-colonialisme-le-pen/
◾️ ◾️ ◾️
➤ Troisième partie : les néofascistes
Par Jean-Paul Gautier, le 6 avril 2022, ContreTemps
Le Front national fut créé pour l’essentiel à l’initiative d’Ordre nouveau. Ce groupuscule fasciste voulait utiliser Jean-Marie Le Pen – un ancien député élu lors de la vague poujadiste de 1956 – pour respectabiliser les vieilles obsessions ultra-nationalistes et racistes de l’extrême droite. Le Pen apparaissait alors comme une figure très à droite mais semblait moins ancrée dans le fascisme français et les réseaux des nostalgiques du Troisième Reich.
Le FN, devenu entretemps Rassemblement national (nom qu’il utilisa déjà en 1986 pour son groupe parlementaire), fut pourtant bien créé par un certain nombre de personnages dont la trajectoire était connue : anciens collaborationnistes proches de Déat ou Doriot, anciens membres de la Waffen SS, ex-membres de l’OAS (Organisation Armée Secrète, qui organisa de nombreux attentats en Algérie et en France), néofascistes de toutes variétés, et autres négationnistes.
Trois constellations se détachent, qui se recoupent en partie seulement : tout d’abord les nostalgiques du IIIème Reich et autres pétainistes ; ensuite les nostalgiques de l’Algérie française de l’autre ; et enfin les néofascistes. Dans cet article, nous abordons cette troisième composante.
***
François Duprat [1]
Né en 1940, François Duprat, diplômé en histoire en 1963 puis professeur de relations internationales à l’Institut de relations publiques de Paris, a enseigné au collège de Caudebec-en-Caux.
Adhérant d’abord à l’Union de la gauche socialiste, il milite en 1957 à la section de Bayonne de Jeune Nation. En 1958, il est responsable national des étudiants du Parti nationaliste. En 1960, il est co-fondateur de la Fédération des étudiants nationalistes (FEN) dont il est exclu en 1964. Il collabore aux Cahiers universitaires, publication de la FEN. Dans Paris-Droit-Université, journal lié à la FEN, en septembre 1962, il a publié, sous le pseudonyme de François Solchaga, un des premiers compte-rendu des activités négationnistes de Harry Elmer Barnes [2]. En 1964, il est arrêté et inculpé pour reconstitution de ligue dissoute lors du procès de l’ex-Jeune Nation et écroué à la Santé.
Après sa rupture avec Europe-Action, il entre au bureau politique d’Occident où il est chargé de la propagande. En 1967, il est exclu par Alain Madelin car soupçonné d’être un indicateur. Il a collaboré à une multitude de publications d’extrême droite : Europe-Action, l’Observateur européen, le Soleil de Pierre Sidos, Défense de l’Occident de Maurice Bardèche, le Combat européen de Pierre Clémenti (ex-chef du parti collaborationniste-Le Parti Français National Collectiviste et membre du Comité central de la LVF), le National, Minute, Rivarol, Année Zéro [3]. Il a été directeur des Cahiers européens hebdomadaires et de la Revue d’Histoire du Fascisme.
En mars 1965, il est recruté pour s’occuper de la propagande de Moïse Tshombé à l’agence de presse congolaise et conseiller à la Sureté nationale congolaise. Durant la guerre du Biafra, il met en place un comité anti-Biafra : le Comité France-Nigéria. Représentatif d’un "antisionisme d’extrême droite", il dénonce dans Défense de l’Occident, en février 1967, "l’agression israélienne" et lance pendant la guerre des Six Jours, un éphémère et groupusculaire Rassemblement pour la libération de la Palestine. Il entretient des contacts avec le FPLP, le Fatah, et vraisemblablement avec le Parti populaire syrien.
Dès la fondation d’Ordre nouveau (ON), il appartient au cercle dirigeant, siège au bureau politique, responsable de la propagande d’ON et de sa presse. Il est candidat aux élections municipales dans le 5ème secteur de Paris en mars 1971. En juin 1972, au 2ème congrès du mouvement, il est responsable du rapport visant à la création du Front national. Exclus de ces deux formations, il est ensuite réintégré au FN. Après la dissolution d’ON et la création du PFN (Parti des forces nouvelles, scission du FN), il reste fidèle à Le Pen. Il siège au bureau politique et préside la Commission électorale du parti.
Il anime, avec Alain Renault, la tendance nationaliste-révolutionnaire au sein du FN et monte, une structure parallèle : les Groupes nationalistes-révolutionnaires (GNR). Le Pen ouvre les portes du FN aux NR et déclare que "la place des Nationalistes-révolutionnaires est au sein du Front national qui autorise la double appartenance et respecte les choix idéologiques de ses adhérents". Les NR vont noyauter le FN. Par manque de militants, le FN ouvre ses portes aux néofascistes et derrière Duprat les NR vont coloniser le FN, soutenus par les doctrinaires du journal Militant (qui devient l’organe officiel du FN).
