❖ Après son dynamitage de la politique française, qu'a dans la tête Emmanuel Macron ?
Malgré sa grosse branlée et un record d’impopularité dans les sondages, le roitelet mégalomane, à l'ego surdimensionné, réfléchit déjà au coup d’après : pourrir le Nouveau Front Populaire.
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SOMMAIRE :
1 - Comment Emmanuel Macron veut briser l’union de la gauche - Nils Wilcke
2 - Gauche en tête aux législatives : un sursis à mettre à profit - Nicolas Framont & la rédaction de Frustration
Publications étrangères
3 - Une victoire inattendue pour la gauche française - Another Angry Voice
4 - Les Français ripostent face au centrisme corporatiste et à la montée de l'extrême droite - Council Estate Media
5 - Macron a dynamité la politique française - Hugo Drochon
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1- ➤ Comment Emmanuel Macron veut briser l’union de la gauche
Le Président réfléchit déjà au coup d’après les législatives avec une stratégie éprouvée : pourrir le Nouveau Front populaire. Et, comme toujours, s’efforcer de rester au centre du jeu.
Par Nils Wilcke, le 8 juillet 2024, Politis
Emmanuel Macron voit le verre à moitié plein à la lecture des résultats du second tour des élections législatives. Avec 168 sièges, c’est-à-dire 82 de moins par rapport à 2022, la coalition macroniste sauve la face. Fidèle à lui-même, le président fanfaronne : "On nous prédisait la déroute mais nos idées sont toujours présentes dans le cœur des Français", déclare le chef de l’État dimanche soir dans le salon Murat de l’Élysée, alors qu’il bat un record d’impopularité dans les sondages. En oubliant aussi un instant que ses troupes se sont maintenues grâce aux voix du Nouveau Front populaire (NFP). "On le disait fini mais c’est bien la preuve que cette dissolution n’était pas si pourrie", renchérit l’un de ses soutiens auprès de Politis.
Autour du chef de l’État, les ministres et chefs de la majorité présents acquiescent à ces propos louangeurs mais n’en pensent pas moins tout en sirotant leurs Coca zéro et leur eau minérale. "C’est quand même une grosse branlée", soupire ce lundi le conseiller d’un participant. Signe de la déconfiture réelle, celle-ci, du camp présidentiel, Gabriel Attal a présenté sa démission à l’Élysée ce matin. Le président lui a demandé de rester Premier ministre "pour le moment", au moins le temps des Jeux olympiques de Paris (les Jeux paralympiques se terminent le 8 septembre, N.D.L.R.).
Officiellement, le président du chaos, qui a plongé la France dans une crise politique sans précédent, voudrait "assurer la stabilité du pays", fait savoir l’Élysée. Le chef de l’État a décidé "d’attendre la structuration de la nouvelle Assemblée nationale pour prendre les décisions nécessaires", "conformément à la tradition républicaine", annonce l’Élysée. "Serait-il devenu moins vertical ?", s’interroge un député Renaissance reconduit, un brin dubitatif.
Le coup d’après
En réalité, Emmanuel Macron réfléchit déjà au coup d’après. "Il ne supporte pas l’idée de ne pas avoir la main", suppute un député Renaissance qui a beaucoup échangé avec lui avant de couper les ponts après la dissolution. Car l’immobilisme est tout sauf une option pour ce président "maniaque du contrôle", rappelle l’un des anciens conseillers de sa campagne en 2017. Ainsi Emmanuel Macron a-t-il épluché les circonscriptions qui méritaient d’être "cédées" au Nouveau Front populaire, échangeant à ce sujet avec Marine Tondelier et Olivier Faure avant le second tour, comme l’a révélé opportunément La Tribune du dimanche le jour même des élections.
De même, les ambitions de ses anciens obligés l’irritent profondément : le président a repris Gabriel Attal quand le Premier Ministre a osé affirmer que "le centre de gravité du pouvoir sera désormais plus que jamais entre les mains du Parlement et donc (…) de nos concitoyens". "Les ambitions sont légitimes mais il y aura un moment pour qu’elles s’expriment, qui n’est pas encore venu", l’a sermonné celui qui se voit comme le "grand frère" de "Gaby", selon les informations de Politis. Bruno Le Maire, Édouard Philippe et Gérald Darmanin l’ont aussi pris pour eux. Ce dernier s’émancipe un peu plus en conviant plus d’une trentaine de députés à déjeuner Place Beauvau ce lundi, selon nos informations : ses fidèles Maud Bregeon, Ludovic Mendes, Violette Spillebout, Charles Rodwell…
Dès dimanche soir, le ministre de l’Intérieur affirmait que l’ancienne majorité présidentielle pourrait gouverner avec la "droite républicaine", comprendre sans le camp Ciotti. Bruno Le Maire s’agite également en coulisses, en réunissant des députés de la majorité sortante dans la soirée à Bercy. Édouard Philippe, dont la rupture avec le président est désormais assumée, se plaint que la dissolution, qui devait faire apparaître un moment de "clarification", "a au contraire conduit à une grande indétermination". La guerre des chefs s’accélère.
La gauche dans le viseur
À cela s’ajoutent les ambitions de Sacha Houlié, qui "réfléchit" à créer un nouveau groupe "social-démocrate" à l’Assemblée nationale, selon France Info. Cette figure de "l’aile gauche" de l’ex-majorité a multiplié les critiques contre Emmanuel Macron depuis le vote de la loi immigration, jusqu’à qualifier la dissolution de "décision absurde du président de la République". Matignon redoute plus que jamais "une implosion de la Macronie", selon un conseiller de l’exécutif. Le Président, lui, ne s’avoue pas vaincu.
Certes, il ne pourra pas user de la dissolution avant un an mais il garde toujours le pouvoir de nommer le Premier ministre et les ambassadeurs. Il peut aussi attendre quinze jours avant de promulguer les lois votées et réclamer une nouvelle délibération de la loi ou de certains de ses articles qui lui déplaisent. Bref, de quoi rendre la vie d’un gouvernement de gauche très désagréable, à défaut de pouvoir paralyser un éventuel gouvernement NFP.
