❖ "Désenshittifier* (démanteler & reprendre le contrôle) ou mourir"
Comment les hackers peuvent s'emparer des moyens de calcul & construire un nouvel Internet de qualité, renforcé contre l'insatiable désir d'enshittification de nos fuc* de patrons. Tragédie en 3 actes
"Désenshittifier* ou mourir"
* ndr : L'enshittification est une expression à voix active et un processus actif par lequel la direction, poussée par les investisseurs, prend une plateforme florissante et la rend pire dans le but de la monétiser, en transférant la valeur des créateurs aux investisseurs. C'est cet effort dynamique qui distingue le processus.
Par Cory Doctorow, le 17 août 2024, Pluralistic
Le week-end dernier, je me suis rendu à Las Vegas pour la Defcon 32, où j'ai eu l'immense privilège de donner une conférence solo sur la piste 1, intitulée "Désenshittifier ou mourir ! Comment les hackers peuvent s'emparer des moyens de calcul informatique et construire un nouvel et bon internet qui soit protégé contre la soif insatiable d'enshittification de nos connards de patrons".
Il s'agissait d'un suivi de l'exposé de l'année précédente, intitulé "An Audacious Plan to Halt the Internet's Enshittification" (Un plan audacieux pour stopper l'enshittification de l'internet), qui avait suscité un grand intérêt international pour mon analyse de la dégradation des plates-formes ("enshittification").
Les organisateurs de Defcon ont profité d'une semaine ou deux de repos, et cela signifie que la vidéo de ma conférence n'a pas encore été postée sur la chaîne Youtube de Defcon, alors en attendant, j'ai pensé poster une version légèrement éditée de mon discours. Si vous vous rendez à Burning Man*, vous pourrez m'écouter à Palenque Norte (7&E) ; je lancerai leur série de conférences le mardi 27 août à 13h. [ndr : *Burning Man est un grand rassemblement, qui se tient chaque année dans le désert de Black Rock au Nevada pendant neuf jours. Il a lieu la dernière semaine d'août, le premier lundi de septembre étant férié aux États-Unis].
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Qu'est-il arrivé au bon vieil internet ?
Je veux dire, bien sûr, que nos patrons étaient un peu enclins à la surveillance et étaient généralement prêts à partager leurs données avec la NSA, et chaque fois qu'il y avait un choix à faire entre la sécurité de l'utilisateur et la croissance, c'était toujours le moment YOLO (mot employé pour dire qu'on profite de la vie ou pour inciter à le faire).
Mais Google Search fonctionnait. Facebook vous montrait les messages de vos followers. Uber était moins cher qu'un taxi et payait le chauffeur plus qu'il ne gagnait. Amazon vendait des produits, et non des déchets autodestructibles de qualité Shein expédiés en dropshipping (ndr : méthode de traitement des commandes caractérisée par le fait que l'entreprise ne stocke pas les produits qu'elle vend) par des marques à forte notoriété. Apple défendait votre vie privée, au lieu de vous espionner avec un iPhone non modifiable.
Il fut un temps où la recherche d'un album de musique sur Spotify vous permettait d'obtenir cet album - et non une playlist de reprises insipides générées par l'IA avec le même nom et la même pochette.
Microsoft avait l'habitude de vous vendre des logiciels - bien sûr, ils étaient truffés de bugs - mais maintenant, ils vous permettent simplement d'accéder à des applications dans le cloud, de sorte qu'ils peuvent surveiller la façon dont vous utilisez ces applications et retirer les fonctionnalités que vous utilisez le plus de la version de base pour les rendre payantes.
Que s'est-il passé - et je n'insisterai jamais assez sur ce point - merde !
Je parle de l'enshittification.
Voici à quoi ressemble l'enshittification vue de l'extérieur. Tout d'abord, vous voyez une entreprise sympathique envers ses utilisateurs finaux. Google place les meilleurs résultats de recherche en haut de la page ; Facebook vous montre un flux de messages des personnes et des groupes que vous suivez ; Uber fait payer un petit dollar pour un taxi ; Amazon subventionne les marchandises, les retours et l'expédition et place la meilleure réponse à votre recherche de produit en haut de page.
C'est la première étape, être bienveillant à l'égard des utilisateurs en bout de chaîne. Mais il y a une autre partie de cette étape, que nous appellerons l'étape 1a). Il s'agit de trouver le moyen de retenir (verrouiller) ces utilisateurs.
Il y a tellement de façons de le faire.
Si vous êtes Facebook, les utilisateurs le font pour vous. Vous avez rejoint Facebook parce qu'il y avait des personnes avec lesquelles vous vouliez passer du temps, et d'autres ont rejoint Facebook pour passer du temps avec vous.
C'est le vieux principe des "effets de réseau" en action, et avec les effets de réseau vient le "problème de l'action collective". Parce que vous aimez vos amis, mais qu'ils sont vraiment pénibles ! Vous êtes tous d'accord pour dire que FB est nul, bien sûr, mais pouvez-vous tous vous mettre d'accord sur le moment où il est temps de le quitter ?
Pas du tout.
Pouvez-vous vous mettre d'accord sur la prochaine étape ?
Absolument pas.
Vous y êtes parce que c'est là que se réunit le groupe de soutien pour votre pathologie rare, et votre meilleur ami y est parce qu'il y échange avec les gens du pays où il a déménagé, puis il y a cet ami qui coordonne le covoiturage de ses gamins sur FB, et le meilleur maître de donjon que vous connaissez ne va pas quitter FB parce que c'est là que se trouvent ses clients.
Vous êtes donc coincé, car même si l'utilisation de FB a un prix élevé - votre vie privée, votre dignité et votre santé mentale - c'est toujours moins que celui que vous auriez à supporter si vous partiez : à savoir, tous ces amis qui vous ont pris en otage, et que vous tenez en otage
Parfois, les entreprises vous enchaînent avec de l'argent, comme Amazon qui vous fait payer à l'avance un an de livraison avec Prime, ou qui vous fait acheter vos livres audio sur la base d'un abonnement mensuel, ce qui garantit virtuellement que chaque recherche d'achat commencera sur Amazon. Après tout, vous avez déjà payé pour cela.
Parfois, ils vous enferment avec des DRM (digital rights management ou gestion des droits numériques), comme HP qui vous vend une imprimante avec quatre cartouches d'encre remplies d'un liquide vendu plus de 10 000 dollars le gallon et qui utilise des DRM pour vous empêcher de remplir l'un de ces réservoirs d'encre ou d'utiliser une cartouche d'un autre fabricant. Ainsi, lorsque l'une des cartouches est à sec, vous devez la remplir ou jeter votre investissement dans les trois cartouches restantes et dans l'imprimante elle-même.
Parfois, c'est la débrouille :
Vous ne pouvez pas utiliser vos applications iOS sans matériel Apple ;
Vous ne pouvez pas utiliser votre musique, vos livres et vos films Apple sur autre chose qu'une application iOS (App Store) ;
Votre iPhone utilise l'appariement (couplage) des pièces - des échanges de DRM entre les pièces de rechange et le système principal - de sorte que vous ne pouvez recourir à des pièces d'autres fabricants pour le réparer ; et
Chaque pièce OEM de l'iPhone porte un logo Apple microscopique gravé dessus, de sorte qu'Apple peut exiger que le service des douanes et des frontières des États-Unis saisisse tout envoi de pièces d'iPhone remises à neuf pour violation de la marque.
Penser différemment, vous ne croyez pas ?
En vous enfermant dans le système, on achève la première phase du cycle d'enshittification et on entame la seconde : aggraver votre situation pour améliorer celle des entreprises clientes.
Par exemple, une plateforme peut polluer ses résultats de recherche, comme Google qui vend de plus en plus de ses pages de résultats à des annonces identifiées par des caractères de plus en plus légers et de plus en plus réduits.