Jean Castrillo, de Militant, en déroule le film : "Duprat a donné l’impulsion au Front. En un certain sens cela nous arrangeait. Cela renforçait le courant NR". Duprat, en cas de victoire de la gauche, aux futures élections législatives de mars 1978, était partisan d’une stratégie de déstabilisation semblable à celle menée au Chili contre l’unité populaire d’Allende par le mouvement d’extrême droite Patria y Libertad et souhaitait constituer des groupes de combat dans cette perspective.
En mars 1978, à la recherche de candidats et à l’initiative de Duprat, le FN ouvre ses portes aux néonazis. Marc Fredriksen, leader de la Fédération d’action nationale et européenne (FANE) est candidat du FN en Seine-Saint-Denis, ainsi que Michel Faci (dit Leloup). Il se produit un rapprochement entre la FANE et Duprat puisqu’en octobre 1974 les Cahiers européens fusionnent avec le mensuel de la FANE, Notre Europe, et Marc Fredriksen devient co-directeur des Cahiers jusqu’en mai 1975.
C’est Duprat qui met à l’ordre du jour le thème de l’immigration dans le programme frontiste, qui apparait dans la campagne des élections municipales de 1977. Philippe Solliers, dans un article du Salut public – organe théorique des groupes NR – insiste sur l’importance de la campagne sur l’immigration et sa portée à long terme : "Il n’est pas exclu que l’on constate dans quelques années que cette campagne a marqué un véritable tournant dans la vie de l’opposition nationale" [4].
Dans le numéro 4 des Cahiers européens mensuels, en décembre 1976, on pouvait lire, dans l’article "Immigration : non, rapatriement oui" que l’immigration entraine une hausse massive du pourcentage d’enfants étrangers naissant en France et "un processus de destruction de notre peuple". La solution pour les NR exige le rapatriement des immigrants assorti d’une aide au retour et la nécessité absolue et vitale de "mettre fin à un processus de ruine de notre peuple et de notre nation".
Dans Le Manifeste nationaliste–révolutionnaire, texte de base des NR, publié en 1978, il est précisé que "le nationalisme révolutionnaire envisage la France comme une nation colonisée qu’il est urgent de décoloniser". Si Duprat se considère antisioniste, il a du mal à cacher son antisémitisme. Déjà, à l’époque, Occident voyait chez les militants d’extrême gauche dont "les origines sont définies par le nom, une bande de malfaiteurs, au teint olivâtre et aux cheveux crépus […] une poignée de Slaves et d’Orientaux détraqués". Duprat s’en prend notamment aux dirigeants trotskistes de la Jeunesse communiste révolutionnaire (JCR) :
"Cette attitude peut s’expliquer chez eux par le recrutement ethnique. Vingt-trois membres de leur comité central sur vingt-cinq sont d’origine israélite […]. Chez ces gens, c’est une monomanie névrotique". [5]
Duprat a été un des vecteurs de la diffusion des écrits négationnistes en France. Dans son Histoire des SS, publié en 1967, la quatrième de couverture le présente comme un historien appartenant à la "nouvelle école révisionniste", qui étudie la Seconde guerre mondiale en dénonçant "un certain nombre d’idées reçues" dont les chambre à gaz. En 1967, il signe un article dans Défense de l’Occident, titré "Le mystère des chambres à gaz". Les publications diffusées par la librairie des Cahiers mentionnent les premières traductions des auteurs négationnistes dont Le mensonge d’Auschwitz de l’ancien gardien du camp d’Auschwitz, Thies Christophersen ; La mystification du vingtième siècle d’Arthur Butz, livre publié aux Etats-Unis) ; ou encore la brochure Six millions de morts le sont-ils réellement ?, de Richard E. Harwood (pseudonyme de Richard Verrall)[6].
François Duprat a été assassiné dans des circonstances non élucidées le 18 mars 1978. National-Hebdo lui rend un hommage appuyé :
"En tant qu’historien soucieux de vérité historique, tes patientes études t’avaient amené à remettre en question "ces mensonges nourriciers" […]. Tu faisais partie […] de l’école révisionniste […]. Aujourd’hui, où tout le monde a à la bouche le mot de "liberté", c’est par l’interdit, les procès et enfin le coup de la bombe, que certains prétendent réfuter une thèse de l’Histoire".
Duprat a été l’un des principaux dirigeants de l’extrême droite en France dans les années 1960-1970. Collaborateur ou rédacteur de nombreuses publications françaises ou étrangères, il a été le théoricien du "nationalisme-révolutionnaire" et un propagandiste du négationnisme. Il a publié de nombreux ouvrages [7].
Alain Renault
Né en 1948, Alain Renault, ancien membre lui-aussi de la Fédération des étudiants nationalistes (FEN), a été également membre du conseil national et du secrétariat d’Ordre nouveau (ON). Après la rupture entre ON et Le Pen, Alain Renault et son compère François Duprat, chef de file des Nationalistes-Révolutionnaires (NR), vont noyauter le FN. Avec Duprat, il a été un grand admirateur du groupuscule néofasciste italien Ordine Nuovo et souhaitait la création d’un parti néofasciste en France. Il a participé à la rédaction des Cahiers européens.