Sans compter la volonté de la gauche de revenir sur la réforme des retraites : "Ce qui s’est fait par 49-3 peut se défaire par 49-3", déclare, bravache, le patron du PS, Olivier Faure, sur France info. "On ne va pas gouverner à coups de 49-3", lui répond Sandrine Rousseau sur BFM quelques instants plus tard. Les germes de la désunion, déjà ? Même pari du côté de Matignon. Gabriel Attal a invité le PS à "rompre avec LFI", lors d’un déjeuner avec une vingtaine de député de l’ancienne majorité, selon un participant. Une partie de la gauche, fâchée avec LFI, pourrait-elle céder aux sirènes de la Macronie ? La tentation est forte de couper avec la formation de Jean-Luc Mélenchon pour créer une alliance au centre-gauche. "La sociale-démocratie n’est pas morte", confiait dès dimanche soir un proche de Glucksmann à Politis.
À gauche, comme à droite, personne n’imagine le chef de l’État se contenter de regarder la bataille pour Matignon en spectateur. "Il ne supporte pas de ne pas être au centre des décisions, il va essayer de nous la mettre à l’envers", s’inquiète une éminente députée écolo. Son entourage ne dément pas cette possibilité. "La gauche va discuter, palabrer sur le nom d’un potentiel Premier ministre puis se déchirer sur des points de programmes et le Président va remporter la mise, vous verrez", ricane l’un de ses soutiens, qui rappelle que faute de majorité absolue, la gauche ne peut pas opposer de mention de censure son gouvernement. Ce qui lui permet d’écarter à moyen terme toute démission, comme il l’a craint un moment.
Les chefs du NFP ont vu venir le président : "Il faut que dans la semaine, nous puissions être en mesure de présenter une candidature pour Matignon", martèle Olivier Faure sur France Info, estimant que le président devra se plier à cette décision. C’est aussi ce qu’affirment l’Insoumise Mathilde Panot sur RTL ainsi que Sandrine Rousseau sur BFM. Insatiable, Emmanuel Macron ? "Cela va bien au-delà de la soif du pouvoir, qui est consécutive de son ego surdimensionné. Le parfait exemple du mégalomane", grince un ancien conseiller de la campagne en 2017. À la gauche de lui montrer qu’il se trompe, comme elle l’a fait en s’unissant en 48 heures au sein du Nouveau Front populaire.
Sur le même sujet : Le macronisme, sombre histoire
Nils Wilcke est un journaliste politique.
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2- ➤ Gauche en tête aux législatives : un sursis à mettre à profit
Le résultat du second tour des élections législatives est un immense soulagement. Voici 3 semaines que l’ensemble des grands médias nous annoncent la victoire du Rassemblement National, et nous étions toutes et tous conditionnés à l’idée que la question serait de savoir s’ils auraient une majorité absolue ou non. Le retournement de situation qui s’est produit hier soir éloigne donc cette perspective. Emmanuel Macron a, en outre, perdu son pari, et pourrait perdre le contrôle du pays, à ce jour. Les grands médias sont aussi complètement désavoués. Non seulement leurs prédictions se sont avérées fausses mais en plus leur stratégie de diabolisation de la gauche semble avoir échoué puisque celle-ci est en tête. Bref, d’excellentes nouvelles. Pour autant, il semble difficile, ce matin, de parler de victoire. Il serait plus juste de parler d’un sursis qui nous a été accordé après 3 semaines de rude travail militant, médiatique et intellectuel pour empêcher le RN de l’emporter. Alors, qu’en faire ?
Par Nicolas Framont & la rédaction, le 9 juillet 2024, Frustration
Reprendre à zéro, partout, la lutte contre l’extrême-droite
L’extrême-droite n’aura pas le gouvernement du pays cette semaine mais sa progression reste énorme. Avec un grand groupe à l’Assemblée Nationale, 3ème en nombre de députés, le RN n’est pas vainqueur en nombre de sièges mais il reste le premier parti en nombre de voix. Notre système à deux tours aura empêché la catastrophe, mais entre les deux tours nos concitoyens n’ont pas grandement changé d’avis. Le vote pour un parti raciste et réactionnaire reste une option viable pour un grand nombre de personnes. S’organiser localement, en particulier dans les petites villes et le monde rural, pour briser le nouveau conformisme qui fait du vote RN quelque chose d’estimable et de valorisant, comme le montre le sociologue Benoît Coquard dans un entretien publié la semaine dernière, est plus que jamais nécessaire, par exemple.
Benoit Coquard ou un autre sociologue comme Félicien Faury, auteur d’un très bon livre sur les électeurs RN, nous permettent de sortir de deux positions opposées mais tout aussi vaines quand il s’agit d’analyser et de combattre le RN : la première position, misérabiliste, considère que les électeurs RN sont d’abord des victimes de leur condition sociale, qu’ils votent par peur ou défiance, et ignorent l’aspect raciste et fasciste de ce parti. La seconde position, moraliste, considère (à juste titre) que les électeurs RN sont racistes et qu’il faut donc s’éloigner le plus possible d’eux. La première position conduit à des positionnements complaisants qui passent complètement sous silence la question du racisme et refuse de la combattre, comme l’a fait quelqu’un comme Fabien Roussel et comme continue de le faire François Ruffin. La seconde position peut conduire à la fameuse note de Terra Nova : en 2011, ce think tank proche du PS théorisait le fait que les ouvriers étant désormais attirés par le racisme, la gauche devait les laisser tomber et se focaliser sur d’autres catégories de la population.
Les analyses sociologiques du vote RN montrent qu’il s’agit bien d’un vote raciste, mais que ce racisme prend racine dans des rapports sociaux et une atmosphère médiatique sur lesquels il est possible d’agir.
La gauche gagne une bataille mais pas la guerre
Il ne faut pas bouder son plaisir : à écouter les grandes chaînes de télévision, publiques ou privées, la radio et la plupart des journaux, l’alliance de gauche était condamnée à la défaite. La couverture médiatique de ce bord politique a été calamiteuse : l’accent a été mis sur les conflits entre ses membres, une campagne d’intense dénigrement a été orchestrée pour associer la gauche à l’antisémitisme et pourtant le Nouveau Front Populaire est en tête à l’issue de second tour. Cela signifie que tout l’écosystème militant, associatif et médiatique qui soutenait cette alliance a fait du beau travail, dans des conditions pourtant très difficiles.
