❖ Ce mal qui ne date pas d'hier
Pourtant les Palestiniens endurent refusent de se soumettre, résistent malgré les obstacles démesurés, s'accrochent à de minis grains d'espoir dans des puits de désespoir sans fond. Ils sont héroïques
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SOMMAIRE :
1 - Ce mal qui ne date pas d'hier - Chris Hedges
2 - Le plan d'annexion de la Cisjordanie dévoilé par Israël, expliqué - Qassam Muaddi
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1- ➤ Ce mal qui ne date pas d'hier
Après deux décennies, je suis retourné en Palestine occupée, où j'avais effectué un reportage pour le New York Times. Une fois de plus, j'ai pu mesurer le mal viscéral de l'occupation israélienne.
Par Chris Hedges, le 16 juillet 2024, Blog personnel
RAMALLAH, Palestine occupée : La puanteur des eaux usées, le grognement des véhicules blindés de transport de troupes israéliens à moteur diesel, les camionnettes remplies d'enfants, conduites par des colons au visage crayeux, certainement pas d'ici, probablement de Brooklyn ou de quelque part en Russie ou peut-être en Grande-Bretagne, tout cela revient en trombe. Peu de choses ont changé. Les postes de contrôle arborant le drapeau bleu et blanc d'Israël jalonnent routes et carrefours. Les toits aux tuiles rouges des colonies - illégales au regard du droit international - dominent les collines au-dessus des villages et des villes palestiniens. Leur nombre et leur taille se sont accrus. Mais ces colonies restent protégées par des barrières anti-explosion, des fils barbelés et des tours de guet cernées par l'obscénité des pelouses et des jardins. Dans ce paysage aride, les colons ont accès à d'abondantes sources d'eau dont les Palestiniens, eux, sont privés.
Le mur de béton sinueux de 26 pieds de haut (8 m) qui parcourt les 440 miles de la Palestine occupée, avec ses graffitis appelant à la libération, ses peintures murales représentant la mosquée Al-Aqsa, les visages des martyrs et la bouille souriante et barbue de Yasser Arafat - dont les concessions à Israël dans l'accord d'Oslo ont fait de lui, selon les termes d'Edward Said, "le Pétain des Palestiniens" - donne à la Cisjordanie l'impression d'être une prison à ciel ouvert. Le mur lacère le paysage. Il se faufile et s'enroule comme un énorme serpent fossilisé antédiluvien, séparant les Palestiniens de leurs familles, tranchant les villages palestiniens en deux, isolant les communautés de leurs vergers, de leurs oliviers et de leurs champs, plongeant et surgissant des wadis (oueds), piégeant les Palestiniens dans la version actualisée d'un bantoustan (En Afrique du Sud, au temps de l'apartheid, territoire délimité, "foyer national" attribué à un peuple ou à un groupe de peuples noirs (bantous)) de l'État hébreu.
Voilà plus de vingt ans que je n'ai pas fait de reportage en Cisjordanie. La notion du temps écoulé s'effondre. Les odeurs, les sensations, les émotions et les images, la cadence chantante de l'arabe et le miasme de la mort soudaine et violente qui rôde dans l'air, renvoient à l'ancien mal. Comme si je n'étais jamais parti.
Je suis dans une Mercedes noire déglinguée, conduite par un ami d'une trentaine d'années que je ne nommerai pas pour le protéger. Il travaillait dans le bâtiment en Israël mais a perdu son emploi - comme presque tous les Palestiniens employés en Israël - le 7 octobre. Il a quatre enfants. Joindre les deux bouts s'avère être une tâche ardue. Ses économies ont fondu. Acheter de quoi se nourrir, payer l'électricité, l'eau et l'essence devient un casse-tête. Il se sent assiégé. Il est assiégé. Il ne fait pas grand cas de l'Autorité palestinienne, qui n'est que quisling (ndr : Le nom de Quisling, le premier ministre norvégien durant la guerre, est synonyme dans la langue courante de l'archétype du traître). Il n'aime pas le Hamas. Il a des amis juifs et parle hébreu. Le siège de Gaza le broie, lui et tous ceux qui l'entourent.
"Quelques mois de plus comme ça et c'est fini", dit-il en tirant nerveusement sur une cigarette. "Les gens sont désespérés. Ils sont de plus en plus nombreux à souffrir de la faim".