Ou encore Amazon qui vend ses résultats de recherche en les qualifiant d'activité "publicitaire". Cette escroquerie leur rapporte 38 milliards de dollars par an. Le premier résultat de votre recherche est, en moyenne, 29 % plus cher que le meilleur résultat possible. La première ligne est 25 % plus chère que la meilleure solution. En moyenne, la meilleure réponse à votre recherche se trouve dix-sept places plus bas sur la page de résultats.
D'autres plateformes vendent votre flux, comme Facebook, qui a commencé par vous afficher les choses que vous demandiez à voir. Mais aujourd'hui, la quantité de contenu provenant des personnes que vous suivez s'est réduite à un résidu homéopathique, laissant un vide que Facebook occupe avec des choses que les gens paient pour vous montrer : des posts boostés par des éditeurs auxquels vous n'avez pas souscrit, et, bien sûr, des publicités.
À ce stade, vous vous dites peut-être que si vous ne payez pas pour le produit, c'est vous qui êtes le produit.
Foutaises !
Conneries.
C'est de la merde.
Quels sont ceux qui achètent les publicités de Google ? Ils paient chaque année davantage pour un ciblage publicitaire plus mauvais et une fraude publicitaire plus importante.
Les éditeurs qui paient pour que leur contenu se retrouve dans votre fil d'actualité Facebook sans que cela soit consensuel ? Ils sont obligés de le faire parce que FB les empêche d'atteindre les personnes qui se sont réellement abonnées à leurs contenus.
Les vendeurs d'Amazon qui correspondent le mieux à votre requête doivent surenchérir sur tous les autres pour apparaître sur la première page de résultats. Vendre sur Amazon coûte tellement cher qu'entre 45 et 51 % de chaque dollar gagné par un vendeur indépendant doit être reversé à Don Bezos et à la famille de malfaiteurs d'Amazon. Ces vendeurs ne disposent pas de marges leur permettant de payer 51 %. Ils doivent augmenter leurs prix pour éviter de perdre de l'argent sur chaque vente.
"Mais attendez !", vous entends-je dire !
[Allez, dites-le !]
"Mais attendez ! Les articles vendus sur Amazon ne sont pas plus chers que ceux vendus chez Target, Walmart, dans un magasin familial ou directement chez le fabricant."
"Comment les vendeurs peuvent-ils augmenter leurs prix sur Amazon si le prix sur Amazon est le même que partout ailleurs ?"
(Vous avez deviné ?!)
C'est vrai, ils pratiquent des prix plus élevés partout. Ils n'ont pas le choix. Amazon lie ses vendeurs à une politique appelée "statut de la nation la plus favorisée", qui stipule qu'ils ne peuvent pas pratiquer sur Amazon des prix supérieurs à ceux qu'ils pratiquent ailleurs, y compris directement dans leur propre magasin d'usine.
Ainsi, tous les vendeurs qui souhaitent vendre sur Amazon doivent augmenter leurs prix partout ailleurs.
Or, ces vendeurs sont les meilleurs clients d'Amazon. Ils paient pour le produit et se font encore avoir.
Payer pour le produit ne remplit pas le cœur desséché de votre patron insipide d'une telle joie qu'il décide d'arrêter de penser à la façon de vous baiser.
Regardez Apple. Vous vous souvenez quand Apple a proposé à tous les utilisateurs d'iOS de se retirer en un clic de la surveillance basée sur les applications ? Et 96 % des utilisateurs ont cliqué sur cette case ?
(Les quatre autres pour cent étaient soit ivres, soit des employés de Facebook, soit des employés ivres de Facebook).
Cela a coûté à Facebook au moins dix milliards de dollars par an en revenus de surveillance perdus ?
Je veux dire, vous aimez voir ça.
Mais saviez-vous qu'au même moment, Apple a commencé à espionner les utilisateurs d'iOS de la même manière que Facebook, afin d'utiliser les données de surveillance pour cibler les utilisateurs de son produit publicitaire concurrent ?
Votre iPhone n'est pas un gadget financé par la publicité. Vous avez payé mille dollars pour ce rectangle de divertissement dans votre poche, et vous êtes toujours le produit. De plus, Apple a truqué iOS pour que vous ne puissiez pas modifier le système d'exploitation afin de bloquer l'espionnage.
Si vous ne payez pas pour le produit, vous êtes le produit, et si vous payez pour le produit, vous êtes toujours le produit.
Il suffit de demander aux agriculteurs qui sont censés échanger des pièces sur leurs propres tracteurs endommagés, d'une valeur d'un demi-million de dollars, mais qui ne peuvent utiliser ces pièces tant qu'un technicien ne leur fait pas payer 200 dollars pour se rendre à la ferme et taper un code de déverrouillage de l'appariement des pièces dans leur console.
John Deere ne donne pas de tracteurs. Donnez à John Deere un demi-million de dollars pour un tracteur et vous serez le produit.
S'il vous plaît, mes frères et sœurs crédules. S'il vous plaît ! Arrêtez de dire "si vous ne payez pas pour le produit, vous êtes le produit".
D'accord, d'accord, c'est la phase deux de l'enshittification.
Phase 1 : être sympa avec les utilisateurs tout en les emprisonnant.
Phase 2 : baiser un peu les utilisateurs pour pouvoir être sympa avec les clients professionnels tout en les verrouillant.
Troisième phase : baiser tout le monde et prendre tous les bénéfices pour soi. Laissez derrière vous le strict minimum d'utilité pour que tout le monde reste prisonnier de votre tas de merde.
L'enshittification : une tragédie en trois actes.
Voilà à quoi ressemble l'enshittification vue de l'extérieur, mais que se passe-t-il à l'intérieur de l'entreprise ? Quel est le mécanisme pathologique ? Quel rayon de sci-fi entropie transforme un service excellent et utile en un tas de merde ?
Ce mécanisme s'appelle le "twiddling". On parle de "twiddling" (bidouillage) lorsque quelqu'un modifie l'arrière-plan d'un service pour changer son mode de fonctionnement, en changeant les prix, les coûts, le classement des recherches, les critères de recommandation et d'autres aspects fondamentaux du système.
Les plateformes numériques sont l'utopie du bidouilleur. Un épicier aurait besoin d'une armée d'adolescents munis de pistolets de tarification et chaussés de patins à roulettes pour modifier le prix de tous les produits de l'établissement lorsque quelqu'un arrive avec un excès d'appétit.
En revanche, Plexure, une société du portefeuille de McDonald's Investments, annonce qu'elle peut utiliser les données de surveillance pour prédire quand un utilisateur d'application vient d'être payé, de sorte que le vendeur peut ajouter quelques dollars supplémentaires au prix de son sandwich du petit-déjeuner.
Et bien sûr, comme le prophète William Gibson nous l'a dit, "le cyberespace ne cesse de s'étendre". Grâce aux étiquettes numériques, les épiciers peuvent modifier les prix quand bon leur semble, comme les épiciers norvégiens, dont les étiquettes à encre électronique changent les prix 2 000 fois par jour.
Chaque chauffeur Uber se voit proposer un salaire différent pour chaque mission. Si un chauffeur a été pointilleux ces derniers temps, le travail est mieux rémunéré. Mais s'il a été assez désespéré pour accepter toutes les courses proposées par l'application, son salaire baisse, baisse et baisse encore.
La professeure de droit Veena Dubal appelle cela la "discrimination salariale algorithmique". C'est un excellent exemple de manipulation.
Tous les youtubers savent ce que c'est que d'être manipulé. Vous travaillez pendant des semaines ou des mois, vous dépensez des milliers de dollars pour réaliser une vidéo, puis l'algorithme décide que personne - ni vos propres abonnés, ni les internautes qui tapent le nom exact de votre vidéo - ne la verra.
Pourquoi ? Qui le sait ? Les règles de l'algorithme ne sont pas publiques.
Parce que la modération de contenu est le dernier rempart de la sécurité par l'obscurité : ils ne peuvent pas vous dire ce que l'algorithme de como rétrograde parce que vous tricheriez.
Youtube est le genre de patron de merde qui vous retire votre salaire pour toutes les règles que vous avez enfreintes, mais qui ne vous dit pas quelles étaient ces règles, de peur que vous ne trouviez comment les enfreindre la prochaine fois sans que votre boss ne vous attrape.