Nous avons donc appris une chose : nous avons d’ors et déjà des outils efficaces pour contrer une propagande médiatique intense et ce malgré un climat de division palpable au sein de la gauche. D’ailleurs, cette victoire semble au moins autant le fait des "simples" citoyennes et citoyens de gauche qui ont fait un gros travail de mobilisation de leur entourage et de tout le milieu de gauche, au sens large, que celui des appareils, qui ont perdu un temps important à se diviser. On pourrait dire que c’est, comme on dit, la "société civile" qui a permis cette victoire. Ce qui montre la force que l’on a et l’écosystème dont on dispose pour agir. Il faut s’en féliciter et célébrer ce qui est tout de même un sacré succès.
Cependant, la gauche n’est pas la première en nombre de voix dans le pays. Le RN a conservé sa confortable avance enregistrée au premier tour. La gauche n’est pas le premier choix des électeurs et elle doit sa victoire relative au mécanisme de "front républicain" ou "cordon sanitaire" contre le RN, ce qui, redisons-le, se justifie pleinement : oui, le RN n’est pas un parti comme les autres. Son histoire et son programme le situent en dehors du spectre de principes que le pays s’est donné au sortir de la seconde guerre mondiale et il mérite d’être traité différemment. Il s’en est fallu de peu que les macronistes ne jouent pas le jeu, mais finalement les désistements des candidats arrivés troisième ont fonctionné, favorisant au passage le camp présidentiel qui améliore son score initialement prévu.
Pour autant, même si l’alliance de gauche forme le plus gros groupe, celui-ci n’a qu’une toute petite majorité, de 182 sièges sur 577. Le reste de l’Assemblée penche à droite et à l’extrême-droite et le parti présidentiel se taille une belle part de second. Le rapport de force est donc globalement mauvais, même si les règles sont telles que c’est bien à la gauche que peut revenir la composition d’un premier gouvernement.
Mais pour faire quoi ? Sans majorité absolue, un gouvernement ne peut pas faire adopter des textes de loi sans le concours d’autres groupes politiques. Or, aucun autre groupe dans la nouvelle Assemblée n’a soutenu, par le passé, la moindre mesure sociale qui figure dans le programme du NFP. Rien que la hausse du SMIC est combattu par les deux autres forces RN et macronistes, Bien que le programme du NFP soit très modéré, plus modéré que celui de la NUPES en 2022, il contient des éléments impensables pour la classe dominante qui a misé, cette année, sur le RN et les macronistes. Par exemple, la réforme fiscale qui rétablirait une imposition des plus riches est inconcevable pour les macronistes comme pour les députés RN : les premiers sont ceux qui ont mis fin à cette fiscalité. Les seconds comptaient, s’ils arrivaient au pouvoir, aller encore plus loin en supprimant la taxation de la fortune immobilière qui demeurait en place.
Que faire dans ce cas-là ? Le précédent gouvernement a utilisé un très grand nombre de fois l’article 49-3 de la Constitution, qui permet de faire passer un texte sans vote du Parlement. Le problème, c’est que l’utilisation de cet article donne le droit aux groupes d’opposition de voter une motion de censure pour faire tomber le gouvernement. Du temps de Gabriel Attal et Elisabeth Borne, ces motions de censure échouaient faute d’accord entre des groupes d’opposition très différents. Mais dans le cas présent, la droite et les macronistes peuvent faire tomber, au moindre 49-3, un gouvernement NFP. Jean-Luc Mélenchon parle de gouverner "par décret". Mais ce système a des limites : un décret a un champ d’application qui est nécessairement inférieur à la loi. Aucun grand changement de fond n’est possible en disposant uniquement du pouvoir d’émettre des décrets.
Partir de cette semi-victoire pour reprendre la main
Il est donc possible que la victoire de la gauche à ces élections ne débouche pas sur les changements que nous pouvons attendre légitimement de ce camp. Nous n’allons pas nous lancer dans un exercice de prospective nécessairement casse-gueule vu ce contexte inédit, mais on notera toutefois qu’il est possible qu’une coalition autour de ce qui reste du macronisme, de la droite traditionnelle ou des éléments les plus à droite du NFP. C’est ce à quoi appelle à des figures du camp présidentiel comme François Bayrou qui appelle à une entente qui irait "de la gauche hors LFI jusqu’à la droite hors Rassemblement national".
Il est également possible que la crise institutionnelle se prolonge et qu’aucun gouvernement clair n’apparaisse pendant des semaines.
Même si un gouvernement NFP parvient à se constituer et se dégager des marges de manœuvres pour agir, sa majorité sera composée pour moitié de députés sociaux-démocrates voire sociaux-libéraux, très modérés, qui appartiennent au PS, un parti dont l’histoire nous apprend qu’il a une fiabilité politique proche de zéro. On notera aussi que cette alliance politique est très peu représentative, sociologiquement, du reste de la société française. La défaite de Rachel Kéké, ex-femme de ménage, et de Caroline Fiat, ex-aide-soignante, sont à ce titre tristement emblématiques. Les représentant.e.s de la gauche actuelle sont très majoritairement des ex-enseignant.e.s et des professionnel.le.s de la vie politique. Par ailleurs, la gauche comme les autres groupes politiques ont fait élire bien plus d’hommes que de femmes et la parité recule donc à l’Assemblée Nationale.
Ce problème de non-représentativité sociale de la gauche a été mis sous le tapis le temps de la campagne car il y avait urgence à agir et tenir. Mais il pèse lourd. Parfois, dans l’histoire sociale du pays, la gauche et les classes laborieuses se sont presque confondues, notamment dans l’immédiate après-guerre quand le PCF amenait un grand nombre d’ouvriers à la députation. Mais le plus souvent, ce lien est faible. Désormais, il est très léger. On peut même dire qu’une bonne moitié du NFP est acquis à la gauche bourgeoise, qui n’hésitera pas à saboter de l’intérieur (comme elle l’a fait, à bien des égards, pendant cette campagne) toute tentative de rupture avec l’ordre des possédants.