Aux municipales de 1977, le FN présente des listes soit sous ses propres couleurs (comme à Paris avec 18 listes "Paris aux Parisiens"), soit dans certaines villes du Sud sur des listes d’union avec la droite, ce qui lui permet d’obtenir quelques élus (Toulouse, Millau, Villefranche-sur-Mer). Des militants frontistes sont également présents sur des listes similaires (Mérignac, Antibes, Talence, en Corse et dans le Calvados). Cela provoque quelques grincements de dents chez les NR. Duprat et Renault calment leurs troupes en expliquant que leur présence au FN, baptisée pour la circonstance "Front-uni des patriotes" vise à regrouper toutes les composantes de l’extrême droite "au sein d’un même parti avant de passer à l’offensive révolutionnaire".
À la mort de Duprat, il tente de relancer le courant nationaliste-révolutionnaire et va exercer les fonctions de secrétaire général du FN d’avril 1978 date de l’arrivée des solidaristes du groupe Stirbois, jusqu’à son départ du FN en 1981 avec le groupe du journal Militant. Il est remplacé au poste de secrétaire général par Stirbois. En mars 1979, il participe à un meeting avec Pierre Pauty et Le Pen sur le thème : "Halte au racisme anti-français".
Antisémite et négationniste, en 1978, il a écrit dans Défense de l’Occident un article consacré à la rafle du Vel-d’Hiv en juillet 1942. Concluant que l’on a exagéré l’événement, il explique ainsi le faible nombre de survivants rentrés en France : "Pourquoi un juif réfugié de Hongrie et arrêté à Carcassonne avec une valise en carton, ou le juif fuyant la Roumanie avec un baluchon seraient-ils revenus en France les hostilités terminées ?". En septembre 1980, au lendemain d’un attentat antisémite à Anvers, il s’étonne dans Militant :
"Autre bombe, celle d’Anvers. Plus exactement, une grenade jetée distraitement par un Palestinien sur un groupe d’adolescents juifs, progénitures en ballade des diamantaires d’Anvers. Remarquez tout d’abord qu’on peut s’étonner de l’existence d’une descendance chez cette intéressante communauté de modestes tailleurs de verroterie, puisqu’on nous affirme qu’elle fut entièrement exterminée par les vilains SS du défunt Führer. On ne saurait, c’est bien connu, discuter de la véracité de l’Holocauste : il doit donc s’agir d’une génération spontanée".
En 1990, après le dépôt de bilan de Minute, il fait partie de l’équipe de repreneur de l’hebdomadaire d’extrême droite. En 1992, il reprend avec Roland Gaucher le journal Le Crapouillot. Il a épousé la veuve de François Duprat. Alain Renault a publié de nombreux ouvrages [8].
Alain Robert
Né le 9 octobre 1945 à Paris, Alain Robert a adhéré en novembre 1962 à la Fédération des étudiants nationalistes (FEN) dont il a été un des dirigeants du secteur lycéen. Il a géré la section parisienne avec Gérard Longuet et Alain Madelin. Il s’est illustré pour avoir participer à des agressions contre des lycéens parisiens du Lycée Buffon. Les militants de la FEN se considéraient "comme les chevaliers, nous sommes des hommes de fer. Les nationalistes sont et demeureront dans le pays les hommes de fer de l’Occident" [9].
Il participe, en 1964, à la création d’Occident [10] avec Pierre Sidos, Alain Madelin, Gérard Longuet (l’idéologue du mouvement), Patrick Devedjian, François Duprat, Xavier Raufer (Christian de Bongain), Jacques Bompard, Gérard Ecorcheville, Jack Marchal. Il est responsable politique et militaire. En 1965, il soutient la candidature de Tixier-Vignancour. Après l’échec de Tixier-Vignancour, Occident quitte les Comités Jeunes de Tixier-Vignancour. En 1965, un tract d’Occident, présente le mouvement comme "la formation de combat de l’opposition nationale".
Le choix stratégique d’Occident pour se faire connaitre est le recours systématique à la violence. Le 8 mai 1964, Occident attaque le meeting anticolonialiste, organisé à la Mutualité par des étudiants africains dans le cadre de la journée de solidarité des peuples d’Afrique et d’Asie. Pour Occident, il est hors de question de tolérer des "réunions antifrançaises". Un commando attaque le cinéma Le Savoie où se tient un spectacle co-organisé par la CGT et l’UNEF : "Chansons pour la paix".
Occident se veut essentiellement un mouvement de jeunes :
"Le propre de la jeunesse, c’est de remplacer la gérontocratie : voilà le sens de l’histoire. Le nationalisme c’est la jeunesse au pouvoir […]. La seule force capable de consentir des sacrifices pour reconstruire la nation" [11].