Nous roulons sur la route sinueuse qui longe les collines arides de sable et de broussailles qui serpentent depuis Jéricho, s'élevant de la mer Morte riche en sel, le point le plus bas de la terre, jusqu'à Ramallah. J'y rencontrerai mon ami, le romancier Atef Abu Saif, qui se trouvait à Gaza le 7 octobre avec son fils de 15 ans, Yasser. Ils rendaient visite à leur famille lorsqu'Israël a commencé sa campagne de terre brûlée. Il a passé 85 jours à endurer et à écrire quotidiennement sur le cauchemar du génocide. Les passages obsédants de son journal ont été publiés dans son livre Don't Look Left (Ne regardez pas ailleurs). Il a échappé au carnage via la frontière avec l'Égypte à Rafah, s'est rendu en Jordanie et est rentré chez lui à Ramallah. Mais les cicatrices du génocide demeurent. Yasser sort rarement de sa chambre. Il n'entre pas en contact avec ses amis. La peur, les traumatismes et la haine sont les principaux ingrédients transmis par les colonisateurs aux colonisés.
"Je vis toujours à Gaza", me dit Atef plus tard. "Je ne suis pas sorti. Yasser entend toujours les bombardements. Il continue de voir les cadavres. Il ne mange plus de viande. La viande rouge lui rappelle la chair qu'il a ramassée lorsqu'il s'est joint aux équipes de secours pendant le massacre de Jabalia, et celle de ses cousins. Je dors sur un matelas posé à même le sol, comme je le faisais à Gaza lorsque nous vivions sous une tente. Je reste éveillé. Je pense à ceux que nous avons laissés derrière nous dans l'attente d'une mort brutale".
Nous abordons un virage à flanc de colline. Les voitures et les camions se déportent spasmodiquement à droite et à gauche. Plusieurs devant nous sont en marche arrière. Devant nous se trouve un poste de contrôle israélien formé d'épais blocs de béton de couleur dune. Des soldats stoppent les véhicules et vérifient les papiers. Le passage des Palestiniens peut durer des heures. Ils peuvent être extirpés de leur véhicule et placés en détention. Tout est possible à un poste de contrôle israélien, souvent érigé sans avertissement préalable. La plupart du temps, ce n'est pas bon signe.
Nous faisons marche arrière et empruntons une route étroite et poussiéreuse qui s'écarte de l'autoroute principale. Nous roulons sur des pistes cahoteuses et accidentées à travers des villages pauvres.
Il en a été ainsi pour les Noirs dans le Sud ségrégationniste et pour les Américains autochtones. C'était le cas pour les Algériens sous les Français. C'était comme ça en Inde, en Irlande et au Kenya sous les Britanniques. Le masque mortuaire - trop souvent d'origine européenne - du colonialisme ne change pas. Pas plus que l'autorité divine des colons qui considèrent les colonisés comme de la vermine, qui prennent un plaisir pervers à les humilier et à les faire souffrir, et qui les tuent en toute impunité.
Lorsque j'ai traversé la Jordanie sur le pont du roi Hussein pour entrer en Palestine occupée, le douanier israélien m'a posé deux questions :
"Êtes-vous titulaire d'un passeport palestinien ?"
"L'un de vos parents est-il palestinien ?"
Autrement dit, êtes-vous contaminé ?
C'est ainsi que fonctionne l'apartheid.
Les Palestiniens veulent récupérer leurs terres. Ensuite, ils parleront de paix. Les Israéliens veulent la paix, mais exigent la terre palestinienne. Voilà, en trois petites phrases, le caractère insoluble de ce conflit.
J'aperçois Jérusalem au loin. Ou plus exactement, je vois la colonie juive qui s'étend sur les collines au-dessus de Jérusalem. Les villas, construites en arc de cercle au sommet de la colline, ont des fenêtres intentionnellement étroites en forme de rectangles verticaux, telles des meurtrières pour servir de fentes de tir.
Nous atteignons la périphérie de Ramallah. Nous sommes bloqués dans un embouteillage devant la base militaire israélienne tentaculaire qui supervise le point de contrôle de Qalandia, le principal point de contrôle entre Jérusalem-Est et la Cisjordanie. C'est le théâtre de fréquentes manifestations contre l'occupation, susceptibles de se terminer par des coups de feu.
Je rencontre Atef. Nous marchons jusqu'à un kebab et nous asseyons à une petite table en plein air. Les stigmates de la dernière incursion de l'armée israélienne se trouvent à deux pas, au coin de la rue. Il y a quelques jours, dans la nuit, les soldats israéliens ont incendié les échoppes qui gèrent les transferts d'argent depuis l'étranger qui ne sont plus que des ruines calcinées.
Il sera désormais bien plus difficile d'obtenir de l'argent de l'étranger, ce qui, je le suppose, était le but recherché.