Si l’on veut gagner la guerre, c’est-à-dire redonner à notre camp social une partie des richesses produites et les ressources d’un État mis au service prioritaire des actionnaires et des patrons, il ne faut pas se satisfaire de cette semi-victoire à l’arrachée. Il faut éviter l’auto-satisfaction et le repli identitaire sur une gauche qui reste, en nombre de voix, minoritaire dans la société.
Gouvernement faible = mouvement social fort
Mais il faut par contre profiter de ce moment de sursaut et de joie pour pousser notre avantage :
Côté médias indépendants, être capable d’agir ensemble et d’élargir à notre gauche notre fenêtre d’Overton (le spectre de ce qu’il est acceptable de penser et qui s’est surtout, ces dernières décennies, déplacé à droite). Il faut que nous puissions lancer nos propres polémiques, controverses et propositions, et dicter aux autres notre agenda.
Nous l’avons déjà dit lorsque la question nous est posée : à Frustration, nous ne pensons pas que c’est une bonne idée de fusionner des petits médias qui sont d’autant plus vifs et pugnaces qu’ils ont des organisations fluides, peu ou pas hiérarchisées. Nous n’avons pas envie de faire partie d’un grand groupe de presse avec des chefs et des cadences. Mais nous voulons agir avec les autres. Pour cela, nous lançons déjà deux idées :
Une boucle de coordination et d’échange entre tous les médias indépendants, nous organiser ensemble des campagnes médiatiques intenses capables de bouleverser l’agenda du débat public. Par exemple, en septembre, lancer un matraquage sur l’absurdité de la propriété lucrative immobilière en France, les abus des propriétaires, la nécessité de bloquer les prix et, en attendant, lancer une grève des loyers.
Un fond de financement co-géré par l’ensemble des médias indépendants, qui permettrait à n’importe quel citoyen de donner pour ce secteur et s’assurer que son soutien soit réparti équitablement entre des médias qui partagent un fonctionnement et des valeurs communes. Un tel fond sortirait les médias indépendants, notamment les plus petits, de leur précarité financière. Il permettrait en outre de favoriser l’émergence de tout un secteur de médias indépendants locaux, partout sur le territoire.
Côté mouvement social : préparer un vaste mouvement de grève pour la rentrée dans tous les secteurs qui ont pâti des 7 années de macronisme autour d’un programme de revendication simple et transsectoriel : recrutement dans la fonction publique, revalorisation salariale d’ampleur dans le public et le privé, indexation des salaires sur les prix, baisse des loyers, par exemple. Une semaine de grève dans tous les secteurs en même temps – ce qui n’a jamais été fait ces dernières décennies – suffira à faire plier n’importe quel gouvernement, d’autant plus dans ce contexte où on aura forcément à faire à des dirigeants affaiblis par la crise institutionnelle qui résulte des élections législatives.
Cette semi-victoire n’a pas tout résolu, loin de là. Mais elle nous a permis de relever la tête. Gardons-la haute et demandons plus. Car c’est en entretenant cette culture de la réussite et du collectif que nous attirerons à nous celles et ceux qui nous ont tourné le dos.
Frustration est un média d’opinion, engagé et apartisan : financés 100% par nos lectrices et lecteurs, nous ne percevons ni subventions ni "gros dons". Nous ne percevons aucune recette publicitaire. Par ailleurs, notre média en ligne est entièrement gratuit et accessible à toutes et tous. Ces conditions nous semblent indispensables pour pouvoir défendre un point de vue radical, anticapitaliste, féministe et antiraciste. Pour nous, il y a une lutte des classes et nous voulons que notre classe, la classe laborieuse, la gagne.
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Publications étrangères
3- ➤ Une victoire inattendue pour la gauche française
Les électeurs français ont fait ce qu'il fallait pour écarter du pouvoir la cabale de la famille d'extrême droite Le Pen, ce qui a conduit à une victoire inattendue de la toute nouvelle alliance de la gauche élargie.
Par Another Angry Voice, le 8 juillet 2024
La France a évité le scénario cauchemardesque d'une prise de pouvoir de l'extrême droite au Parlement français par la cabale dépravée de la famille Le Pen.
La nouvelle alliance gauche-verts du Front populaire a dépassé les attentes en remportant 182 sièges, les soi-disant "centristes" de Macron sont arrivés en deuxième position avec 163 sièges, l'horrible mafia de Le Pen en troisième position avec 143 sièges, quant au parti de droite Les Républicains, il n'en a remporté que 39.
Avec 577 sièges au total et 289 requis pour former une majorité, aucun parti n'a remporté une majorité absolue, et le processus de formation d'un gouvernement, quel qu'il soit, va être extrêmement compliqué, le choix du Premier ministre étant entre les mains d'Emmanuel Macron.
Le parti de Macron
Le parti Renaissance de Macron est au pouvoir au Parlement français depuis 2017, d'abord avec une majorité massive, puis en tant que premier parti, de loin, à deux doigts de la majorité depuis 2022.
Après l'élection surprise de Macron, le parti a perdu 82 sièges supplémentaires et s'est effondré à la deuxième place derrière l'alliance de gauche avec 163 sièges, mais il a tout de même dépassé les prévisions générales selon lesquelles il s'effondrerait à la troisième place.
Macron a fait un pari énorme en osant demander aux Français de voter pour le parti de Le Pen, ce qui a coûté cher à son parti, à sa présidence et à sa réputation.
Le nouveau Front populaire
Les médias capitalistes britanniques adorent présenter la toute nouvelle alliance de gauche du NFP comme étant de "gauche dure", mais c'est délibérément trompeur, car il s'agit d'une coalition établie à la hâte de quatre partis de gauche différents, dont l'ancien puissant parti socialiste français de centre-gauche, La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon, ouvertement de gauche, le parti vert français et les communistes français, véritablement de gauche dure.