En novembre 1965, c’est la rupture avec Sidos. Alain Robert suit l’équipe emmenée par Madelin, Longuet, Asselin et prend le contrôle d’Occident et lance Occident-Université. La guerre du Vietnam entraine une mobilisation de la jeunesse aux États-Unis et gagne l’Europe occidentale, conduisant à des affrontements violents avec les groupes de la gauche révolutionnaire. Occident choisit le camp américain et sud vietnamien et scande : "Les rangers à Hanoï".
Des attaques contre des réunions sur le thème de la paix au Vietnam ont lieu à Paris et en province. En janvier 1967, à Rouen, sur le campus de Mont-Saint-Aignan, un commando d’Occident venu de Paris et dirigé par Alain Robert agresse et blesse des militants des Comités Vietnam [12]. Les militants des Comités Vietnam (auxquels participe notamment la Jeunesse Communiste Révolutionnaire) et des Comités Vietnam de base (maoïstes) rendent coup pour coup [13].
Après avoir mis à sac des locaux des étudiants de la FGEL, Occident annonce son intention de tenir un meeting à Nanterre, alors que deux journées anti-impérialistes sont prévues sur la faculté. La gauche révolutionnaire se mobilise : "Fascistes qui avez échappé à Dien Bien Phû, vous n’échapperez pas à Nanterre". Le doyen de la faculté décide de fermer la faculté devant le risque d’affrontements graves. Le 3 mai, les étudiants privés de leur base nanterroise se rabattent sur la Sorbonne. Alain Robert, Madelin et les troupes de choc d’ Occident marchent sur la Sorbonne afin de la "nettoyer".
Mai 68 débute et sera fatal à Occident. Complètement dépassée et surprise par le déclenchement de Mai 68, l’extrême droite est incapable d’adopter une position commune et de peser de manière significative sur la situation. Les dirigeants d’Occident divergent sur la position à adopter. Faut-il participer à la lutte aux côtés des gauchistes ou s’allier au régime qui, de leur point de vue, avait bradé l’Algérie française, pour lutter contre le bolchévisme. Madelin et Robert sont opposés à toute participation aux manifestations, prêts à se transformer en supplétifs de la police et à s’allier au régime.
Jusqu’à la mi-mai, Occident participe, aux côtés des royalistes de la Restauration nationale et des maigres troupes de Roger Holeindre aux manifestations de l’extrême droite sur les Champs-Elysées. Des heurts éclatent entre les royalistes et Occident. Occident se joint à la manifestation appelée par le Front national anticommuniste de Tixier-Vignancour, le 20 mai, de La Madeleine à la gare Saint Lazare. Le 22 mai Occident attaque le siège de l’Humanité et veut marcher sur la Quartier latin. Après l’échec de son commando sur Sciences Po, Occident disparait des radars jusqu’au 30 mai.
Certains de ses membres vont participer à la grande manifestation de soutien à de Gaulle sur les Champs-Élysées ; d’autres, tel François Duprat, dénoncent la présence d’Occident "défilant sous un drapeau frappé de la croix celtique, mêlé aux gaullistes". Le 4 juin, Occident participe à la manifestation des étudiants gaullistes, des heurts éclatent entre le service d’ordre et Occident. Le 12 juin, le gouvernement interdit les organisations d’extrême gauche. L’extrême droite, et en particulier Occident, ne fait pas partie de la charrette. Le Garde des Sceaux, René Capitan, ne considère pas ce groupe néofasciste comme "un mouvement subversif" même si "parfois il a employé la violence". Occident multiplie les actions de commando : attaque du siège du SNESUP, du journal Action, plasticage de la librairie maoïste rue Gît le Cœur. Le 1er novembre, le gouvernement se décide à interdire Occident.
Après la dissolution d’Occident, le Groupe Union-Droit (GUD) [14] naît d’une initiative d’Alain Robert et prend pour base la faculté d’Assas en décembre 1968. Une vingtaine d’ex-Occident le rejoint. Alain Robert entend lutter "contre la contamination marxiste". Assas doit être "un nid de résistance", une sorte de Nanterre inversée en chassant définitivement l’extrême gauche du campus universitaire. Comme le note Jack Marchal, un des fondateurs du GUD, l’appel va être entendu :
"Occident venait d’être dissous, Alain Robert voulait éviter la dispersion des militants. Il s’agissait de se replier sur une faculté en attendant de créer une nouvelle organisation politique : Ordre nouveau. Assas présentait deux avantages : une population étudiante aisée plutôt à droite et, en tant que faculté de droit, elle attirait plutôt des partisans de l’ordre. Bref, le milieu était favorable".