Bien entendu, le bidouillage peut aussi jouer en faveur de certains utilisateurs. Parfois, les plates-formes modifient leur fonctionnement afin d'améliorer les choses pour les utilisateurs finaux ou les entreprises clientes.
Par exemple, Emily Baker-White de Forbes a révélé l'existence d'une fonctionnalité en arrière-plan à laquelle la direction de Tiktok peut accéder et qu'elle appelle "l'outil de chauffe".
Lorsqu'un responsable applique l'outil de chauffe au compte d'un artiste, les vidéos de ce dernier sont diffusées dans les flux de millions d'utilisateurs, sans tenir compte du fait que l'algorithme de recommandation prévoit ou non qu'ils apprécieront la vidéo en question.
Pourquoi faire cela ? Eh bien, voici une analogie qui date de mon enfance. J'avais l'habitude d'aller à cette foire itinérante qui venait à Toronto à la fin de chaque été, la Canadian National Exhibition. Si vous êtes déjà allé à une foire comme celle-ci, vous savez qu'il y a toujours un type qui se promène avec un ours en peluche ridiculement énorme.
En principe, on gagne cet ours en peluche en lançant cinq balles dans un panier rempli de pêches, mais à première vue, personne n'a jamais réussi à faire tenir cinq balles dans ce panier de pêches.
Ce type a "gagné" l'ours en peluche lorsqu'un forain de la fête foraine l'a choisi et lui a dit : "Mon gars, j'aime bien ton visage. Je vais vous dire ce que je vais faire : vous mettez une seule balle dans le panier et je vous donne ce porte-clés, et si vous accumulez deux porte-clés, je vous permets de les échanger contre un de ces ours en peluche à l'échelle galactique".
C'est ainsi que le gars a eu son ours en peluche, qu'il devra alors traîner le reste de la journée sur la piste d'athlétisme.
Pourquoi ce forain a-t-il donné l'ours en peluche ? Parce qu'il fait de lui un panneau publicitaire ambulant pour les attractions de la fête foraine. Si ce pauvre bouc de Judas à l'air stupide peut mettre cinq boules dans un panier de pêches, alors toi aussi tu peux le faire.
Sauf que ce n'est pas le cas.
L'outil de chauffe de Tiktok est un moyen de distribuer des ours en peluche géants à des fins tactiques. Lorsqu'un membre de l'équipe de TikTok décide qu'il faut plus de sportifs sur la plateforme, il en choisit un au hasard et en fait le roi pour la journée, en boostant son compte à fond.
Ce type obtient un milliard de vues et se met à courir sur tous les forums de sportifs pour vanter son succès : "Je suis le Louis Pasteur des influenceurs sportifs !"
Les autres sportifs se précipitent et commencent à se rééquiper pour créer du contenu conforme au format idiosyncrasique de Tiktok. Lorsqu'ils ne parviennent pas à obtenir des ours en peluche géants, ils pensent que c'est parce qu'ils utilisent mal Tiktok, parce qu'ils ne connaissent pas l'outil de chauffe.
Mais un jour, la Chambre des étoiles du Tiktok décide qu'elle doit attirer plus d'astrologues, alors elle retire la vedette à ce sportif chanceux et commence à chauffer un astrologue chanceux.
Les ours en peluche géants sont omniprésents : ces chauffeurs Uber qui se vantaient au NYT il y a dix ans de gagner 50 dollars de l'heure ? Les "Substackers" qui roulaient sur l'or ? Joe Rogan et ses cent millions de dollars versés par Spotify ? Tous ces gens sont les fiers propriétaires d'ours en peluche géants, et c'est une aubaine.
Car chaque dollar qu'ils reçoivent de la plateforme se transforme en cinq dollars de travail gratuit de la part de nigauds persuadés qu'il s'agit d'une erreur d'internaute.
Les ours en peluche géants ne sont qu'un moyen parmi d'autres de jouer. Les plateformes peuvent jouer avec chaque partie de leur logique commerciale, de manière hautement automatisée, ce qui leur permet de siphonner rapidement et efficacement la valeur des utilisateurs finaux vers les entreprises clientes et vice-versa, en cachant le petit pois dans un jeu de passe-passe mené à la vitesse de la machine, jusqu'à ce qu'elles aient retourné tout le monde au point de s'approprier toute la valeur.
Voilà le comment : comment les plateformes font le tour de force d'être bonnes pour les utilisateurs, puis de les enfermer, puis de les maltraiter pour qu'ils soient bons pour les entreprises clientes, puis d'enfermer ces entreprises clientes, puis de s'approprier toute la valeur pour elles-mêmes.
Maintenant que nous savons ce qui se passe et comment cela se passe, il ne reste plus qu'à savoir pourquoi cela se passe.
D'une part, le pourquoi est assez évident. Moins les utilisateurs finaux et les entreprises clientes captent de valeur, plus il reste de valeur à répartir entre les actionnaires et les dirigeants.
C'est le pourquoi, mais cela ne vous dit pas pourquoi maintenant. Les entreprises auraient pu faire cette merde à n'importe quel moment au cours des 20 dernières années, mais elles ne l'ont pas fait. Ou du moins, celles qui ont réussi ne l'ont pas fait. Celles qui se sont transformées en tas de merde ont été traitées comme des tas de merde. Nous les avons évités et ils ont disparu.
Vous vous souvenez de Myspace ? Yahoo Search ? Livejournal ? Bien sûr, ils servent encore une sorte d'IA ou de publicité programmatique si vous allez sur ces domaines, mais ils ont disparu.
Et c'est là que se trouve l'indice : autrefois, si l'on enshittifiait son produit, l'entreprise subissait des conséquences néfastes. Aujourd'hui, il n'y a plus de conséquences pour l'enshittification, alors tout le monde s'y met.
Voyons ce qu'il en est : Qu'est-ce qui empêche une entreprise de pratiquer l'enshittification ?
Quatre forces disciplinent les entreprises technologiques. La première est évidemment la concurrence.
Si vos clients trouvent qu'il est facile de partir, vous devez vous inquiéter de leur départ
De nombreux facteurs peuvent contribuer à la difficulté ou à la facilité de quitter une plateforme, comme les effets de réseau dont bénéficie Facebook. Mais le facteur le plus important est de savoir s'il y a un endroit où aller.
En 2012, Facebook a acheté Insta pour un milliard de dollars. Ce montant peut sembler dérisoire à l'heure des acquisitions à onze chiffres des Big Tech, mais c'était une somme importante à l'époque, et c'était une somme particulièrement conséquente à débourser pour Insta. L'entreprise ne comptait que 13 employés et 25 millions d'utilisateurs enregistrés.
Mais ce qui importait à Zuckerberg, ce n'était pas le nombre d'utilisateurs d'Insta, c'était la provenance de ces utilisateurs.
(Quelqu'un sait-il d'où viennent les utilisateurs d'Insta ?)
C'est vrai, ils ont quitté Facebook pour rejoindre Insta. Ils en avaient marre de FB. Même s'ils aimaient ceux qui y travaillaient, ils détestaient l'effrayant Zuck, ils détestaient la plateforme, alors ils sont partis et ne sont pas revenus.
Zuck a donc dépensé un milliard de dollars pour les récupérer, un fait qu'il a mis par écrit dans un courriel de minuit au directeur financier David Ebersman, expliquant qu'il payait un prix démesuré pour Insta parce que ses utilisateurs le détestaient et adoraient Insta. Ainsi, même s'ils quittaient Facebook (la plateforme), ils seraient toujours capturés par Facebook (l'entreprise).
Sur le papier, l'acquisition d'Instagram par Zuck est illégale. Mais il serait bien difficile de l'empêcher, car il faudrait prouver qu'il a acheté Insta dans l'intention de réduire la concurrence.
Mais dans ce cas, Zuck a trébuché sur sa propre bite : il a mis cela par écrit.