Israël a considérablement renforcé son emprise sur les plus de 2,7 millions de Palestiniens de la Cisjordanie occupée, cernés par plus de 700 000 colons juifs logés dans quelque 150 lotissements stratégiquement implantés, dotés de leurs propres centres commerciaux, écoles et centres médicaux. Ces lotissements coloniaux, ainsi que les routes spéciales réservées aux colons et aux militaires, les points de contrôle, les parcelles de terre interdites aux Palestiniens, les zones militaires fermées, les "réserves naturelles" autoproclamées par Israël et les avant-postes militaires, forment des cercles concentriques. Ils interrompent instantanément la circulation à leur guise et isolent les villes et villages palestiniens en une série de ghettos ceinturés.
"Depuis le 7 octobre, il est compliqué de se déplacer n'importe où en Cisjordanie", explique Atef. "Des points de contrôle sont dressés à l'entrée de chaque ville et de chaque village. Imaginez que vous vouliez voir votre mère ou votre fiancée. Vous voulez vous rendre en voiture de Ramallah à Naplouse. Cela peut prendre sept heures parce que les routes principales sont bloquées. Vous êtes obligé d'emprunter des routes secondaires dans les montagnes".
Le trajet devrait prendre 90 minutes.
Depuis le 7 octobre, les soldats et les colons israéliens ont tué 528 civils palestiniens, dont 133 enfants, et en ont blessé plus de 5 350 autres en Cisjordanie, selon le chef des droits de l'homme de l'ONU. Israël a également détenu plus de 9 700 Palestiniens - ou devrais-je plutôt dire otages ? - dont des centaines d'enfants et de femmes enceintes. Nombre d'entre eux ont été gravement torturés, notamment des médecins torturés à mort dans les cachots israéliens et des travailleurs humanitaires tués après leur libération. Le ministre israélien de la sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, a appelé à l'exécution des prisonniers palestiniens afin de libérer de la place pour d'autres.
Ramallah, siège de l'Autorité palestinienne, était jusqu'à présent épargnée par les pires violences israéliennes. Depuis le 7 octobre, la situation a changé. Des raids et des arrestations ont lieu quasi quotidiennement dans la ville et ses environs, parfois accompagnés de tirs meurtriers et de bombardements aériens. Depuis le 7 octobre, Israël a détruit au bulldozer ou confisqué plus de 990 habitations et maisons palestiniennes en Cisjordanie, obligeant parfois les propriétaires à démolir leurs propres bâtiments ou à payer des amendes exorbitantes.
Des colons israéliens lourdement armés se sont livrés à des massacres dans des villages situés à l'est de Ramallah, notamment à la suite du meurtre d'un colon de 14 ans, le 12 avril, près du village d'al Mughayyir. En représailles, les colons ont brûlé et détruit des maisons et des véhicules palestiniens dans 11 villages, ont défoncé des routes, tué un Palestinien et blessé plus de deux douzaines d'autres.
Israël a ordonné la plus grande saisie de terres en Cisjordanie depuis plus de trente ans, confisquant de vastes étendues de terres au nord-est de Ramallah. Le ministre israélien des finances d'extrême droite, Bezalel Smotrich, qui vit dans une colonie juive et est chargé de l'expansion coloniale, a promis d'inonder la Cisjordanie d'un million de nouveaux colons.
Smotrich a juré d'effacer les zones distinctes de la Cisjordanie créées par les accords d'Oslo. La zone A, qui comprend 18 % de la Cisjordanie, est sous contrôle palestinien exclusif. La zone B, représentant près de 22 % de la Cisjordanie, est sous occupation militaire israélienne, en collusion avec l'Autorité palestinienne. La zone C, correspondant à plus de 60 % de la Cisjordanie, fait l'objet d'une occupation israélienne totale.
"Israël se rend compte que le monde reste sourd et aveugle, que personne ne l'obligera à mettre fin au génocide à Gaza et ni ne prêtera attention à la guerre en Cisjordanie", explique Atef. "Le mot "guerre" n'est même pas utilisé. On parle simplement d'une opération militaire israélienne normale, comme si ce qui nous arrive était normal. Il n'y a plus de distinction entre le statut des territoires occupés, classés A, B et C. Les colons confisquent toujours plus de terres. Ils multiplient les attaques. Ils n'ont pas besoin de l'armée. Ils sont devenus une armée de l'ombre, soutenue et armée par le gouvernement de droite israélien. Nous vivons en guerre continue depuis 1948. Il s'agit simplement de la phase la plus récente".