Le but du GUD est de "réaliser l’unité de la jeunesse face aux vieilles structures sclérosées". Le GUD se choisit une mascotte : le rat noir dont Jack Marchal est un des initiateurs. De Groupe Union-Droit, le GUD se transforme en Groupe Union et Défense. Et va être la force de pénétration d’Ordre nouveau (ON) [15] dans les universités. Il participe activement à la préparation du meeting d’ON, le 13 mai 1970 à la Mutualité, sur le thème "Pour un 13 mai nationaliste" . Il va fournir des militants au service d’ordre d’ON pour la protection de son meeting au Palais des Sports de Paris le 9 mars 1971.
Ordre nouveau qui mène comme son ancêtre Occident la politique du casque et de la barre de fer, veut changer son image de marque. Alain Robert et la direction d’ON veulent mettre sur pied, pour les élections législatives de 1973, une organisation ayant une apparence "légaliste et respectable. Il faut sortir l’opposition nationale de son ghetto". Le premier numéro du mensuel, Pour un ordre nouveau, annonce la couleur : "Pour un Front national" [16].
Le 5 octobre 1972, le Front national voit le jour. Jean-Marie Le Pen, Alain Robert, François Duprat, François Brigneau, Roger Holeindre sont parmi ses fondateurs. Jean-Marie Le Pen en est le Président, Alain Robert le Secrétaire général. Les résultats électoraux ne sont pas au rendez-vous. Alain Robert et la direction d’ON décident de continuer la stratégie de Front national. Alain Robert qui a la double casquette de secrétaire général d’ON et du FN déclare le 29 mai 1973 :
"Le FN doit être la réunion de toutes les familles nationales, des maurrassiens, des nationaux, des intégristes, pour restaurer un nouvel ordre".
Mais rapidement le torchon brûle entre ON et le FN, l’organisation d’Alain Robert souhaitant augmenter sa représentation dans les instances dirigeantes du FN. À l’inverse, Le Pen veut marginaliser l’équipe d’Alain Robert qui réclame les 2/3 des postes au Bureau politique et le contrôle des postes clefs de l’appareil. Les 28 et 29 avril se tient un congrès extraordinaire du FN où se joue le rapport de force pour la direction du mouvement. Alain Robert et ON s’opposent à une fusion totale des fractions dans le FN, ce signifierait le sabordage d’ON : "ON n’est pas le Front. Mais le FN n’est pas non plus le parti de Le Pen. ON ne veut pas de 'nouveau Tixier'".
Le congrès se révèle incapable de prendre une position claire ; il en sort un statu quo avec le même bureau politique, les mêmes responsabilités. Alain Robert entend remobiliser ses troupes sur des thèmes radicaux et défend son indépendance. Pour Alain Robert, il est "hors de question de considérer le FN comme le futur grand parti. Il doit rester une structure d’accueil qui privilégie le combat de type classique telles les campagnes électorales".
Le 3ème congrès d’ON, les 9-10-11 juin 1973, réaffirme sa vocation de parti révolutionnaire et lance une campagne nationale contre "l’immigration sauvage" qui doit démarrer par la tenue d’un meeting fixé le 21 juin à la Mutualité avec comme thème : "Halte à l’immigration sauvage". Suite à des affrontements entre la contre-manifestation, appelée par des organisations de la gauche révolutionnaire, ON et la Ligue Communiste (LC) sont dissous par le gouvernement.
Alain Robert, Jack Marchal, Pascal Gauchon lancent les Comités "Faire Front", qui vont participer, moyennant finances, à la campagne présidentielle de Giscard d’Estaing en 1974. En novembre1974 se tient le congrès de Fondation du Parti des Forces nouvelles (PFN) dont l’objectif est de droitiser la nouvelle majorité et de faire un parti de droite intégré dans l’establishment. Le premier comité central comprend Pascal Gauchon, Alain Robert, François Brigneau, Jean-François Galvaire, Roland Gaucher, Jack Marchal et José Bruneau de la Salle. Le PFN va se structurer, créer le Front de la Jeunesse (FJ), récupérer le GUD et lancer une nouvelle publication : Initiative nationale.
Si le PFN va s’afficher comme le principal rival du FN à l’extrême droite, il va échouer comme organisation autonome. Après avoir flirté avec Giscard en 1974, il le plaque pour Chirac avant de se passionner en 1979 pour la Nouvelle Droite. Beaucoup de militants vont y perdre leur identité. Après mai 1981, Alain Robert et la quasi-totalité des cadres n’auront comme seul choix que de pousser plus loin leur logique d’insertion. En 1981, Alain Robert et la majorité des cadres du PFN intègrent le Centre national des indépendants et paysans (CNIP) de Philippe Malaud.
Alain Robert en devient secrétaire général-adjoint. Il est candidat aux élections législatives en juin 1981 à Aulnay-sous-Bois sur la liste "Union, RPR, UDF, CNIP". La même année, il participe aux côtés d’Alice Saunier-Séité (ex-secrétaire d’État aux Universités entre 1977 et 1981, dans le gouvernement de Raymond Barre), Charles Pasqua, Alain Griotteray, Jacques Médecin, Raymond Bourgines à "Solidarité et défense des libertés". Il est présent à la manifestation appelée par cette association, place de l’Alma : "Halte au terrorisme et à l’insécurité", le 3 mai 1982.