Mais le DoJ et la FTC d'Obama ont laissé couler, suivant les politiques pro-monopoles de Reagan, Bush I, Clinton et Bush II, et montrant un exemple que Trump allait suivre, en donnant le feu vert à des gigamergers (giga fusions) comme le mariage catastrophique et incestueux de Warner et Discovery.
En effet, pendant 40 ans, à partir de Carter et de façon accélérée jusqu'à Reagan, les États-Unis ont encouragé la formation de monopoles en tant que politique officielle, au motif que les monopoles sont "efficaces".
Si tout le monde utilise Google Search, nous devrions nous en réjouir. Cela signifie qu'ils ont la meilleure recherche et ne serait-il pas pervers de dépenser des fonds publics pour les punir d'avoir fabriqué le meilleur produit ?
Mais comme nous le savons tous, ce n'est pas en étant le meilleur que Google a conservé sa position dominante dans le domaine de la recherche. Il l'a fait en versant des pots-de-vin. Plus de 20 milliards par an rien qu'à Apple pour être le moteur de recherche par défaut d'iOS, plus des milliards encore à Samsung, Mozilla et tous ceux qui fabriquent un produit ou un service avec un champ de recherche, pour s'assurer que vous ne tombiez jamais sur un moteur de recherche qui soit meilleur que le leur.
Ce qui, à son tour, a fait en sorte que personne d'intelligent n'a investi massivement dans des moteurs de recherche rivaux, même s'ils étaient visiblement, manifestement supérieurs. Pourquoi se donner la peine d'améliorer quelque chose si Google achète tout l'oxygène du marché avant de pouvoir donner vie à votre produit ?
Facebook, Google, Microsoft, Amazon - ce ne sont pas des entreprises qui "fabriquent des choses", ce sont des entreprises qui "achètent des choses", en profitant de la tolérance officielle pour les acquisitions anticoncurrentielles, les prix prédateurs, les accords d'exclusivité qui faussent le marché et d'autres actes spécifiquement interdits par la législation antitrust en vigueur.
Leur objectif est de devenir trop gros pour échouer, parce que cela les rend trop gros pour être emprisonnés, et cela signifie qu'ils peuvent être trop gros pour s'en soucier.
C'est pourquoi Google Search est un tas de merde, et tout ce qui se trouve sur Amazon est un déchet livré en dropshipping qui se désintègre instantanément dans un nuage de composés organiques volatils dégazés lorsque vous ouvrez la boîte.
Une fois que les entreprises ne craignent plus de perdre votre clientèle au profit d'un concurrent, il leur est beaucoup plus facile de vous maltraiter, car qu'allez-vous faire ?
Vous vous souvenez de Lily Tomlin dans le rôle d'Ernestine, l'opératrice d'AT&T, dans les vieux sketches de SNL ? "Nous nous en moquons. Nous n'avons pas à le faire. Nous sommes la compagnie de téléphone."
La concurrence est la première force qui sert à discipliner les entreprises et les impulsions enshittificatrices de leurs dirigeants, et nous avons simplement cessé d'appliquer le droit de la concurrence.
Il faut être un trou du cul au cerveau bien lisse - c'est-à-dire un économiste de l'establishment - pour affirmer que l'effondrement de toutes les industries, des lunettes à la vitamine C, en un cartel de cinq entreprises ou moins, n'a rien à voir avec les politiques qui ont officiellement encouragé la monopolisation.
C'est comme si nous avions l'habitude de mettre de la mort aux rats et que nous n'avions pas de problème de rats. Puis ces crétins nous ont convaincus que les rats étaient bons pour nous et nous avons arrêté de mettre de la mort-aux-rats, et aujourd'hui les rats nous rongent le visage et tout le monde court en disant : "Qui peut dire d'où viennent tous ces rats ? C'est peut-être parce que nous avons arrêté de mettre de la mort-aux-rats, mais c'est peut-être tout simplement l'époque des rats. Les grandes forces de l'histoire s'appuient sur ce moment pour multiplier les rats au-delà de toute mesure !".
L'antitrust n'a pas glissé dans l'escalier et n'est pas tombé la colonne vertébrale la première sur le stylet : ils l'ont poignardé dans le dos et l'ont ensuite poussé.
Et lorsqu'ils ont tué l'antitrust, ils ont également tué la réglementation, la deuxième force qui discipline les entreprises. La réglementation est possible, mais uniquement lorsque le régulateur est plus puissant que les entités réglementées. Lorsqu'une entreprise est plus grande que le gouvernement, il devient sacrément difficile de menacer de manière crédible de punir cette entreprise, quels que soient ses péchés.
C'est ce qui a protégé IBM pendant toutes ces années, alors que cette entreprise avait la mainmise sur le secteur technologique américain. Savez-vous que le ministère de la justice s'est battu pour démanteler IBM devant les tribunaux de 1970 à 1982 et que chaque année, pendant 12 années consécutives, IBM a dépensé plus en avocats pour lutter contre le gouvernement américain que la division antitrust du ministère de la justice n'a dépensé en avocats pour toutes les affaires antitrust dans l'ensemble des États-Unis ?
IBM a dépensé plus que l'Oncle Sam pendant 12 ans. On a appelé cela "le Vietnam de l'antitrust". Tout cet argent a porté ses fruits, car en 1982, le président était Ronald Reagan, un homme dont la politique officielle était que les monopoles étaient "efficaces". Il a donc abandonné l'affaire et Big Blue s'en est tiré à bon compte.
Il est difficile de réglementer un monopole, et il est difficile de réglementer un cartel. Lorsqu'un secteur est composé de centaines d'entreprises concurrentes, celles-ci sont en concurrence. Elles se battent véritablement les unes contre les autres, essayant de s'accaparer les clients et les employés de l'autre. Elles sont à couteaux tirés.
Il est déjà difficile pour quelques centaines de dirigeants de se mettre d'accord sur quoi que ce soit. Mais lorsqu'ils sont légitimement en concurrence les uns avec les autres, qu'ils sont réellement obsédés par la façon de se bouffer les uns les autres, ils ne peuvent se mettre d'accord sur rien.
Dès que l'une d'entre elles présente à son régulateur une histoire à dormir debout, expliquant qu'il est impossible d'avoir un moteur de recherche décent sans une surveillance commerciale minutieuse, ou qu'il est impossible d'avoir un appareil mobile sûr et facile à utiliser sans avoir un droit de veto total sur les logiciels qui peuvent fonctionner dessus, ou encore qu'il est impossible d'administrer le réseau d'un fournisseur d'accès à Internet sans pouvoir ralentir les connexions aux serveurs dont les propriétaires ne paient pas de pots-de-vin pour le "service premium", il y a une autre entreprise qui dit : "C'est n'importe quoi".
"Nous l'avons géré ! Voici les registres de nos serveurs, nos résultats financiers trimestriels et les témoignages de nos clients pour le prouver".
100 entreprises sont une populace. Une foule. Elles ne parviennent pas à se mettre d'accord sur une position de lobbying. Elles sont trop occupées à bouffer le déjeuner des uns et des autres pour se mettre d'accord sur la manière d'organiser une réunion pour en discuter.
Mais que ces 100 entreprises fusionnent pour obtenir un monopole, s'absorbent les unes les autres dans une orgie incestueuse, se transforment en cinq entreprises géantes, si consanguines qu'elles ont une mâchoire de Habsbourg, et les voilà qui deviennent un cartel.
Il est facile pour un cartel de se mettre d'accord sur les conneries qu'il entend faire avaler à son régulateur et de mobiliser une partie des milliards excédentaires qu'il a récoltés grâce à la consolidation, qui l'a libéré de la "concurrence inutile", afin de pouvoir s'emparer complètement de son régulateur.
Vous savez, le Congrès avait l'habitude d'adopter des lois fédérales sur la protection de la vie privée des consommateurs ? Ce n'est plus le cas.