Jénine et le camp de réfugiés voisin sont assaillis quotidiennement par des unités armées israéliennes, des équipes de commandos infiltrés, des tireurs d'élite et des bulldozers, qui rasent des quartiers entiers. Des drones équipés de mitrailleuses et de missiles, ainsi que des avions de guerre et des hélicoptères d'attaque Apache, tournent au-dessus de la ville et détruisent les habitations. Comme à Gaza, des médecins sont assassinés. Usaid Kamal Jabarin, un chirurgien de 50 ans, a été tué le 21 mai par un tireur d'élite israélien alors qu'il se rendait à son travail à l'hôpital gouvernemental de Jénine. La faim est endémique.
"L'armée israélienne effectue des raids qui tuent des Palestiniens, puis s'en va", explique Atef. "Mais elle revient quelques jours plus tard. Les Israéliens ne se contentent pas de voler notre terre. Ils cherchent à tuer le plus grand nombre possible d'habitants d'origine. C'est pourquoi ils mènent des opérations constantes. C'est pourquoi il y a des affrontements armés constants. Mais ces affrontements sont provoqués par Israël. Ils sont le prétexte utilisé pour nous attaquer sans relâche. Nous vivons sous une pression constante. Nous sommes confrontés quotidiennement à la mort."
L'escalade dramatique de la violence en Cisjordanie est éclipsée par le génocide à Gaza. Mais elle est devenue un second front. Si Israël peut vider Gaza, la Cisjordanie sera la suivante.
"L'objectif d'Israël n'a pas changé", affirme-t-il. "Il cherche à réduire la population palestinienne, à confisquer de plus en plus de terres palestiniennes et à construire de plus en plus de colonies. Il cherche à judaïser la Palestine et à priver les Palestiniens de tout moyen de subsistance. Le but ultime est l'annexion de la Cisjordanie".
"Même au plus fort du processus de paix, alors que tout le monde était fasciné par la paix, Israël a transformé cette proposition de paix en cauchemar", poursuit-il. "La plupart des Palestiniens étaient opposés aux accords de paix signés par Arafat en 1993, mais ils l'ont tout de même accueilli à son retour. Ils ne l'ont pas tué. Ils voulaient donner une chance à la paix. En Israël, le premier ministre qui a signé les accords d'Oslo a été assassiné".
"Voici quelques années, quelqu'un a peint un étrange slogan sur le mur de l'école de l'ONU à l'est de Jabaliya", écrit Atef depuis l'enfer de Gaza. "Nous progressons à reculons. Cela sonne bien. Chaque nouvelle guerre nous ramène à l'essentiel. Elle détruit nos maisons, nos institutions, nos mosquées et nos églises. Elle rase nos jardins et nos parcs. Il faut des années pour se remettre d'une guerre, et avant que nous ayons récupéré, une nouvelle guerre arrive. Il n'y a ni sirènes d'alerte, ni messages envoyés sur nos téléphones. La guerre arrive, point barre".
Le projet colonial des colons juifs est protéiforme. Il change de forme, mais pas d'essence. Ses tactiques varient. Son intensité se manifeste par des vagues de répression sévère suivie d'autres moins importantes. Sa rhétorique sur la paix masque ses intentions. Le projet va de l'avant avec sa logique raciste, perverse et mortelle. Et pourtant, les Palestiniens endurent, refusent de se soumettre, résistent malgré les obstacles démesurés, s'accrochent à de minuscules grains d'espoir dans des puits de désespoir sans fond. Il y a un mot pour cela. L'héroïsme.
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2- ➤ Le plan d'annexion de la Cisjordanie dévoilé par Israël, expliqué
Le plan d'annexion de la Cisjordanie du ministre israélien des finances, Bezalel Smotrich, prévoit le rattachement de plus de 60 % du territoire à Israël. Mais les experts palestiniens affirment que c'est "déjà en train de se produire".
Par Qassam Muaddi, le 27 juin 2024, Mondoweiss
La question de l'annexion progressive de la Cisjordanie par Israël a refait surface ces derniers jours après qu'un enregistrement du ministre israélien des finances, Bezalel Smotrich, a révélé un plan "spectaculaire" visant à imposer un contrôle israélien permanent sur la Cisjordanie "sans que le gouvernement ne soit accusé de l'annexer", comme l'a déclaré Smotrich dans l'enregistrement.
Les déclarations de Smotrich, enregistrées par l'ONG israélienne Peace Now et publiées par CNN et le New York Times, ont été formulées lors d'un discours qu'il a prononcé devant des dirigeants de colons au début du mois de juin. Smotrich a été enregistré en train de dire qu'il avait élaboré un plan au cours de l'année et demie écoulée et qu'il l'avait présenté au Premier ministre israélien Netanyahu, qui était "entièrement d'accord".