Le deuxième plus grand parti du NFP (parti socialiste) est le parti frère du parti travailliste de Keir Starmer. Il est loin d'être "à gauche toute", mais il a fait ce qu'il fallait, mis ses différences de côté et rejoint une alliance de la gauche élargie afin d'empêcher l'extrême droite de gagner le pouvoir en divisant le vote de gauche. Ils méritent d'être félicités pour avoir ainsi mis de côté les factions, et non pour avoir prétendu, à tort, qu'ils étaient devenus des extrémistes politiques.
Non seulement ce type de coopération réussie entre les partis de gauche est totalement inconcevable pour les Britanniques qui se sont habitués à des fractures et à un fractionnement incessants de la gauche, mais il est également extraordinaire qu'une alliance créée il y a seulement un mois soit aujourd'hui le bloc le plus important du Parlement français.
Elle s'est construite sur le principe d'une direction collective, si bien que l'on ne sait toujours pas qui elle proposerait comme Premier ministre.
Le Front national de Le Pen
Compte tenu de leur victoire aux élections européennes de mai, de leur victoire au premier tour de scrutin la semaine dernière et de leur avance dans les sondages, il est remarquable que les dépravés de Le Pen aient terminé en troisième position, mais 143 sièges restent de loin leur meilleure performance dans une élection parlementaire française, dépassant de loin les 89 sièges obtenus en 2022 et les 35 obtenus en 1988.
L'extrême droite européenne a explosé d'une rage collective face à ce résultat, mais la majorité des Européens poussent un énorme ouf de soulagement en constatant que le public français les a tenus à l'écart du pouvoir.
S'il peut sembler étrange qu'ils aient remporté le troisième plus grand nombre de sièges avec la plus grande part des voix (33 % contre 26 % pour la gauche et 25 % pour le parti de Macron), cela résulte d'un vote tactique et du retrait tactique d'un grand nombre de candidats placés en troisième position.
Les Républicains
L'effondrement continu de l'équivalent français du parti conservateur britannique, qui a encore une fois enregistré les pires résultats de son histoire, est un spectacle des plus réjouissants. Le parti autrefois puissant de Chirac et Sarkozy est aujourd'hui un acteur mineur qui a éclaté en guerre civile pendant la campagne électorale lorsque son leader a tenté unilatéralement de former une alliance politique avec les extrémistes de Le Pen.
Ils espéraient tenir la balance du pouvoir dans un nouveau parlement français d'extrême droite mais sont tombés si bas qu'il est désormais mathématiquement impossible pour eux de faire la moindre différence.
Que se passera-t-il ensuite ?
En vertu de la constitution française, le président choisit un candidat au poste de Premier ministre. C'est donc à Macron de décider de la marche à suivre, mais il se trouve aujourd'hui dans une position incroyablement difficile.
Le précédent Premier ministre, Gabriel Attal, a déjà démissionné (ndr : démission refusée par le président français a priori jusqu'à la fin des JO paralympiques) et Macron serait bien mal avisé d'essayer d'imposer un autre Premier ministre issu de son propre parti, étant donné que celui-ci a terminé troisième en termes de voix et n'a été sauvé de la troisième place en termes de sièges que par le vote tactique de la gauche française, qui a écarté les candidats Le Pen.
Il est presque certain qu'il devra choisir quelqu'un du NFP, mais c'est loin d'être facile étant donné l'absence de leader spécifique et la haine acharnée de Macron pour La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon, qui a remporté le plus de sièges parmi les quatre partis de l'alliance.
Les collaborateurs de Macron ont parlé d'inviter des partis spécifiques du NFP à les rejoindre au gouvernement, afin d'exclure La France Insoumise, mais ce serait une manœuvre de division incroyable qui serait perçue comme un véritable coup monté par les électeurs, et même dans ce cas, si Macron parvenait à diviser l'alliance politique venant de remporter l'élection, il est difficile de voir comment ses chiffres s'additionneraient.
Étant donné que Macron et ses alliés ont passé la campagne électorale à attaquer et à salir le NFP bien plus que le Front national de Le Pen, tout en imitant le sectarisme et la rhétorique de l'extrême droite dans leurs attaques, il est difficile de voir comment Macron va travailler avec eux, sans parler de les diviser pour maintenir ses propres partisans au pouvoir.
Quoi que Macron fasse maintenant, il sera profondément impopulaire.
S'il tente de diviser la gauche au sens large à son propre avantage, les citoyens y verront l'opportunisme cynique qu'il est.
S'il oblige la gauche à diriger une administration minoritaire et fait ensuite obstruction à sa législation pendant les prochaines années, son parti sera certainement confronté à un retour de bâton de la part des électeurs, en particulier du nombre important de sympathisants de gauche et d'écologistes qui ont voté tactiquement pour les candidats de Macron afin d'écarter ceux de Le Pen.
S'il accepte une coalition entre son parti et le NFP, les électeurs évoqueront à juste titre tout le fiel et la propagande anti-gauche immondes que son parti a vomis pendant les élections, et lui demanderont pourquoi il est prêt à travailler avec l'alliance de la gauche élargie qu'il a personnellement qualifiée de "quatre fois pire" que la populace dégueulasse de Le Pen il y a quelques semaines à peine.
Quel que soit le résultat final, que les électeurs français aient ignoré les attaques au vitriol et injustifiées de Macron contre la gauche au cours de la campagne électorale et qu'un nombre significatif de ses propres politiciens aient défié ses ordres de diviser le vote anti-Le Pen en ne se retirant pas là où ils étaient arrivés en troisième position au premier tour, est une fantastique nouvelle.
Ce résultat est la preuve que lorsque la gauche travaille de concert, elle est à même de gagner, mais aussi que la haine anti-gauche du cercle rapproché de Macron n'est pas partagée par le public français, qui préfère en fait la gauche aux soi-disant "centristes" de Macron, mais qui votera pour celui ayant le plus de chances d'empêcher les fascistes de diriger leur pays pour la première fois depuis l'époque de la France de Vichy et de l'occupation nazie.
📰 Lien de l'article original :
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4- ➤ Les Français ripostent face au centrisme corporatiste et à la montée de l'extrême droite
Vive la France ! (en français dans le texte)
Par Council Estate Media, le 8 juillet 2024
L'équivalent français de Jeremy Corbyn a donc remporté les élections françaises. Pensées et prières à tous les journalistes qui espéraient que Marine Le Pen gagne afin de pouvoir passer les cinq prochaines années à blâmer la gauche pour la montée de l'extrême droite et à feindre d'en être fâchés !