La dernière fois que le Congrès a réussi à adopter une loi fédérale sur la protection de la vie privée des consommateurs, c'était en 1988 : la loi sur la protection de la vie privée dans l'audiovisuel (Video Privacy Protection Act). Il s'agit d'une loi qui interdit aux vendeurs des vidéothèques de dire aux journaux quelles cassettes VHS vous ramenez chez vous. En d'autres termes, elle réglemente trois choses qui ont effectivement cessé d'exister.
La menace de voir l'historique de vos locations de vidéos rendu public n'était pas la dernière ni la plus urgente à laquelle le public américain était confronté, et pourtant, le Congrès est dans l'impasse en ce qui concerne l'adoption d'une loi sur la protection de la vie privée.
La capture réglementaire des entreprises technologiques implique un stratagème risible et transparent dont la stupidité est telle qu'elle est une insulte à toutes les bonnes ruses risibles et transparentes qui travaillent dur.
Ces entreprises prétendent que lorsqu'elles violent les droits des consommateurs, la vie privée ou les droits du travail, il ne s'agit pas d'un crime parce qu'elles le font via une application.
La discrimination salariale algorithmique n'est pas un vol de salaire illégal : nous le faisons avec une application.
Le fait de vous espionner de bout en bout n'est pas une violation de la vie privée : nous le faisons avec une application.
Et l'outil de recherche frauduleux d'Amazon qui vous fait payer 29 % de plus que le meilleur produit correspondant à votre requête ? Ce n'est pas une escroquerie. Nous le faisons avec une application.
Une fois que nous avons tué la concurrence, que nous avons cessé d'utiliser de la mort-aux-rats, nous avons eu des cartels, et les rats ont mangé nos gueules. Et les cartels ont capturé leurs régulateurs - les rats ont racheté l'usine de poison et l'ont fermée.
Les entreprises ne sont donc pas limitées par la concurrence ou la réglementation.
Mais vous savez quoi ? Il s'agit de technologie, et la technologie est différente. Elle est différente parce qu'elle est flexible. Parce que nos ordinateurs sont des machines universelles de von Neumann de type Turing-complet. Cela signifie que toute modification d'un programme à des fins d'enshittification peut être désenshittifiée à l'aide d'un autre programme.
Chaque fois que HP augmente le prix de l'encre, il invite un concurrent à commercialiser un kit de recharge ou une cartouche compatible.
Lorsque Tesla installe un code qui stipule que vous devez payer un supplément mensuel pour utiliser la totalité de votre batterie, il invite un moddeur à commencer à vendre un kit pour jailbreaker (modifier un appareil(iOS pour supprimer les restrictions imposées par le fabricant) cette batterie et la charger au maximum.
Laissez-moi vous donner un petit exemple de la manière dont cela fonctionne : imaginez qu'il s'agisse d'une réunion de conception de produit pour le site web de notre entreprise, et que le responsable de la réunion dise : "Les gars, vous savez que notre indicateur clé de performance est le chiffre d'affaires de la publicité ? J'ai calculé que si nous rendons les publicités 20% plus invasives et odieuses, nous augmenterons le chiffre d'affaires publicitaire de 2%".
C'est un bon argument. Si vous atteignez cet indicateur de performance, tout le monde recevra un gros bonus. Nous pourrons tous emmener nos familles en vacances de ski de luxe en Suisse.
Mais voilà : quelqu'un va lever le bras - quelqu'un qui n'en a rien à faire du bien-être des utilisateurs - et cette personne va dire : "J'aime votre façon de penser, Elon. Mais vous est-il venu à l'esprit que si nous rendons les publicités 20% plus odieuses, alors 40% de nos utilisateurs iront sur un moteur de recherche et taperont 'Comment bloquer les publicités ?".
Quel cauchemar ! Parce qu'une fois qu'un utilisateur a fait cela, le revenu provenant de cet utilisateur n'augmente pas jusqu'à 102 %. Il ne reste pas à 100 %. Il tombe à zéro, pour toujours.
[Vous devinez pourquoi ?]
Car aucun utilisateur n'est jamais retourné sur le moteur de recherche en tapant "Comment puis-je à nouveau voir des publicités ?".
Une fois que l'utilisateur a jailbreaké son téléphone, qu'il a découvert où se procurer l'encre ailleurs ou qu'il a noué une relation avec un mécanicien Tesla indépendant qui déverrouillera tous les DLC de sa voiture, cet utilisateur aura disparu, pour toujours.
L'interopérabilité - cette propriété latente qui nous a été léguée par les frères Turing et Von Neumann et leurs machines universelles infiniment flexibles - constitue un frein sérieux à l'enshittification.
Le fait que le Congrès n'ait pas adopté de loi sur la protection de la vie privée depuis 1988 est contrebalancé, du moins en partie, par le fait que la majorité des utilisateurs du web utilisent désormais des bloqueurs de publicité (ad-blockers), qui sont également des bloqueurs de traçage (trackers-blockers).
Mais personne n'a jamais installé de bloqueur de traceur pour une application. En effet, la rétro-ingénierie d'une application vous expose à des poursuites pénales et civiles en vertu de l'article 1201 du Digital Millennium Copyright Act, qui prévoit une peine de cinq ans d'emprisonnement et une amende de 500 000 dollars en cas de première infraction.
En outre, la violation des conditions d'utilisation vous expose à des poursuites en vertu du Computer Fraud and Abuse Act de 1986, la loi que Ronald Reagan a signée dans un accès de panique après avoir regardé Wargames (sérieusement !).
Le fait d'aider d'autres utilisateurs à violer les conditions d'utilisation peut vous valoir un procès pour ingérence délictuelle dans un contrat. Et puis il y a les marques, les droits d'auteur et les brevets.
Toutes ces absurdités que nous appelons "IP", mais que Jay Freeman de Cydia appelle "Felony Contempt of Business Model" (outrage criminel au modèle commercial).
Si nous sommes toujours à la réunion de planification des produits et qu'il est temps de parler de notre application, le responsable de la réunion dit : "D'accord, nous allons rendre les publicités de l'application 20 % plus odieuses pour obtenir une augmentation de 2 % du chiffre d'affaires publicitaire total".
Et la personne qui s'est opposée à ce que le site web soit 20% moins performant ? Elle lève à nouveau la main. Mais cette fois, elle dit : "Pourquoi ne pas rendre les publicités 100 % plus envahissantes pour obtenir une augmentation de 10 % du chiffre d'affaires publicitaire ?".
En effet, qu'un utilisateur se rende sur un moteur de recherche et tape "Comment bloquer les publicités dans une application ?" n'a aucune importance. La réponse est : vous ne pouvez pas. Donc YOLO, enshittify à volonté.
"IP" n'est qu'un euphémisme pour "toute loi qui me permet de sortir des murs de mon entreprise pour exercer un contrôle coercitif sur mes détracteurs, mes concurrents et mes clients", et "application" n'est qu'un euphémisme pour "une page web dotée de la bonne IP, de sorte que la protection de votre vie privée pendant que vous l'utilisez est un crime".
Auparavant, l'interopérabilité empêchait les entreprises de s'enshittifier. Si une entreprise faisait en sorte que son client soit nul, quelqu'un lançait un client alternatif ; si elle supprimait une fonctionnalité et voulait vous la revendre sous forme d'abonnement mensuel, quelqu'un créait un plugin compatible qui la restaurait moyennant une redevance unique ou même gratuitement.
Pour aider les gens à fuir Myspace, FB leur a fourni des bots que vous chargiez avec vos identifiants de connexion. Il récupérait vos messages Myspace en attente et les plaçait dans votre boîte de réception FB, puis se connectait à Myspace et collait vos réponses dans votre boîte d'envoi Myspace. Ainsi, vous n'aviez pas à choisir entre les personnes que vous aimiez sur Myspace et Facebook, qui a été lancé avec la promesse de ne jamais vous espionner. Vous vous en souvenez ?