En 1983, il est élu conseiller municipal du Blanc-Mesnil en Seine-Saint-Denis, puis, en 1985, conseiller général RPR-CNIP dans le même département. En 1986, il est conseiller régional Ile de France (RPR-CNIP) et entre au cabinet de Robert Pandraud au Ministère de l’Intérieur puis au cabinet de Charles Pasqua. En 1989, il est secrétaire général du Mouvement national des élus locaux (MNEL). En 1992, il est réélu conseiller régional RPR. Il entre au cabinet de Charles Pasqua, Ministre de l’Intérieur, en 1993 et se présente aux élections législatives sous l’étiquette RPR-UDF dans les Hauts de Seine (Bagneux-Montrouge-Malakoff).
En 1994 il est nommé au Conseil économique et social. Il est élu, en 1995, conseiller municipal à Bagneux et entre en 1996 au cabinet de Pasqua président du conseil général des Hauts de Seine. Fidèle à son mentor, il participe à la création du Rassemblement pour la France (RPF), présidé par Pasqua, et est membre du bureau politique. En 1999, il figure sur la liste menée par Pasqua aux élections européennes avec William Abitbol (ex-Occident, ex-Ordre nouveau). Il prend en charge la fédération de Paris du RPF.
On le retrouve ensuite à l’UMP. Toujours en contact avec ses copains d’Ordre nouveau, il assiste aux réunions du Cercle Iéna qui se tiennent dans l’appartement parisien de José Bruneau de la Salle (ex-ON, ex-PFN). Ce cercle organise des conférences. Éric Zemmour a d’ailleurs été l’un des invités. Philippe Péninque, ex-GUD et conseiller de Marine Le Pen, est parfois présent à ces réunions [17]. En 2019, il préface un ouvrage dirigé par deux ex ON, André Chanclu et Jacques Mayadoux : "Ordre Nouveau, 1969-1973, raconté par ses militants. Témoignages et documents" (éditions de Synthèse nationale) : "Nos souvenirs sont intacts et on ne peut s’empêcher, lorsque nous nous croisons, d’avoir le clin d’œil complice de ceux qui ne regrettent rien".
Jean-Pierre Stirbois
Né en 1945, proche de l’OAS-Métro-Jeune (OMJ), il est en contact avec Jeune Révolution (organe de l’OMJ) et participe à la campagne de Tixier-Vignancour en 1965. Il entre au conseil national de l’Alliance républicaine pour les libertés et le progrès (ARLP) de Tixier-Vignancour, fréquente le Cercle du Panthéon, point de rencontre de l’extrême droite. Après l’échec de l’ARLP, anticommuniste, il est en contact avec Aginter Press (officine de barbouzes et de mercenaires sous la protection des services secrets portugais) dirigée par Guérin-Sérac.
Il milite au Mouvement Jeune Révolution (MJR) qui regroupe deux générations de militants : des ex-OAS et d’ex-militants de Jeune Alliance (branche jeune de l’ARLP). L’Algérie est très prégnante dans la propagande du MJR et en particulier de Pierre Sergent : "symbole du combat qui continuait contre le régime gaulliste […]. Nous avons un capitaine […]. Nous l’admirons" [18]. Jeune Révolution dénonce "les capitalistes et les marxistes qui exploitent le peuple français". Le MJR, d’après un de ses membres, Francis Bergeron, est "un groupuscule de cent militants à peine mais une école de formation. En effet, de futurs cadres du FN ont fait un détour par le MJR" [19].
En 1970, le MJR, qui va changer plusieurs fois de peau, devient l’Action solidariste-Mouvement Jeune Révolution [20], puis en 1971 le Mouvement solidariste français (MSF) [21] dont Stirbois est membre du Bureau politique, puis le Groupe d’Action Jeunesse (GAJ), en 1973, qui scissionne en 1975 et donne naissance au Groupe Action Solidariste (Stirbois, Collinot, Nourry) et enfin l’Union solidariste, groupe emmené par Stirbois et qui va intégrer le FN. Les divers groupuscules qui se réclament du solidarisme adoptent comme marqueur le trident. Pour les solidaristes : "Contre les rouges et la réaction, seule la force paye". Ayant donc rejoint le FN, Stirbois en devient, en 1981, le secrétaire général et évince les nationalistes-révolutionnaires du groupe Militant.