Je suppose que c'est similaire à la façon dont ils prétendent détester Farage tout en le programmant toutes les trois secondes pour rehausser son image. Ils prétendent mettre en avant Farage pour remettre en cause ses idées, mais bizarrement, ils le font jamais pour la gauche afin qu'elle remette en cause nos idéesbizarrement. Ils adorent nous dire que l'extrême droite est sur la voie d'un succès sans précédent et la gauche sur celle d'une défaite cuisante, si tant est qu'ils nous mentionnent.
REMARQUE : lorsque j'utilise les termes "gauche" et "droite", c'est parce qu'ils me sont familiers, mais lorsque je dis "gauche", j'entends avant tout "anti-establishment" et lorsque je dis "droite", j'entends avant tout "pro-establishment". Certains hommes politiques prétendent être anti-establishment ou de gauche alors qu'ils servent des intérêts corporatistes et sont loin d'être de mon côté. Les gens ordinaires se disant de droite parce qu'ils croient en l'économie de marché, mais qui rejettent l'establishment et le fascisme, ne me dérangent pas.
Il y a une semaine, le Rassemblement national de Marine Le Pen était censé être en passe de remporter les élections françaises. Il y a une semaine, le parti travailliste de Starmer était censé obtenir 45 % des voix et le parti réformiste de Farage supposé obtenir 17 sièges.
La différence au Royaume-Uni est que le parti travailliste a cessé de faire campagne dans les sièges réformistes pour tout miser sur les Verts et le bloc Gaza. Il a essayé de stimuler l'extrême droite et de stopper la gauche, et il a lamentablement échoué. En France, le parti Ensemble de Macron a agi stratégiquement avec le nouveau Front populaire, en retirant des candidats dans des sièges clés afin de faire barrage au Rassemblement national.
Malgré tous les défauts des centristes français, ils semblent avoir fait preuve de bon sens au dernier moment. Je suis cependant sceptique quant au fait qu'ils adoptent soudainement des valeurs progressistes. Je soupçonne qu'ils craignaient que le Rassemblement national s'avère plus efficace pour punir les réfugiés et qu'ils perdent leur crédibilité dans l'ensemble de l'échiquier politique. En d'autres termes, ceci n'était que de l'opportunisme.
Nous avons tous vu comment les centristes traitent la gauche - il suffit de voir comment ils se sont acharnés sur Bernie Sanders pour avoir félicité Corbyn de sa victoire. Bernie a passé ces dernières années à se plier à l'establishment après des décennies passées en tant qu'indépendant, mais il n'en a pas été remercié. Lorsque les centristes accueillent les progressistes et les socialistes, ce n'est jamais pour coopérer avec eux, mais toujours pour les neutraliser. Ils seront tout aussi heureux de faire ce que Starmer a fait à Corbyn.
À ce stade, je ne sais pas si le fait de prétendre être progressiste est à la mode ou non, mais quoi qu'il en soit, ne tombez pas dans le piège des conneries. La seule chose qui intéresse les centristes, c'est le pouvoir - le chemin qui y mène n'a guère d'importance. Ils diront tout ce qu'ils pensent que les principaux électeurs veulent entendre, et c'est pourquoi ils sont si friands de groupes de discussion. Qui se soucie de ce que veut la majorité si quelques milliers d'électeurs dans les circonscriptions en mouvement veulent autre chose ?
Marine Le Pen a proposé de sauver la France en interdisant le hijab (ce qui est ironique car je pensais qu'elle voulait voir moins de visages musulmans), mais n'oublions pas que la mafia de Macron a infligé des amendes aux femmes portant le keffieh. Le Rassemblement national est tellement répugnant qu'une candidate a promis d'arrêter de faire des blagues racistes si elle était élue dans le Puy-de-Dôme. Mais Ensemble, le parti de Macron, n'est que le visage respectable de la xénophobie.
Ces deux partis s'adressent au plus petit dénominateur commun parce que ce sont deux formes de fascisme : l'un allant jusqu'au bout, l'autre n'allant pas plus loin qu'il n'est nécessaire. Ces personnes n'ont rien à dire sur les structures de pouvoir dans la société ni sur la façon dont elles sont à l'origine des privations et inégalités. Si nous pouvions entamer une conversation à ce sujet et mettre fin à la guerre culturelle, nous pourrions réellement améliorer la vie des gens.
Le Times a récemment titré : "Ne remplacez pas la guerre culturelle par une guerre des classes". Si vous menez une guerre culturelle d'un côté ou de l'autre, vous faites obstacle à la conscience de classe et êtes aux ordres de l'establishment. Au lieu de nous chamailler, parlons plutôt de nous organiser pour parvenir à un changement structurel, car cela ne sera pas facile.
L'alliance des partis du Nouveau Front populaire, dirigée par François Hollande (ndr : euh ...) et Jean-Luc Melenchelon, est aujourd'hui le groupe le plus important de la politique française, mais ne dispose pas d'assez de sièges pour former une majorité absolue. Cela pourrait poser des problèmes, mais quelle que soit la suite des événements, la nouvelle situation constitue une amélioration majeure.
Les électeurs français ont été de plus en plus déçus par la présidence de Macron et l'un des facteurs probables a été son coup de sabre sur la Russie. Les personnes qui brandissent des drapeaux ukrainiens, mais ne connaissent rien à l'Ukraine, peuvent penser que la Troisième Guerre mondiale semble notre meilleure option, mais ce n'est pas le cas de la majorité de l'opinion publique. L'apparente détermination de Macron à dresser deux puissances nucléaires l'une contre l'autre est un désaveu massif.
La gauche française se tient aux côtés du peuple ukrainien pour l'aider à parvenir à la paix et je dirais que les chances d'un accord de paix se sont considérablement accrues grâce à ce résultat.