Grâce aux métastases de la propriété intellectuelle, tout cela n'existe plus aujourd'hui. Apple doit son existence même à la suite iWork, dont les Pages, Numbers et Keynote sont compatibles avec les fichiers Word, Excel et Powerpoint de Microsoft. Mais si vous créez un runtime (moteur d'exécution) iOS capable de lire les fichiers que vous avez achetés dans les magasins Apple sur d'autres plateformes, vous serez bombardé jusqu'à ce que vous brûliez.
FB n'aurait pas eu la moindre chance de briser l'emprise de Myspace sur les médias sociaux sans ce scrape ("coup de griffe"), mais si vous scrapez FB aujourd'hui en faveur d'un autre client, ses avocats vous bombarderont jusqu'à ce que les débris retombent.
Google a scrappé tous les sites web du monde pour créer son index de recherche. Essayez de scraper Google et votre tête sera exposée au bout d'une pique.
Quand ils l'ont fait, c'était un progrès. Quand vous le faites à leur place, c'est du piratage. Tous les pirates veulent devenir amiraux.
Parce que cette poignée d'entreprises s'est si bien emparée de leurs régulateurs, elle peut brandir le pouvoir de l'État contre vous lorsque vous tentez de briser son emprise sur le pouvoir, alors même que ses propres violations flagrantes de nos droits restent impunies. Parce qu'elles le font par le biais d'une application.
La technologie a perdu sa peur de la concurrence, elle a neutralisé la menace des régulateurs, puis les a mis en selle pour attaquer les nouvelles startups susceptibles de leur faire ce qu'elles ont fait aux entreprises qui les ont précédées.
Mais malgré cela, une force a permis à nos patrons de garder le contrôle. Cette force, c'était nous. Les travailleurs de la technologie.
Ces techniciens ont toujours été rares, ce qui nous donnait du pouvoir, et nos patrons le savaient.
Pour nous faire travailler à des heures insensées, ils ont trouvé une astuce. Ils ont fait appel à notre amour de la technologie et nous ont dit que nous étions les héros d'une révolution numérique, que nous allions "organiser l'information mondiale et la rendre utile", que nous allions "rapprocher les citoyens du monde".
Ils ont fait appel à des experts en décoration pour transformer nos lieux de travail en campus fantasques avec blanchisserie gratuite, cafétérias gastronomiques, massages et kombucha, et même à un chirurgien prêt à congeler nos ovules et notre sperme pour que nous puissions travailler tout au long de nos années de fertilité.
Ils nous ont convaincus que nous étions choyés, plutôt que de travailler comme des mules pour le gouvernement.
Cette astuce a un nom. Fobazi Ettarh, le bibliothécaire théoricien, l'appelle la "vocational awe" (l'émerveillement professionnel), et Elon Musk la qualifie d'"extrêmement hardcore" (extrêmement violent, dépourvu de retenue).
Cela a très bien fonctionné. Nous avons accumulé les heures de travail !
Mais pour nos patrons, cette astuce a échoué. Car si vous ratez l'enterrement de votre mère pour respecter un délai, et que votre patron vous ordonne ensuite d'enshittifier ce produit, vous allez ressentir un profond préjudice moral, que vous allez absolument faire partager à votre patron.
Car que va-t-il faire ? Vous licencier ? Il ne pourra embaucher personne d'autre pour faire votre travail, et vous pourrez obtenir un emploi encore meilleur dans l'atelier d'en face.
Les employés ont donc tenu bon lorsque la concurrence, la réglementation et l'interopérabilité ont échoué.
Mais l'offre a fini par rattraper la demande. Les entreprises technologiques ont licencié 260 000 d'entre nous l'année dernière, et 100 000 de plus au cours du premier semestre de cette année.
Vous ne pouvez pas dire à vos patrons d'aller se faire foutre, parce qu'ils vous vireront et donneront votre poste à quelqu'un qui ne sera que trop heureux d'enshittifier le produit que vous avez construit.
C'est pourquoi tout cela se passe en ce moment même. Nos patrons ne sont pas différents. Ils n'ont pas attrapé un virus mental qui les a transformés en trous du cul cupides se fichant éperdument du bien-être de nos utilisateurs ou de la qualité de nos produits.
En ce qui concerne nos patrons, l'objectif de l'entreprise a toujours été de faire payer le plus possible et d'en offrir le moins possible, tout en partageant le moins possible avec les fournisseurs, les travailleurs, les utilisateurs et les clients. Ils ne dirigent pas des organisations caritatives.
Depuis le premier jour, nos patrons se sont présentés au travail et ont tiré aussi fort qu'ils le pouvaient sur le grand levier de l'ENSHITTIFICATION derrière leur bureau, mais ce levier n'a pas beaucoup bougé. La concurrence, la réglementation, l'interopérabilité et les travailleurs ont tout gommé.
Au fur et à mesure que ces sources de friction disparaissaient, le levier d'ENSHITTIFICATION s'est mis à bouger très librement.
C'est nul, je le sais. Mais pensez-y une seconde : nos patrons, bien qu'ils soient des êtres extrêmement imparfaits capables de rationaliser une cupidité et une tricherie sans fin, ont néanmoins supervisé une série de produits et de services réellement excellents.
Non pas parce qu'ils étaient de meilleures personnes, mais parce qu'ils étaient soumis à une discipline.
Il s'ensuit que si nous voulons mettre fin à l'enshittocène, démanteler l'enshitternet et construire un nouvel et bon internet que nos patrons ne pourront pas détruire, nous devons nous assurer que ces contraintes sont durablement installées sur cet internet, enroulées autour de ses racines et de ses nerfs. Et nous devons monter la garde pour qu'il ne puisse plus être démantelé.
Un nouvel internet de qualité est un internet qui présente les aspects positifs de l'ancien internet de qualité : une éthique de l'autodétermination technologique, où les utilisateurs de la technologie (et les hackers, bidouilleurs, startups et autres qui leur servent de mandataires) peuvent reconfigurer et moduler la technologie qu'ils utilisent pour qu'elle fasse ce dont ils ont besoin et pour qu'elle ne puisse être utilisée contre eux.
Mais le nouvel et bon internet corrigera les défauts du bon et vieil internet, la partie qui le rendait trop compliqué à utiliser pour tous ceux qui n'étaient pas nous. Et bien sûr, nous pouvons le faire. Les boss de la tech jurent que c'est impossible, qu'on ne peut avoir une conversation avec un ami sans la partager avec Zuck ; ou faire une recherche sur le web sans laisser Google vous explorer jusqu'aux viscères ; ou avoir un téléphone qui fonctionne de manière fiable sans donner à Apple un droit de veto sur les logiciels que vous installez.
Ils affirment qu'il est absurde de penser à ce genre de choses. C'est comme créer de l'eau qui ne serait pas mouillée. Mais ce sont des conneries. Nous pouvons avoir de belles choses. Nous pouvons construire pour ceux que nous aimons et leur offrir un endroit digne de leur temps et de leur attention.
Pour cela, il faut installer des contraintes.
La première contrainte, rappelons-le, est la concurrence. Nous vivons un tournant historique dans la politique de la concurrence. Après 40 ans de coma artificiel dans l'application de la législation antitrust, une vague de vigueur antitrust a déferlé sur les gouvernements du monde entier. Les régulateurs interviennent pour interdire les pratiques monopolistiques, ouvrir les jardins clos, bloquer les fusions anticoncurrentielles et même dénouer les fusions corrompues qui ont été entreprises sous de faux prétextes.
Normalement, c'est à cet endroit du discours que je devrais énumérer toutes les choses extraordinaires qui se sont produites au cours des quatre dernières années : les mesures d'application qui ont empêché les entreprises de devenir trop grandes pour s'en préoccuper, et celles qui ont effrayé les entreprises en les dissuadant d'essayer de s'en prévaloir.
Comme Wiz, qui vient de refuser l'offre d'acquisition la plus importante de l'histoire, refusant les 23 milliards de dollars de Google, et qui a décidé d'être une putain d'entreprise qui gagne de l'argent en fabriquant un produit que les gens veulent et en le vendant à un prix compétitif.