Il est candidat, en 1982, aux élections cantonales à Dreux et récolte 12,6% des voix. Avec Marie-France Stirbois, ils entreprennent d’implanter solidement le FN sur la ville avec un travail méthodique de terrain. Son implantation va être confirmée lors des élections municipales en 1983 à Dreux. La victoire de la liste socialiste est annulée pour cause de fraude. En septembre 1983, de nouvelles élections ont lieu. Entre les deux tours, Stirbois, qui a obtenu 16,7% au 1er tour, fusionne la liste du FN avec celle du RPR menée par Jean Hieaux qui remporte la mairie. Stirbois devient adjoint du maire. Victoire que le FN qualifie comme "le Tonnerre de Dreux", il apparait comme l’artisan de la première alliance entre la droite et le FN et permet la première victoire électorale d’importance pour le parti.
Électoralement, Stirbois vise le transfert du vote communiste vers le FN. Il considère que "le communisme est l’ennemi du genre humain". Un matériel spécifique est diffusé en direction de l’électorat communiste : "Le Parti communiste vous ment", il favorise l’immigration "pour réaliser une révolution en s’appuyant sur les immigrés". La dénonciation de l’immigration devient un des éléments forts de la propagande frontiste et son fonds de commerce électoral. En 1982, aux Assises du FN, Stirbois déclare : "Immigrés d’au-delà de la Méditerranée, retournez à vos gourbis". À Lyon, en 1984 : "Il faut inverser le courant de l’immigration étrangère, responsable de la délinquance, de l’insécurité, du chômage", faisant écho aux déclarations de Le Pen : "Nous assistons à une véritable invasion qui est en passe, avant vingt ans, de faire disparaître la nation française" [22].
En 1984, il est élu député européen sur la liste menée par Le Pen. En 1986, le scrutin à la proportionnelle, le propulse député des Hauts de Seine à l’Assemblée nationale avec 34 autres candidats de la liste intitulée "Rassemblement national". Stirbois a créé l’appareil du FN. Membre du bureau politique, il devient le rival de Bruno Mégret. Appliquant la politique "diviser pour mieux régner", Le Pen joue Carl Lang et Bruno Mégret contre Stirbois, et réorganise l’appareil du parti. Bruno Mégret, devenu délégué général, récupère les tâches politiques (propagande, idéologie). Stirbois ne conserve que le suivi des fédérations.
Il mène campagne pour le NON au référendum concernant le statut de la Nouvelle Calédonie : "Votez OUI revient à promouvoir l’assassinat, l’exode, la main- mise soviétique sur le territoire (un remake de la guerre d’Algérie)". De retour d’un déplacement en Nouvelle Calédonie, il se tue dans un accident de voiture, après une réunion publique à Dreux, le 5 novembre 1988.
Lors des élections européennes de 1989, Le Pen purge le parti. Les camarades de Stirbois – Michel Collinot (organisateur des BBR, fête annuelle du FN) et Roland Gaucher – ne figurent pas sur la liste. Marie-France Stirbois (la seule députée frontiste à l’Assemblée nationale.) refuse la 21ème place. Lors de ses obsèques, Roger Holeindre salue celui "qui a chassé du FN les incapables et les voyous" pour "construire un parti fort et dur". Roland Gaucher, persuadé que la mort de Stirbois relève "d’un complot et d’un crime d’État", déclare : "Jean-Pierre Stirbois rejoint Jean-Marie Bastien-Thiry, Roger Degueldre, François Duprat, abattus par des terroristes". Pierre Sergent salue "son engagement pour l’Algérie française". Quant à Le Pen, il qualifie Stirbois de "militant exceptionnel" [23].
Notes
[1] Sur François Duprat, se reporter à Lebourg, Nicolas, Beauregard, Joseph, François Duprat, l’homme qui inventa le Front national, Denoël, 2012. François Duprat, le prophète du nationalisme-révolutionnaire, Ars Magna, 2018, recueil des éditoriaux des Cahiers européens et du Manifeste nationaliste-révolutionnaire, préface de Christian Bouchet. "François Duprat et le nationalisme-révolutionnaire", Cahiers d’Histoire du Nationalisme n° 14, juin-juillet 2014, édité par la revue Synthèse nationale
[2] Camus, Jean-Yves, Monzat, René, Les droites nationales et radicales en France, PUL, 1992, p 80-82. "H-E Barnes, historien "révisionniste" américain".
[3] Différents pseudonymes utilisés : François Solchaga, Robert Cazeneuve, François Massa (Nom de jeune fille de sa mère : Colette Massa) .
[4] Cité par Gautier, Jean-Paul, De Le Pen à Le Pen, continuités et ruptures, Syllepse, 2015, p77.
[5] Se reporter à Gautier, Jean-Paul, Les extrêmes droites en France, Syllepse, nouvelle édition, 2017, p 128. Le journaliste antisémite d’Edouard Drumont dénonçait déjà à la fin du 19ème siècle : "La folie de Marat, c’est la névrose juive". Petit problème : Marat n’était pas d’origine juive… Duprat est un adepte de la thèse du complot juif mondial.
[6] Sur la question du négationnisme, se reporter à Igounet, Valérie, Histoire du négationnisme en France, Le Seuil, 2000.