Même s'il est facile de critiquer les électeurs français qui ont soutenu Le Pen, il ne faut pas oublier que beaucoup d'entre eux en ont simplement assez et n'ont pas vu de meilleure option. Mme Le Pen a au moins été assez intelligente pour comprendre que le fait de passer les jeunes Français au hachoir à viande n'était pas de nature à faire gagner des voix (ndr : là aussi, euh ...). Les centristes proposaient le pire des mondes : des heures de travail plus longues, un âge de la retraite plus avancé, moins de droits, plus de guerres et une répression violente des manifestations (ndr : tout comme Le Pen). Les gens regarderont inévitablement ailleurs lorsque de telles offres leur sont faites et il est regrettable que certains d'entre eux se trompent de direction.
Si le nouveau Front populaire répond aux attentes du peuple, de nombreux partisans de Mme Le Pen seront conquis, mais le succès sera loin d'être facile, car sans majorité, des compromis avec un parti que les deux tiers des Français détestent devront être trouvés. On ne peut pas attendre de miracles de cette situation.
La division en trois camps en France n'est pas très différente de celle en quatre camps au Royaume-Uni, mais dans notre système truqué, un parti a obtenu presque tous les sièges et les voix anti-establishment ont été marginalisées. Je suppose que les journalistes britanniques qui disaient que nous devrions nous intéresser aux préoccupations de la droite lorsque Farage n'avait aucun siège vont dire la même chose de la gauche, maintenant que nous avons neuf sièges, n'est-ce pas ?
L'ironie, c'est que les médias collaborent avec la droite lorsqu'il s'agit de ses boucs émissaires, comme les étrangers et les chômeurs, mais jamais lorsqu'il s'agit de répondre aux besoins matériels de la classe ouvrière. Sur ce plan, la gauche offre une bien meilleure représentation que la droite ne le fera jamais, mais nous ne pourrons les convaincre qu'en apportant des changements structurels et en les faisant fonctionner.
Les médias, bien sûr, veulent à tout prix que le nouveau gouvernement français échoue. Les journalistes britanniques parlent d'"instabilité" et de "chaos" après la défaite surprise de Mme Le Pen. Les manifestations de masse qui ont eu lieu dans toute la France n'ont pas été considérées comme du "chaos" et de l'"instabilité". Un parlement qui reflète fidèlement la société est bien pire qu'un parlement où le parti ayant obtenu 1/3 des voix obtient 2/3 des sièges. Les médias ne font même pas semblant de se soucier de la représentation politique, n'est-ce pas ?
On nous a dit que les réformistes obtiendraient beaucoup plus de sièges qu'ils n'en ont obtenu en réalité, et la possibilité que les Verts et les indépendants obtiennent des sièges a été à peine mentionnée. Les journalistes adorent créer des prophéties qui se réalisent d'elles-mêmes et que leur pouvoir s'amenuise doit les effrayer au plus haut point. Remercions Dieu pour les médias indépendants.
Je rêve désormais d'une coalition anti-establishment au Royaume-Uni pour mettre fin à notre système biaisé. Si vous pensez que les nouveaux partis ne peuvent pas gagner, pensez que le nouveau Front populaire a été mis sur pied il y a tout juste un mois. Certes, il s'agit d'une coalition de partis plutôt que d'une entité unique, mais c'est une nouvelle entité qui n'était pas censée gagner.
Avec le nouveau Front populaire et le bloc Gaza au Royaume-Uni, j'espère que nous pourrons changer le discours sur le génocide israélien et la politique nucléaire de la Russie et de la Chine. J'espère que nous parviendrons à un consensus sur le respect du droit international et des traités de paix, ce qui permettra de sauver de nombreuses vies. Bien entendu, la presse fera tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher que cela ne se produise.
Des indépendants comme Leanne Mohamed, qui a failli battre Wes Streeting à 500 voix près, ont déjà été effacés de la conversation. Il faut empêcher ces personnes de gagner du terrain parce que l'extrême droite et les sensibles se prétendant progressistes n'ont qu'une seule priorité : les intérêts des entreprises.
Les citoyens ouvrent les yeux et réalisent que les étiquettes "gauche" et "droite", aussi difficiles à éviter qu'elles soient, ne sont guère utiles. Le véritable combat oppose les 99 % aux 1 %.
Les années à venir seront une expérience instructive pour tous ceux qui pensent avoir gagné quelque chose avec la victoire de Starmer. Les personnes ayant passé huit ans à dire "sortez les Tories" (parce que la politique a commencé en 2016 avec le Brexit) sont très confuses maintenant que ces derniers sont sortis et que leurs politiques demeurent.
Ainsi, Liz Kendall nous dit déjà à quel point elle va baiser les personnes handicapées. Les centristes ne peuvent s'empêcher de révéler leur vrai visage, c'est pourquoi Tony Blair avertit Starmer de ne pas passer pour un "woke" et d'introduire des cartes d'identité pour arrêter les immigrés.
Yay, nous avons les Tories ou... Oh...
Le bloc Gaza offre un espoir parce qu'il s'agit essentiellement d'un parti sans étiquette. Il pourrait facilement devenir un véritable parti, avec les ressources et la coordination nécessaires pour avoir un impact beaucoup plus important si Corbyn est impliqué. Si les Verts et le Groupe de campagne socialiste pouvaient être tentés d'unir leurs forces à celles des indépendants et autres petits partis, nous pourrions avoir une quarantaine de députés du jour au lendemain. Nous pourrions constituer une force politique qui donnerait la priorité à la démocratisation, la paix et l'environnement. Notre système électoral ne fonctionne pas pour nous parce qu'il n'est pas censé le faire, mais nous avons encore une chance de changer cela.
Continuons à nous battre à l'instar des Français.
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5- ➤ Macron a dynamité la politique française
Même si Le Pen a été neutralisée, d'autres menaces planent.
Par Hugo Drochon, le 8 juillet 2024, UnHerd
"Vivre dangereusement", tel était le conseil de Nietzsche à ses disciples, ces "bons Européens", ces "législateurs de l'avenir". Il voulait qu'ils envoient leurs "navires sur des mers inexplorées", qu'ils "vivent en guerre" avec leurs pairs et avec eux-mêmes. C'est le secret, comme il l'a écrit dans Le Gai Savoir, "pour récolter de l'existence la plus grande fécondité et la plus grande jouissance" (Le secret pour récolter la plus grande fécondité, la plus grande jouissance de l'existence, consiste à vivre dangereusement).