Normalement, j'aurais énuméré les règlements de la FTC qui interdisent les contrats de non-concurrence dans tout le pays. Ou encore les nouvelles lignes directrices sur les fusions que la FTC et le DOJ ont élaborées et qui, entre autres, établissent que les agences doivent examiner si une fusion aura un impact négatif sur la vie privée.
J'avais une section entière sur ce sujet dans mes notes, un véritable tour de victoire, mais je l'ai supprimée cette semaine.
(Quelqu'un peut-il deviner pourquoi ?)
C'est vrai ! Cette semaine, le juge Amit Mehta, statuant pour le DC Circuit des États-Unis d'Amérique, dans le dossier 20-3010, une affaire connue sous le nom de United States v. Google LLC, a conclu que "Google détient un monopole, et qu'il a agi comme tel pour maintenir son monopole", et a ordonné à Google et au DOJ de proposer un calendrier de mesures correctives, comme le démantèlement de l'entreprise.
Alors oui, c'était vraiment épique.
Ces affaires d'antitrust sont assez ésotériques, et je ne vais pas vous empêcher d'y accéder ou vous faire honte si vous voulez garder une certaine distance à ce sujet. Presque tout le monde est un normie (ndr : décrit quelqu’un, souvent péjorativement ou ironiquement, dont les goûts et le mode de vie sont courants) de l'antitrust, et c'est bien ainsi. Mais si vous êtes un habitué, vous ne captez probablement que de petites parties du récit, et laissez-moi vous dire que les monopoleurs le savent et qu'ils inondent la zone.
Le Wall Street Journal a publié plus d'une centaine d'éditoriaux condamnant la présidente de la FTC, Lina Khan, en affirmant qu'elle est une incapable inefficace, qui gaspille les fonds publics dans des aventures vouées à l'échec, des aventures donquichottesques contre des entreprises pauvres et innocentes qui n'aboutissent à rien.
(Quelqu'un sait-il à qui appartient le Wall Street Journal ?)
C'est exact, à Rupert Murdoch. Pensez-vous vraiment que Rupert Murdoch paie son comité de rédaction pour écrire cent éditoriaux sur quelqu'un qui ne fait rien ?
En réalité, aux États-Unis, au Royaume-Uni, dans l'Union européenne, en Australie, au Canada, au Japon, en Corée du Sud et même en Chine, les actions antitrust ont été plus nombreuses au cours des quatre dernières années qu'au cours des quarante années précédentes.
N'oublions pas que le droit de la concurrence est en fait assez solide. Le problème n'est pas la loi, mais les priorités en matière d'application. Reagan a mis l'antitrust en sommeil il y a 40 ans, mais cette arme élégante d'une époque plus civilisée est aujourd'hui de nouveau entre les mains de personnes qui savent s'en servir, et elles frappent à la porte.
Prochaine étape : la réglementation.
Alors que le pouvoir apparemment inéluctable des géants de la technologie se révèle être l'imposture qu'il a toujours été, les gouvernements et les régulateurs vont enfin mettre fin au "fameux truc bizarre" qui consiste à enfreindre la loi et à dire "ça ne compte pas, on l'a fait avec une application".
Comme dans l'Union européenne, la loi sur les marchés numériques (Digital Markets Act) sera mise en œuvre cette année. Il s'agit d'une loi qui oblige les plateformes dominantes à mettre en place des API (ndr : interface de programmation d’application ou interface de programmation applicative, souvent désignée par le terme API pour "application programming interface") afin que les tiers puissent offrir des services intercompatibles.
Ainsi, une coopérative, un organisme à but non lucratif, un amateur, une startup ou une agence gouvernementale locale pourra éventuellement offrir, par exemple, un serveur de réseaux sociaux capable de s'interconnecter avec l'un des systèmes de réseaux sociaux dominants, et les utilisateurs qui passeront à cette nouvelle plateforme pourront continuer à échanger des messages avec les utilisateurs qu'ils suivent et les groupes auxquels ils appartiennent, de sorte que les coûts de passage à une autre plateforme tomberont à un niveau proche de zéro.
C'est une règle très intéressante, mais ce qui l'est encore plus, c'est la manière dont elle sera appliquée. Les précédentes règles européennes en matière de technologie étaient des "règlements", comme dans le cas du règlement général sur la protection des données (RGPD). Les règlements de l'UE doivent être "transposés" en lois dans chacun des 27 États membres de l'UE, de sorte qu'ils deviennent des lois nationales dont l'application est assurée par les tribunaux nationaux.
Pour les grandes entreprises technologiques, cela signifie que toutes les réglementations technologiques antérieures sont appliquées en Irlande, parce que l'Irlande est un paradis fiscal et que toutes les entreprises technologiques arborent le drapeau irlandais par commodité.
Le problème, c'est que tout paradis fiscal est aussi un paradis criminel. Après tout, si Google peut prétendre être irlandais cette semaine, il peut prétendre être chypriote, maltais ou luxembourgeois la semaine suivante. L'Irlande doit donc satisfaire ces entreprises criminelles, sans quoi elles iront s'installer ailleurs.
C'est la raison pour laquelle le GDPR (ndr : règlement général sur la protection des données) est une telle farce dans la pratique. Les grandes entreprises technologiques se torchent avec le GDPR, et la seule façon de les punir commence par le commissaire irlandais à la protection de la vie privée, qui se donne à peine la peine de sortir de son lit. Il s'agit d'une agence qui passe le plus clair de son temps à regarder des dessins animés à la télévision en pyjama et à avaler des céréales pour le petit-déjeuner. Ainsi, toutes les grandes affaires liées au GDPR vont en Irlande et y meurent.
Ce n'est pas un secret. La Commission européenne sait ce qui se passe. Avec le DMA (ndr : règlement sur les marchés numériques), la Commission a donc changé les choses : le DMA est un "acte", et non un "règlement", ce qui signifie qu'il est appliqué par les tribunaux fédéraux de l'UE, en contournant les tribunaux nationaux dans les paradis du crime comme l'Irlande.
En d'autres termes, l'argument "nous violons la loi sur la protection de la vie privée, mais nous le faisons avec une application" qui a fonctionné avec le chien de garde de la protection de la vie privée de l'Irlande est désormais lettre morte, parce que les juges fédéraux de l'UE n'ont aucune raison d'avaler cette connerie évidente.
Aux États-Unis, la loi fédérale sur la protection de la vie privée des consommateurs est en train de céder - enfin !
N'oubliez pas que notre dernière loi sur la protection de la vie privée a été adoptée en 1988 pour protéger le caractère sacré de l'historique des locations de VHS. C'était il y a un moment.
Et le fait est que beaucoup de personnes sont en colère à cause de choses ayant un lien avec le paysage américain de la protection de la vie privée qui laisse à désirer. Vous craignez que Facebook n'ait transformé votre grand-père en Qanon ? Qu'Insta ait rendu votre ado anorexique ? Que TikTok lave le cerveau des jeunes générations pour qu'ils citent Oussama Ben Laden ? Ou que les flics relèvent l'identité de tous ceux qui ont participé à une manifestation de Black Lives Matter ou aux émeutes du 6 janvier en obtenant les données de localisation de Google ? Ou que les procureurs généraux des États rouges traquent les adolescentes se rendant dans des cliniques d'avortement situées en dehors de l'État ? Ou que les Noirs soient victimes de discrimination de la part des plateformes de prêt ou d'embauche en ligne ? Ou que quelqu'un réalise un deepfake porno de vous à l'aide d'une IA ?
Une loi fédérale sur la protection de la vie privée assortie d'un droit d'action privé - ce qui signifie que les individus peuvent poursuivre les entreprises qui violent leur vie privée - contribuerait grandement à remédier à tous ces problèmes
Il existe une coalition assez importante pour ce type de loi sur la protection de la vie privée ! C'est pourquoi nous avons vu une procession de lois imparfaites (mais qui s'améliorent régulièrement) sur la protection de la vie privée se frayer un chemin au Congrès.