7 Histoire des SS ; Les Sept Couleurs ; 1968. Les journées de Mai 68, les dessous d’une révolution ; Nouvelles éditions latines, 1968 ; L’Internationale étudiante révolutionnaire ; Les mouvements d’extrême droite en France depuis 1944 ; L’Ascension du MSI ; Les campagnes de la Waffen SS (2 volumes) ; Les Sept couleurs,1972-1973;
[8] Avec Patrick Buisson L’album Le Pen, Ecully, Intervalles, 1984. En collaboration avec François Duprat, Revue d’’histoire du fascisme, 1976, Ordre nouveau présenté par Alain Renault, reprise des deux tomes d’Ordre nouveau, 1972 et 1973, éditions Déterna, 2009. En collaboration avec Duprat, Les Fascismes américains 1924-1941, édition Revue d’Histoire du fascisme, 1976, réédition 2010, éditions Déterna. Alain Renault a collaboré à de multiples publications d’extrême droite : Militant, Défense de l’Occident, Ecrits de Paris, Rivarol, Minute, Le National, Le Crapouillot, Le Guide de l’Opposition.
[9] Cahiers universitaires, bulletin de la FEN, n° 16, juin-juillet 1963, édito. Le Manifeste de la classe 60 est le texte de référence de la FEN.
[10] Se reporter à Gautier, Jean-Paul, "Occident, génération cogneurs", Contretemps, 20 mars 2021
[11] Occident-Université, n° 6, mars 1965. Et n° 3, mars 1965.
[12] Plusieurs blessés graves, 13 inculpations de membres d’Occident traduits en justice pour "violence avec préméditation". Alain Robert écope de 10 mois avec sursis, Madelin, Devedjian et Longuet doivent payer une amende de 1000 francs.
[13] L’extrême gauche encercle la Mutualité où se tient le 7 février 1967, le premier meeting du Front uni de soutien au Sud Vietnam de Roger Holeindre. Deux mois plus tard, les Comités Vietnam de base détruisent rue de Rennes une exposition de soutien au Sud Vietnam organisée par Holeindre et son mouvement.
[14] "La Charte universitaire du syndicat étudiant" a été rédigée par Gérard Longuet.
[15]Sur Ordre nouveau, se reporter à Gautier, Jean-Paul, "Les néofascistes d’ON en quête de respectabilité", Contretemps, 27 mars 2021.
[16] Pour un Ordre nouveau, n° 1, printemps 1971.
[17] Cf article d’Olivier Faye, blog Droite(s)-Extrêmes Droite(s), 12 février 2016.
[18] Bulletin Jeune Révolution, n° 4, mars-avril 1967.Le nom du bulletin est une reprise du bulletin de l’OAS-Métro-Jeune (OMJ).
[19] Michel Collinot, Bernard Antony, Olivier Morizé, Christian Baeckeroot), Marie-France Stirbois, Article de Francis Bergeron, hebdomadaire Le Choc du Mois, décembre 1988, "1965-1978, les années de militantisme anonyme de Jean-Pierre Stirbois" Le courant issu du solidarisme dans le FN était catalogué comme "la bande à Stirbois".
[20] Qui se dote d’un bulletin intérieur, Jeune Révolution Information.
[21] Le MSF publie le journal Impact. Les solidaristes soutiennent le NTS (Union populaire du travail) fondé en 1930, anticommuniste et antilibéral constitué en 1930-1931 au sein de l’immigration russe, pendant la guerre froide le NTS se fixe comme objectif de faire passer à l’Ouest des textes de dissidents et anime une radio financée par la CIA, installée en Allemagne. Les solidaristes ont tenté des actions de soutien sur le sol soviétique comme la distribution de tracts sur la Place rouge au cours de laquelle, Jean-Charles Tirat sera arrêté en 1976. La même année, le GAJ immobilise et tague le Nord-Express Paris-Copenhague-Moscou. En 1977, pour protester contre le non-respect des droits de l’homme, un militant solidariste, Alain Escoffier s’immole par le feu dans le hall de la compagnie Aéroflot sur les Champs-Élysées,
[22] Rien de bien nouveau dans la rhétorique frontiste. En 1892 parait un ouvrage : "La France aux Français", dans lequel on peut lire : "La question est posée, elle sera résolue un jour ou l’autre. La France doit-elle rester aux Français ou devons-nous être submergés par l’envahissement continu de l’élément étranger contre lequel nos législateurs, depuis un siècle, n’ont su nous prémunir ?". Se reporter à Lebourg, Nicolas, Beauregard, Joseph, Dans l’ombre de Le Pen. Une histoire des numéros deux du Front national, Nouveau Monde-poche, 2012, p 105-148. Voir aussi : Cahiers d’histoire du nationalisme, n° 15 "Jean-Pierre Stirbois : De l’engagement solidariste à la percée du Front national", publié par la revue Synthèse nationale.
📰 https://www.contretemps.eu/histoire-front-national-ordre-nouveau-duprat-neofascistes/
◾️ ◾️ ◾️