Ce plan consiste à transférer les autorités administratives de Cisjordanie de l'armée israélienne aux autorités civiles du gouvernement israélien. Smotrich a déclaré avoir supervisé la création d'un organe administratif complet directement lié au gouvernement et que les membres de cet organe étaient déjà intégrés dans l'administration civile de l'armée israélienne.
Dès 1967, Israël a commencé à administrer la Cisjordanie et la bande de Gaza sous l'égide d'un organe administratif militaire, le gouvernement militaire, qui a été remplacé en 1981 par l'administration civile. Après la formation par Netanyahou du gouvernement le plus à droite de l'histoire d'Israël en 2022, Smotrich a été placé à la tête de l'administration civile. Depuis le 7 octobre, sa politique très dure en faveur de l'expansion des colonies a atteint de nouveaux sommets, et le plan d'annexion qui a récemment fait l'objet d'une fuite suscite de vives inquiétudes quant aux intentions de celui qui se décrit comme un fasciste à l'égard des Palestiniens vivant en Cisjordanie.
Selon Smotrich, les changements administratifs qu'il souhaite mettre en œuvre représentent un "changement radical" équivalant à "modifier l'ADN du système".
Il a indiqué que d'importants budgets ont été alloués à des projets d'infrastructure pour l'expansion des colonies et à des "mesures de sécurité" pour les colonies, ajoutant que l'objectif d'un tel plan est "d'éviter que la Cisjordanie ne devienne une partie d'un État palestinien".
Le plan Smotrich "déjà en place"
La fuite du plan de Smotrich survient à un moment où la Cisjordanie a été le théâtre d'une explosion de violence de la part des colons à l'encontre des villages palestiniens depuis le 7 octobre. Dès les premiers jours de l'assaut israélien contre Gaza, les colons israéliens ont lancé une série d'attaques contre les communautés rurales palestiniennes, expulsant intégralement au moins 20 communautés dans la vallée du Jourdain, sur les pentes orientales adjacentes (la région de Mu'arrajat) et à Masafer Yatta, dans les collines du sud de l'Hébron. Itamar Ben-Gvir, allié de Smotrich et ministre israélien de la sécurité nationale, a personnellement supervisé la distribution d'armes à feu aux colons, qui continuent d'attaquer les villages et les routes palestiniens en Cisjordanie.
Le plan de Smotrich "est une description de ce qui se passe déjà sur le terrain", a déclaré à Mondoweiss Khalil Tafakji, expert palestinien des colonies israéliennes et ancien directeur de l'unité des cartes à la Maison d'Orient de Jérusalem.
"C'est ce que nous décrivons et contre quoi nous mettons en garde depuis des années : une annexion de facto de la Cisjordanie par étapes, allant de pair avec la violence des colons visant à nettoyer ethniquement la zone C des Palestiniens", a-t-il souligné.
La zone C comprend les territoires de Cisjordanie où les Palestiniens ne sont pas autorisés à exercer une quelconque souveraineté ou autorité en vertu des accords d'Oslo. Elle couvre 61 % de la Cisjordanie et comprend les frontières du territoire, la vallée du Jourdain et l'espace entre les villes palestiniennes.
"Mais le plan constitue en fait un changement majeur dans la manière dont la Cisjordanie est traitée dans le système israélien", a déclaré Tafakji. "Elle passera sous le contrôle civil du gouvernement israélien, facilitant ainsi la construction et l'expansion des colonies, de telle sorte que la zone C deviendra une extension directe d'Israël".
Poursuivant et expliquant :
"L'étape suivante consisterait à prendre l'autorité sur la construction et l'expansion des colonies. "Elle consisterait à retirer à l'Autorité palestinienne le pouvoir de construire et d'urbaniser dans la zone B, tout en augmentant la pression exercée sur les Palestiniens pour les forcer à partir".
La zone B comprend les zones urbaines situées en dehors des principaux centres-villes, où les Palestiniens peuvent exercer une autorité civile limitée sans contrôle de sécurité, qui est exercé par l'armée israélienne.
"Actuellement, dans la zone B, les Palestiniens demandent des permis de construire à leurs municipalités locales, qui peuvent les délivrer dans le cadre de leurs plans d'urbanisme", explique Tafakji. "Cela resterait inchangé, mais les plans d'urbanisme ne seraient plus définis par les municipalités et les départements de planification de l'Autorité palestinienne, mais plutôt par le gouvernement israélien lui-même, transformant les villes palestiniennes en véritables réserves contrôlées par Israël."
Précisant,
"Il ne s'agit pas d'une révélation majeure sur les intentions ou la stratégie d'Israël en Cisjordanie, mais cela montre comment Israël procède et prévoit de procéder à l'avenir".
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