Depuis qu'il a convoqué des élections anticipées le 9 juin, Emmanuel Macron vit dangereusement. Cette décision a été prise après que sa coalition centriste a été balayée en deuxième position par le Rassemblement national (RN), qui a obtenu plus du double des voix aux élections européennes. Aujourd'hui, alors qu'il apparaît clairement que la menace du RN a été neutralisée par une poussée inattendue de la gauche française, il semble que ce pari ait porté ses fruits.
Même si son parti Ensemble est relégué à la seconde place, les résultats peuvent certainement être interprétés comme une victoire partielle pour Macron - un homme politique, rappelons-le, qui a d'abord été élu pour faire face à la vague populiste d'extrême droite. En 2017, il a remporté la présidence française haut la main, battant Marine Le Pen par 66 % des voix contre 34 %. Cinq ans plus tard, il réitère l'exploit en recueillant 59 % des suffrages. En l'espace de deux mois, cependant, sa majorité absolue à l'Assemblée nationale, la chambre basse du Parlement français, s'est transformée en une majorité relative lors des élections législatives. L'année suivante, sa popularité commence à s'effriter, en grande partie à cause de deux projets de loi : l'un portant l'âge de la retraite de 62 à 64 ans, l'autre durcissant l'immigration.
La première a été adoptée par décret et la seconde avec l'aide de votes conservateurs et même d'extrême droite. Avant les résultats d'hier, certains craignaient qu'en essayant d'apaiser l'extrême droite, Macron ne l'ait enhardie. En effet, Jordan Bardella, le nouveau leader du Rassemblement national, a qualifié le projet de loi sur l'immigration de Macron de "victoire idéologique" pour son parti. Cela m'a rappelé une autre mise en garde de Nietzsche, cette fois dans Par-delà le bien et le mal : "Quiconque lutte contre des monstres devrait prendre garde dans le combat à ne pas devenir monstre lui-même. Et quant à celui qui scrute le fond de l'abysse, l'abysse le scrute à son tour". En adoptant les positions de l'extrême droite pour tenter de l'affronter, il semble bien que Macron soit en passe de devenir lui-même un monstre.
Isolé au sein de son propre parti, Macron semble avoir suivi le conseil de Nietzsche d'être "en guerre" avec ses pairs et avec lui-même. Hormis son cercle restreint, la plupart des membres de son parti ignoraient qu'il allait convoquer des élections anticipées - pas même son premier ministre en exercice, Gabriel Attal - les mettant dans une situation difficile. Son ancien premier ministre, Edouard Philippe, n'était pas non plus informé : un homme politique encore très populaire qui dirige une faction au sein du parti Ensemble. E. Philippe a déclaré que la décision de Macron de convoquer les élections signifiait la "fin du macronisme".
Tout le monde peut deviner la suite : avec un parlement sans majorité qui semble se profiler à l'horizon, soutenu par le Nouveau Front Populaire (NPF), nous nous trouvons dans les "mers inexplorées" que Nietzsche appelait dangereusement de ses vœux. Un gouvernement d'union nationale, regroupant le centre-gauche (les socialistes et les verts) et le centre-droit (les républicains), sera-t-il formé ? Bien que la formation de coalitions ait été une caractéristique des Troisième et Quatrième Républiques, la France n'a pas le savoir-faire politique nécessaire depuis que Charles de Gaulle a instauré la Cinquième République en 1958 avec une présidence forte.
Ce que nous savons, c'est que, bien qu'il n'ait pas perdu face au RN, Macron se trouve dans une position plus faible qu'avant les élections européennes. Alors que la présidence française, et donc Macron, conservera une main ferme sur les affaires extérieures, la politique étrangère du président français sera mise à mal. Macron a été en première ligne pour tenter de renforcer la puissance européenne face à l'agression russe, de faire en sorte que l'Europe "acquière une volonté unique", comme l'a écrit Nietzsche dans Par-delà le bien et le mal au sujet de "l'attitude menaçante" de la Russie et de la nécessité d'une Europe "tout aussi menaçante". Dans le même ordre d'idées, Macron a clairement indiqué qu'il était prêt à envoyer des troupes françaises au sol en Ukraine, au grand dam de ses alliés occidentaux, et a promis à Zelensky la livraison de missiles et d'avions français pour contribuer à l'effort de guerre. Jean-Luc Mélenchon, de la gauche, a quant à lui appelé à plusieurs reprises les États-Unis à ne pas "annexer l'Ukraine à l'OTAN". Pour lui, le rapprochement avec l'Ukraine n'est certainement pas une priorité.
Ainsi, Macron, qui dispose encore de trois années de présidence, pourrait bientôt se retrouver dans une nouvelle situation délicate. En définitive, c'est à ce moment-là qu'il sera jugé. Dans son Ecce Homo semi-autobiographique, Nietzsche écrivait :
"Je connais ma destinée. Un jour s’attachera à mon nom le souvenir de quelque chose de formidable, - le souvenir d’une crise comme il n’y en eut jamais sur terre, le souvenir de la plus profonde collision des consciences, le souvenir d’un jugement prononcé contre tout ce qui jusqu’à présent a été cru, exigé, sanctifié. Je ne suis pas un homme, je suis de la dynamite."
Le nom de Macron, bien sûr, n'est peut-être pas "associé au souvenir de quelque chose de formidable". Mais il est juste de dire que, depuis son arrivée au pouvoir en 2017, il a dynamité le système politique français, mettant fin à la domination des anciens partis socialiste et républicain. Peu après avoir dissous le parlement, il a déclaré : "J'ai jeté ma grenade dégoupillée sous leurs jambes. Voyons maintenant comment ils s'en sortent". Si Macron a fait exploser le système politique français, nous saurons bientôt s'il s'est fait exploser lui-même dans le processus.
Hugo Drochon est historien et auteur de "La grande politique de Nietzsche".
📰 https://unherd.com/2024/07/macron-has-dynamited-french-politics/
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