Si vous vous inscrivez à la liste de diffusion de l'EFF sur eff.org, nous vous enverrons un courriel lorsque ces lois seront présentées afin que vous puissiez appeler votre député ou votre sénateur et leur en parler. Ou mieux encore, prenez rendez-vous avec eux lorsqu'ils sont dans leurs bureaux et expliquez-leur que vous n'êtes pas seulement un électeur inscrit dans leur circonscription, mais que vous êtes le genre de technicien d'élite qui va à Defcon, puis expliquez-leur le projet de loi. Ce genre de choses fait la différence.
Qu'en est-il de l'auto-assistance ? Où en sommes-nous dans la légalisation de l'interopérabilité, de sorte que les pirates puissent réparer sans attendre l'intervention du Congrès ou d'une agence fédérale ?
Tout ce qui se passe ici ces jours-ci, est la lutte pour le droit à la réparation au niveau des États. Nous recevons des projets de loi sur le droit à la réparation, comme celui adopté cette année dans l'Oregon, qui interdit le couplage de pièces, où la gestion des droits numériques est utilisée pour empêcher un appareil d'utiliser une nouvelle pièce jusqu'à ce qu'il reçoive le code de déverrouillage d'un technicien agréé.
Ces projets de loi sont défendus par un fantastique groupe d'organisations appelé Repair Coalition, sur Repair.org, qui vous enverra un courrier électronique lorsque l'une de ces lois sera examinée par le parlement de votre État, afin que vous puissiez rencontrer les représentants de votre État et leur expliquer la même chose que ce que vous avez dit à vos représentants fédéraux.
Le principal moteur de Repair.org est Ifixit, qui est un véritable héros de la révolution de la réparation, et le fondateur d'Ifixit, Kyle Wiens, est présent à la convention. Lorsque vous le verrez, vous pourrez lui serrer la main et le remercier, et ce sera encore mieux si vous lui dites que vous vous êtes inscrit pour recevoir des alertes sur repair.org !
Passons maintenant à la dernière façon d'inverser l'enshittification et de construire ce nouvel et bon Internet : vous, la main-d'œuvre technologique.
Pendant des années, vos patrons vous ont fait croire que vous étiez des fondateurs en attente, des entrepreneurs temporairement embarrassés qui ne touchaient qu'un salaire momentané.
Vous n'étiez certainement pas des travailleurs. Votre pouvoir provenait de votre vertu intrinsèque, et non de ces fainéants de syndicats qui doivent obtenir leur pouvoir par le biais de cette solidarité kumbaya absurde.
C'était une ruse. Vous avez été escroqué. Le pouvoir que vous aviez provenait de votre rareté, et lorsque cette rareté a pris fin, lorsque l'industrie a commencé à procéder à des licenciements annuels à six chiffres, votre pouvoir s'est envolé avec elle.
La seule source durable de pouvoir pour les travailleurs de la technologie est leur appartenance à un syndicat.
Pensez à Amazon. Les travailleurs des entrepôts doivent pisser dans des bouteilles et ont le taux le plus élevé de dommages corporels sur le lieu de travail de toutes les entreprises concurrentes. En revanche, les codeurs d'Amazon se présentent au boulot avec des piercings au visage, des mohawks verts et des t-shirts noirs portant des messages que leurs patrons ne comprennent pas. Ils peuvent aller pisser quand ils veulent !
Ce n'est pas parce que Jeff Bezos ou Andy Jassy vous aiment. C'est parce qu'ils ont peur que vous démissionniez et qu'ils ne savent pas comment vous remplacer.
C'est l'heure de la seconde citation obligatoire de William Gibson : "Le futur est là, mais il n'est pas réparti équitablement". Vous savez qui vit dans le futur ? Les cols bleus d'Amazon. Ils sont à la pointe du progrès.
Les chauffeurs dont les yeux sont surveillés par des caméras d'IA qui font de la phrénologie numérique sur leur visage pour déterminer s'il y a lieu de réduire leur salaire, les travailleurs d'entrepôt dont les corps sont bousillés en l'espace de quelques mois seulement.
À mesure que les patrons de l'industrie technologique renforcent cette armée de réserve d'ouvriers qualifiés au chômage, ces derniers - vous tous - arriverez au même avenir qu'eux.
Je sais que vous avez passé votre carrière à expliquer, avec des mots si simples que votre patron pouvait les comprendre, que vous refusiez d'enshittifier les produits de l'entreprise, et je vous remercie pour votre service.
Mais si vous voulez continuer à vous battre pour l'utilisateur, vous avez besoin d'un pouvoir plus durable que celui de votre rareté. Vous avez besoin d'un syndicat. Vous voulez savoir comment faire ? Consultez la Tech Workers Coalition et Tech Solidarity, et organisez-vous.
L'enshittification n'est pas apparue parce que nos patrons ont changé. Ils ont toujours été ce qu'ils sont.
Ils ont toujours tiré sur le levier de l'enshittification dans la suite C.
Ce qui a changé, c'est l'environnement, tout ce qui a empêché ce levier de fonctionner.
Et c'est une bonne nouvelle, dans le sens où cela signifie que nous pouvons créer de bons services à partir de personnes imparfaites. En tant que personne très imparfaite, je trouve cela encourageant.
Le nouvel et bel internet est à notre portée : un internet qui possède l'autodétermination technologique de l'ancien et du bon internet, et la simplicité du Web 2.0, qui permet à tous nos amis ordinaires de participer à l'aventure.
Les patrons de la tech veulent vous faire croire qu'une bonne UX (ndr : User eXperience, expérience utilisateur, désigne la qualité de l’expérience vécue par l’utilisateur dans toute situation d’interaction numériques ou physiques.) et l'enshittification sont indissociables. C'est une proposition tellement intéressée qu'on peut la repérer depuis des kilomètres. Nous le savons, car nous avons construit l'ancien bon Internet et nous avons mené un combat d'arrière-garde pour le préserver au cours des deux dernières décennies.
Il est temps d'arrêter de se défendre. Il est temps de passer à l'offensive. Restaurer la concurrence, la réglementation, l'interopérabilité et le pouvoir des travailleurs de la technologie afin de créer le nouvel internet de qualité dont nous aurons besoin pour lutter contre le fascisme, l'urgence climatique et le génocide.
Construire un système numérique neurologique pour un 21ème siècle dans lequel nos enfants pourront s'épanouir et prospérer.
DEF CON 31 - Un plan audacieux pour stopper l'ensh*ttification d'Internet - Cory Doctorow - Vidéo de 45 minutes, sous titres disponibles
La vidéo en question est désormais disponible sur YouTube.
L'enshittification de l'internet suit une trajectoire prévisible : d'abord, les plateformes sont sympas pour leurs utilisateurs ; ensuite, elles abusent de leurs utilisateurs pour améliorer la situation de leurs clients commerciaux ; enfin, elles abusent de ces clients commerciaux pour en récupérer toute la valeur pour elles-mêmes. Enfin, elles abusent de ces entreprises clientes pour récupérer toute la valeur pour elles-mêmes. Puis elles meurent. Il n'est pas nécessaire que cela se passe ainsi. L'enshittification se produit lorsque les entreprises s'engloutissent les unes les autres dans une orgie de fusions et d'acquisitions, réduisant l'internet à "cinq sites web géants remplis de captures d'écran du texte des quatre autres" (merci à Tom Eastman !), ce qui leur permet de peaufiner sans cesse leur back-end pour continuer à transférer la valeur des utilisateurs et des entreprises clientes vers elles-mêmes. Le gouvernement entre dans la danse en interdisant la modification par les utilisateurs - rétro-ingénierie, scraping, bots et autres mesures d'auto-assistance - laissant les utilisateurs impuissants face à la marche de l'enshittification. Nous n'avons pas à accepter cela ! La désensitalisation de l'internet nécessitera des mesures antitrust, des limites aux manipulations des entreprises - par le biais de lois sur la protection de la vie privée et d'autres protections - et des mesures d'auto-assistance agressives allant des magasins d'applications alternatifs aux bloqueurs de publicité et plus encore !
📰 https://pluralistic.net/2024/08/17/hack-the-planet/
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